C’est simple: nous avons pris le petit déjeuner, fait nos bagages et pris la direction de l’aéroport de Bilbao.
Je retiens de ce voyage l’accueil, aussi professionnel que sympathique. Partout. Malgré une relation parfois difficile avec l’anglais.
Je retiens la découverte de la grande diversité des vins blancs: rien en commun entre Viña Tondonia Reserva (Lopez de Heredia), Olagar (Remirez de Ganuza), 5V (Abel Mendoza) et Miguel Merino Blanco si ce n’est la qualité !
Je retiens que les vins rouges modernes ont changé de cap vers plus de fraîcheur et un usage plus intelligent de la barrique française: en un mot ces rouges modernes sont aussi intéressants que les vins rouges traditionnels.
Je retiens le bouillonnement d’idées et la multiplicité des approches: la région est vivante (même si les villages paraissent parfois dépeuplés) et elle n’a pas peur d’essayer, de changer, de se remettre en question. Bien sûr, Lopez de Heredia ne change RIEN, JAMAIS. Et c’est très bien comme ça !
Je retiens que les prix des bouteilles, certes élevés, sont cohérents par rapport à la qualité. Trouvera-t-on facilement un grand Bourgogne, un grand Bordeaux, un grand Barolo pour moins de € 50 ? C’est bien avec ces régions-là qu’il convient de comparer ! Nous avons rendu visite aux meilleurs Domaines, ceux que Tim Atkin considère comme l’équivalent des 1ers et 2ièmes crus classés à Bordeaux. Cela se paye, vu l’importance de la demande mondiale.
Je retiens que la météo s’est montrée clémente: il n’a vraiment plu que sur la route du retour, vers l’aéroport.
Je retiens que les Domaines que nous avons visité proposent leurs vins en Belgique. Parfois les millésimes goûtés en Espagne ne sont pas ceux qui sont disponibles en Belgique aujourd’hui. Parfois une cuvée spécifique est épuisée ou n’est pas importée.
Si vous êtes allés à la Rioja Alta et/ou chez Lopez de Heredia, trouver le Domaine Roda est extrêmement simple: c’est juste à côté, dans le quartier de la gare. Paradoxe: Roda est un domaine de style moderne, créé dans les années ’80 du siècle dernier. Le premier millésime est 1992.
L’architecture impressionne: une véritable cathédrale contemporaine, dédiée au vin. Tout a été minutieusement réfléchi. Le lieu est la traduction d’une vision, d’une volonté de faire plus que très bien.
Difficile d’ignorer où nous sommes…
Nous sommes reçus par Edurne Ereña Aparicio: elle nous guidera avec grande compétence entre les foudres et les barriques, dans les caves souterraines et jusqu’aux rives de l’Ebre. Elle passe de l’anglais au français avec une confondante facilité. Elle a un vrai talent de narratrice et sait capter l’attention, tout en gardant un œil sur la montre. Bravo !
Monumental, immaculé, esthétique…
Edurne, notre hôtesse et les 6 vins dégustés chez Roda. La petite bouteille au centre, c’est l’huile d’olive…
Nous goûtons toute la gamme des vins rouges, ceux de la Rioja mais aussi ceux en provenance de la Ribera del Duero.
Sela est une entrée de gamme très réussie: un vin certes facile à boire, mais capable de bien se tenir lorsqu’on le goûte à nouveau, après les grandes cuvées. Roda est la cuvée “fruits rouges”, Roda I est la cuvée “fruits noirs”. Il n’y a pas de parcelles dédiées à l’un ou l’autre vin, tout dépend des conditions climatiques du millésime.
Nous avons l’opportunité de goûter Cirsion, cuvée super-luxueuse dont le prix est totalement dissuasif. C’est très bon (…heureusement…), mais, à ce stade, je ne perçois pas la valeur ajoutée par rapport à Roda et Roda I qui m’enchantent par la précision et la délicatesse de leur matière. Oh bien sûr ce sont des vins puissants, bardés de tannins et construits pour la garde, mais je suis très agréablement surpris par l’équilibre plutôt frais de ces deux vins. On a l’impression que Roda évolue vers “toujours mieux” en remplacement bienvenu de l’ancien “toujours plus”.
source: site Internet du Domaine
Roda, c’est aussi le Domaine La Horra en Ribera del Duero. Je m’attendais à des vins marqués par l’extraction, par un boisé généreux et par un alcool chaleureux. Surprise à nouveau: Corimbo et Corimbo I sont des vins plus classiques et plus abordables que je ne me l’imaginais. L’écart qualitatif entre ces deux cuvées me paraît plus important que pour les cuvées Roda. Autrement dit, Corimbo I est magnifique !
Anthocyane propose 4 cuvées du Domaine Roda: Sela 2020 (€ 22), Roda Reserva 2019 (€ 36), Roda I Reserva 2018 (€ 57,50), Corimbo I Reserva 2016 (€ 54)
Difficile de ne pas rajouter un paragraphe relatif au restaurant où nous avons dîné samedi soir: La Vieja Bodega à Casalarreina. Le lieu est très grand, dans un style rustique de bon aloi. On y mange une cuisine régionale goûteuse et copieuse. Même les desserts sont réussis ! Le sommelier est un vrai passionné: nous nous comprenons, même si son anglais est à peu près aussi mauvais que notre espagnol.
Evidemment, il faut se plonger dans la carte des vins, collection de diamants facturés au prix du charbon. On n’en croit pas ses yeux ! Et nous avons fini la soirée dans les anciennes caves qui se situent en dessous du restaurant, à grande profondeur.
Nous y avons (entre autres…) goûté ces deux vins-ci:
Petit déjeuner à 08h00, les moteurs tournent à 08h30 tapantes: nous avons rendez-vous dès 09h00 et il faut rouler vers l’est, vers le village de Baños de Ebro, là où se niche le Domaine Artuke.
Voici Artuke: c’est évidemment moins impressionnant que les Domaines sis à Haro.
Lorsque Arturo de Miguel (le vigneron) apparaît, il propose immédiatement de nous rendre dans les vignes: excellente idée ! En quelques minutes nous arrivons à la parcelle Finca de Los Locos, un vignoble d’altitude (550 mètres) qui doit son nom au fait que les vignerons de la vallée ne comprennent pas pourquoi il faut aller si loin pour faire pousser la vigne. L’explication est pourtant simple: la géologie permet de faire de bien meilleurs vins ici ! Et les rendements sont moindres. Une large majorité de tempranillo, mais aussi du graciano et de la viura. Le vin de cette parcelle en porte le nom.
Arturo explique avec force que c’est la parcelle qui compte, pas le strict respect des élevages traditionnels. Chez Artuke, aucune bouteille ne porte les mentions crianza, reserva, gran reserva. Donc plus de liberté pour adapter l’élevage aux caractéristiques de la parcelle et du millésime.
