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Le voyage en Rioja (jour 4): Roda

Si vous êtes allés à la Rioja Alta et/ou chez Lopez de Heredia, trouver le Domaine Roda est extrêmement simple: c’est juste à côté, dans le quartier de la gare. Paradoxe: Roda est un domaine de style moderne, créé dans les années ’80 du siècle dernier. Le premier millésime est 1992.

L’architecture impressionne: une véritable cathédrale contemporaine, dédiée au vin. Tout a été minutieusement réfléchi. Le lieu est la traduction d’une vision, d’une volonté de faire plus que très bien.

Difficile d’ignorer où nous sommes…

Nous sommes reçus par Edurne Ereña Aparicio: elle nous guidera avec grande compétence entre les foudres et les barriques, dans les caves souterraines et jusqu’aux rives de l’Ebre. Elle passe de l’anglais au français avec une confondante facilité. Elle a un vrai talent de narratrice et sait capter l’attention, tout en gardant un œil sur la montre. Bravo !

Monumental, immaculé, esthétique…
Edurne, notre hôtesse et les 6 vins dégustés chez Roda. La petite bouteille au centre, c’est l’huile d’olive…

Nous goûtons toute la gamme des vins rouges, ceux de la Rioja mais aussi ceux en provenance de la Ribera del Duero.

Sela est une entrée de gamme très réussie: un vin certes facile à boire, mais capable de bien se tenir lorsqu’on le goûte à nouveau, après les grandes cuvées. Roda est la cuvée « fruits rouges », Roda I est la cuvée « fruits noirs ». Il n’y a pas de parcelles dédiées à l’un ou l’autre vin, tout dépend des conditions climatiques du millésime.

Nous avons l’opportunité de goûter Cirsion, cuvée super-luxueuse dont le prix est totalement dissuasif. C’est très bon (…heureusement…), mais, à ce stade, je ne perçois pas la valeur ajoutée par rapport à Roda et Roda I qui m’enchantent par la précision et la délicatesse de leur matière. Oh bien sûr ce sont des vins puissants, bardés de tannins et construits pour la garde, mais je suis très agréablement surpris par l’équilibre plutôt frais de ces deux vins. On a l’impression que Roda évolue vers « toujours mieux » en remplacement bienvenu de l’ancien « toujours plus ».

source: site Internet du Domaine

Roda, c’est aussi le Domaine La Horra en Ribera del Duero. Je m’attendais à des vins marqués par l’extraction, par un boisé généreux et par un alcool chaleureux. Surprise à nouveau: Corimbo et Corimbo I sont des vins plus classiques et plus abordables que je ne me l’imaginais. L’écart qualitatif entre ces deux cuvées me paraît plus important que pour les cuvées Roda. Autrement dit, Corimbo I est magnifique !

Anthocyane propose 4 cuvées du Domaine Roda: Sela 2020 (€ 22), Roda Reserva 2019 (€ 36), Roda I Reserva 2018 (€ 57,50), Corimbo I Reserva 2016 (€ 54)

Difficile de ne pas rajouter un paragraphe relatif au restaurant où nous avons dîné samedi soir: La Vieja Bodega à Casalarreina. Le lieu est très grand, dans un style rustique de bon aloi. On y mange une cuisine régionale goûteuse et copieuse. Même les desserts sont réussis ! Le sommelier est un vrai passionné: nous nous comprenons, même si son anglais est à peu près aussi mauvais que notre espagnol.

Evidemment, il faut se plonger dans la carte des vins, collection de diamants facturés au prix du charbon. On n’en croit pas ses yeux ! Et nous avons fini la soirée dans les anciennes caves qui se situent en dessous du restaurant, à grande profondeur.

Nous y avons (entre autres…) goûté ces deux vins-ci:

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Le voyage en Rioja (jour 2): la tradition

En route pour le fameux quartier de la gare (barrio de la estacion) à Haro. Les uns presque à côté des autres, sept domaines de haut niveau. Il fut un temps où les vins quittaient la Rioja via le chemin de fer et il y avait donc un bénéfice logistique à installer les bâtiments de vinification et d’élevage au plus près de la gare.

Les bâtiments de Lopez de Heredia construits fin 19ième et début 20ième siècle. Toute l’activité du Domaine est concentrée ici.

