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Dégustation samedi 12 août

Allemagne, Autriche, Grèce et Corse.

Vins blancs, secs, issus du millésime 2022.

riesling, vermentinu, chardonnay, sauvignon, pinot blanc, silvaner, grüner veltliner, assyrtiko, scheurebe.

taux d’alcool moyen: 12,2%.

Les vins participants sont ici.

Commandes jusqu’au mardi 15 août inclus.

A vous de jouer !

Allemagne Alsace Aupilhac Autriche Beaujolais Belgique biodynamie Bordeaux Bourgogne chardonnay colis Corse Côtes du Rhône dégustation Eric Janin Espagne Fleurie Franken Galice grenache Italie Jura La Chevalerie Lafage La Madone/Gilles Bonnefoy Le Pas de l'Escalette Le Roc des Anges Lilian Bauchet Loire Marcel Lapierre Muscadet Mâconnais Niepoort Pas de l'Escalette Paul-Henri Thillardon Pellé Pignier pinot gris pinot noir Portugal Raul Perez Rheingau riesling Rioja volcan

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Voici pourquoi venir samedi

Introduction un peu rigolote

Coucou,

Oui, j’ai rassemblé une flopée de chouettes bouteilles, toutes susceptibles d’ajouter un peu de valeur à vos déjeuners champêtres et à vos dîners festifs de cet été 2023. Ce rassemblement de flacons a eu lieu en avril et en mai, avant la chute du ciel sur ma pauvre tête ou, mieux décrit, avant que je ne dégringole des escaliers le 21 mai, avec une colonne vertébrale fort amochée comme conséquence douloureuse.

Merci, je vais mieux, assez bien en tous cas pour vous proposer cette dégustation ce samedi 01 juillet, avec l’espoir de vous attirer en mes quartiers berchemois, avec vue sur prairie et sur moutons qui broutent ladite prairie. Il fera plutôt beau et pas trop chaud, ce qui convient bien à l’exercice proposé.

Mes intentions sont pures, presqu’angéliques, il s’agit de partager, de comparer, de discourir, de rire, bref de vivre agréablement, un verre à la main (pas loin d’un crachoir, ce qui peut, en particulier lors du quinzième vin, se révéler utile) et les sens aux aguets.

Donc, pourquoi venir à cette dégustation ? Outre le fait de venir me dire bonjour, il y aura 15 vins pour rendre hommage à la diversité du vignoble européen, sans tomber dans les pièges tendus par de vils Rastapopoulos, toujours prêts à raconter n’importe quoi pour écouler leurs pinards, en dépit du bon sens.

A propos de bon sens, jetez un œil à un article paru dans So Soir, le supplément publirédactionnel du journal Le Soir, écrit avec les pieds et avec un goût pour l’information exacte qui ne cesse de m’impressionner.

Ce coup-ci, c’est “Quel est l’alcool le moins calorique à siroter en terrasse ?”. D’abord, j’adore les articles dont le titre se clôt via un point d’interrogation. Mais soit. Voici donc la science telle que scribouillée par l’autrice du susmentionné papier: “Il suffit de retenir une chose: moins la teneur en alcool est élevée, moins la boisson contient de sucre et donc, moins elle est calorique”.

Non. Non, non et non. Quel charabia. Ce n’est pourtant pas compliqué: pour définir la charge calorique d’une boisson alcoolisée, il faut totaliser les calories apportées par le sucre et celles apportées par l’alcool. Un vin moelleux avec un degré alcoolique très faible (10%) peut ainsi se révéler plus calorique qu’un vin sec à 13%.

On continue: prétendre que le Champagne serait par nature moins calorique que le vin est une ânerie ou un fait alternatif propagé avec habileté par les ambassadeurs de la boisson qui bulle. Les règles sont les mêmes pour toutes les boissons, un gramme d’alcool dans une flûte pèse le même nombre de calories que ce même gramme d’alcool dans un verre à vin. Bien sûr -et vive la désinformation !- si on compare 8 centilitres de Champagne à 12 centilitres de vin, le verre de vin sera sans surprise le plus calorique.

Je note également que le rhum serait presque deux fois plus calorique que le whisky. Me voici hors de ma zone de confort, mais, franchement, cela vous paraît crédible ? N’hésitez pas à m’éclairer sur le sujet.

Mais voilà que je digresse sans fin et que je perds le lecteur pressé qui s’attendait à ce que je lui parle des vins en dégustation ce samedi. Nous y voilà.

Les vins en dégustation

Tous les vins en dégustation sont rassemblés ici

Les vins blancs

A propos de Rastapopoulos, on commence par Atma 2022, une nouveauté dans la gamme du Domaine Thymiopoulos (Macédoine, en Grèce septentrionale), grand spécialiste du cépage noir xinomavro.

Atma est pourtant un vin blanc, assemblage du rare cépage local malagousia et du xinomavro vinifié comme un vin blanc, en évitant de laisser les peaux des raisins en contact avec le jus de ces mêmes raisins. Cela demande du doigté et de la maîtrise. Vin aromatique, frais et joyeux, idéal à l’apéro. Léger en alcool (12%), original sans être exotique.

Voici un nouveau Domaine dans le centre de la France, entre Loire et Massif Central, Les Bérioles, avec deux vins: Trésaille et Aurence. Trésaille est un 100% …tressallier, cépage autochtone du nord du Massif Central. Remarquez le cépage prend deux “s” et que le nom de la cuvée n’en prend qu’un. Comme il est élaboré sans 50%+ de chardonnay, il n’a pas droit à l’appellation St-Pourçain. Terroir calcaire, élevage sans bois, léger en alcool (12,5%). Vin bio. Nez aromatique: abricot puis agrumes, épicé, une touche de fenouil. Bouche dotée d’une belle colonne vertébrale acide (aucune allusion à mes soucis de santé), avec de la longueur.

Aurence est en appellation St-Pourçain, grâce à l’assemblage du chardonnay et du tressallier. Terroir calcaire, élevage sans bois, léger en alcool (12,5%). Vin bio. Le nez est citronné, la bouche dense, salivante et précise. Peut se faire passer pour un beau Bourgogne (sans la présence du boisé).

Direction la Corse, au Domaine Yves Leccia, pour un assemblage de 60% vermentinu et 40% biancu gentile. Elevage sans bois. Nez sur l’orange. Bouche agréablement sudiste, confortable et intense. L’alcool ne marque pas le vin, il joue son rôle en arrière-plan. L’équilibre est obtenu par une conjonction d’acidité et de légère amertume, classique avec le cépage vermentinu.

Le Domaine Pignier fait partie de l’élite du Jura, tout en pratiquant des tarifs qui ne sont pas ceux des stars de la région (suivez mon regard). Voici l’étonnante cuvée GPS, assemblage complexe de chardonnay, poulsard et savagnin, avec une pincée de “vieux cépages” dont nous ne saurons rien de plus. Vinification sans soufre ajouté. Vin biodynamique Demeter. Il ne s’agit pas d’un vin de type oxydatif. Couleur tirant sur le laiton. Grande finesse et élégance du nez, avec des arômes du verger (pomme et poire).

La bouche est saline, fraîche, avec une acidité traçante jusqu’à une finale nette, sèche et précise. Grande longueur. Je suis toujours aussi impressionné par la gestion du bouleversement climatique: en 2018, les vins de Pignier étaient devenus massifs, presque lourds, avec un alcool élevé. Le Domaine a réagi avec détermination et célérité. Les millésimes récents ont retrouvé un équilibre beaucoup plus digeste (12,5%). Bravo !

On conclut la dégustation des vins blancs en franchissant les Pyrénées, jusqu’au sud de la Catalogne, en appellation Priorat. Nous sommes au Mas d’en Gil, domaine phare de cette région passionnante. Ce Bellmunt blanc est décrit par le Domaine (qui ne manque jamais d’humour grâce à la vigneronne Marta Rovira) comme: A wine to be drunk for breakfast, lunch and dinner. Je n’irais pas jusqu’au petit déjeuner, mais voilà en effet un vin gastronomique capable de s’adapter à moult situations différentes. Assemblage de grenache blanc et d’un peu de viognier, plutôt jeunes vignes (plantées en 2000 et 2008), sur terroir de schiste, peu chargé en alcool (13,5%) en comparaison de la plupart des Priorat. C’est officiellement l’entrée de gamme, mais au niveau de vins bien plus chers. Vin bio. A titre personnel, j’attendrai 2024 pour déboucher ma première bouteille.

Les vins rosés

Une fois n’est pas coutume, deux rosés en dégustation. Si on ne le fait pas le 01 juillet, …on ne le fait jamais.

D’abord Miraflors 2022, du Domaine Lafage en Roussillon. Année après année, la meilleure vente d’Anthocyane. Quel que soit le millésime, le couple Lafage se débrouille pour présenter un produit sec, frais, polymorphe, facile sans être simpliste, léger en alcool (12,5%), d’un prix fort raisonnable et habillé par une bouteille si élégante qu’il est difficile de la jeter: chez moi, elle fait office de carafe d’eau.

Vais-je tenter de vous vendre un rosé allemand, élaboré par un domaine qui porte un nom anglais ? Oui. Avec beaucoup de conviction. Je sais que ce n’est pas gagné, mais je me sens pleinement sur mon terrain et donc je m’obstine. La Shelter Winery est un grand spécialiste du pinot noir. On se situe en Baden, près du Kaiserstuhl, à un carreau d’arbalète de l’Alsace.

Rosé de Noir 2022 est peu coloré, avec un nez de fraise. Quelle élégance ! Ce n’est pas un vin pour barbecue ! Mais quelle belle source pour créer des accords gastronomiques estivaux et raffinés. C’est un très beau pinot noir qui est également un vin rosé. Techniquement, il s’agit d’une saignée, réalisée sur l’ensemble de toutes les cuves du Domaine.

Les vins rouges

Le premier rouge permet un passage tout en douceur entre rosé et rouge, ni vu ni connu ! Les Maiols est un vin rouge, mais de rouge vraiment très clair. Ou alors rosé foncé. Enfin, chacun fera son choix.

On est en Catalogne, au Domaine Joan d’Anguera.

Jeunes vignes de grenache, plantées entre 2012 et 2017. Géologie calcaire et sablo-calcaire. Biodynamie, non revendiquée sur l’étiquette. Vendanges manuelles. Du soufre, mais très très peu. Levures indigènes. Elevage en cuve béton (9 mois) et en barriques usagées (3 mois). Ce sont les jeunes vignes de la parcelle qui fournit les raisins pour la cuvée Altaroses.

Projet parallèle des frères Joan et Josep, à côté de leurs grands vins, en appellation Montsant. Nouvelle cuvée. Esprit rock ‘n’ roll sans fausses notes ni dissonances.

Nez fin, sans exubérance. Attaque légère et délicate. Plus de poids en milieu de bouche. Un petit côté salivant qui donne du peps à la finale. Sans verser dans les clichés, un très bon vin pour le jardin et l’été ! Peut se servir frais.

Tant qu’à explorer les multiples identités du grenache contemporain, remontons vers le Languedoc, jusqu’au Domaine Magellan. Cette cuvée astucieusement dénommée Le Grenache fait dans la simplicité directe et sans fioritures. Cela ne fera pas les titres de la presse spécialisée, mais c’est équilibré, plein, charmant, juteux, fruité. Un peu de fraise, un peu d’orange sanguine. Et le prix est excellent. Et c’est bio. Et c’est élevé sans bois. Et ce sont de vieilles vignes, plantées dans un terroir sableux. Cela peut sembler contre-intuitif, mais les terroirs de sable donnent régulièrement des vins de grande finesse.

En 2021, les circonstances du millésime ne se prêtaient vraiment pas à la production des Raisins Gaulois, le p’tit Beaujolais festif du Domaine Marcel Lapierre. Notre patience est pleinement récompensée par l’arrivée de ce 2022. L’incarnation d’une gouleyance ? C’est léger en matière comme en alcool, c’est désaltérant, ça coule avec une déconcertante facilité. C’est bien entendu du pur gamay, sans élevage boisé. Et puis, quand on s’arrête un instant, on s rend compte qu’il y a aussi un joli fond et un peu de glycérine. Oubliez le pour accompagner l’entrecôte, mais tentez des accords pour lesquels le premier réflexe nous conduit à choisir un vin blanc.

Ne stockez pas en perspective de l’été 2024, c’est fait pour avoir été bu avant que 2023 ne nous quitte.

Moyenne d’âge des vignes: 15 ans. Géologie granitique, vendanges manuelles. Vignes cultivées sans engrais ni désherbant chimique. Légèrement sulfité uniquement à la mise en bouteilles, comme le Morgon “S” de ce même Domaine Lapierre. Tant que j’y pense ce Morgon 2022 est disponible dès maintenant.

Le 29 avril, j’avais placé sur le bar une cuvée assez bluffante, en provenance du sud-ouest de la Corse, d’une grande délicatesse: Rosumarinu. Je pense que 90% de ceux qui l’ont goûté en ont acheté. Cela n’est pas si courant, ce vin se débrouille super bien pour plaire à des amateurs aux goûts hétérogènes.