Finca de Los Locos: il faut être fou pour entretenir cette parcelle très éloignée du village, où les rendements sont faibles. C’est bien pour cela qu’elle intéresse Arturo !
A noter que nous sommes ici en Rioja alavesa, c’est-à-dire en Pays Basque. Essayons de ne pas heurter une éventuelle susceptibilité…
Le Domaine, créé par les parents d’Arturo en 1991, s’étend sur 22 hectares et 32 parcelles, disséminées sur quatre villages.
La gamme se compose de sept vins. Nous allons tous les goûter sur le millésime 2021 (avec une exception 2022 pour le petit dernier). Pies Negros est un vin d’assemblage de plusieurs parcelles. On se rend rapidement compte que l’approche est bourguignonne (vin régional, vin de village, 1er cru, grand cru) même si Arturo insiste pour ne pas entretenir la confusion: avec du tempranillo, on ne fera jamais du pinot noir.
On peut risquer ici une comparaison avec l’évolution en Allemagne: de plus en plus, les vins d’élevage font place aux sélections parcellaires.
Les crus sont remarquables, avec de mon point de vue, un fort coup de cœur sur Paso Las Mañas, vin concentré, frais et épicé, avec des arômes de cerise et de framboise. La parcelle se situe à 720 mètres, sur le territoire de la commune de Samaniego. Le boisé (français) est discret.
Nous nous apprêtons à goûter le cru El Escolladero (vivement le Coravin qui permet d’avoir accès à ce vin sans retirer le bouchon).
Tim Atkin est un journaliste britannique considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de la Rioja. Il publie chaque année un rapport consacré à la région. La version 2023 vient de paraître : 218 pages d’information approfondie.
Le seul vin auquel il accorde la note de 100/100 est La Condenada 2020 du Domaine Artuke: une belle récompense pour le travail fourni !
La Condenada, dans le petit village de Baños de Ebro, est une des parcelles les plus spectaculaires de la Rioja. Ce vignoble, planté en 1920, contient 80% de tempranillo + graciano, grenache et palomino. Le terroir, à dominante de sable, se situe à 560 mètres d’altitude. La vigne doit son nom de condenada (condamnée) au fait qu’elle a été sauvée de l’oubli par les “frères Artuke”. Le vin est élevé en barriques de 600 litres, pendant 14 mois. Les quantités produites sont extrêmement limitées, le prix …
Les deux parcelles « grand cru » (cette qualification est officieuse) et la nouvelle cuvée de blanc, une première pour le Domaine.
La cuvée d’entrée de gamme s’appelle simplement Artuke et elle est élaborée en macération carbonique, selon une ancienne tradition locale (avec foulage aux pieds, en lagar). Cette cuvée ne passe pas par le bois et se caractérise par un fruité frais et éclatant. Le rapport qualité/prix est ébouriffant ! Epoustouflant ! Excellent ! Cela fait longtemps qu’Anthocyane la propose et ce n’est pas cette dégustation du millésime 2022 qui va me faire changer d’avis, que du contraire !
Arturo, devant le petit panneau abra (asociacion de bodegas de la Rioja alavesa): la spécificité basque est de plus en plus mise en avant.
Anthocyane vous propose 5 cuvées du Domaine Artuke: d’abord, Artuke 2021 (€ 11) et Artuke 2022 (€ 11,50). Ensuite Pies Negros 2021 (€ 17,50), Finca de Los Locos 2020 (€ 26) et Paso Las Mañas 2020 (€ 31,50).
Quelques kilomètres vers le nord suffisent pour rejoindre le village de Samaniego (Pays Basque) et le Domaine Remirez de Ganuza. Le Domaine se situe en plein cœur du village, tout près d’une église fortifiée.
Ambiance un peu sévère, aux pieds de l’église fortifiée.Le ciel menaçant se révèlera n’être qu’une fausse alerte.
Nous sommes reçus par Leyre Martinez, laquelle ne manque pas d’un certain humour, en particulier pour raconter les déboires des premiers millésimes produits par le Domaine, à la fin du 20ième siècle: pour faire court, elle nous dit avec un petit sourire que ce n’était pas très bon (voire…). Comme quoi, il faut commencer par apprendre.
pas si courants: des tonneaux de type “cigare”, dans un chai immaculé.
Entre les barriques (attention à l’indigestion, trop de barrique tue la barrique) on découvre des objets aussi ronds que curieux: je ne me souviens pas d’avoir vu ailleurs des wineglobes, sphères de verre, contenants alternatifs pour l’élevage. Cela ressemble à ceci:
Puisque le vin vieillira de toute façon dans des bouteilles en verre, utilisons le même matériau pour l’élevage initial.
source: site Internet de Wineglobe
Nous dégustons 4 vins: le Blanco Reserva 2020, Viña Coqueta 2014, Remirez de Ganuza Reserva 2015 et Trasnocho 2016.
La gamme se révèle diverse et brillante: très beau blanc Reserva (pas très loin du niveau de la cuvée Gran Reserva dégustée chez Nublo), Viña Coqueta m’évoque -je ne sais pourquoi- un Madiran, puis le classicisme incarné par la cuvée Reserva (LE grand Rioja tel qu’on l’imagine) et enfin le concept Trasnocho, vin d’une nuit, concentré de fruit tout en exubérance.
Après un déjeuner dans un lieu légèrement surréaliste (un luxe manifestement financé par l’Union Européenne et par une branche de la famille Rothschild), nous poursuivons vers l’ouest en direction du village de San Vicente de la Sonsierra (nous sommes de retour en Rioja Alta). Nous voici chez Abel Mendoza et Maite Fernandez. Ce couple incarne le renouveau de la Rioja, la volonté de rendre la primauté à la parcelle et à la viticulture. Selon l’adage: “on peut faire du mauvais vin avec de bons raisins, mais on ne peut pas faire du bon vin avec de mauvais raisins”.
La place centrale de San Vicente: c’est calme, très calme…Domaine fondé en 1988
Maite nous reçoit avec beaucoup de gentillesse: on est frappé par la modestie du propos, alors que nombreux sont les vignerons qui expriment un immense respect pour le travail fourni par ce Domaine.
La gamme est large alors que la superficie totale du vignoble ne dépasse pas les 20 hectares. Traduction: le volume par cuvée est très faible. Si j’ai correctement compté, le Domaine propose en blanc… 7 cuvées différentes ! Et les rouges ne sont pas en reste. Maite expérimente avec le vin orange, avec une cuvée sans soufre, etc…
Les vins que nous avons dégustés, complétés par la cuvée Las Sepulturas, uniquement disponible chez l’importateur belge.
J’ai en particulier gardé le souvenir de la cuvée Seleccion Personal, 100% tempranillo, le vin le plus minéral goûté pendant ce séjour: nuances de graphite, vin plutôt cérébral, mais d’une définition à couper le souffle !