Nous avons choisi de rendre visite d’abord à Lopez de Heredia, domaine historique, également connu sous le nom de sa cuvée emblématique Viña Tondonia. Nous sommes ici dans le temple de la tradition. Les vins sont élaborés à l’ancienne, sans concession à la modernité, ni usage d’une quelconque technologie sophistiquée. Longs longs longs élevages en barriques de chêne américain, suivis par de longues années en bouteilles avant commercialisation.

Notre hôte, Luis Taboada, nous a guidés avec brio entre les chais de vinification (foudres anciens toujours en activité) et d’élevage: hallucinant empilement sur quatre ou cinq niveaux de barriques bordelaises dans des caves souterraines creusées directement dans la colline; barriques exclusivement fabriquées par les tonneliers du Domaine, qui se chargent également d’entretenir et de réparer les foudres.

Coup d’œil également sur les gigantesques foudres d’assemblage dans lesquels passent les vins avant embouteillage (il s’agit d’homogénéiser le contenu des barriques).

Il y a des toiles d’araignée partout et il ne viendrait à personne la mauvaise idée de les éliminer: les araignées sont les alliées du vinificateur puisqu’elles se nourrissent de toutes sortes de petites bestioles qui pourraient influencer négativement les vins en gestation.

Empilement de barriques bordelaises.

Une précision intéressante: le Domaine n’utilise pas de bois neuf. Lorsque les barriques sont fabriquées, elles sont d’abord remplies pendant un an avec une partie de vin de presse. Celui-ci est ensuite distillé. Les barriques sont alors prêtes à accueillir les vins qui, longtemps après, donneront naissance aux différentes cuvées du Domaine.

En Espagne, la commercialisation se fait comme ci-dessus: 5 bouteilles de Tondonia rouge et 1 bouteille de Gravonia (blanc); les blancs sont aussi rares que demandés.

Le Domaine détient 170 hectares de vignes, toutes situées à faible distance des bâtiments de vinification. Il n’y a aucun achat de raisins. Le nom des différentes cuvées correspond au nom des vignobles (en espagnol « viña »). La famille Lopez de Heredia (deux sœurs et un frère) est toujours aux commandes. Nous avons d’ailleurs eu le plaisir de rencontrer Mercedes Lopez de Heredia pour un intermède philosophique. La génération suivante sera exclusivement féminine.

Voici le lieu où l’on goûte.
Luis ouvrant une bouteille de Viña Tondonia dans les règles: il s’agit de retirer le filet métallique avec élégance…
Côte à côte, les vins dégustés. 2011. C’est bien le millésimes actuellement vendu par le Domaine, après un très long élevage.

Viña Bosconia est un vin fondu, à la structure tannique très douce. Il est embouteillé dans une bourguignonne et ce n’est pas par hasard. Selon Luis, il se pourrait même que le nom du vignoble s’inspire du mot Borgoña. Il y a longtemps, bien avant le temps des appellations d’origine, il était courant de décrire un vin en le comparant à celui élaboré dans une région célèbre: Bosconia = Rioja dans le style bourguignon…

Pour poursuivre la comparaison, Viña Tondonia présente un profil plus strict, très harmonieux et très long, comme un Bordeaux classique. Si vous aimez Château Le Puy, les Bordeaux pré-Parker ou Château Musar (Liban), Tondonia est pour vous ! La dégustation de ce vin est une fascinante plongée dans le 19ième siècle.

Les différents vignobles qui composent le Domaine, avec Viña Tondonia à droite, dans un méandre de l’Ebre.
Zoom sur les parcelles de Viña Tondonia (rouge, blanc, rosé).
Vue sur le Domaine Lopez de Heredia depuis le Domaine de La Rioja Alta !

Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine Lopez de Heredia: Viña Cubillo Crianza 2015 (€ 18), Viña Bosconia Reserva 2011 (€ 29) et Viña Tondonia Reserva 2010 (€ 40).

On enchaîne immédiatement avec notre deuxième visite. Même une tortue grabataire est capable de franchir la distance entre Lopez de Heredia et La Rioja Alta en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. On traverse l’avenue de Vizcaya et nous y voilà !

Vue sur le Domaine de La Rioja Alta depuis Lopez de Heredia !