Le Domaine Sant Armettu a d’autres atouts dans sa manche: ce Mino (ce mot corse peut se traduire par “petit”) constitue l’entrée de gamme, mais, au vu de la qualité, j’ai un peu de mal à le désigner de cette façon. C’est un assemblage de sciaccarellu et de niellucciu, le premier apportant la finesse et l’aromatique, le second se chargeant de la fraîcheur et de la structure tannique. A ce stade de son développement, le sciaccarellu s’impose dans l’équilibre. on goûte des épices, du poivre, de la cannelle. je me risquerais bien à les rapprocher d’un vin de Toscane. Le vin est plutôt concentré, il est juteux et précis. En français contemporain: il est d’une grande buvabilité. Elevage en inox (pas de bois). C’est bio.

Et voici le classique entre les classiques: Les Sorcières du Clos des Fées 2022. On peut être décontenancé par la faconde para-narcissique du vigneron, mais difficile -même en cherchant beaucoup- de trouver un défaut à cette incarnation du bon vin rouge universel, assemblage bien dosé de cépages du grand sud, avec beaucoup de syrah. Ceux d’entre vous qui me connaissent bien savent ma méfiance pour les syrah du Languedoc et du Roussillon: elles manquent souvent de finesse aromatique, la syrah donnant l’impression d’avoir été brûlée par l’implacable soleil. Eh bien, ces Sorcières évitent allègrement ce piège classique ! Cerise sur le gâteau: la maîtrise de l’alcool malgré le chaud millésime (13,5%).

On termine avec deux vins plus puissants, avec du muscle et de la présence. D’abord, une nouveauté: le Domaine Gassier en appellation Costières de Nîmes.

Costières de Nîmes est cette appellation dont on se demande toujours si elle fait partie du Languedoc ou du Rhône. Située entre Nîmes et Arles, selon un axe nord-est, sud-ouest, c’est bien une appellation rhodanienne. Le Domaine se situe dans le village de Caissargues, à un kilomètre du Château de Nages.

Nostre Païs provient d’un terroir de galets roulés, comparable à celui de Châteauneuf-du-Pape. Assemblage classiquement dominé par le grenache: la présence du mourvèdre et de la syrah lui confèrent de la structure. Nez aromatique, friand, frétillant. Bouche riche et confortable, soutenue par une acidité de bon aloi. Cerise et poivre. Minéralité (graphite).

Enfin, nous clôturons en rouge comme nous l’avons fait en blanc: Mas d’en Gil Priorat Bellmunt 2019. En effet, 2019: c’est bien le millésime actuellement à la vente au Domaine. D’abord élevage de 10 mois en fûts, ensuite élevage en bouteilles avant commercialisation.

Assemblage très traditionnel, c’est-à-dire uniquement grenache et carignan. Ni syrah, ni cabernet sauvignon. Vignes sur schiste, plantées entre 1994 et 1998.

Vin évidemment puissant qui doit être apprivoisé avant dégustation: offrez lui soit la carafe, soit un peu de temps dans votre cave. Je souligne volontiers que le prix, même s’il se situe au-delà des vingt euros, est très raisonnable, dans le contexte de Priorat, appellation suscitant une forte demande mondiale.

Conclusion (qui va de soi)

On se voit samedi ? Que vous veniez ou pas, je prends les commandes jusqu’au mardi 04 juillet inclus, de préférence via le magasin en ligne.

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Oyez, oyez, demandez le programme !

samedi 29 avril: dégustation d’une quinzaine de très bons vins

Je me réjouis de partager une série de vins que j’ai eu l’occasion de goûter moi-même pour la plupart en mars et en avril. Beaucoup de vins ont été éliminés pour cause de banalité, de déséquilibre ou de rapport qualité/prix peu excitant. Restent donc ceux qui sont sortis vainqueurs de mes dégustations récentes: ils ont successivement convaincu leur importateur, puis votre serviteur.

Je privilégie la diversité: domaines encore peu connus, destinations exotiques, nouveau millésime ou nouvelle cuvée issus de domaines que j’apprécie -que vous appréciez- depuis longtemps et vrais classiques.

Mon goût personnel m’oriente en priorité vers les vins élégants, pas trop chargés en alcool et peu marqués par leur élevage. Je m’intéresse à la complexité (multiplicité des arômes), à la longueur (persistance en bouche), à l’équilibre (harmonie entre les goûts), à l’intensité (concentration et énergie) et à la spécificité (originalité, personnalité). Si vous souhaitez mieux connaître ma grille de lecture du vin, j’y ai consacré une explication détaillée.

Et donc, quel programme ? Doublettes !

Pour la première fois, voici deux vins en provenance de Chypre, plus précisément du Domaine Kyperounda. D’accord, c’est vachement exotique, mais la presse spécialisée s’accorde pour affirmer qu’il s’agit du meilleur Domaine de l’île. Caractéristiques: un vignoble en haute altitude (plus de 1.300 mètres) et le cépage xynisteri que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

Après l’Europe presqu’asiatique, voici l’Europe presque belge, puisque je vous propose deux vins lorrains, en appellation Côtes de Toul, issus d’un cool climate: tant l’auxerrois (blanc sec) que le pinot noir offrent délicatesse et jolie concentration. Avant le déferlement du phylloxéra, la Lorraine comptait des milliers d’hectares de vignes. Au milieu du 20ième siècle, il en restait …150 hectares. Le Domaine Vosgien fait partie d’une petite élite bien décidée à redorer le blason de la région, en blanc comme en rouge.

Ah, voici un domaine que je suis depuis bientôt 10 ans: le Domaine de La Madone, en appellation Côtes du Forez, entre Lyon, Roanne et les contreforts du Massif Central. Le Gamay sur Volcan est une valeur sûre, et je choisis cette fois de faire goûter également le Gamay sur Granit, encore appelé Dacite. Juteux, souriant, frais, top. Le Domaine travaille en biodynamie et n’utilise le soufre qu’en quantités minimales.

Une autre excursion exotique, vers la plaine de la Bekaa, au Liban. Comme pour les deux Chypriotes cités ci-dessus, il s’agit d’un vin de haute altitude (1.400 mètres), 100% issu du cépage cinsault. Peu de couleur et beaucoup d’arômes. Pas de tannins et une vraie personnalité. Ne ressemble pas aux cinsault français: le Domaine Terre Joie incarne le cinsault libanais. Pour le vérifier, voici Ze Cinsault du Domaine du Pas de l’Escalette en millésime 2020: il porte avec panache un profil qui peut sembler chaud (15%). Or, non, ce qui frappe c’est une combinaison gagnante entre finesse et fraîcheur, qui repose sur des petits tannins de qualité.

Je ne résiste pas à placer dans la dégustation le pinot noir 2020 du Domaine Knab. On est en Allemagne, à quelques kilomètres de la frontière avec l’Alsace. Le millésime 2019 a connu un grand succès -largement mérité- et ce nouveau millésime me semble confirmer les qualités du précédent. Si vous aimez jouer, glissez ce vin “à l’aveugle” au milieu d’une série de Bourgognes de belle qualité …et puis appréciez les commentaires des dégustateurs ! Les vieilles vignes, le terroir volcanique, l’élevage intelligent composent ensemble un tableau de toute beauté. Voyons également ce que ce même Domaine est capable de faire avec ses vieilles vignes de chardonnay. Ce 2021 pousse le dégustateur à éviter tout jugement à l’emporte-pièce: ce blanc peu boisé fait dans la nuance, c’est un discret qui murmure plus qu’il ne crie. Mais quel joli murmure ! Prenez le temps de l’apprécier.

Coïncidence heureuse: deux importateurs m’ont proposé chacun un Domaine de Corse: Yves Leccia d’une part, Sant Armettu d’autre part. Le nord et le sud de l’île, Patrimonio face à Sartène. E Croce 2020 est élaboré avec du nielluccio, le nom local du sangiovese italien que l’on retrouve entre autres en Chianti et en Brunello. Ce vin présente une couleur assez pâle, un nez fin et subtil. En bouche, c’est un vrai vin du sud, mais sans donner à l’alcool un rôle inopportun. Bons tannins qui doivent encore se fondre. Rosumarinu 2022 présente une robe encore plus claire et un nez aérien, pur et délicat. La bouche est fraîche et infusée, presque sans présence tannique: c’est un 100% sciaccarellu, un cépage que l’on compare régulièrement au pinot noir.

On se projette vers le nord, pour se retrouver en Loire occidentale. D’abord en pays nantais avec la Folle Blanche 2022 du Domaine Luneau-Papin: ce cépage, souvent dédaigné, est capable du meilleur lorsque ses rendements sont limités. Un parfait compagnon pour les fruits de mer et un tout aussi sympathique apéritif. Puis en Anjou pour découvrir une nouvelle cuvée du Clos de Galerne, Domaine jeune mais très prometteur. Ce Ronceray 2021 est élaboré avec des parcelles traditionnelement dévolues à l’élaboration de vins liquoreux (Chaume premier cru et Quarts-de-Chaume grand cru): le vigneron, Cédric Bourez, vinifie ces raisins en sec et crée un vin de feu et de sel !

Et pour finir en apothéose, Château Le Puy Emilien 2020, un Bordeaux de style traditionnel. Cela ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais je suis convaincu que certains amateurs en seront fous ! Une expression du merlot qui évoque un monde franchement “pré-parkérien”: si vous aimez le Bordeaux tel qu’on le fait généralement aujourd’hui, avec beaucoup de tout (couleur, alcool, boisé, euros, …), je vais vous perturber en vous confrontant à l’antithèse de ce qui précède. Emilien est plein d’arômes de fruits rouges, avec quelques nuances forestières. Les tannins sont veloutés, il y a beaucoup d’énergie ! C’est prêt à boire, mais peut se conserver au moins 20 ans.

Vous êtes les bienvenus ce samedi 29 avril, à partir de 10 heures. Il n’est évidemment pas nécessaire de participer à la dégustation pour commander les vins qui y sont présentés.

Nous aimons tous avoir le choix, mais nous n’aimons pas forcément choisir. C’est un paradoxe qu’il est facile de contourner: sur base de l’information que vous me transmettez, je me charge avec plaisir de vous soumettre une proposition personnalisée. Vous ne m’ennuyez pas, vous me faites plaisir !

Je rassemble toutes les commandes le mardi 02 mai, en fin de journée. Vous pouvez passer votre commande via le magasin en ligne ou via e-mail (en mentionnant la référence du vin, pour éviter tout éventuel malentendu).

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Le voyage en Rioja (jour 4): Roda

Si vous êtes allés à la Rioja Alta et/ou chez Lopez de Heredia, trouver le Domaine Roda est extrêmement simple: c’est juste à côté, dans le quartier de la gare. Paradoxe: Roda est un domaine de style moderne, créé dans les années ’80 du siècle dernier. Le premier millésime est 1992.

L’architecture impressionne: une véritable cathédrale contemporaine, dédiée au vin. Tout a été minutieusement réfléchi. Le lieu est la traduction d’une vision, d’une volonté de faire plus que très bien.

Difficile d’ignorer où nous sommes…

Nous sommes reçus par Edurne Ereña Aparicio: elle nous guidera avec grande compétence entre les foudres et les barriques, dans les caves souterraines et jusqu’aux rives de l’Ebre. Elle passe de l’anglais au français avec une confondante facilité. Elle a un vrai talent de narratrice et sait capter l’attention, tout en gardant un œil sur la montre. Bravo !

Monumental, immaculé, esthétique…
Edurne, notre hôtesse et les 6 vins dégustés chez Roda. La petite bouteille au centre, c’est l’huile d’olive…

Nous goûtons toute la gamme des vins rouges, ceux de la Rioja mais aussi ceux en provenance de la Ribera del Duero.

Sela est une entrée de gamme très réussie: un vin certes facile à boire, mais capable de bien se tenir lorsqu’on le goûte à nouveau, après les grandes cuvées. Roda est la cuvée “fruits rouges”, Roda I est la cuvée “fruits noirs”. Il n’y a pas de parcelles dédiées à l’un ou l’autre vin, tout dépend des conditions climatiques du millésime.

Nous avons l’opportunité de goûter Cirsion, cuvée super-luxueuse dont le prix est totalement dissuasif. C’est très bon (…heureusement…), mais, à ce stade, je ne perçois pas la valeur ajoutée par rapport à Roda et Roda I qui m’enchantent par la précision et la délicatesse de leur matière. Oh bien sûr ce sont des vins puissants, bardés de tannins et construits pour la garde, mais je suis très agréablement surpris par l’équilibre plutôt frais de ces deux vins. On a l’impression que Roda évolue vers “toujours mieux” en remplacement bienvenu de l’ancien “toujours plus”.

source: site Internet du Domaine

Roda, c’est aussi le Domaine La Horra en Ribera del Duero. Je m’attendais à des vins marqués par l’extraction, par un boisé généreux et par un alcool chaleureux. Surprise à nouveau: Corimbo et Corimbo I sont des vins plus classiques et plus abordables que je ne me l’imaginais. L’écart qualitatif entre ces deux cuvées me paraît plus important que pour les cuvées Roda. Autrement dit, Corimbo I est magnifique !