Anthocyane vous propose 2 cuvées du Domaine Abel Mendoza: Las Sépulturas 2018 (€ 18) et Seleccion Personal 2019 (€ 40,50).
En route pour le fameux quartier de la gare (barrio de la estacion) à Haro. Les uns presque à côté des autres, sept domaines de haut niveau. Il fut un temps où les vins quittaient la Rioja via le chemin de fer et il y avait donc un bénéfice logistique à installer les bâtiments de vinification et d’élevage au plus près de la gare.
Les bâtiments de Lopez de Heredia construits fin 19ième et début 20ième siècle. Toute l’activité du Domaine est concentrée ici.
Nous avons choisi de rendre visite d’abord à Lopez de Heredia, domaine historique, également connu sous le nom de sa cuvée emblématique Viña Tondonia. Nous sommes ici dans le temple de la tradition. Les vins sont élaborés à l’ancienne, sans concession à la modernité, ni usage d’une quelconque technologie sophistiquée. Longs longs longs élevages en barriques de chêne américain, suivis par de longues années en bouteilles avant commercialisation.
Notre hôte, Luis Taboada, nous a guidés avec brio entre les chais de vinification (foudres anciens toujours en activité) et d’élevage: hallucinant empilement sur quatre ou cinq niveaux de barriques bordelaises dans des caves souterraines creusées directement dans la colline; barriques exclusivement fabriquées par les tonneliers du Domaine, qui se chargent également d’entretenir et de réparer les foudres.
Coup d’œil également sur les gigantesques foudres d’assemblage dans lesquels passent les vins avant embouteillage (il s’agit d’homogénéiser le contenu des barriques).
Il y a des toiles d’araignée partout et il ne viendrait à personne la mauvaise idée de les éliminer: les araignées sont les alliées du vinificateur puisqu’elles se nourrissent de toutes sortes de petites bestioles qui pourraient influencer négativement les vins en gestation.
Empilement de barriques bordelaises.
Une précision intéressante: le Domaine n’utilise pas de bois neuf. Lorsque les barriques sont fabriquées, elles sont d’abord remplies pendant un an avec une partie de vin de presse. Celui-ci est ensuite distillé. Les barriques sont alors prêtes à accueillir les vins qui, longtemps après, donneront naissance aux différentes cuvées du Domaine.
En Espagne, la commercialisation se fait comme ci-dessus: 5 bouteilles de Tondonia rouge et 1 bouteille de Gravonia (blanc); les blancs sont aussi rares que demandés.
Le Domaine détient 170 hectares de vignes, toutes situées à faible distance des bâtiments de vinification. Il n’y a aucun achat de raisins. Le nom des différentes cuvées correspond au nom des vignobles (en espagnol « viña »). La famille Lopez de Heredia (deux sœurs et un frère) est toujours aux commandes. Nous avons d’ailleurs eu le plaisir de rencontrer Mercedes Lopez de Heredia pour un intermède philosophique. La génération suivante sera exclusivement féminine.
Voici le lieu où l’on goûte.Luis ouvrant une bouteille de Viña Tondonia dans les règles: il s’agit de retirer le filet métallique avec élégance…Côte à côte, les vins dégustés. 2011. C’est bien le millésimes actuellement vendu par le Domaine, après un très long élevage.
Viña Bosconia est un vin fondu, à la structure tannique très douce. Il est embouteillé dans une bourguignonne et ce n’est pas par hasard. Selon Luis, il se pourrait même que le nom du vignoble s’inspire du mot Borgoña. Il y a longtemps, bien avant le temps des appellations d’origine, il était courant de décrire un vin en le comparant à celui élaboré dans une région célèbre: Bosconia = Rioja dans le style bourguignon…
Pour poursuivre la comparaison, Viña Tondonia présente un profil plus strict, très harmonieux et très long, comme un Bordeaux classique. Si vous aimez Château Le Puy, les Bordeaux pré-Parker ou Château Musar (Liban), Tondonia est pour vous ! La dégustation de ce vin est une fascinante plongée dans le 19ième siècle.
Les différents vignobles qui composent le Domaine, avec Viña Tondonia à droite, dans un méandre de l’Ebre.
Zoom sur les parcelles de Viña Tondonia (rouge, blanc, rosé).Vue sur le Domaine Lopez de Heredia depuis le Domaine de La Rioja Alta !
Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine Lopez de Heredia: Viña Cubillo Crianza 2015 (€ 18), Viña Bosconia Reserva 2011 (€ 29) et Viña Tondonia Reserva 2010 (€ 40).
On enchaîne immédiatement avec notre deuxième visite. Même une tortue grabataire est capable de franchir la distance entre Lopez de Heredia et La Rioja Alta en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. On traverse l’avenue de Vizcaya et nous y voilà !
Vue sur le Domaine de La Rioja Alta depuis Lopez de Heredia !
Lorena Alves nous attend. Après un apéro en provenance de Galice (La Rioja Alta y possède deux domaines), nous entamons une visite qui mettra en évidence des objectifs très similaires à ceux poursuivis par Lopez de Heredia, mais des méthodes fort différentes. Ici on accueille volontiers les technologies contemporaines, mais on élabore également des vins traditionnels, avec de longs élevages en bois américain.
C’est par ici !
On voit mieux comme ceci.
Après être passé sous l’arche végétalisée, on découvre des bâtiments et jardins d’une grande élégance.
Cave à barriques d’une propreté immaculée: pas la moindre araignée !
Pour varier les plaisirs, les vins seront dégustés à table, pendant un déjeuner dans un salon du Domaine. Viña Ardanza ne peut cacher un fort tempérament méditerranéen (78% tempranillo et 22% de grenache) qui m’évoque Châteauneuf-du-Pape. Le vin est puissant, riche et confortable.
Puissance méditerranéenne
Changement de style avec Viña Arana: on se retrouve de l’autre côté de la route, un vin qui pourrait être un cousin de Viña Tondonia ! Grande intensité aromatique, précision et concentration. Si vous préférez un millésime plus frais et un vin tout en verticalité, laissez vous tenter par le millésime précédent, 2014.
2015, le nouveau millésime de la cuvée Arana. À mon avis ? Fabuleux !
Nous n’avons pas goûté la cuvée “904” au Domaine, mais y avons acheté une bouteille pour un repas à prendre dans notre logement. Mais d’abord: pourquoi “904” ? Simple, la cuvée a été produite pour la première fois avec le millésime 1904. De la même façon, la cuvée très haut de gamme s’appelle “890”. Quand pensez-vous qu’elle a été produite pour la première fois ? Eh oui, le Domaine a été fondé à la fin du 19ième siècle, quelques années après Lopez de Heredia.
Quelle surprise, des barriques empilées…C’est ainsi que l’on goûte à La Rioja Alta lorsque l’on souhaite ne pas être influencé par les mimiques et les éventuels commentaires des autres dégustateurs.