Lorena Alves nous attend. Après un apéro en provenance de Galice (La Rioja Alta y possède deux domaines), nous entamons une visite qui mettra en évidence des objectifs très similaires à ceux poursuivis par Lopez de Heredia, mais des méthodes fort différentes. Ici on accueille volontiers les technologies contemporaines, mais on élabore également des vins traditionnels, avec de longs élevages en bois américain.

C’est par ici !
On voit mieux comme ceci.
Après être passé sous l’arche végétalisée, on découvre des bâtiments et jardins d’une grande élégance.
Cave à barriques d’une propreté immaculée: pas la moindre araignée !

Pour varier les plaisirs, les vins seront dégustés à table, pendant un déjeuner dans un salon du Domaine. Viña Ardanza ne peut cacher un fort tempérament méditerranéen (78% tempranillo et 22% de grenache) qui m’évoque Châteauneuf-du-Pape. Le vin est puissant, riche et confortable.

Puissance méditerranéenne

Changement de style avec Viña Arana: on se retrouve de l’autre côté de la route, un vin qui pourrait être un cousin de Viña Tondonia ! Grande intensité aromatique, précision et concentration. Si vous préférez un millésime plus frais et un vin tout en verticalité, laissez vous tenter par le millésime précédent, 2014.

2015, le nouveau millésime de la cuvée Arana. À mon avis ? Fabuleux !

Nous n’avons pas goûté la cuvée « 904 » au Domaine, mais y avons acheté une bouteille pour un repas à prendre dans notre logement. Mais d’abord: pourquoi « 904 » ? Simple, la cuvée a été produite pour la première fois avec le millésime 1904. De la même façon, la cuvée très haut de gamme s’appelle « 890 ». Quand pensez-vous qu’elle a été produite pour la première fois ? Eh oui, le Domaine a été fondé à la fin du 19ième siècle, quelques années après Lopez de Heredia.

Quelle surprise, des barriques empilées…
C’est ainsi que l’on goûte à La Rioja Alta lorsque l’on souhaite ne pas être influencé par les mimiques et les éventuels commentaires des autres dégustateurs.

Et la dégustation ultérieure de « 904 » ? Vin d’une grande profondeur et d’une grande densité. Malgré un élevage long, ce vin a encore besoin de temps en cave. Pour le goûter aujourd’hui, la carafe me semble impérative. Autre conseil: ne le jugez pas après une première gorgée. Laissez le vin s’oxygéner dans le verre: la complexité apparaît progressivement…

Si vous préférez un vin prêt à boire, privilégiez le millésime 2011 (NB: « 904 » n’a pas été produit en 2012, ni en 2013, ni en 2014).

Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine de la Rioja Alta: Viña Ardanza Reserva 2015 (€ 35), Viña Arana Gran Reserva 2014 (€ 40) et « 904 » Gran Reserva 2011 (€ 60).

En soirée, nous nous offrons un restaurant réputé: Nublo à Haro. Ici, tout est cuit à la braise (avec du bois de vigne, récolté au moment de la taille). Michelin consacre ce lieu en lui prêtant une étoile (Michelin ne donne pas d’étoiles, puisqu’il lui arrive de les reprendre…).

Derrière cette porte, une aventure gastronomique particulièrement audacieuse.

Nubio ne fait rien de façon classique: l’audace et la prise de risques font partie de l’ADN de la maison. Dès notre arrivée, nous rendons une brève visite à la cuisine pour y apercevoir les modes de cuisson qui seront utilisés pour l’ensemble des plats: four à bois, poêle à bois, flamme. Conséquence: la fumée joue un rôle majeur dans les préparations. La salle est une cour intérieure couverte, avec un très haut plafond, le tout dans un palais du 16ième siècle qui a servi pendant sa longue histoire de bureau de police et de prison. Il ne manque que le bordel et le monastère…

Le menu se compose de 15 services. Nous choisissons de l’accompagner exclusivement par des vins de la Rioja. Je ne me risque pas à détailler tout ce qui est apparu devant nos yeux ébahis, il y en aurait pour plus de temps que celui dont je dispose.