Anthocyane propose 4 cuvées du Domaine Roda: Sela 2020 (€ 22), Roda Reserva 2019 (€ 36), Roda I Reserva 2018 (€ 57,50), Corimbo I Reserva 2016 (€ 54)

Difficile de ne pas rajouter un paragraphe relatif au restaurant où nous avons dîné samedi soir: La Vieja Bodega à Casalarreina. Le lieu est très grand, dans un style rustique de bon aloi. On y mange une cuisine régionale goûteuse et copieuse. Même les desserts sont réussis ! Le sommelier est un vrai passionné: nous nous comprenons, même si son anglais est à peu près aussi mauvais que notre espagnol.

Evidemment, il faut se plonger dans la carte des vins, collection de diamants facturés au prix du charbon. On n’en croit pas ses yeux ! Et nous avons fini la soirée dans les anciennes caves qui se situent en dessous du restaurant, à grande profondeur.

Nous y avons (entre autres…) goûté ces deux vins-ci:

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Le voyage en Rioja (jour 3): la modernité

Petit déjeuner à 08h00, les moteurs tournent à 08h30 tapantes: nous avons rendez-vous dès 09h00 et il faut rouler vers l’est, vers le village de Baños de Ebro, là où se niche le Domaine Artuke.

Voici Artuke: c’est évidemment moins impressionnant que les Domaines sis à Haro.

Lorsque Arturo de Miguel (le vigneron) apparaît, il propose immédiatement de nous rendre dans les vignes: excellente idée ! En quelques minutes nous arrivons à la parcelle Finca de Los Locos, un vignoble d’altitude (550 mètres) qui doit son nom au fait que les vignerons de la vallée ne comprennent pas pourquoi il faut aller si loin pour faire pousser la vigne. L’explication est pourtant simple: la géologie permet de faire de bien meilleurs vins ici ! Et les rendements sont moindres. Une large majorité de tempranillo, mais aussi du graciano et de la viura. Le vin de cette parcelle en porte le nom.

Arturo explique avec force que c’est la parcelle qui compte, pas le strict respect des élevages traditionnels. Chez Artuke, aucune bouteille ne porte les mentions crianza, reserva, gran reserva. Donc plus de liberté pour adapter l’élevage aux caractéristiques de la parcelle et du millésime.

Finca de Los Locos: il faut être fou pour entretenir cette parcelle très éloignée du village, où les rendements sont faibles. C’est bien pour cela qu’elle intéresse Arturo !

A noter que nous sommes ici en Rioja alavesa, c’est-à-dire en Pays Basque. Essayons de ne pas heurter une éventuelle susceptibilité…

Le Domaine, créé par les parents d’Arturo en 1991, s’étend sur 22 hectares et 32 parcelles, disséminées sur quatre villages.

La gamme se compose de sept vins. Nous allons tous les goûter sur le millésime 2021 (avec une exception 2022 pour le petit dernier). Pies Negros est un vin d’assemblage de plusieurs parcelles. On se rend rapidement compte que l’approche est bourguignonne (vin régional, vin de village, 1er cru, grand cru) même si Arturo insiste pour ne pas entretenir la confusion: avec du tempranillo, on ne fera jamais du pinot noir.

On peut risquer ici une comparaison avec l’évolution en Allemagne: de plus en plus, les vins d’élevage font place aux sélections parcellaires.

Les crus sont remarquables, avec de mon point de vue, un fort coup de cœur sur Paso Las Mañas, vin concentré, frais et épicé, avec des arômes de cerise et de framboise. La parcelle se situe à 720 mètres, sur le territoire de la commune de Samaniego. Le boisé (français) est discret.

Nous nous apprêtons à goûter le cru El Escolladero (vivement le Coravin qui permet d’avoir accès à ce vin sans retirer le bouchon).

Tim Atkin est un journaliste britannique considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de la Rioja. Il publie chaque année un rapport consacré à la région. La version 2023 vient de paraître : 218 pages d’information approfondie.

Le seul vin auquel il accorde la note de 100/100 est La Condenada 2020 du Domaine Artuke: une belle récompense pour le travail fourni !

La Condenada, dans le petit village de Baños de Ebro, est une des parcelles les plus spectaculaires de la Rioja. Ce vignoble, planté en 1920, contient 80% de tempranillo + graciano, grenache et palomino. Le terroir, à dominante de sable, se situe à 560 mètres d’altitude. La vigne doit son nom de condenada (condamnée) au fait qu’elle a été sauvée de l’oubli par les “frères Artuke”. Le vin est élevé en barriques de 600 litres, pendant 14 mois. Les quantités produites sont extrêmement limitées, le prix …

Les deux parcelles « grand cru » (cette qualification est officieuse) et la nouvelle cuvée de blanc, une première pour le Domaine.

La cuvée d’entrée de gamme s’appelle simplement Artuke et elle est élaborée en macération carbonique, selon une ancienne tradition locale (avec foulage aux pieds, en lagar). Cette cuvée ne passe pas par le bois et se caractérise par un fruité frais et éclatant. Le rapport qualité/prix est ébouriffant ! Epoustouflant ! Excellent ! Cela fait longtemps qu’Anthocyane la propose et ce n’est pas cette dégustation du millésime 2022 qui va me faire changer d’avis, que du contraire !

Arturo, devant le petit panneau abra (asociacion de bodegas de la Rioja alavesa): la spécificité basque est de plus en plus mise en avant.

Anthocyane vous propose 5 cuvées du Domaine Artuke: d’abord, Artuke 2021 (€ 11) et Artuke 2022 (€ 11,50). Ensuite Pies Negros 2021 (€ 17,50), Finca de Los Locos 2020 (€ 26) et Paso Las Mañas 2020 (€ 31,50).

Quelques kilomètres vers le nord suffisent pour rejoindre le village de Samaniego (Pays Basque) et le Domaine Remirez de Ganuza. Le Domaine se situe en plein cœur du village, tout près d’une église fortifiée.

Ambiance un peu sévère, aux pieds de l’église fortifiée.
Le ciel menaçant se révèlera n’être qu’une fausse alerte.

Nous sommes reçus par Leyre Martinez, laquelle ne manque pas d’un certain humour, en particulier pour raconter les déboires des premiers millésimes produits par le Domaine, à la fin du 20ième siècle: pour faire court, elle nous dit avec un petit sourire que ce n’était pas très bon (voire…). Comme quoi, il faut commencer par apprendre.

pas si courants: des tonneaux de type “cigare”, dans un chai immaculé.

Entre les barriques (attention à l’indigestion, trop de barrique tue la barrique) on découvre des objets aussi ronds que curieux: je ne me souviens pas d’avoir vu ailleurs des wineglobes, sphères de verre, contenants alternatifs pour l’élevage. Cela ressemble à ceci:

Puisque le vin vieillira de toute façon dans des bouteilles en verre, utilisons le même matériau pour l’élevage initial.
source: site Internet de Wineglobe

Nous dégustons 4 vins: le Blanco Reserva 2020, Viña Coqueta 2014, Remirez de Ganuza Reserva 2015 et Trasnocho 2016.

La gamme se révèle diverse et brillante: très beau blanc Reserva (pas très loin du niveau de la cuvée Gran Reserva dégustée chez Nublo), Viña Coqueta m’évoque -je ne sais pourquoi- un Madiran, puis le classicisme incarné par la cuvée Reserva (LE grand Rioja tel qu’on l’imagine) et enfin le concept Trasnocho, vin d’une nuit, concentré de fruit tout en exubérance.

Après un déjeuner dans un lieu légèrement surréaliste (un luxe manifestement financé par l’Union Européenne et par une branche de la famille Rothschild), nous poursuivons vers l’ouest en direction du village de San Vicente de la Sonsierra (nous sommes de retour en Rioja Alta). Nous voici chez Abel Mendoza et Maite Fernandez. Ce couple incarne le renouveau de la Rioja, la volonté de rendre la primauté à la parcelle et à la viticulture. Selon l’adage: “on peut faire du mauvais vin avec de bons raisins, mais on ne peut pas faire du bon vin avec de mauvais raisins”.

La place centrale de San Vicente: c’est calme, très calme…
Domaine fondé en 1988

Maite nous reçoit avec beaucoup de gentillesse: on est frappé par la modestie du propos, alors que nombreux sont les vignerons qui expriment un immense respect pour le travail fourni par ce Domaine.

La gamme est large alors que la superficie totale du vignoble ne dépasse pas les 20 hectares. Traduction: le volume par cuvée est très faible. Si j’ai correctement compté, le Domaine propose en blanc… 7 cuvées différentes ! Et les rouges ne sont pas en reste. Maite expérimente avec le vin orange, avec une cuvée sans soufre, etc…

Les vins que nous avons dégustés, complétés par la cuvée Las Sepulturas, uniquement disponible chez l’importateur belge.

J’ai en particulier gardé le souvenir de la cuvée Seleccion Personal, 100% tempranillo, le vin le plus minéral goûté pendant ce séjour: nuances de graphite, vin plutôt cérébral, mais d’une définition à couper le souffle !

Anthocyane vous propose 2 cuvées du Domaine Abel Mendoza: Las Sépulturas 2018 (€ 18) et Seleccion Personal 2019 (€ 40,50).

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Sulfité or not sulfité, that is the question

Voilà, vendredi 20h30, les quatre jurés (dont votre serviteur) s’apprêtent à comparer deux vins rouges de Loire. Pour une fois, il ne s’agit pas d’essayer de reconnaître ce qu’il y a dans les verres, mais simplement de décrire les différences et les ressemblances entre le vin classique (donc sulfité) et le même vin, en version “sans sulfites ajoutés” (ssaj).

Apprécions la subtile différence entre les couleurs de la charrette…

En l’occurrence, il s’agit d’un Chinon de chez Couly-Dutheil, en millésime 2020, portant le joli nom de “Les Chatelières”. La version classique est vendue € 11 alors que la version ssaj est proposée à € 13.

Nous goûtons, les commentaires fusent assez vite. J’ai résumé ci-dessous.

Q1: ces deux vins sont-ils vraiment identiques, à l’exception de l’ajout de sulfites dans l’un ?

R1: sans doute non et c’est dommage parce que cela rend la comparaison moins pertinente. La contre-étiquette indique un taux d’alcool de 13,5% pour le vin ssaj et de 14% pour le vin classique. Comme il s’agit d’une cuvée destinée à un distributeur en particulier (à savoir Le Lion – oui, celui qui rugit bizarrement depuis quelques jours), aucune information n’est disponible sur le site Internet du producteur. Le site Internet du Lion est ce qu’il est, un foutoir où il est impossible de trouver de l’information de qualité. Les deux bouteilles affichant le même nom de cuvée, on souhaite, par respect du consommateur, que ce soit le même vin, mais rien n’est certain.

Les bouchons sont eux aussi différents: un liège classique pour le vin …classique, un bouchon Nomacorc Select Green 300, fabriqué à partir de biopolymères végétaux dérivés de la canne à sucre pour le vin ssaj. Le bouchon comme élément du marketing vert.

Q2: la dégustation met-elle plutôt des ressemblances en évidence ou plutôt des différences ?

R2: ces deux vins nous ont paru fort différents l’un de l’autre. Le vin ssaj présente un nez assez éteint, avec des nuances cartonnées. En bouche, il se caractérise par son imprécision et par une faible énergie. Il semble avoir franchi son apogée et avoir commencé sa descente vers je ne sais où. Ce qui peut être agréable dans un vin ssaj, un fruit éclatant et joyeux, est absent. Par contre, le vin classique est équilibré et sympathique, si l’on accepte d’avoir affaire à un “petit calibre”. Il y a du fruit et de la structure, c’est un vin honnête à défaut d’être particulièrement intéressant.

Q3: la différence de prix est -elle justifiée ?

R3: de ce qui précède, le lecteur attentif aura déduit que ma réponse est négative. En mars 2023 et en l’état, le vin ssaj ne vaut à peu près rien (et certainement pas € 13) alors que le vin classique peut valoir les € 11 demandés par le distributeur.

Q4: à quoi joue-t-on ?

R4: excellente question, Philippe. Merci de l’avoir posée. On surfe sur la vague de la “naturalité”, avec un cynisme qui peut laisser le dégustateur perplexe. Ce vin ssaj était peut-être vivant et amusant à l’été 2021, mais aujourd’hui (vendredi) il est aussi mort qu’il est possible de l’être. Je me demande comment un amateur néophyte, attiré par la “verdure” de l’étiquette, aura évalué son achat. A mon avis, le taux de réachat sera invisible sans l’aide du microscope.

Q5: peut-on se fier à cette dégustation comparative pour faire une croix sur les vins ssaj ?

R5: non. Ce serait incorrect de condamner avec autant de légèreté. D’aucuns me diront peut-être que la crédibilité de Couly-Dutheil en matière de vins ssaj est aussi microscopique que le taux de réachat ci-dessus.

Q6: qu’est-ce qui se passe le lendemain de la veille ?