Et la dégustation ultérieure de “904” ? Vin d’une grande profondeur et d’une grande densité. Malgré un élevage long, ce vin a encore besoin de temps en cave. Pour le goûter aujourd’hui, la carafe me semble impérative. Autre conseil: ne le jugez pas après une première gorgée. Laissez le vin s’oxygéner dans le verre: la complexité apparaît progressivement…
Si vous préférez un vin prêt à boire, privilégiez le millésime 2011 (NB: “904” n’a pas été produit en 2012, ni en 2013, ni en 2014).
Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine de la Rioja Alta: Viña Ardanza Reserva 2015 (€ 35), Viña Arana Gran Reserva 2014 (€ 40) et “904” Gran Reserva 2011 (€ 60).
En soirée, nous nous offrons un restaurant réputé: Nublo à Haro. Ici, tout est cuit à la braise (avec du bois de vigne, récolté au moment de la taille). Michelin consacre ce lieu en lui prêtant une étoile (Michelin ne donne pas d’étoiles, puisqu’il lui arrive de les reprendre…).
Derrière cette porte, une aventure gastronomique particulièrement audacieuse.
Nubio ne fait rien de façon classique: l’audace et la prise de risques font partie de l’ADN de la maison. Dès notre arrivée, nous rendons une brève visite à la cuisine pour y apercevoir les modes de cuisson qui seront utilisés pour l’ensemble des plats: four à bois, poêle à bois, flamme. Conséquence: la fumée joue un rôle majeur dans les préparations. La salle est une cour intérieure couverte, avec un très haut plafond, le tout dans un palais du 16ième siècle qui a servi pendant sa longue histoire de bureau de police et de prison. Il ne manque que le bordel et le monastère…
Le menu se compose de 15 services. Nous choisissons de l’accompagner exclusivement par des vins de la Rioja. Je ne me risque pas à détailler tout ce qui est apparu devant nos yeux ébahis, il y en aurait pour plus de temps que celui dont je dispose.
Plusieurs vins m’ont semblé d’une qualité exceptionnelle: en blanc, la cuvée Olagar Gran Reserva du Domaine Remirez de Ganuza 2014 (100% viura), d’une précision diabolique. Le rosé Gran Reserva Classica du millésime 2009 (sic) produit par le Domaine Lopez de Haro: waouw ! Seule étape hors Rioja: une très bonne Manzanilla de Jerez.
Le sixième plat d’une série de quinze…Les petits fours qui clôturent un repas étonnant.Un blanc d’une finesse et d’une élégance rares. Amusant: nous rendons visite au Domaine Remirez de Ganuza le lendemain.
Un -grand- rosé 2009: ils ne font décidément rien comme les autres !
Evaluation du restaurant ? De mon point de vue, une expérience qui mérite incontestablement le détour. Mais je n’en ferais pas ma cantine.
Je vous passe les péripéties aéroportuaires et la monotonie du vol vers Bilbao pendant lequel je me suis plongé dans Sortilèges de Michel de Ghelderode. Après atterrissage en Hispanie septentrionale, nous avons pris possession des véhicules (loués soient les véhicules) et mis le cap sur le centre de Bilbao avec l’objectif assumé de nous sustenter.
Comment ne pas céder à la tentation de La Ribera, un gigantesque marché couvert, avec un étage où on trouve plein de petits trucs à grignoter, pintxos étant leur nom local et néanmoins basque. Bon, en réalité, le lieu a mal vieilli. L’ambiance entre voyageurs a compensé. Nous avons vu le Guggenheim et la passerelle de Calatrava et c’est beau.
Anecdote du jour: dans un supermarché de Haro, nous croisons Jose Gil, vigneron en chemin vers la célébrité grâce à des Rioja d’une grande finesse, d’une inspiration… bourguignonne.
Les choses sérieuses commencent demain. Cela ne nous a pas empêché de goûter quelques petites choses dès ce soir…
Pour Tim Atkin, ce vin est un 99/100. Il recommande de le goûter entre 2028 et 2040. Nous avons donc commis un infanticide aggravé. 80% tempranillo, 15% grenache et 5% mazuelo. Élevage partiellement en chêne américain et partiellement en chêne français.
C’est pour mercredi. Aéroport, arrivée à Bilbao. Météo lumineuse et sèche. Direction Haro, la petite capitale de la Rioja occidentale. Installation des huit voyageurs dans leur logement à Villalba de Rioja. Apéritif: non peut-être.
Le défi ? Un reportage en forme de journal de bord. Dès mercredi soir et jusqu’au retour en Belgique, dimanche prochain. Pas forcément réaliste mais amusant. Le lien entre le vignoble, le vigneron et la bouteille. Cette bouteille qui pourrait bientôt trouver sa place sur la table du lecteur de ce récit en forme de feuilleton. Anthocyane: ce vin est une histoire. CQFD.
Stage de préparation au voyage…
Pour commencer, la théorie. La Rioja se divise en trois sous-régions : Rioja Alta, Rioja Alavesa (en Pays Basque) et Rioja Oriental (anciennement Rioja Baja). Notre voyage explore la Rioja Alta et la Rioja Alavesa.
La Rioja se situe entre deux chaînes de montagnes : la Sierra de Cantabria au nord et la Sierra de la Demanda au sud. Entre ces deux chaînes de montagnes coule l’Ebre. L’Ebre reçoit les eaux de sept rivières dont le rio Oja qui a donné son nom à la région. Il arrive que les vignerons divisent la Rioja entre vignobles situés au nord de l’Ebre (qui seraient les plus prestigieux) et ceux situés au sud du fleuve (qui sont les plus nombreux). Les vignes sont généralement plantées à une altitude comprise entre 300 et 700 mètres.
Selon les données les plus récentes, le vignoble couvre +/- 67.000 hectares (c’est-à-dire 7% du gigantesque vignoble espagnol). A titre de comparaison, la Bourgogne c’est 25.000 hectares en AOP. La taille du vignoble est en croissance continue, de plusieurs centaines d’hectares par an. En 1990, il n’y avait « que » +/- 43.000 hectares de vignes.
Traditionnellement, l’élevage en barriques de 225 litres (bois américain) joue un rôle essentiel. On classe les vins en Crianza, Reserva et GranReserva en fonction de la durée de cet élevage (en barriques et en bouteilles). Aujourd’hui bien des Domaines ont renoncé à ce système: leurs vins sont des genericos (ce qui n’est en aucun cas un jugement de valeur).
Pour les vins rouges, il faut au moins deux ans d’élevage dont au moins un an en barriques pour être Crianza. Au moins trois ans d’élevage dont au moins un an en barriques et au moins six mois en bouteilles pour être Reserva. Au moins cinq ans d’élevage dont au moins deux ans en barriques et au moins deux ans en bouteilles pour être Gran Reserva. Beaucoup de vins sont à présent élevés plus brièvement et/ou élevés dans d’autres contenants (inoxydable, béton, terre cuite) et sont donc des genericos.