Plusieurs vins m’ont semblé d’une qualité exceptionnelle: en blanc, la cuvée Olagar Gran Reserva du Domaine Remirez de Ganuza 2014 (100% viura), d’une précision diabolique. Le rosé Gran Reserva Classica du millésime 2009 (sic) produit par le Domaine Lopez de Haro: waouw ! Seule étape hors Rioja: une très bonne Manzanilla de Jerez.

Le sixième plat d’une série de quinze…
Les petits fours qui clôturent un repas étonnant.
Un blanc d’une finesse et d’une élégance rares. Amusant: nous rendons visite au Domaine Remirez de Ganuza le lendemain.
Un -grand- rosé 2009: ils ne font décidément rien comme les autres !

Evaluation du restaurant ? De mon point de vue, une expérience qui mérite incontestablement le détour. Mais je n’en ferais pas ma cantine.

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Vega Sicilia: le mythe dégusté

Voilà ce qui s’appelle une opportunité difficile à refuser: une dégustation des vins de Vega Sicilia, organisée par l’importateur. Nous sommes sept autour de la table et je suis le seul francophone. Un monsieur -bien plus corpulent que moi- adore s’entendre parler. Soit. Pour donner encore un peu plus de cachet à l’événement, cela se passe dans une église, certes désacralisée. Notre table est installée dans le chœur.

J’écris Vega Sicilia, mais à vrai dire il serait plus correct d’écrire Tempos Vega Sicilia, puisqu’il s’agit de la réunion de cinq domaines distincts: Bodegas Vega Sicilia, Bodegas y Viñedos Alión, Bodegas y Viñedos Pintia, Benjamin de Rothschild & Vega Sicilia et Tokaj-Oremus.

Sicilia est dérivé d’une Sainte-Cecilia castillane et non d’une île italo-méditerranéenne. Nous sommes bien dans le centre de l’Espagne, en appellations Ribera del Duero, Toro et Rioja, mais nous irons également déguster …en Hongrie.

Tempos Vega Sicilia pourrait appartenir à je ne sais quel fonds de pension américain ou, qui sait, à un oligarque sans scrupules. Mais non, pas du tout, Vega-Sicilia est entre les mains de la famille Álvarez-Mezquíriz depuis 1982. Progressivement, la famille a acquis de nouveaux vignobles, en Espagne et dans le nord-est de la Hongrie, dans une région à la fois proche de la Slovaquie, de la Roumanie et de …l’Ukraine. Слава Україні.

La volonté existe de s’étendre également en direction du Bordelais: Clos Fourtet, Montrose et Lascombes ont failli tomber dans l’escarcelle de la famille Álvarez-Mezquíriz, mais aucune transaction n’a réussi. Par contre, il y aura bientôt du nouveau en Espagne avec le rachat d’un grand nombre de parcelles d’albariño en Galice (appellation Rias Baixas): les premières bouteilles devraient être commercialisées en 2025.

Mandolas 2015

On commence avec un blanc sec hongrois élaboré avec le cépage furmint (appellation Tokaji). Je me souviens avoir goûté les millésimes 2017 et 2018 au moment de leur arrivée sur le marché: le vin m’avait semblé proche d’un Chablis plutôt austère, marqué par l’acidité et par le boisé. Certes du potentiel, mais pas évident à apprécier tel quel. Ceci est une première occasion de déguster Mandolas à meilleure maturité. Quelques infos techniques: 13% d’alcool, 3 grammes de sucre résiduel et 7 grammes d’acidité. Vendanges précoces (29 août). Âge moyen des vignes: 25 ans. Elevage en fûts typiques de 136 litres, appelés gönc. Mandolas est un vin-pionnier: le premier sec élaboré à Tokaj !

Nez d’une belle élégance, avec des notes d’amande et de boisé. Une certaine réserve. En bouche, fraîcheur marquée à l’attaque, boisé encore présent. Ensuite vient le gras, la richesse. J’ai l’impression d’évoluer dans le monde du chardonnay et plus particulièrement du Chablisien. De mon point de vue, une garde supplémentaire devrait harmoniser les différents éléments. Ce n’est pas un vin charmeur, il joue plutôt sur la cérébralité.

Le millésime 2018 est disponible chez l’importateur au prix de € 23. A déguster à partir de 2025 (pas plus tôt).

Petracs 2017

On enchaîne avec un deuxième blanc sec hongrois. Toujours 100% furmint. C’est une sélection parcellaire dans le village de Tolcsva. Vieilles vignes (60 ans) sur coteaux pentus. Ce 2017 est le premier millésime produit.