R6: encore une excellente question ! Quel feu d’artifice ! Le jeu s’est en effet poursuivi, avec d’autres participants, le samedi après-midi vers 15h00. Je m’attendais à ce que le vin ssaj s’effondre complètement. Ô surprise, il paraît meilleur maintenant ! Le nez reste de mon point de vue peu sexy, avec des nuances de carton et de croûte de fromage, mais le fruit est de retour ! Une acidité un peu croassante mais pas de déviation aromatique. C’est une résurrection inattendue et déconcertante. Toujours pas le grand fruit, éclatant et joyeux, mais traiter cette version ssaj de cadavre paraît à présent excessif.

Conclusion (provisoire):

Faut-il en déduire que les vins ssaj doivent être ouverts 12 ou 24 heures avant consommation ? Si c’est oui, quel consommateur va le faire dans la pratique ?

Faut-il en déduire que les vins ssaj sont imprévisibles, bons lorsque l’âge du capitaine est un nombre pair et mauvais quand la pleine lune s’absente ?

Quelle justification pour la différence de prix ? Il s’agit manifestement de segmenter la clientèle, en partant du principe que le “naturiste” est prêt à payer son vin plus cher parce qu’il est ssaj. Less is more.

Dans tous les cas, pour € 13, je préfère le Chinon Les Granges de Bernard Baudry.

PS: cet article et cette dégustation trouvent leur source ici: https://les5duvin.wordpress.com/2023/02/01/sans-soufre-cest-plus-cher/

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Bordeaux 2020 !

J’ai joliment profité de l’invitation que m’a fait parvenir l’Union Grands Crus à l’occasion de la mise en marché des Bordeaux du millésime 2020.

Belle organisation, à la Maison de la Poste (Tour & Taxis) avec plein de minuscules stands où un représentant de chaque Château s’esquintait à servir un public nombreux. Mais il y a avait aussi -et surtout- le Grand Bar, qui se matérialisait par une longue série de bouteilles posées sur un …bar, le tout en self service. Vachement efficace, avec les petites tables qui permettent de s’installer avec son verre, sa bouteille d’eau et son crachoir. Et de quoi prendre quelques notes, dont un résumé ci-dessous.

Ne pouvant évidemment pas tout goûter, je me suis concentré sur Pessac-Léognan et Margaux. Avec quelques digressions du côté de Pauillac, de St-Julien et de Pomerol.

Impression générale: les vins se présentent bien, sans alcool excessif ni boisé exubérant. La plupart des tannins sont policés, voire soyeux. Il y a du fruit appétissant. Beaucoup de vins donnent l’impression d’être (presque) à boire.

A Pessac-Léognan, je retiens en particulier Domaine de Chevalier et Château Pape-Clément. Le premier tout en élégance, avec de la finesse et d’excellents petits tannins. Belle fraîcheur énergique et tout aussi belle finale serrée, nette et précise. Le deuxième présente un nez complexe, qui s’ouvre progressivement. La bouche est ample, harmonieuse et tannique. La finale est serrée et persistante. Fieuzal est fort bien, sur la cerise, avec une bouche affriolante. J’ai été moins convaincu par La Louvière (souple mais facile), Malartic Lagravière (fruité dans un style marqué par le merlot), Haut-Bailly (nez sur la myrtille, avec plus de puissance que de fond), Smith Haut Lafitte (nez bizarrement sur la prune, avec une finale asséchante) et Larrivet Haut-Brion (flatteur mais simple).

A Margaux, j’ai été particulièrement touché par Château Lascombes et Château Giscours. Le premier grâce à son potentiel: beaucoup de concentration, très belle structure tannins/acidité. Mais il faut absolument l’attendre ou le carafer vigoureusement. Le deuxième présente un nez minéral (ce n’est pas si courant à Bordeaux) avec un boisé noble. Il y a de la fraise. La bouche est profonde: beaucoup de fraîcheur, tannins peu abondants mais de belle définition. Et une finale très précise. Château Desmirail est bon, mais c’est un petit calibre. Château Dauzac m’a semblé très strict, asséchant et carré. Château Kirwan est puissant, mais la finale est imprécise: il se cherche encore. Château Rauzan-Gassies est très bon, mais dans un style qui évoque plutôt Pauillac, voire St-Estèphe. Château Prieuré-Lichine présente un nez flatteur, mais la bouche est fort décevante, franchement rustique. Château du Tertre est fin mais fluet, avec un boisé sucré.

Château Talbot (St-Julien) m’a beaucoup plu: nez fruité élégant, avec un boisé chic, beaucoup de raisin dans le verre, bouche harmonieuse et flatteuse, mais avec du fond. Château St-Pierre (St-Julien) présente un nez bien mûr, la bouche est très souple et un peu facile, il est agréable mais sans race. Château Croizet-Bages (Pauillac) me pose un gros problème: j’espère que la bouteille était bouchonnée; si elle ne l’était pas, c’est terriblement décevant. Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) est un très beau vin: fraîcheur, bons tannins, matière concentrée, équilibre salivant, beaucoup de fond, puissance. Il a tout pour lui ! Château Léoville Barton (St-Julien) présente un nez sur la réserve. La bouche m’a semblé très souple et donne l’impression d’être déjà en phase d’évolution; j’attends plus de ce cru. PS: j’aurais volontiers goûté Château Lynch-Bages (Pauillac), mais la bouteille était vide. Snif.

Château Petit-Village (Pomerol): j’ai goûté ce vin par pure nostalgie. Il y a une éternité (voire au-delà), j’ai goûté un Petit Village de la fin des années ’80. Ce fût une énorme émotion, sans doute l’un des vins qui m’a fait basculé dans le monde fascinant de la dégustation. Mais 30+ années plus tard, je suis cette fois confronté à un vin à la fois sudiste et oriental, confituré et chaleureux, un poil fatiguant, doté d’une sorte d’absence de finale. La Rive Droite et le merlot, ce n’est décidément pas pour moi !

Enfin, dans une vasque et et sur glace, voici Château Lafaurie-Peyraguey (Sauternes) qui m’a semblé délicieux, avec un très bel équilibre entre sucre et fraîcheur !

Bien sûr, prenez ce qui précède avec un petit grain de sel: c’est un instantané, plus intuitif que réfléchi, révélateur de mes goûts personnels. Je n’écris rien au sujet du prix de ces vins: dans une manifestation de ce type, personne ne parle jamais de prix, ce serait indécent…

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Dégustation: samedi 04 mars

Première dégustation “autour du bar” en 2023 ce samedi 04 mars, entre 10 et 18 heures. D’expérience, il y a moins de monde avant 14 heures et plus de monde après 14 heures.

C’est gratuit et on ne doit pas s’inscrire. Je suis ravi d’accueillir mes habitués et tout autant de recevoir de nouveaux amateurs ainsi que ceux/celles qui ne sont plus venus depuis longtemps.

Pas de problème de parking dans ma rue (ne pas oublier de placer son disque de stationnement). Privilégiez la sortie 11 du Ring, évitez la sortie 12 qui mène à un sens interdit.

Cela se passe rue des Chats 171 à 1082 Berchem-Ste-Agathe. C’est une maison discrète. Il suffit de sonner.

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Pour découvrir le programme de cette dégustation: c’est ici

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Et le meilleur sommelier du monde est …

… Raimonds Tomsons, de nationalité lettone. Il avait déjà été finaliste lors de l’édition précédente de ce concours en 2019. Déception en France puisque Pascaline Lepeltier a échoué au pied du podium, à la 4ème place.

Le vainqueur, pris le nez dans le verre

J’ai eu le plaisir d’assister à la finale: celle-ci est réservée aux trois meilleurs candidats: un sommelier chinois, une sommelière danoise et Raimonds Tomsons, le letton, qui a donc remporté le concours. Oui, j’ai assisté à la finale … via YouTube. Les trois candidats sont littéralement sur scène. Ils exécutent une longue série de tâches diverses, devant un public parisien nombreux, très chic, en tenue de gala avec nœud papillon. Dressing code formel pour une cérémonie très parisienne et un peu vieux jeu. Beaucoup d’applaudissements, pour tout et n’importe quoi. Des longueurs avant que cela ne commence vraiment: tout le monde a eu le temps de se congratuler.

la retransmission intégrale de la finale: le concours commence vraiment à partir de la 90ème minute

Commençons par les fleurs: j’ai énormément de respect et d’admiration pour les participants à ce concours. Ils ont travaillé sans relâche pendant plusieurs années pour maîtriser leur sujet. Leurs connaissances théoriques sont sans nul doute immenses. Ils sont capables de réciter le nom de 17 cépages croates, avec l’accent tonique au bon endroit ! On ne franchit pas les quart et demi-finales sans un bagage impressionnant. Je leur tire mon chapeau !

Après les fleurs, il y a le terreau. NB: on finira évidemment par le pot. Voici:

C’est vraiment un concours de sommellerie, pas un concours de dégustation. Les candidats sont amenés à goûter des boissons très diverses, du très alcoolisé (spiritueux) au très peu alcoolisé/fermenté (kéfir). Ils doivent maîtriser l’art du cocktail. Ils doivent déboucher et décanter selon les règles de l’art. Ils doivent papillonner autour des tables avec élégance. Ils doivent traquer les erreurs dans une carte des vins, reconnaître un vin sur base d’indices visuels -sans le goûter-. Ils doivent être capables de verser et de parler en même temps: une anecdote par-ci, une réponse par-là. Le sommelier est responsable de bien plus que des vins: il gère l’ensemble des boissons servies pendant le repas.

Gérer le stress est essentiel: pour chaque épreuve, le temps disponible est strictement limité. Les épreuves s’enchaînent rapidement. Celui qui est capable de décider vite est clairement avantagé par rapport à celui qui préfèrerait donner du temps au temps. Les candidats sont sous extrême adrénaline et semblent agir dans une bulle de focalisation. Raimonds demande systématiquement à ce que la question à laquelle il doit répondre lui soit répétée. Il utilise le terme wonderful un nombre incommensurable de fois. Perfect et nice sont également de la partie, jusqu’à l’indigestion. Il y a quelque chose de robotique dans sa façon de faire. On sent la transpiration.

Ce vocabulaire positiviste est un piège: lorsque tout est parfait et merveilleux, les mots perdent leur sens et le discours se vide de sa substance. On enferme l’appréciation du vin dans un style suranné et déconnecté. On crée un monde parallèle dans lequel on se livre à un jeu dont les participants sont sensés connaître les codes. Un peu de naturel, que diable !

Si -dans la vraie vie- un sommelier se comportait ainsi à ma table, je serais déçu: la qualité de l’interaction tient à l’authenticité du sommelier, à sa capacité à dépasser sa compétence technique et à entretenir une conversation aussi agréable qu’instructive. Un peu d’humour est évidemment le bienvenu. Tout ce qui est appris par cœur et débité comme un mantra devrait être banni. Le sommelier doit s’adapter à des tablées très différentes, qui ont des attentes et des envies différentes. Les trois premières phrases que j’échange avec un sommelier sont déterminantes: fait-il partie des personnes passionnées avec qui j’ai envie d’échanger ou plutôt des tue-l’amour qui ânonnent un texte prémâché, rempli de banalités et d’imprécisions ?

Il s’agit également d’une épreuve de langue, puisque les candidats s’expriment en anglais. Cela conduit bien entendu à un appauvrissement de leur discours, l’anglais n’étant pas leur langue maternelle. Leur prononciation est, comment dire, perfectible. Cela ne facilite pas l’interaction. Bémol: il faut bien concéder que les convives factices sont fermés et passifs: à chaque question, une réponse fuse, toujours la même: as you wish. Essayez de faire quelque chose avec ça !

Voici venue l’heure du pot: que vaut le meilleur sommelier du monde en dégustation à l’aveugle ? Eh bien, c’est édifiant.

Quatre vins blancs sont présentés à la sagacité de Raimonds. Il répond:

  • un vin autrichien, d’appellation Kamptal, de cépage grüner veltliner et de millésime 2020
  • un vin grec, d’appellation Mantinia, de cépage moschofilero et de millésime 2021 (le vin lui semble “muscaté”)
  • un vin français, de la Côte de Beaune, en appellation “villages”, de cépage chardonnay et de millésime 2018
  • un vin français, du Chablisien, en appellation “villages”, de cépage chardonnay et de millésime 2020.

Il dispose de quatre minutes pour transmettre son évaluation …et en utilise à peine plus de trois. Sidérante la vitesse avec laquelle il goûte et tranche. Peu de place pour le doute.

Et maintenant, voici les vins qui étaient effectivement présentés au candidat:

  • un vin allemand, d’appellation Moselle, de cépage riesling et de millésime 2021 Nik Weis St. Urbans-Hof Goldtröpchen GG
  • un vin autrichien, d’appellation Wachau, de cépage riesling Domäne Wachau Kellerberg
  • un vin sud-africain, de cépage sémillon Alheit Vineyards Monument Sémillon 2021
  • un vin argentin, de cépage sémillon, en provenance de Patagonie Riccitelli Sémillon Old Vines.

Bilan: rien n’est exact. Rien ne s’approche de la vérité. Ni le riesling, ni le sémillon ne sont identifiés.