Les sceaux officiels qui précisent le type du vin
Le tempranillo est de loin le cépage le plus populaire avec 80% des surfaces plantées. Le reste se partage entre grenache, viura (cépage blanc), graciano, mazuelo (carignan), etc… Cette domination du tempranillo est récente et pas forcément idéale dans un contexte de bouleversement climatique. La plupart des vins sont élaborés avec une pincée de cépages complémentaires.
Stage de préparation au voyage, deuxième session – Jose UrtasunStage de préparation au voyage, deuxième session – Arturo de Miguel
En pratique, il y a mille styles différents et un même Domaine élabore parfois des vins anciens et des vins modernes. Les vignerons cherchent et tentent. Des vins en macération carbonique, des raisins blancs pour contribuer à faire des vins rouges nuancés, des 100% grenache ou 100% graciano, des cuvées parcellaires, …
Comme en Piémont, la Rioja a connu sa querelle des Anciens et des Modernes. Les premiers ne jurent que par les élevages (très) longs en bois américain usagé. Leurs vins sont en général prêts à boire lorsqu’ils arrivent sur le marché. Ils sont oxygénés grâce à leur élevage et sont susceptibles d’être encavés pendant de longues années. Ils ont relativement peu de couleur et des tannins fondus. Les Modernes font à peu près l’inverse: élevages assez courts en bois français partiellement neuf. Extraction plus poussée, ce qui conduit à des vins plus colorés et plus tanniques; ils sont rapidement mis sur le marché, à charge pour le consommateur de les encaver plusieurs années avant dégustation.
Comme les chiffres ci-dessus l’attestent, beaucoup de viticulteurs vendent leurs raisins à une coopérative ou à une grande maison, sur le modèle champenois.
A propos de cuvées parcellaires, la mise en valeur des terroirs est une tendance récente (ou un retour à une tradition oubliée pendant des dizaines d’années). On voit apparaître des vins portant le nom du village dont ils proviennent, voire portant le nom d’une parcelle précise (viñedo singular). Cela se cherche encore, c’est imparfait mais constitue une avancée dans le monde fort conservateur des instances professionnelles de la Rioja.
Nos rendez-vous avec les vignerons sont confirmés, la météo semble favorable, reste à préparer la petite valise.
Les trois sous-régions de la Rioja et leurs superficies respectives
Trittenheim n’est pas exactement le village qui incite l’automobiliste de passage à s’arrêter parce que les colombages et autres maisons peintes lui taperaient dans l’oeil. De loin, c’est assez banal. De près (c’est-à-dire en marchant), on y trouve pourtant un tas de petites curiosités que, selon son goût personnel, l’on qualifiera de charmantes ou de kitchissimes.
Apotheke se signale à tous et en toutes lettres, même sans zoom
Du côté de la Moselle et juste en face d’un mur de vignes connu sous le doux nom de Trittenheimer Apotheke, ce village cache surtout une maison étoilée dont il paraît que la carte des vins mérite un large détour.
au delà des vins allemands, une belle sélection autrichienne
Wein- & Tafelhaus figure depuis longtemps sur la liste des restaurants qui excitent mes papilles mentales. Petit menu le vendredi soir, grand menu le samedi soir pour clôturer en beauté ces deux semaines de vacances.
Deux menus, deux vins mosellans: d’abord le Piesporter (appellation village) de Julian Haart. Ce jeune homme est le neveu de Théo Haart (Domaine Reinhold Haart). Il élabore sur 5 hectares des vins exceptionnels: ce Piesporter est de mon point de vue une parfaite incarnation du riesling sec mosellan: une incroyable légèreté conjuguée avec de l’intensité et du fruit. On ressent ce qui s’apparente à de la fragilité d’autant mieux que le vin est servi dans un verre Zalto qui exprime cette même fragilité. Délicatesse implique concentration chez le dégustateur : si l’on fait l’effort pour l’écouter, sa musique est fantastique ! C’est de la musique de chambre, pas une symphonie.
Piesport est un village de la vallée de la Moselle
J’avais fort envie de découvrir les vins de Franz-Josef Eifel, vigneron basé à Trittenheim et disposant en particulier de quelques rangs de vignes dans la meilleure partie du Grand Cru Trittenheimer Apotheke: le Sonnenfels. Eh oui, un cru de 68 hectares n’est pas homogène: certaines parcelles sont mieux exposées que d’autres et la géologie est assez complexe. En Allemagne, ce vigneron obtient très régulièrement des notations stratosphériques. Le Domaine est minuscule (3 hectares) et il n’y a donc pas beaucoup de bouteilles à l’export.
Ce Sonnenfels est très étonnant: minéralité puissante, dominatrice; jus de caillou au point d’effacer la contribution du cépage: à l’aveugle, je pense que je n’aurais pas reconnu le cépage, le citron -jaune, vert- disparaît au bénéfice du schiste (ardoise). Un vin qui joue la carte de l’invulnérabilité et de l’éternité. Pas gratuit évidemment (€ 69 sur table), mais n’importe quel Chablis premier cru est vendu aussi cher, si pas plus cher.
étiquette difficile à photographier parce qu’elle répartit l’information sur une grande largeur…… et donc voici le nom du vigneron (FJ Eifel) et le nom de la cuvée (Sonnenfels)la promenade nous fait croiser quelques vignes du Domaine Eifel
Et pour clore ce périple, une anecdote qui nous a bien fait sourire. Nous sommes au restaurant et commandons une bouteille plutôt haut de gamme. Une demoiselle nous amène le flacon et constate soudain qu’il n’est pas capsulé, mais doté d’un bon vieux bouchon en liège. Panique, la demoiselle disparaît en emmenant la bouteille.
Quelques instants plus tard, une autre demoiselle, celle-ci munie d’un tire-bouchons, nous sauve de la soif. Euh …non, elle n’a manifestement jamais utilisé le tire-bouchons et s’obstine à vouloir arracher le bouchon d’un seul coup. Le spectacle vire à la tragi-comédie à tel point que je me décide à ouvrir le flacon moi-même en expliquant gentiment à la seconde demoiselle comment ça marche.
Moralité: la capsule est la norme, le bouchon, l’exception.
Prenez vos vacances là où il y a du vignoble: la météo y est plus agréable, les paysages plus jolis, les villages plus pimpants et les restaurants plus appétissants. Boire un vin en observant en même temps le vignoble dont il est issu est un plaisir d’une grande finesse.
abbaye cistercienne Kloster Eberbachimpressionnante collection de pressoirs
Difficile de traverser le Rheingau sans une étape à Kloster Eberbach, lieu essentiel dans la « création » du riesling. Abbaye cistercienne et vignoble du Steinberg, exemple très rare d’une parcelle désignée uniquement par son nom sans référence au village où elle se situe. Steinberg -et Johannisberg, à quelques kilomètres d’ici- ont une telle réputation qu’il est manifestement inutile de préciser plus avant. C’est donc Steinberg tout court et non Hattenheimer Steinberg.