Robe de laiton pâle. Nez fermé. La bouche: choc ! Finesse soyeuse, texture douce, équilibre et longueur ! Ce vin me semble paradoxalement plus prêt à boire que le précédent, avec un boisé plus discret et beaucoup d’harmonie. On est encore dans un style qui ne surprendra pas les amateurs des blancs de Bourgogne. L’écart qualitatif avec Mandolas me semble important.

Ce millésime 2017 n’est pas disponible, sauf dans un colis (6 bouteilles de Mandolas + 1 bouteille de Petracs) à € 208. Il devrait y avoir un peu plus de volume disponible à partir du millésime 2018.

Macan Clasico 2009

Le projet Macan est une association entre Vega-Sicilia et Benjamin de Rothschild (propriétaire du Château Clarke à Bordeaux, décédé en 2021). Les deux protagonistes ont acquis entre 2001 et 2009, discrètement et patiemment, quelques 190 parcelles de vignes pour constituer un vignoble de +/- 100 hectares en Rioja. Ce 2009 est le premier millésime produit par le Domaine. Macan Clasico est le deuxième vin du Domaine (le grand vin s’appelle simplement Macan).

Couleur dense, jeune. Au nez, de la cerise, du menthol, du chocolat, un boisé un peu sucré. En bouche, c’est sudiste, boisé, savoureux. Je dirais plus merlot que cabernet (c’est une image: le vin est 100% tempranillo), St-Emilion n’est pas loin. Vin apaisé, chaleureux (mais l’alcool ne me semble pas excessif) avec des tannins fondus. C’est bien fait et je suis certain que cela plairait à un large public d’amateurs parkérisants. Le millésime solaire joue dans ce sens. Pour mon goût, cela manque d’énergie.

Macan Clasico 2018 est disponible chez l’importateur au prix de € 44.

Pintia 2008

Pintia, c’est le domaine en appellation Toro. Cette appellation a bâti sa réputation sur des vins hénaurmes. Méfiance donc. Premier millésime de ce vin en 2001 (j’en avais acheté 3 bouteilles en 2004 pour ma cave personnelle).

Couleur dense. Le nez est plus discret que celui du vin précédent, plus introverti. La bouche me fait voyager vers le Rhône, entre grenache et syrah. La texture, c’est le grenache; la couleur et les notes fumées, c’est la syrah. Ici aussi, ce n’est qu’une image, pour ce 100% tinta de Toro, le nom local porté par le tempranillo. Le boisé me semble assez peu appuyé (quel bonheur). De mon point de vue, supérieur au précédent: on gagne en précision, en définition et en complexité. 15% d’alcool néanmoins.

Pintia 2017 est disponible chez l’importateur au prix de € 56.

Alion 2011

On écrit parfois qu’Alion serait le deuxième vin de Vega-Sicilia. Non, vraiment pas. Le Domaine Alion se situe bien en appellation Ribera del Duero, mais à une quinzaine de kilomètres du Domaine Vega-Sicilia. C’est un vin indépendant, vinifié et élevé séparément. Premier millésime en 1994. L’idée de base était d’élaborer un vin moderne, comprenez, avec plus de couleur, plus de fruit, plus d’extraversion que les classiques Unico et Valbuena 5°. La famille n’a pas voulu modifier le style de ces derniers, mais a choisi d’ajouter un autre style à la gamme. A noter que 2011 est considéré comme un très grand millésime.

Le nez est épicé, avec de la cerise et du café. La bouche me semble de type « merlot », jusqu’à glisser vers une décadence sensuelle. C’est onctueux, chaleureux et se rapproche d’un vin du Nouveau Monde. C’est concentré, techniquement irréprochable et on en met plein la vue. Si j’oublie mon goût personnel, je ne peux être que fasciné. Si je respecte mon goût personnel, cela ne me touche pas.

Pour l’anecdote: si vous tombez sur une bouteille d’Alion 2010, vendue à un prix attractif …fuyez, c’est une imitation produite par un faussaire mal informé. Alion n’a pas été produit en millésime 2010 !

Alion 2011 est disponible chez l’importateur au prix de € 77.