Et le vin rouge ? Il s’agissait de goûter deux millésimes du même vin. Notre homme a bien repéré qu’il s’agissait d’un grand Bordeaux, qu’il a placé à Saint-Estèphe (cabernet sauvignon, cabernet franc et merlot). Il a parié sur les millésimes 2005 et 1990.

Suspense insoutenable.

C’était Pétrus (Bordeaux, Pomerol, 100% merlot), en millésimes 2012 et 2003. Etonnant, Raimonds leur attribue respectivement 18 ans d’âge et 33 ans d’âge, alors qu’il s’agit en réalité de vins sensiblement plus jeunes. Pourrions-nous en déduire que Pétrus évolue/vieillit vite ? Aïe. Qu’est-ce que j’ai osé écrire… Cela étant, combien de fois un candidat au titre de meilleur sommelier du monde a-t-il l’opportunité de goûter Pétrus ?

Dernier moment intéressant: jauger un vin rouge “à la volée”. Il ne s’agit pas de le reconnaître, simplement d’évaluer sa qualité. Raimonds lui trouve à peu près toutes les qualités de la terre. Consciemment ou inconsciemment, il veut faire plaisir à son interlocuteur qui lui demande son avis d’expert. Malheureusement, le vin présentait une (très) forte acidité volatile, ce qui constitue un défaut. Défaut non repéré donc.

Conclusion: je suis donc heureux de vous faire savoir que je partage avec le meilleur sommelier du monde au moins deux qualités: une passion sincère pour les multiples facettes du vin et une capacité à ne presque jamais rien reconnaître.

Est-ce qu’un sommelier est dans l’obligation d’être un brillant dégustateur à l’aveugle pour bien faire son boulot ? Ma réponse est non. Mais quand il s’agit d’être désigné comme le meilleur sommelier de la planète, il me semble que l’on peut attendre un certain niveau de performance en dégustation à l’aveugle. Peut-être faudrait-il modifier les questions du concours pour permettre plus de bonnes réponses. Arme à double tranchant.

Dernière anecdote: Raimonds Tomsons a été sommelier à Riga pendant vingt ans. Il ne l’est plus. Il est à présent consultant, commerçant en vins et enseignant. Il ne fréquente plus la salle de restaurant. Pfffffff….

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Une verticale de Corton

10 millésimes d’un Grand Cru bourguignon, ce n’est pas tous les jours, loin de là ! Nous nous sommes installés vers 20h00 en ignorant ce que nous allions goûter (dégustation à l’aveugle). Mais l’organisateur avait soulevé un coin du voile en signalant que le budget serait plus élevé que d’habitude et que tous les vins seraient issus d’une même appellation. Il y avait donc quelques attentes…

Les deux premiers vins nous ont permis de décanter la situation: ce serait bien du pinot noir. Et donc, forcément, la Bourgogne se rapproche. Cela étant, ces deux vins ont remporté assez peu de suffrages: un joli nez mais une sécheresse marquée dès le milieu de bouche pour le premier, une bouche imprécise (légèrement liégeuse ?) et un profil assez simple pour le deuxième.

Les choses s’arrangent dès le troisième vin, qui présente plus de volume en bouche, un fruit plus intense et une longueur décente. Mais je mentirais en disant que je suis en extase.

Les vins suivants vont plaire et intéresser: des profils parfois affables, parfois bien plus cérébraux; des profils presque “sudistes” et d’autres qui correspondent mieux à l’image que je me fais de la Bourgogne. Pour moi, deux vins se signalent par leur race, leur précision, leur fraîcheur, leur capacité à révéler bien plus que le cépage dont ils sont issus. Mes estimés compagnons de dégustation sont quant à eux particulièrement charmés par un vin plus ample, plus fruité et plus sensuel que mes préférés.

la colline de Corton, vue depuis le sud-ouest

Vient bien entendu le moment d’essayer de deviner ce que nous avons goûté: Gevrey-Chambertin fut cité. Mais personne n’a pensé à Corton. Et personne n’a imaginé un seul instant qu’il puisse s’agir d’une verticale: 10 fois le même Corton, élaboré par le même vigneron, via des millésimes échelonnés entre 1998 et 2008 (seul 2001 manque à l’appel, remplacé par un amusant “pirate”: le Barolo Broglio Riserva 2004 du Domaine Schiavenza, 100% nebbiolo).

Il s’agit donc d’une belle verticale du Grand Cru Corton Pougets, tel que vinifié par le Domaine Rapet (basé à Pernand-Vergelesses).

Corton Pougets est le nom donné à deux parcelles en exposition sud-sud-ouest, d’une superficie totale de 9 hectares et 82 ares. La parcelle “du haut” monte jusqu’au bois de Corton, lequel surplombe le vignoble et le protège des agressions météorologiques. Les deux seuls propriétaires notables sont Louis Jadot et Rapet, ce qui pourrait expliquer un certain déficit de notoriété. Particularité typiquement bourguignonne: les rouges se commercialisent en Corton Pougets, les blancs en Corton Charlemagne. Ces derniers sont majoritaires.

Un élément qui me semble important: Rapet aurait, en tout ou en partie, replanté en 1994. Donc, le millésime 1998 serait issu de très jeunes vignes, au moins partiellement.

Les meilleurs millésimes selon la moyenne du groupe de dégustateurs: 2003 (16,9/20), 2005 (16,4/20) et 2002 (16,1/20).

Mon tiercé personnel: 2002 (16,5/20), 2005 (16,5/20) et 2007 (15,5/20). Ex-aequo avec le 2003 (15,5/20) et le 2004 (15,5/20).

1998, 2000 et 2008 ont reçu peu d’applaudissements.

Certes, le vin vogue largement au-dessus des mesquines contingences matérielles. Néanmoins, Grand Cru, en combinaison avec Bourgogne, peut constituer une arme de destruction massive pour le portefeuille de l’amateur. Voyons voir. Le 1998 fut acheté en son temps au Domaine pour 177 FRF, l’équivalent de 26 euros. Les millésimes récents se vendent à +/- 65 euros (ou plus cher si vous tombez sur un vendeur sans scrupules). C’est à la fois peu et beaucoup. Disons que c’est un tarif raisonnable dans le contexte de la folie des prix en Bourgogne. Mais le fait est que d’autres régions offrent de bien meilleurs rapports qualité/prix.

Question supplémentaire: faut-il laisser longuement vieillir ces vins ? J’ai tendance à répondre non. 5 à 10 ans, très bien. Au-delà, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle: de temps à autre, une très belle surprise, mais aussi le risque de goûter un vin qui s’approche de sa pente descendante: on perd du fruit et de la chair, on ne reçoit pas grand-chose pour remplacer ce qui a disparu.

Merci à l’organisateur qui a patiemment rassemblé ces flacons depuis 25 ans.

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Domaine Combier et autres pépites rhodaniennes

Combier, quelle bonne surprise ! Le millésime 2021 dans la vallée du Rhône est jugé moyen par la presse spécialisée. Oui, il y a des vins très légers, un peu dilués, j’en ai goûtés et ne vous les proposerai pas.
Mais voilà que je goûte en décembre quatre vins du millésime 2021 du Domaine Laurent Combier: quel équilibre ! Quel charme ! Impossible de ne pas sourire en dégustant la cuvée L, le Crozes-Hermitage classique et les deux cuvées Cap Nord. Le célèbre Clos des Grives a toujours un an de retard, élevage oblige: c’est donc le très bon millésime 2020 qui est de la fête.

Ces cinq vins (et cinq autres vins rhodaniens) ont été redégustés ce mercredi 18 janvier par un panel de sept fines gâchettes: qu’ils soient remerciés pour la pertinence et la précision de leurs commentaires ! Ces commentaires sont “bruts de décoffrage”: j’ai pris note au vol, sans avoir l’ambition de faire de jolies phrases. Il y a des contradictions parce qu’il y a des avis différents. Eh oui …

La Janasse Côtes du Rhône (blanc) 2021

Fraîcheur, presque comme un pinot blanc allemand. Il y a une certaine longueur, très peu d’amers, pas d’alcool, du pamplemousse, floral, frais, pointe minérale, note végétale, violette, pointe saline, vivacité. Très bon rapport qualité/prix.

Note moyenne du groupe: 14,50. Ma note: 14,50. Faible variance entres les notes.

Les Bosquets CdR-Villages Séguret 2021

Nez épicé, violette, délicat, ouvert. Bouche intense, avec tannins et alcool, chaleureux mais pas brûlant, servi très frais, nez supérieur à bouche ? Il y a de la matière certainement par rapport au millésime, une pointe de rusticité, amertume dans la finale, austère, herbacé, encre, manque de gourmandise, manque de rondeur.

Note moyenne du groupe: 13,70. Ma note: 15,00.

Les Bosquets Gigondas Réserve 2020

Nez agréablement chaud, pur et puissant, un peu chocolaté. Bouche dense, intense, avec un beau grain, tannins bien fondus, persistance fruitée, gourmand, plus Rhône sud que le Séguret qui précède, dominé par le grenache, type Châteauneuf-du-Pape, infanticide, beau jus. Bien géré, équilibre, un peu de fraîcheur, poivre. Style opposé à celui du Séguret: quel est le rôle de l’effet-millésime ?

Note moyenne du groupe: 15,10. Ma note: 15,50. Faible variance entres les notes.

Saladin VdF Haut-Brissan 2019

Nez de rose, la finesse des grenaches espagnols, précision et tannicité énergisante, finesse et floralité, petite sucrosité, dentelle, diffus, manque de densité, fraise, confiture, douceur.

Note moyenne du groupe: 15,40. Ma note: 15,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage cuvée L 2021

Syrah embaume le nez, variétal, croquant, énergique, laurier, délicat, fruit précis comme un excellent Beaujolais, facteur glouglou, type Marcel Lapierre, archétype de la syrah. Pointe d’amertume végétale.

Note moyenne du groupe: 14,40. Ma note: 14,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage 2021

Nez moins expansif, élégant. Bouche dense et équilibrée, finale nette et tranchante, croquant sur une acidité top, vin ciselé. Haute couture, se goûte déjà très bien. Potentiel.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50. Faible variance entres les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Cap Nord 2021

Nez minéral, graphite, cendres, caillou. Bouche avec une allonge phénoménale, qualité des tannins, longueur, encore fermé, infanticide, noblesse et potentiel de garde, le floral arrive progressivement, puis le cassis. Moins friand, brut de vigne, vin salin, cérébral, évoque les mencia de Bierzo, sans concession, vin qui pousse le dégustateur à réfléchir. Polarisant/clivant.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 17,00.

Laurent Combier St-Joseph Cap Nord 2021

Nez légèrement animal (réduction), minéralité de type “caillou pourri”, syrah froide. Bouche plus fruitée et plus puissante que Cap Nord Crozes-Hermitage, la puissance rend la délicatesse moins perceptible, tannins plus marqués, vin plus accessible que Cap Nord Crozes-Hermitage, type Cornas. NB: vin carafé pendant 3 heures.

Note moyenne du groupe: 15,50. Ma note: 16,00.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Le Clos des Grives 2020

Fruit opulent et joyeux, bouche irrésistible, vive et pleine, pas compliquée, sexy et équilibrée. Boisé intelligent. Vin plaisant, sensuel, charnel. Expressif, généreux, un peu trop de tout, joliment sudiste. Grand potentiel de garde.

Note moyenne du groupe: 16,30. Ma note: 16,00.

Duclaux Côte Rôtie La Germine 2017

Nez épicé, fin, spéculoos, intensité. Bouche dense sans puissance, grand vin classique, moins plaisant que le Clos des Grives, droiture, moins opulent, strict, pourrait rappeler les Cornas de Clape.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50.

Conclusion

Nous avons eu la possibilité de comparer et de mettre en évidence des styles très différents. Celui apprécie une certaine opulence, de la rondeur et du charme devrait prêter attention au Gigondas Réserve et au Clos des Grives. Celui qui préfère la droiture, la précision, la verticalité devrait tenter le Cap Nord Crozes-Hermitage et La Germine.

Le Crozes-Hermitage 2021 est un modèle pour l’appellation et pour le millésime. Excellent rapport qualité-prix.

Tous les vins ci-dessus sont disponibles dans le magasin. Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 24 janvier. Mise à disposition des vins en février.

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Rioja: la querelle des Anciens et des Modernes

La Rioja abrite d’une part des Domaines qui perpétuent la tradition des longs élevages en barriques de 225 litres (bois américain usagé) et d’autre part des Domaines qui se donnent pour objectif de dépoussiérer le Rioja d’antan en privilégiant un élevage plus court, en barriques de 225 litres (bois français souvent neuf). C’est une querelle des Anciens et des Modernes, comparable à celle qui a divisé en son temps les vignerons de Barolo. Essayons de caractériser les deux camps.

Les vins “Anciens” arrivent tard sur le marché, présentent une couleur peu dense et déjà évoluée, une aromatique à laquelle nos nez contemporains ne sont pas forcément habitués et des tannins fondus. Lorsque ces vins sont commercialisés, ils sont prêts à boire. Ils évoluent peu dans votre cave et se conservent très longtemps. Les termes “reserva” et “gran reserva” figurent régulièrement sur les étiquettes. Les élevages se font toujours dans la barrique bordelaise. Risquons une comparaison osée: on pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type tawny/colheita.