Ce Steinberg s’etend sur 34 hectares et est entouré d’un mur assez haut, destiné à protéger les vignes du vent. On le compare parfois avec Clos Vougeot en Bourgogne.
le Steinberg, c’est de l’autre côté de cette porte
Une nouvelle œnologue a pris les commandes du Domaine en 2018, avec l’ambition de ramener les vins au sommet. Parmi les nouveautés, une cuvée issue des vignes les plus âgées au sein du Steinberg: cela s’appelle Zehntstück (littéralement: morceau d’un dixième) et 2021 en est le premier millésime. J’ai goûté et approuvé. Eh hop, quelques bouteilles pour la cave !
Comme ce n’est pas bien loin, petite balade dans le charmant village de Kiedrich, connu pour abriter le Domaine Robert Weil. Non, je n’y ai pas dégusté, les vins étant « cédés » à un prix qui outrepasse l’épaisseur de mon portefeuille.
KiedrichDomaine R. Weil, par l’arrièrec’est ici !
Le restaurant pour ce soir appartient à la famille Breuer. La nourriture y est tout-à-fait correcte, mais il faut accepter une ambiance qui oscille entre rue des Bouchers, karaoké teuton et fête permanente. On y sert des centaines de couverts avec une efficacité souriante. La carte des vins donne accès à la plupart des vins du Domaine Georg Breuer. Mais il y a mieux: une deuxième carte des vins intitulée « Raritäten » (dois-je traduire ?) laquelle remonte …jusqu’au début du XXème siècle.
allons-y et feuilletons !oublions les prix (…) et notons le format 70 cl qui n’existe plus aujourd’hui du moins dans l’UE
Nous avons été sages et avons sélectionné Terra Montosa en millésime 2016. Le vin se goûte parfaitement sec et tout aussi parfaitement mûr. Surprise: il titre …11,5% ! Je suppose que l’acidité élevée cache un sucre résiduel significatif. Mais j’insiste, c’est un vin sec à la dégustation. Ah oui, j’oubliais, c’est un riesling.
De restaurant en balade-vignoble, de musée en balade-bateau, de Mainz à Lorch, quelques impressions fugaces et photographiques de notre périple en Rheingau.
Sur l’échelle de la qualité, le riesling Hattenheimer Nussbronnen 2015 kabinett trocken de Langwerth von Simmern score vraiment haut: 8/10. NB: mon échelle va de 0 (le caca de chien malade, sur trottoir défoncé, sous une pluie glaciale) à 10 (le Taj Mahal ou le musée du Quai Branly ou les Variations Goldberg).
Ce Domaine à la forte notoriété et aux étiquettes particulièrement baroques a cessé d’exister vers 2018: les parcelles ont été revendues à d’autres vignerons, parmi lesquels le Domaine Corvers Kauter à Oestrich-Winkel.
Il y a tant à voir, tant à faire, tant à goûter/boire que je ne sais par où commencer.
Ce soir, direction la Weinhaus Stetter pour une cuisine de type bistrot très bien tournée. Service efficace et sympathique, carte des vins qui donne envie et fait pétiller instantanément l’oeil de l’amateur.
vaut ses trois étoiles !
J’ai fait une infidélité à la région du Württemberg pour me ruer (calmement) sur un chardonnay du Domaine Knab, en pays de Bade, dans le coin du Kaiserstuhl. Ce vigneron est encore assez peu reconnu, mais chaque vin goûté tape en plein dans le mille !
Eckkinzig *** n’est pas à proprement parler un terroir mais une sélection de vieilles vignes plantées dans le sud du terroir Endinger Engelsberg. À partir d’ici, rien n’est simple, accrochez-vous ! Ce terroir n’est pas reconnu, ni comme premier cru, ni comme grand cru, parce qu’aucun vigneron membre de l’association privée VDP n’y est propriétaire de vignes. De plus, le cépage chardonnay n’est pas accepté dans le cahier des charges.
Une injustice …et une opportunité: le flacon coûte € 20 au Domaine et c’est franchement bon marché par rapport à la bouteille dégustée (et vidée dans les règles de l’art). C’est crémeux (élevage bois très précis) et doté d’une colonne vertébrale acide d’anthologie. Ouvert, causant et plein de goût !
Weinhaus Stetter de l’intérieur et ……de l’extérieur
Changement de région: cap vers le sud. Restaurant Zur Weinsteige à Stuttgart: carte des vins impressionnante, bien sûr centrée sur les vins allemands et plus particulièrement ceux du Württemberg. Cuisine de très bonne qualité, avec des portions parfois pantagruéliques.
Ce lemberger (cépage connu en Autriche sous le nom de blaufränkisch) conjugue avec brio une bonne dose d’énergie et une aromatique épicée. Vin profond: un verre conduit irrésistiblement à un autre verre.
Le Domaine Aldinger incarne le très haut du panier dans la région encore peu connue du Württemberg, région qui se signale par 68% de vins rouges (trollinger, lemberger, pinot noir).
Aujourd’hui c’est Escherndorf, village situé entre le Main et le célèbre vignoble du Lump. Il y a la place pour une rue et une église. La rue, c’est la Bocksbeutelstrasse, laquelle peut concourir pour le titre de rue la plus vigneronne d’Allemagne: sur quelques dizaines de mètres se succèdent les Domaines Michaël Fröhlich, Egon Schäffer, Horst Sauer et Reiner Sauer (sans lien de parenté).
caveau chez Rainer Sauer
Après avoir beaucoup lu, je me décide à rendre visite au Domaine Rainer Sauer. Magnifique caveau moderne et accueil sympathique. 15 hectares dont 65% de silvaner. On commence avec la catégorie Gutswein qui correspond à peu près à la notion de vin de cépage: on recherche un fruit de qualité simple, sans l’intensité offerte par les meilleurs terroirs. Silvaner, riesling, müller-thurgau, tout cela est bien fait et tarifé agréablement: € 8.
Puis vient un Ortswein à savoir un vin de village: le silvaner Muschelkalk 2021 vaut très largement ses € 11, style parfaitement sec et 12% d’alcool, le saut qualitatif est évident, le fruit étant complété par une bonne dose de caillou.
On grimpe encore pour déguster un premier cru, à savoir le susmentionné Escherndorfer Lump dont la pente vertigineuse surplombe le caveau. Ce cru fait partie des meilleurs lieux-dits de Franconie, son histoire remonte au moins jusqu’au 17ème siècle. C’est un amphithéâtre, une pente convexe et brutale qui épouse un méandre du Main.