Valbuena 5° 2016

Voici donc le véritable deuxième vin de Vega-Sicilia. Son nom (5°) lui vient d’un élevage de 5 ans (barrique et bouteille) avant commercialisation. Ce millésime 2016 est donc le plus récent. 95% tempranillo et 5% merlot. Alcool: 14,5%. Âge moyen des vignes: 35 ans.

Plus de couleur que ce à quoi je m’attendais. Au nez, quelques notes d’évolution et un boisé discret. En bouche, nous changeons de planète. Finesse, qualité des tannins, finale salivante et précise. Rien pour évoquer la décadence, beaucoup de fraîcheur, c’est un vin serré et long. L’alcool joue un rôle plutôt modeste. Grand vin, plein de vie et d’énergie.

Valbuena 5° 2016 est disponible chez l’importateur au prix de € 143.

Unico 2011

Et donc, nous y voici. Le mythe. Le plus grand vin rouge espagnol ?

95% tempranillo, 5% cabernet sauvignon. 10 ans d’élevage (barrique, foudre et bouteille) avant commercialisation Mise en bouteilles en juin 2017. Âge moyen des vignes: 35 ans. Alcool: 14%. Production: 88.000 bouteilles et 3.500 magnums.

Déguster un mythe est plus difficile que déguster un vin. Il faut gérer ses attentes et ses émotions. Il faut trouver l’équilibre entre jouir du moment et évaluer sereinement le contenu du verre. Il faut oublier un instant la notion de rapport qualité/prix. Il faut assumer ses papilles déjà mises à rude épreuve par les vins précédents (dont j’avais conservé de petites quantités aux fins de comparaison).

Beaucoup de couleur et de jeunesse, équilibre construit sur la paire fraîcheur/tannins, l’alcool bien maîtrisé et certainement pas dominant, beaucoup d’énergie, presque tranchante. On bénéficie à la fois d’une texture soyeuse et d’un punch redoutable. Vin qui évoque mes meilleurs souvenirs bordelais, c’est-à-dire Rive gauche/Médoc, avant le millésime 2000. Furtivement, j’ai aussi pensé à Barolo.

En relisant mes notes pour écrire cet article, je découvre avec intérêt ma conclusion: finalement, tous les grands vins se ressemblent. Voilà une phrase qui mériterait un long développement sur le mode contradictoire: est-ce vrai ou est-ce faux ? Et si c’est vrai, que fait-on avec cette affirmation ?

Coïncidence: la Revue du Vin de France consacre un article à Vega-Sicilia dans son numéro d’avril 2022. J’y ai pêché quelques informations pour cet article. La dégustation de la RVF est remontée jusqu’à Unico …1953. Bon p’tit millésime, noté 99/100.

Unico 2011 est disponible chez l’importateur au prix de € 348.

Oremus Tokaji 3 Puttonyos 2015

raisins de plus en plus touchés par le botrytis

On termine par le dessert, une sucrerie hongroise, un Tokaji de type « 3 puttonyos ». Voici le CV de la bête: 11,5% d’alcool – 7,9 grammes d’acidité – 138 grammes de sucre résiduel. Cépages (accrochez-vous): furmint, hárslevelü, zéta et sárgamuskotály.

« 3 puttonyos », cela correspond à l’ajout de 3 paniers de 23 kg de raisins botrytisés au moût en fermentation dans des tonneaux de 136 litres. Les raisins botrytisés macèrent pendant 48 heures, ce qui fait du Tokaji une sorte de vin …orange !

Quel nez ! Ananas, fruits de la passion, puis pêche/abricot et un floral miellé. La bouche est huileuse, avec une finale très fraîche sur l’ananas. Rien de sirupeux, ce qui s’explique par son acidité très élevée. A déguster dès maintenant. Il est recommandé de le boire vraiment frais (8°). Garde prévisible: 30 ans et plus.

Oremus 3 puttonyos 2015 est disponible chez l’importateur au prix de € 44 (bouteille de 50cl). Oremus 5 puttonyos 2014 au prix de € 74 (bouteille de 50cl).

Conclusion

Excellente organisation et commentaires avisés/pertinents pour encadrer la dégustation. J’ai été positivement surpris par Petracs et par Pintia. Valbuena et Unico sont exceptionnels, mais ce n’est pas une surprise.