Les vins “Modernes” arrivent tôt sur le marché, présentent une couleur dense et peu évoluée, une aromatique plus classique et des tannins solides. Lorsque ces vins sont commercialisés, il se peut que quelques années en cave soient requises pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils évoluent dans votre cave et sont susceptibles d’être conservés très longtemps. Le terme “gran reserva” n’est quasiment pas utilisé, le terme “reserva” est parfois utilisé, mais avec une certaine discrétion. La barrique bordelaise est courante mais certains vins sont élevés en inox, en cuve béton, en grands tonneaux, en amphores, etc.. On pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type ruby/vintage.

Avant de créer une éventuelle confusion: non, les vins de la Rioja ne ressemblent pas aux vins de Porto ! Les vins de Rioja sont parfaitement secs et ils ne sont pas mutés à l’alcool. Ma comparaison a pour unique objectif de comparer l’élevage des vins: les Anciens élaborent des vins “oxygénés” (micro-oxygénation grâce au long passage en barriques), les Modernes des vins “réducteurs” (peu ou pas de micro-oxygénation).

Il se peut que l’amateur préfère nettement l’un des deux styles à l’autre. Utile donc de savoir quel Domaine incarne les “Anciens” et quel autre Domaine représente les “Modernes”.

C’était l’objectif d’une dégustation à l’aveugle, présentée il y a quelques jours à un groupe d’une douzaine d’amateurs. Ci-dessous un compte-rendu subjectif de cette dégustation. Bien sûr, la pratique a montré que la théorie simplifie à l’excès: certains vins se font une joie de nous perturber en présentant des caractéristiques modernes et des caractéristiques anciennes.

Artevino (Orben) Salbide 2020

Ce vin a été présenté en tant que mise en bouche: 100% tempranillo, peu élevé, de style moderne. Il s’agit de l’entrée de gamme du Domaine Orben. Ce Rioja me semble typique de ce que la région à offrir de meilleur, considérant le prix: € 10,50. Le fruit est franc, pur et direct. La bouche est légèrement chaleureuse, sur la cerise bien mûre. Finale rafraîchissante, bons petits tannins. Tempranillo 100%. € 10,50.

Lopez de Heredia Viña Cubillo Crianza 2014

Voici déjà l’un des Domaines-phares, dans le style traditionnel. Ce vin est vendu comme “crianza”, c’est-à-dire que le passage en barriques devrait être court. Pourtant, ce 2014 est le millésime actuellement commercialisé ! En réalité, passage en barriques pendant trois ans. Le vendre comme “crianza” est donc une décision politique du Domaine.

La robe est légèrement évoluée. Le nez s’annonce par un boisé légèrement sucré “à l’américaine”. La bouche est plus stricte que le nez, construite sur une belle fraîcheur. Bonne longueur. Un air de famille avec les cuvées plus prestigieuses proposées par le même Domaine. Tempranillo 65%, grenache 25%, graciano et mazuelo. € 17,50.

Valenciso Cemento 2018

Un vin qui fait exception à l’élevage sous bois: ce Cemento passe uniquement par la cuve-béton. Si c’était moi, je pense que je changerais l’étiquette: elle dit clairement “béton”, ce qui est à la fois transparent par rapport au type d’élevage pratiqué et maladroit: avons-nous vraiment envie d’étiquettes qui imitent la couleur et la texture du ciment ? Voici donc un Domaine moderne. Nez assez discret, plus fruité qu’épicé, qui s’ouvre progressivement. On ne perçoit aucun élevage (…le béton ne marque pas aromatiquement…). Les tannins sont d’une qualité particulière qui m’évoque certains vins passés par l’amphore (terre cuite). Chaleureux mais appétissant ! Tempranillo 100%. € 17,50.

Bodegas Faustino Faustino I Gran Reserva 2010

Ah, si cette étiquette n’est pas franchement “vintage”, alors aucune étiquette ne l’est ! Le portrait, le filet métallique, le verre sablé, la police de caractères, … Tout semble communiquer un style ancien. Le nez est intense, marqué par le bois américain. La bouche est fort jeune, moins évoluée que son millésime. C’est fondu, soyeux et assez concentré. Une petite touche d’alcool (ce n’est pourtant que 13,5%).

Tempranillo 100%. € 20,00 (disponible dans les magasins de Delhaize Le Lion).

Abel Mendoza Malvasia 2021 (vin blanc)

Le moment choisi pour faire une pause et déguster un blanc. Les blancs sont très minoritaires en Rioja. Le cépage le plus courant est la viura (macabeu en dans le sud de la France et en Catalogne). Par pur goût pour la contradiction, j’ai donc proposé un vin élaboré avec la malvasia. Le vin m’a surpris par sa complexité: le nez commence sur ce qui pourrait du verdejo voire du sauvignon. La bouche est grasse, comme une impression de chardonnay bâtonné. La fin de bouche est marquée par une petite tannicité dont l’origine m’est inconnue: tannins du bois, macération des raisins ? Malvasia 100%. € 30,50.

Artuke Finca de Los Locos 2020

Voici un Domaine familial qui porte haut le style moderne et même ce que l’on pourrait qualifier de “style rebelle”: beaucoup de couleur, nez poivré et minéral, boisé imperceptible. Quelque chose qui me fait penser aux parfums orientaux. La bouche regorge de fruit frais, elle est concentrée et assez tannique. Boisé discret tout en élégance. Tempranillo majoritaire, avec du graciano et de la viura (cépage blanc). € 25,50.

Remirez de Ganuza Fincas de Ganuza Reserva 2016

Couleur peu évoluée. Nez très précis et intense, beau fruit, impact limité du bois, élégance. En bouche, c’est un jus noble, une sorte de fluidité qui signe un élevage de grande qualité. Rien n’accroche. Quel équilibre ! Mais la finale tannique plaide pour quelques années de garde. Le boire aujourd’hui est un infanticide. Tempranillo 88%, avec du graciano et du mazuelo (c’est le nom local du carignan). 14,5% bien géré ! € 40,00.

La Rioja Alta Viña Ardanza Reserva 2015

Couleur évoluée: nous sommes bien chez une Maison qui pratique le style traditionnel depuis plus d’un siècle. Pointe d’acidité volatile, arômes de boîte à cigares, vin baroque. La bouche est puissante, sensuelle, dirais-je charnelle, avec une longue persistance. Malgré la puissance, il y a de la place pour la délicatesse ! Tempranillo 78%, grenache. NB: le vin se goûtait encore mieux 24 heures après la dégustation. € 35,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2010

Ici je crains de mettre quelques dégustateurs en zone d’inconfort: le nez est typique du style traditionnel, avec un boisé réconfortant et beaucoup de cerise. La bouche est construite sur l’acidité, ce qui lui confère une austérité cérébrale. Ce n’est pas un joyeux, mais c’est d’une grande noblesse de caractère. La verticalité domine les sensations solaires. Vin extrême, à appréhender avec un esprit ouvert et curieux. Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. € 40,00.

La Rioja Alta Viña Arana Gran Reserva 2014

Attention, vin d’exception. Style traditionnel transcendé par un nez d’une formidable pureté. Beaucoup de fruit (cerise). En fait, c’est le “meilleur de deux mondes”: difficile de classer ce vin à gauche ou à droite parce qu’il est au-dessus. Quelle intensité ! Quelle persistance ! On est dans un univers proche de celui des grands Bordeaux d’avant 2000. Ma meilleure note de la soirée (17,5/20). Tempranillo 94%, mazuelo. € 40,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2005

La couleur est évoluée, mais pas plus que celle du millésime 2010. Boîte à cigares et cerise. Le vin est dense, frais et vertical, mais avec plus de chair que le 2010, ce qui le rend plus affable, avec plus de souplesse. Mieux vaut commencer par celui-ci avant de se frotter au 2010 ! Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. Indisponible.

Que retenir ?

D’abord et avant tout: belle promenade variée, sans déception. Les vins sont peu ou pas marqués par l’alcool: profil plus atlantique que méditerranéen. On reconnaît sans peine les deux styles pratiqués dans la région. Mais le plus grand vin (Viña Arana) se moque des catégories ! Le boisé américain des vins traditionnels peut décontenancer, voire déplaire. Et pourtant ces vins peuvent offrir des bouches très harmonieuses, avec une texture soyeuse et douce. Ce sont des vins apaisés. Les vins modernes m’ont semblé ne pas tomber dans le piège du “goût international”: ils ont de la personnalité, de l’énergie et de la nuance !

Ma conclusion: il n’y a pas de querelle entre les Anciens et les Modernes, je suis ravi que les deux styles coexistent, en harmonie. Cela rend la région particulièrement intéressante !

Quelques bouteilles ? La plupart de ces vins peuvent être achetés via Anthocyane (sous réserve de stock chez leurs importateurs respectifs). Faites-moi part de vos envies et autres souhaits !

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A la vida s’han de tenir somnis, i s’hi ha de creure

Traduction depuis le catalan: Dans la vie, il faut avoir des rêves et y croire. C’est la devise du Mas d’En Gil, Domaine-phare en Priorat.

Allez, on commence avec un peu de nostalgie. Il y a 20 ans, voire un peu plus, je découvrais avec stupéfaction les vins issus du Priorat, petite région catalane isolée, battue par les vents et dominée géologiquement par un schiste local appelé llicorella. Une dégustation en mars 2001 me donnait l’occasion de partager les millésimes 1996, 1997 et 1998 de Cims de Porrera. Des vins extrêmement puissants, concentrés, portés par le souffle du Priorat mais aussi par un boisé qui ne se cachait pas. Les notes attribuées à ces trois vins furent dithyrambiques, respectivement 17,9 17,3 et 17,8.

Les choses ont bien changé depuis. Enfin, le Priorat a changé et mon goût a changé. Les vins qui tentent de s’imposer en jouant des coudes à coup d’extraction, de boisé, d’alcool, non merci. Cette performance me paraît vaine. C’est une course vers toujours plus qui ne débouche sur pas grand-chose parce que demain, un autre vin sera encore plus extrait, encore plus boisé et encore plus en riche en alcool.

Vall del Bellmunt

L’équilibre parfait. Voilà qui est plus difficile à atteindre, plus subtil et sans doute plus subjectif. L’équilibre parfait est par nature très fragile: le funambule en sait quelque chose. C’est le reflet d’un instant magique. Les mots ne suffisent pas. Parfois, une petite larme s’invite et le temps s’arrête. L’agitation et le vacarme s’estompent, on perd légèrement le nord. Cela n’arrive pas souvent.

Mais cela m’est incontestablement arrivé pendant une dégustation des vins du Mas d’En Gil début octobre. A commencer par deux blancs atypiques: Bellmunt 2021 et Coma Alta 2017: les deux vins sont construits sur la verticalité et un usage anecdotique de la puissance alcoolique. Bellmunt pousse sur du buntsandstein et Coma Alta sur du calcaire. Non, pas de schiste ici. Le style des vins pourrait évoquer Le Roc des Anges de Marjorie Gallet (je connais la polémique, mais c’est une autre histoire). Cela commence donc fort avec deux blancs qui rompent complètement avec la tradition locale. La minéralité de Coma Alta est magnifique et rare dans un vin élaboré avec 100% de grenache blanc.

Voici venu le temps de la gamme des vins rouges. Bellmunt 2018 (grenache 65%, carignan 30%, cabernet sauvignon), vignes de 25 ans sur llicorella est irrésistible. Oui, cela pèse 14,5% d’alcool; oui, c’est élevé sous bois pendant 10 mois (contenants de 1.500 litres et de 3.000 litres). Et pourtant, c’est frais et très peu marqué par l’élevage. Succulent, structuré, superbe.

Marta Rovira

On passe ensuite à Coma Vella 2016, qui pourrait être le premier cru du Domaine: grenache 70%, carignan 20%, syrah, sur llicorella. Elevage sous bois (1.500 litres et 225 litres), avec 20% de neuf. Deux ans d’élevage en bouteilles. Vignes d’âge variable entre 25 et 60 ans. Il est probable que la syrah finisse par disparaître de l’assemblage, le processus est en cours pour se concentrer exclusivement sur le duo grenache/carignan. Ce vin m’a ébouriffé, ému, étonné. Fruit et minéralité. Passionnant de le déguster en compagnie de Marta Rovira (la vigneronne) et d’Olivier Fonteyne, sommelier belge, mari de Marta. La conversation se déroule dans un mélange inédit de langues, entre néerlandais et catalan, entre français et anglais.

On finit par Clos Fontà 2016, qui pourrait être le grand cru du Domaine. Grenache et carignan. Vignes d’âge variable entre 45 et 85 ans, sur llicorella. Elevage en barriques de 225 litres (30% bois neuf). On pourrait craindre la grande cuvée qui cumule toutes les ambitions de faire encore et encore plus. Remember Cims de Porrera. Eh bien non. Le boisé ne joue aromatiquement aucun rôle. Le liquide est d’une grande fluidité, d’un naturel confondant. C’est très concentré et pourtant très élégant. Quelle qualité de tannins ! Ô toi lecteur qui connaît un peu mes goûts, on arrive au paradis, le paradis où l’intensité rejoint la délicatesse. le paradis où le lieu transcende les cépages. L’équilibre parfait, le funambule.