Ce cru de 37 hectares forme un demi-cercle orienté sud-est. L’altitude s’échelonne entre 190 et 270 mètres. Difficile de ne pas succomber au charme puissant d’un lieu aussi particulier. Tout en haut de la paroi, c’est le Vogelsburg. De là, on se rend bien compte de la majesté de ce vignoble.
Escherndorfer Lump, vu d’en haut
Et donc nous goûtons deux millésimes successifs, 2020 et 2021 du silvaner Escherndorfer Lump Erste Lage: deux très bons vins, marqués par une franche salinité et par une colonne vertébrale acide de toute beauté. Léger avantage au 2021, plus énergique que le 2020 (du moins aujourd’hui).
Également en premier cru, une spécialité: Altfränkischer Satz 2020. Il s’agit d’un vin de type complantation (les anglophones diront field blend): trois cépages plantés ensemble sur la même parcelle et vendangés ensemble. En l’occurrence, riesling, silvaner et traminer (chacun un tiers). En dégustation et à ma surprise le côté très aromatique du traminer est masqué par un riesling dominant.
On termine par le grand cru Am Lumpen 1655, en cépage silvaner et en millésime 2019. Très sec, fermé sur lui-même, ce vin implore la patience de l’amateur. C’est trop tôt. Cette fois, il faut accepter de réfléchir en termes de potentiel. Aujourd’hui, les premiers crus donnent plus de satisfaction; dans quelques années, j’accepte volontiers de parier sur le grand cru !
Am Lumpen 1655 est une parcelle située au centre du Lump.
le grand crule village d’Escherndorf
Promenade du jour au château de Hallburg: lieu idyllique voire paradisiaque. Vignes, prairies, châtaigniers en fleur, vaches brunes, silence à peine troublé par un merle et un coucou. Un lièvre sur un chemin. Par contre, balisage inexistant. Rien n’est décidément parfait…
Voici deux vins de la gamme du Domaine Juliusspital. Ce très grand domaine (182 hectares) possède des vignes un peu partout en Franconie: à Iphofen, à Bürgstadt et surtout à Würzbourg, capitale de la Franconie du vin. Ils sont spécialisés dans la production de vins blancs, silvaner et riesling.
Par goût inné pour la contradiction, j’ai donc goûté un pinot noir et un pinot gris. Ce dernier provient du village de Thüngersheim, au nord et en aval de Würzbourg. Je peux garantir que c’est la première fois que j’entends parler de ce village. Le vin m’apparaît conforme à ce à quoi on s’attend: un peu de sucre et pas trop de fraîcheur. Heureusement alcool modéré (12,5%), fruit franc et prix domaine très correct (€ 11). À consommer bien frais.
C’est typiquement un ortswein, c’est-à-dire un vin de village, troisième niveau dans la pyramide de la qualité, après les grosse Lage (grand cru) et les erste Lage (premier cru).
le pinot gris…
Revenons-en au pinot noir qui s’avère plus intéressant pour l’amateur (en sachant que c’est € 25 prix domaine). Pfaffenberg est une parcelle premier cru qui se situe au nord de la ville de Würzbourg, pas bien loin du célèbre Stein. Vin énergique et relativement tannique avec une expression un tantinet rustique du cépage. Il y a du fruit, du bois et de la matière. Légèrement démonstratif mais on a du plaisir à dialoguer avec le flacon !
…et le pinot noir.
La promenade du jour nous a emmené au nord de Volkach, en passant par une jolie église construite en plein cœur du vignoble (grand cru Ratsherr) et par un endroit aussi curieux que majestueux: Konstitutionsäule est une colonne en pierre d’une trentaine de mètres de haut, entourée par de beaux cerisiers, puis par un vignoble de 12 hectares (Gaibacher Schlosspark), puis par un gigantesque champ de …petits pois (je dirais approximativement 80 hectares). Le tout protégé par un bois. Pas un être humain dans les parages…
Petite dégustation chez un grand spécialiste du silvaner, j’ai nommé le Domaine Hans Wirsching à Iphofen, en Franconie orientale (Steigerwald). Ici, le Main brille par son absence. Les vins rouges aussi. Silvaner, riesling, scheurebe en dégustation. Les Silvaner se goûtent très bien, avec du fruit mûr et une touche végétale très agréable, en forme de pomme verte.
chez Hans Wirsching
Rieslings irrésistibles et scheurebe étonnant: le nez sauvignonne franchement (fruits exotiques à la pelle), la bouche est construite sur la fraîcheur et une finale impeccable. Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais goûté un scheurebe de cette qualité ! Ce cépage « de laboratoire » est un croisement du riesling avec un cépage …indéterminé !
arrivée au Domaine
Nous avons enchaîné avec une promenade dans le vignoble, en croisant notamment le grand cru Julius-Echterberg, fleuron de la gamme de Wirsching. Temps orageux, nous avons dix fois cru nous faire arroser, mais la pluie a courtoisement attendu que nous soyons installés dans la voiture.
Juste sous la forêt, le Julius-Echterbergfleurs de printemps et vignes: coexistence pacifique
Pentes vertigineuses, forêt protectrice en haut de colline, vues plongeantes sur Iphofen, balisage décent, mais la carte s’est avérée utile à l’une ou l’autre reprise…
PS: ce soir, dîner satisfaisant dans un restaurant à Volkach. Carte des vins limitée à la gamme d’un unique vigneron local. La dégustation permet de se rendre compte de l’écart de qualité avec la gamme de Wirsching. Inutile de recourir à la photo-finish pour départager les vignerons…
Weinhaus Stern, un hôtel-restaurant plus que sympathique, au centre d’un petit village charmant mais pas touristique (Bürgstadt).
La carte des vins est très orientée « circuit court hyper-local »: magnifique sélection en vins de Franconie occidentale (Churfranken), avec un accent majeur sur les vins du Domaine Rudolf Fürst.
Fürst est considéré comme l’un des papes du pinot noir en Allemagne et cela n’est pas rien, vu la relative abondance d’excellents pinots noirs de ce côté-là du Rhin. Son terroir, c’est le Centgrafenberg, vignoble pentu en surplomb de l’Erf, un petit affluent du Main.
J’ai choisi un millésime relativement ancien (2013) pour une double raison: d’abord le plaisir de goûter un vin déjà fondu et à pleine maturité. Ensuite, savourer son prix sur table (€ 57) alors que les millésimes plus jeunes sont tarifés à peu près au double: l’impact de mention GG (traduction libre: grand cru) qui change manifestement tout…
Le vin est superbe: apaisé, épicé, profond et long. Une intensité qui ne peut laisser indifférent. Un boisé presque imperceptible, chaque verre paraissant meilleur que le précédent. Ce voyage commence fort.
6,8 km de plaisir pédestre à travers le Centgrafenberg C’est par là: balisage impeccable !
Le Domaine Fürst est discret: très peu d’indications pour le trouver, Vivons cachés ! Devant la maison, une œuvre d’art à la gloire de la roche locale, le buntsandstein, de couleur rougeâtre.