PS: 15% d’alcool pour Coma Vella comme pour Clos Fontà. Je ne retire rien à mes commentaires mettant en exergue élégance et délicatesse.

Coma Vella 2016 est en dégustation le samedi 03 décembre.

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dégustation domaine

Le Clos Galerne, le chenin et la spilite

Parfois les choses peuvent être simples; du moins elles se laissent simplifier. Chenin sur sol noir, chenin sur sol blanc. Noir ou blanc. Schiste ou calcaire. En Anjou noir, c’est le schiste. Plus on se dirige vers l’est, plus c’est le calcaire (Vouvray, Montlouis).

La famille Bourez, au pied du moulin brûlé

Le schiste plaide pour un rapide exercice de vulgarisation que les experts en géologie me pardonneront: il y a toutes sortes de variantes et autant de termes pour les désigner: ardoise, slate (en anglais), schiefer (en allemand). Le gneiss en Muscadet est en quelque sorte le stade ultime du schiste. Le schiste, c’est par exemple la Moselle allemande et le Priorat espagnol.

L’Anjou noir a historiquement basé sa réputation sur un trio magique: chenin, schiste et botrytis. Traduction: Coteaux du Layon, Bonnezeaux, Quarts de Chaume. Des vins moelleux, voire liquoreux. Mais, au XXIème siècle, la douceur se vend mal, très mal. Loi fondamentale de l’économie: lorsque le vin se vend mal, la valeur du vignoble chute. Paradoxe: cette situation attire de jeunes vignerons ambitieux, à la recherche d’hectares mis sur le marché à un tarif abordable. Changement de paradigme. Acheter du vignoble destiné de tous temps à produire des vins moelleux et décider de le convertir en un vignoble pour élaborer des vins secs. Couper le cordon ombilical avec le passé doux. Assumer et chercher un nouveau chemin pour le chenin angevin.

Cette aventure-là est jalonnée de pièges: expliquer le changement de paradigme et surtout convaincre experts, journalistes, importateurs, restaurants et cavistes; vivre avec une météo capricieuse qui peut réduire à presque rien les efforts de toute une année. Quand on vient de commencer et que la banque n’attend pas, un mental d’acier s’impose. Deux années de gel successives et c’est la catastrophe.

Je tire mon chapeau à Cédric Bourez, monsieur Clos Galerne. Œnologue dans un domaine provençal, il souhaite devenir vigneron. Calculette à la main, il arpente l’Hexagone et se dit que l’Anjou noir est la destination que l’épaisseur de son portefeuille rend plus ou moins raisonnable. Coup d’oeil précis pour mettre la main sur des parcelles principalement situées dans le hameau de Pierre Bise, village de Beaulieu-sur-Layon, à quelques kilomètres au sud d’Angers. Pierre Bise, lieu exceptionnel. Flore méditerranéenne, vent pour rafraîchir et ventiler, sous-sol très particulier: schiste, mais aussi spilite, roche d’origine volcanique. La minéralité du schiste et la minéralité du volcan. Le vent du nord-ouest est appelé …Galerne. Combinaison gagnante, dans l’ordre ou le désordre.

La plupart des parcelles du Clos Galerne se nourrissent de spilite. Exception notable: une parcelle en Savennières (mais c’est une autre histoire). Chenin sur spilite et cabernets sur spilite. Un tel matériau mérite les mains de l’artiste: Cédric Bourez se charge des petits rendements, d’une vinification et d’un élevage sous bois bien dosé (peu de bois neuf) et d’une fermentation malolactique complète. La conversion en bio est engagée.

L’entrée de gamme, Balade en chenin, permet d’apprivoiser le style du Domaine. S’attaquer à Exspecto et à Moulin Brûlé sans gants …à vos risques et périls ! Ce sont deux chenins secs de grande puissance, traversés par un souffle intense et dominateur. Exspecto trace en verticalité, Moulin Brûlé équilibre rondeur et fraîcheur.

Exspecto 2020 (100% chenin), Moulin Brûlé 2020 (100% chenin) et Anjou Noir issu de la vendange 2019 (cabernet franc 80%, cabernet sauvignon) sont en dégustation le samedi 03 décembre 2022.

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dégustation

Du terroir à l’homme en passant par le climat

Une verticale Ostertag : Grand Cru Muenchberg 1996-2019

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Alsace superbe, Alsace décevante… Alsace si diverse, Alsace si contradictoire. Bref, Alsace si passionnante., surtout pour qui s’intéresse aux vins exprimant avec clarté leur lieu de naissance, à savoir leur terroir. Lequel se définit de triple façon : le lieu-avec ses sols et sous-sols, son exposition, son altitude, son horizon -, le climat de l’année et le vigneron avec ses multiples décisions. Cette verticale illustre bien leur interdépendance.

Le Grand Cru Muenchberg

Grand Cru Muenchberg

Situé à Nothalten dans le Bas Rhin, ce lieu est magique : » « la partie terrestre y rééquilibre magnifiquement la partie céleste », comme me l’avait dit un jour André Ostertag.  Côté céleste, il s’agit d’une enclave nichée dans un vallon en retrait de la route du vin et du village.  Ses pentes ondulent dans une sorte de cirque abrité des pluies et des vents d’ouest par le “mont des Hongrois” (Ungersberg), une butte de grès vosgien atteignant 910 m. Installé de part et d’autre de ce vallon orienté au sud, le Muenchberg retient la chaleur sur ses pentes et bénéficie sur ses 17,70 ha d’un microclimat unique. Côté terrestre, le sol et le sous-sol sont formés de sédiments vieux de 250 millions d’années.

Ces terrains caillouteux et sableux où affleure régulièrement le grès rose sont constitués de poudingues avec dépôts vulcano-détritiques, parfois riches en tufs et cendres volcaniques. Il s’agit donc d’un sol pauvre où le drainage est excellent et le réchauffement rapide. Le riesling est le cépage de prédilection du Muenchberg. Celui-ci doit son nom aux moines cisterciens de l’abbaye de Baumgarten, toute proche, qui y cultivaient la vigne dès le 12è siècle.

L’impact du climat de l’année

La diversité des conditions climatiques d’une année ne manque pas d’influer sur les profils des vins. Cette verticale en témoigne par l’opposition de style entre par exemple les vins de millésimes plus frais tels 1996, 1999, 2004, 2008, 2010, 2014 d’une part, de millésimes plus chauds, voire caniculaires tels 2009, 2015, 2019 d’autre part. Les seconds offrent plus de volume, une plénitude solaire alors que les premiers sont plus élancés, d’une fraîcheur très énergique, tout en race et noblesse de Grand Cru.

2003 lui est marqué par une étroitesse que l’on n’attendrait pas d’une année très chaude, sauf que trop c’est trop : chaleur et précipitations quasi inexistantes ont provoqué du stress hydrique et des blocages de maturité, avec au final une matière à la minéralité un peu austère, voire asséchante. Autre cas, le millésime 2010 au climat chaotique : voilà bien une année tardive, avec dans les raisins une acidité malique élevée. Conséquence il a fallu vendanger à très haut potentiel alcool pour obtenir la maturité phénolique. Les vignerons peu ambitieux, qui travaillent mal dans les vignes et/ou ont vendangé trop tôt, proposent des vins au brutal tranchant acide. Aussi 90% des producteurs, « victimes du tabou alsacien contre la fermentation malolactique » comme le formulait André ont-ils choisi de désacidifier leurs vins.  Par contre les meilleurs vignerons ont réussi sur les grands terroirs à équilibrer des sucres importants liés au haut degré potentiel requis pour une maturité des pépins grâce à la solide acidité de la matière 2010. Son Muenchberg 2010 dégusté 12 ans plus tard se goûte harmonieux, élégant, délicat, avec de jolis amers minéraux.

Le fil rouge de la dégustation

André Ostertag et son fils, Arthur

Cela posé, le terroir du Muenchberg avec ses sols cristallins est tellement fort qu’il impose au-delà des différents profils une trame reconnaissable d’un millésime à l’autre : verticalité, vibration de la matière, fraîcheur qui passe par une minéralité saline. Ainsi en est-il face au caractère opulent du 2009, un riesling dont l’équilibre inhabituel  e 14°6 et 2,7 g. de sucre se fait moins par une tension acide que par les amers  salins de la minéralité : « la partie terrestre a rééquilibré la partie céleste ».

A l’opposé, le 2008 reflète bien les caractéristiques d’un millésime difficile, sauvé à partir de la mi-septembre par le beau temps. Les vignerons peu ambitieux ont vendangé trop tôt en sous maturité. Les meilleurs ont attendu et ont réussi des vins équilibrés, de belle fraîcheur. Le Muenchberg dégusté ici possède une incroyable énergie 14 ans plus tard : comme l’a écrit un participant, » le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide »,  de l’éclat, de l’énergie et une longue persistance minérale.

Les deux derniers millésimes

…dégustés dans cette verticale, certes plus jeunes n’en furent pas moins éblouissants :

2015 : chaleur, sécheresse, voire canicule en début juillet, et donc le stress hydrique auraient pu durcir les vins. Fort heureusement les pluies de la mi-août ont permis une reprise de la maturation des raisins. Au final ce 2015 présente une acidité malique plus basse que 2008, 2010 ou 2014. La matière offre une plénitude solaire en bouche avec une chair pulpeuse. Pourtant l’équilibre impressionne grâce à une fraîcheur liée à la fois à la concentration en acide tartrique et à une trame minérale saline qui se prolonge en finale sur de fins amers minéraux.

2019 : un scénario climatique comparable au précédent avec un temps sec et très chaud d’une part, des pluies salutaires au mois d’août. Un bébé encore, avec un énorme potentiel, encore brut de terroir d’une certaine façon. La bouche est riche et veloutée,  d’une grande intensité,  profonde et tendue par une impressionnante minéralité qui verticalise la richesse. La finale est très persistante sur des notes minérales salines et fumées.

Bernard Arnould

Anthocyane ne commercialise pas les vins du Domaine Ostertag. Anthocyane prête volontiers sa plume à celui/celle qui voudrait partager sa passion pour le monde du vin.

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blanc dégustation

Allemagne – riesling – cinq vignerons

Une dégustation que j’ai eu le plaisir de proposer aux membres éminents du “groupe du mercredi”, lequel s’est réuni, avec une pointe de surréalisme, lors de ce premier …vendredi du mois de novembre.

Un thème qui me tient à cœur: sortir des sentiers battus franco-français et explorer comment s’expriment d’autres cultures du vin. C’est particulièrement délicat lorsque l’on quitte l’univers latin pour rejoindre les rives du Rhin et de ses affluents, la germanité étant souvent perçue comme particulièrement complexe et résolument différente. Une sorte de zone d’inconfort du dégustateur francophone.

Or, les vingt dernières années marquent l’émergence progressive de vins allemands qui reprennent à leur compte le “modèle bourguignon” à quatre niveaux: vin régional, vin de village, premier cru, grand cru. Le modèle allemand traditionnel basé sur la richesse en sucres des raisins perd du terrain, année après année, en tous cas pour ce qui concerne les vins secs ou d’esprit sec.

Les vins secs sont dits “trocken” (ce mot figure toujours sur l’étiquette: pratique !): ils peuvent contenir jusqu’à 9 grammes/litre de sucre résiduel (à la condition de présenter une acidité élevée). Autrement dit, les vins allemands “trocken” ne sont pas si compliqués à comprendre pour un amateur habitué aux vins français. Et ça, c’est une bonne nouvelle !

Pour mettre en pratique, j’ai choisi cinq vignerons très réputés, chacun représentant sa région: Knipser pour le Palatinat (Pfalz), Dönnhoff pour la Nahe, Wittmann pour le Rheinhessen, Georg Breuer pour le Rheingau et Peter Lauer pour la Moselle.

Les vins sont servis par paire, une paire par vigneron.

Précision: la double majuscule GG sur une étiquette -ou gravée dans le verre de la bouteille- signifie Grosses Gewächs, c’est-à-dire grand cru: raisins provenant d’une parcelle précisément délimitée qui a démontré sur le long terme sa capacité à produire des vins complexes, originaux et susceptibles de s’améliorer en bouteille, après une garde de plusieurs années.

GG s’applique exclusivement à des vins “trocken”. Elle est attribuée par une association privée: VDP. En savoir plus ? C’est ici.

*****

Mise en bouche: Eva Fricke (Rheingau), Rheingau 2016

On commence par une mise en bouche, destinée à permettre l’identification du thème: à l’aveugle, mes excellents compagnons ont vite reconnu le cépage riesling et l’origine allemande. Bien joué !

Nez citronné intense, très pur: c’est en effet un riesling typique. Peu de complexité. Bouche franchement fruitée, dominée par une grande fraîcheur. Vin jeune, ne présentant pas de notes d’évolution. Equilibre magistral et jolie persistance. Il y a sans doute un petit peu de sucre résiduel, qui arrondit sans sucrer. Très réussi pour un vin simple ! Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,6/20.