La Bible. Je ne vois pas de meilleure comparaison: Wijnland Duitsland est le nouveau livre de référence pour le vin allemand. 415 pages, richement illustrées, pour connaître et comprendre, pour se balader et pour bien manger/boire.
Les auteurs, Gerd Brabant et Marc Roovers, sont belges et connaissent leur sujet en profondeur. Ils se sont vraiment promenés dans les villages et les vignobles, ils ont vraiment rencontré les vignerons, ils ont vraiment testé restaurants et hébergements, ils ont vraiment goûté les vins.
Ce livre concrétise une grande quantité d’informations de première main, patiemment collectées et organisées avec méthode. La passion des auteurs jaillit de chaque page. J’oserais même affirmer que ce livre est une première, tous pays confondus. Je ne vois en tous cas rien de comparable consacré à la France.
Toutes les régions sont minutieusement décrites, y compris la Saxe et la Saale-Unstrut dont même les amateurs de vin allemand n’ont sans doute pas entendu parler.
Une introduction historique et règlementaire précède les 13 chapitres régionaux: un processus de simplification des règlements et des étiquettes est en cours. Une nouvelle vision, “bourguignonne”, basée sur une hiérarchie des parcelles (appellation régionale, village, premier cru, grand cru), se met progressivement en place. Mais cela semble conduire paradoxalement à la concomitance de différents systèmes -parfois contradictoires- et à une confusion grandissante.
Plus que jamais, un guide est précieux pour se lancer sur le terrain du vin allemand ! On attend pour la fin de cette année 2021 les textes légaux définitifs, en espérant qu’ils soient conçus pour (aussi) faciliter la vie du consommateur.
Chaque chapitre régional comporte des informations précises, récentes et détaillées: cépages plantés, meilleurs vignobles, vignerons à qui rendre visite, restaurants de qualité dans les différentes catégories de prix et hébergements les plus charmants. Une promenade pédestre complète joliment le descriptif de chaque région, la part consacrée aux hommes qui font le vin est importante et justifiée. Beaucoup de références, via l’adresse des sites Internet.
Est-ce un guide touristique ou un livre destiné aux amateurs de vin, avides de parfaire leurs connaissances ? Les deux, mais le tourisme est toujours regardé au travers de la lorgnette du dégustateur.
Bon à savoir: ce n’est pas un atlas. La part réservée aux cartes géographiques est limitée. Un livre complémentaire est le Wine Atlas of Germany (Dieter Braatz, Ulrich Sautter, Ingo Swoboda), dont la version en langue anglaise date de 2014.
Il me semble que l’éditeur aurait pu ajouter un index et une table des matières, pour faciliter la consultation d’un livre épais et dense.
Bon, cet ouvrage est rédigé en néerlandais. Une édition anglophone verra peut-être le jour, mais je crains qu’une édition francophone ne soit exclue: le marché pour un tel livre dans les pays francophones/latins est malheureusement (trop) limité. Essayez d’ailleurs de trouver une carte des vins dans un restaurant français qui présente une belle sélection de vins allemands. Bonne chance…
L’Allemagne du vin, c’est à côté de chez nous. 3 heures de route suffisent pour être en Moselle, 5 à 6 heures pour la Franconie et le Pays de Bade. Par comparaison, il faut 6 heures pour être à Beaune (Bourgogne) et autant pour arriver à Tours (Loire).
Wijnland Duitsland, Gerd Brabant et Marc Roovers, stichting kunstboek, ISBN 978-90-5856-662-1. Devrait à présent se trouver dans les bonnes librairies, en Flandre et à Bruxelles, au prix de € 45. Si vous ne le trouvez pas, prenez contact avec moi.
Une intéressante série de documentaires consacrés au vin et ceux qui le font, partout sur la planète. Les images sont belles, la qualité de l’information plutôt élevée. Parfois une bourde sans doute causée par une traduction imprécise, mais cela ne gâche pas le plaisir.
Accès via Arte.tv, puis rechercher “Des vignes et des hommes”.
Je viens de regarder le documentaire consacré à la Franconie (Franken, en allemand), région que j’apprécie beaucoup. De très beaux souvenirs de vacances ! C’est à 5 heures en voiture, depuis Bruxelles. En somme, un peu moins loin que Beaune…
Les personnages principaux de cet épisode sont Ludwig et Sandra Knoll, propriétaires du Domaine Am Stein, à Würzburg. Anthocyane peut vous proposer différentes cuvées de ce Domaine réputé, parmi lesquelles le silvaner Stettener Stein dont il est question ici.
photo prise dans le vignoble Saumagen en mai 2017, pendant une promenade
Kallstadt est un village du Palatinat qui peut se targuer d’avoir abrité la naissance de Frederick Trump, le grand-père de qui vous savez.
Plus sérieusement, ce village est réputé pour ses terroirs calcaires, où le riesling se sent particulièrement bien, en particulier le vignoble Saumagen (littéralement: estomac de cochon) qui est à l’origine de vins de très grande garde, d’ailleurs assez difficiles à déguster jeunes. Logiquement les vins issus du Saumagen sont commercialisés à des tarifs proportionnels à leur notoriété.
Cela pousse l’amateur à rechercher des vins issus de terroirs calcaires à Kallstadt, proches du Saumagen. Le Domaine Rings propose un tel vin, qui permet de se faire une première impression, en étant ni obligé d’attendre 10 ans, ni de puiser dans son épargne.
Un riesling sec, à forte personnalité, offrant intensité et finesse.
Steffen Rings
Le Domaine Rings est entre les mains de deux frères, Steffen et Andreas. Ils possèdent des vignes sur une superficie de 31 hectares. Tout a été vite: le domaine a été créé en 2001 sur la base de la ferme familiale qui produisait différents fruits et raisins destinés à la coopérative. Maintenant, Rings est membre de VDP, une association privée qui regroupe les meilleurs vignerons d’Allemagne, est passé en bio, reçoit 4 étoiles dans le guide Gault&Millau, se voit attribuer 3,5 étoiles par Hugh Johnson, etc…
Malheureusement, la presse francophone continue à ignorer les vins allemands. Soi-disant trop compliqués. Et pourtant, l’étiquette indique le nom du Domaine, le nom du village, le cépage, le millésime et c’est tout.
La contre-étiquette est certes rédigée en allemand, mais elle est informative: précisions géologiques, mention des rendements, mise en évidence des vendanges manuelles, accès au site Internet. Quelqu’un peut-il m’aider à percevoir la complexité ?
En dégustation le samedi 13 juin. Attention, dégustation sur inscription préalable. Le riesling Kallstadt 2017 du Domaine Rings peut être commandé dès aujourd’hui, au prix de € 19,50 pour mise à disposition le samedi 27 juin.
Le riesling Saumagen 2015 du Domaine Rings est disponible sur commande, au prix de € 45.