Cette jeune vigneronne était déjà très au point lors de la vinification du millésime 2016. Depuis, elle est passée au stade “culte”. De plus en plus difficile de mettre la main sur quelques flacons.

Le palais est étalonné. Nous voici à présent équipés pour entamer avec détermination une ascension du Mont Germania par la face nord. Dix étapes, cinq paires de vins.

1. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2016

Nez plus discret que celui de la mise en bouche. Un peu de citron et quelques épices. Introverti mais intéressant. Progressivement vient le caillou. En bouche, minéralité un peu terreuse, plutôt austère. Zeste de citron vert. Belle longueur. Vin cérébral, avec du potentiel de garde. Racé, mais pas pour toutes les bouches. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 15,1/20.

2. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2017

Nez plus ouvert, agrumes, un peu de floral. Assez joyeux, avec quelques morceaux de soleil dedans. Bouche superbement équilibrée ! Ce vin conjugue plaisir et cérébralité. La minéralité est en retrait par rapport au millésime 2016. Classique. La version plus affable de ce cru. Ma note: 16/20, note moyenne du groupe: 16,1/20.

3. Dönnhoff (Nahe), Tonschiefer 2013

Nez bien ouvert, typique du cépage. Citron épicé. Très léger pétrole. Bouche confortable, d’accès facile, comme une version apaisée de la mise en bouche. Bonbon violette. Pas très long. A boire dans les deux ans. Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,9/20.

4. Dönnhoff (Nahe), GG Hermannshöhle 2013

Surprenant: le premier nez m’amène chez Guffens-Heynen (chardonnay bourguignon)! Des notes de cognac. Puis vient le citron confit. L’ananas. La poire qui évoque le …chenin. Un peu de miel également. Le terroir domine le cépage. Difficile de reconnaître le cépage. Grande complexité. Bouche puissante, volumineuse et salivante: ce n’est pas de l’alcool, c’est de la matière (extrait sec). Pas pour qui recherche un vin aérien et délicat. Vin prêt à boire, pour les dix ans qui viennent. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 15,4/20.

5. Wittmann (Rheinhessen), GG Aulerde 2011

Nez sur l’orange et la mandarine. Arrière-plan en forme de poire. En bouche, formidable colonne acide ! Belle verticalité, la structure domine l’aromatique. Puis vient l’abricot et l’amande. Notes d’évolution. Un profil tel que l’on peut s’y attendre. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 16,3/20.

6. Wittmann (Rheinhessen), GG Morstein 2011

Couleur intense, presque dorée. Nez de poire Williams, avec une note oxydative. Quelque chose de sudiste. Un nez pour accompagner un dessert. Ici encore, le terroir invisibilise le cépage. La bouche est parfaitement sèche (ce qui surprend), salivante, pomme et poire, la note oxydative finit par disparaître ! Vin évolué, très original. Beaucoup de personnalité. Ma note: 17,5/20, note moyenne du groupe: 16,4/20.

7. Georg Breuer (Rheingau), Berg Rottland 2016

Nez fermé, puis vient un citron vert salé très dominateur. Une touche de romarin. Bouche qui communique tant le cépage que le terroir. Formidable tension acide. Grande longueur. Aucune concession. Difficile pour tout qui n’est pas amoureux de l’acidité. Finale très nette, tranchante et saline. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,2/20.

8. Georg Breuer (Rheingau), Nonnenberg 2017

Nez intensément caillouteux; le citron se cache en coulisses. Ce vin pourrait être volcanique (ce n’est géologiquement pas le cas). Nez impérieux, dominateur et sans concessions. Bouche monstrueuse, parce que tous les éléments y sont présents au maximum ! Pamplemousse d’anthologie. Finale exceptionnelle, avec tension et salinité. Infanticide, potentiel considérable. Attendre au moins cinq ans. Peut-on faire meilleur que Berg Rottland, oui, c’est Nonnenberg ! Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 16,5/20.

9. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2014

Nez qui combine la pierre (silex) et le citron, avec des notes fumées et miellées. Progressivement, toute la gamme des fruits: abricot, poire, ananas, agrumes, etc… Enfin, la cire. Quelle complexité ! Bien sûr, il y a un peu de sucre en bouche, mais l’équilibre est parfait grâce à une acidité très élevée. Vin cristallin qui finit absolument sec. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,9/20.

10. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2015

Un petit soleil atténue légèrement l’emprise caillouteuse. En bouche, le sucre est plus présent que sur le 2014. Néanmoins, la finale reste parfaitement sèche. Beaucoup de tension. La fameuse intensité légère qui signe les meilleurs vins de Moselle. Le plaisir à l’attaque et la droiture dans la finale. Très grand vin. Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 17,1/20.

*****

Ce que je retiens ? Les grands rieslings allemands ont une personnalité profonde, marquée par le terroir. Le cépage joue son rôle soit à l’avant-plan, soit à l’arrière-plan. Certains vins camouflent le cépage derrière un terroir dominateur. Celui qui craindrait de goûter dix fois la même chose est rassuré: les expressions sont pour le moins variées et diverses.

La colonne vertébrale acide est l’élément qui structure la plupart des vins. Ce n’est certes pas une surprise, mais un rappel utile: pour les vins secs, les acidités peuvent monter jusqu’à 8 voire 9 grammes/litre. Quelques grammes de sucre résiduel se chargent d’arrondir les angles de façon à proposer un équilibre du type: assez peu d’alcool (12% ou 13%), beaucoup d’acidité, un peu de sucre. Les finales sont sèches. Autrement dit, le sucre, lorsqu’il est perceptible, marque l’attaque du vin, pas sa finale. Cela facilite les accords gastronomiques.

Pour l’anecdote, les six derniers vins servis se retrouvent aux six premières places du classement. Il n’y avait pourtant aucune volonté de crescendo. L’ordre de présentation des paires était aléatoire. Disons que l’enthousiasme est venu progressivement.

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dégustation

Anthocyane, 10 ans déjà !

Anthocyane, 10 ans déjà: une dégustation, c’est bien mais deux dégustations, c’est encore mieux !

Dégustations le samedi 19 novembre et le samedi 03 décembre, entre 10 et 18 heures. A chaque fois, une quinzaine de vins sur le bar, sélectionnés avec passion et discernement.

Les vins présentés le 03 décembre sont 100% différents de ceux présentés le 19 novembre: rien n’empêche de venir goûter deux fois !

Tous les vins commandés au plus tard le mardi 06 décembre seront mis à disposition avant les fêtes de fin d’année.

Pour vos cadeaux Champagne: sachet individuel (en papier kraft, avec cordelette) offert.

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dégustation domaine

Ostertag, Muenchberg: les années fastes

Remontée dans le temps jusqu’en 1996

Dégustation à l’aveugle passionnante, pour un groupe d’une douzaine d’amateurs. Vous avez lu le titre de cet article, mais nous, pauvres dégustateurs privés de l’étiquette, nous ne savions rien. Rien de rien.

Voici la première carafe. Bien sûr, ce sont donc les tâtonnements habituels. Je vous épargne certains parmi mes commentaires, j’ai déjà assez de mal à les gérer moi-même…

Mais ce premier vin a en tous cas beaucoup de choses à raconter: il y a du caillou, une touche de sucre résiduel, de la finesse, de la complexité aromatique (tilleul, miel) et ce je ne sais quoi qui évoque le volcan. 16/20. Millésime 2005. Démarrage en trombe donc. Le deuxième vin évoque avant tout l’automne: les feuilles mortes et le champignon. Vin évolué, avec des notes lactiques, sec, salin. Il porte son âge avec charme, mais me paraît un peu monotone. 15/20. Millésime 1996.

Le troisième est un vin patiné, avec du miel et de la cire, intense, délicat, avec une touche d’alcool et une légère oxydation (comme un sherry fruité), des épices également. 15/20. Millésime 1999. Le quatrième vin est important parce que celui-ci va me permettre de mettre un nom sur le cépage: autant les trois premiers ont été cachottiers, autant celui-ci crie: riesling ! Le citron confit joue le premier rôle. Vin puissant, encore un peu massif, léger tannin, touche de sucre, de la jeunesse. Un classique. 16/20. Millésime 2000.

Bon, à partir d’ici, on commence à se dire que l’on tient le bon bout: riesling, Alsace, avec des vins d’un certain âge, voire d’un âge certain. Voici la cinquième carafe: jus de citron parfumé, abricot voire pêche. Par contre, la bouche part vers une minéralité un peu austère. Progressivement la verticalité, l’élégance, la pureté, la longueur. Un vin spirituel. 16,5/20. Millésime 2003. Sixième carafe: attention, jeu de mots facile. Autant le précédent était spirituel, autant celui-ci me paraît …spiritueux ! Je m’explique: une aromatique en forme de Cointreau ou de Grand Marnier. Le nez légèrement écrasé, solaire voire sudiste. Comme un moelleux qui aurait mangé ses sucres. C’est riche et gras, mais manque d’énergie. 14,5/20. Millésime 2004.

Carafe sept. Ici on touche au sublime. Total respect. Le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide, longueur impressionnante. Du souffle, de l’énergie, de la densité. On pourrait se rapprocher d’un riesling que l’on trouve plus facilement outre-Rhin. Sommes-nous bien en Alsace ? 17,5/20. Millésime 2008. Voici déjà une huitième carafe qui révèle un nez presque pâtissier, avec de l’orange et de la cannelle, du miel, de la fumée. Vin que l’on pourrait qualifier de baroque. Puissance maîtrisée, belle fraîcheur. Est-ce bien du riesling ? Pinot gris ou complantation ? 16,5/20. Millésime 2009

Changement d’étiquette

Retour vers le riesling alsacien avec ce neuvième vin: agrumes, épices, orange et clou de girofle, bouche harmonieuse avec de jolis amers, fraîcheur énergique. Vin sec et plutôt délicat, belle réussite qui tranche avec le vin précédent en termes de style. 16,5/20. Millésime 2010.

Des noms de vignerons et de Domaines fusent. Parmi les Deiss et les Zind-Humbrecht, on entend l’un ou l’autre Ostertag. Quel vin “colle” avec quel vigneron ? Des avis en pagaille. Dixième carafe: j’adore (tout le monde ne partage pas mon enthousiasme). Citron intense, floral. Bouche jeune, serrée, salivante, longue. Equilibre parfait. Un vin dominateur comme un mâle alpha. 17/20. Millésime 2014

Encore un petit effort de concentration: voici le onzième vin. Archétype d’un grand nez de riesling, bouche jeune, massive, fraîche, plus solaire que le vin précédent. Finale un peu en retrait. 16/20. Millésime 2015.

Et enfin, voici le douzième: citron vert épicé, bouche encore fermée, comme repliée sur elle-même. Nous évaluerons son potentiel plus que le vin tel qu’il se présente aujourd’hui. Quelqu’un dit: brut de terroir. Joli résumé tout en concision. La verticalité est impressionnante. 17/20. Millésime 2019.

Nouvelle livrée

Voici la révélation, avec un grand sourire sur le visage de l’organisateur: nous avons goûté 12 millésimes de la même cuvée. A l’exception du dernier, tous ces vins ont été élaborés par André Ostertag. Son fils Arthur prend maintenant la relève. Est-ce j’ai pensé qu’il pourrait s’agir d’une verticale ? Non, douze fois non. Sur base du deuxième et du troisième vin, je voyageais du côté de la Loire. Le huitième m’a emmené vers le pinot gris et le septième aurait pu être allemand (Pfalz). Quel leçon sur l’importance du millésime !

Le Grand Cru Muenchberg, entre les mains d’un expert, est capable de distiller des expressions extrêmement diverses, en fonction de l’ensoleillement, du volume pluviométrique, de la date des vendanges, de subtiles décisions de l’homme pour guider, orienter le résultat final.

Nous avons goûté les vins du plus ancien vers le plus récent, avec une exception déroutante pour commencer.

En relisant mes notes, je me dis que mes commentaires relatifs aux millésimes 2003 et 2004 sont étranges: à priori, j’aurais inversé l’un et l’autre. Mais non, 2003 se révèle bien plus intéressant que prévu. J’ai d’ailleurs eu en son temps une expérience similaire avec l’Altenberg de Bergbieten de Mochel.

Un grand merci à la générosité de l’organisateur. He made my day !

L’esprit du vin circule inlassablement et se répand en flux circulaire, coule de haut en bas, du ciel vers la terre, de la lumière à l’ombre, de la vigne à la cave, va de jus en vin, de cuve en bouteille, d’ici à ailleurs, d’orient en occident, au bout des mers, de l’autre côté des nuits, là où les saisons se confondent, au cœur de villes sans arbres, au cœur des hommes déracinés, entre mur et poussière.
Il est le caillou du rire, le renouveau du soleil, l’ivre livre, le verre libre, le rêve retrouvé.
Il est le vin, le chant de l’univers.
Site Internet du Domaine.

En savoir plus ? https://viamo.fr/vignerons/domaine-ostertag/

Anthocyane ne commercialise pas les vins de ce Domaine.