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Les Crus de l’Anjou blanc : ne pas perdre le chenin

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Le chenin est l’un des plus grands cépages blancs du monde. Véritable révélateur de terroir, il permet aux vignerons travaillant dans ce sens de nous faire goûter aux différents terroirs ligériens dans leur spécificité de structure et de profil car il transmet à ses raisins les sols dont il est issu. Cépage plastique par excellence, il laisse d’abord s’exprimer son lieu de naissance.

Co-président du syndicat Anjou Blanc, Patrick Baudouin, vigneron à Chaudefonds sur Layon, dessine la situation présente de ce cépage en Anjou : 

les surfaces plantées de chenin blanc ont diminué de moitié depuis les années 1950, et les blancs secs d’appellation  représentent aujourd’hui moins de 20 % de la zone. La production d’Anjou est pour moitié une production de rosé. A leur création, dans les années ’50, les appellations de chenin en Anjou parlaient terroir, vignerons, amateurs de vins et n’enfermaient pas le chenin dans des vins moelleux et liquoreux. A partir des années ’90, ceux-ci se sont imposés. Or le modèle économique de ces vins avec sucre important est désormais à bout de souffle.

D’où la naissance d’un projet de Crus en blancs secs pour éviter de marginaliser, voire de perdre ce merveilleux cépage.

Le projet des Crus d’Anjou blanc sec

Son étude a été lancée il y a 20 ans par une réflexion d’ensemble sur la problématique menée sous la férule de la tête pensante du projet, Patrick Baudouin. Il s’agissait de redonner ses lettres de noblesse à l’expression mixte du chenin sur des terroirs qui sont capables de produire à la fois des secs, des demi-secs et des liquoreux même si la zone du Layon a connu une première renaissance à partir de 1988 grâce à la production de liquoreux de terroirs, sans chaptalisation.

Les vignerons se sont appliqués, ils ont étudié et ont ainsi redécouvert la capacité du chenin à produire aussi de grands blancs secs différents les uns des autres en fonction des millésimes et des lieux-dits. A l’aboutissement de ce long travail, un cahier des charges spécifiquement Crus a été élaboré et voté par des vignerons établis sur 5 terroirs :  encépagement 100% chenin, degré minimum plus élevé en l’absence de toute chaptalisation, vendange manuelle, élevage prolongé et sélection des parcelles.

Cinq terroirs en Crus

le vignoble des Treilles

Ce travail de réflexion approfondie a donc conduit des vignerons à définir des crus autour de lieux-dits qualitatifs, qui reprennent à la fois le patrimoine historique de connaissances des parcelles et les acquis plus récents de la cellule terroir de l’INRA d’Angers. Un dossier a été déposé auprès de l’INAO en vue de la reconnaissance de 5 Crus. Le plus vaste, Montchenin s’étend sur 63 ha et regroupe 8 vignerons. Le plus petit est La Tuffière, une sorte d’exception viticole de 2,43 ha implantée sur la rive nord de la Loire dans le Baugeois, et exploitée par un seul vigneron. Les Bonnes Blanches, couvre une surface de 11 ha travaillés par 5 producteurs. Quatrième territoire Ardenay recouvre un lieu-dit de 13 ha que se partagent 3 vignerons. Enfin le projet inclut aussi Les Treilles 2,7 ha à Beaulieu sur Layon, rendu célèbre par l’œuvre de Jo Pithon mais aujourd’hui en d’autres mains.

Dans un avenir plus ou moins proches d’autres zones devraient également entrer dans ce projet en introduisant leurs dossiers de reconnaissance Crus auprès de l’INAO. On attend ainsi avec impatience une appellation de chenin sec qui serait sur Chaume et Quarts-de-Chaume.

Philippe reprend la plume à partir d’ici pour suggérer de mettre en parallèle l’article ci-dessus avec le Ronceray du Clos Galerne:

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Oyez, oyez, demandez le programme !

samedi 29 avril: dégustation d’une quinzaine de très bons vins

Je me réjouis de partager une série de vins que j’ai eu l’occasion de goûter moi-même pour la plupart en mars et en avril. Beaucoup de vins ont été éliminés pour cause de banalité, de déséquilibre ou de rapport qualité/prix peu excitant. Restent donc ceux qui sont sortis vainqueurs de mes dégustations récentes: ils ont successivement convaincu leur importateur, puis votre serviteur.

Je privilégie la diversité: domaines encore peu connus, destinations exotiques, nouveau millésime ou nouvelle cuvée issus de domaines que j’apprécie -que vous appréciez- depuis longtemps et vrais classiques.

Mon goût personnel m’oriente en priorité vers les vins élégants, pas trop chargés en alcool et peu marqués par leur élevage. Je m’intéresse à la complexité (multiplicité des arômes), à la longueur (persistance en bouche), à l’équilibre (harmonie entre les goûts), à l’intensité (concentration et énergie) et à la spécificité (originalité, personnalité). Si vous souhaitez mieux connaître ma grille de lecture du vin, j’y ai consacré une explication détaillée.

Et donc, quel programme ? Doublettes !

Pour la première fois, voici deux vins en provenance de Chypre, plus précisément du Domaine Kyperounda. D’accord, c’est vachement exotique, mais la presse spécialisée s’accorde pour affirmer qu’il s’agit du meilleur Domaine de l’île. Caractéristiques: un vignoble en haute altitude (plus de 1.300 mètres) et le cépage xynisteri que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

Après l’Europe presqu’asiatique, voici l’Europe presque belge, puisque je vous propose deux vins lorrains, en appellation Côtes de Toul, issus d’un cool climate: tant l’auxerrois (blanc sec) que le pinot noir offrent délicatesse et jolie concentration. Avant le déferlement du phylloxéra, la Lorraine comptait des milliers d’hectares de vignes. Au milieu du 20ième siècle, il en restait …150 hectares. Le Domaine Vosgien fait partie d’une petite élite bien décidée à redorer le blason de la région, en blanc comme en rouge.

Ah, voici un domaine que je suis depuis bientôt 10 ans: le Domaine de La Madone, en appellation Côtes du Forez, entre Lyon, Roanne et les contreforts du Massif Central. Le Gamay sur Volcan est une valeur sûre, et je choisis cette fois de faire goûter également le Gamay sur Granit, encore appelé Dacite. Juteux, souriant, frais, top. Le Domaine travaille en biodynamie et n’utilise le soufre qu’en quantités minimales.

Une autre excursion exotique, vers la plaine de la Bekaa, au Liban. Comme pour les deux Chypriotes cités ci-dessus, il s’agit d’un vin de haute altitude (1.400 mètres), 100% issu du cépage cinsault. Peu de couleur et beaucoup d’arômes. Pas de tannins et une vraie personnalité. Ne ressemble pas aux cinsault français: le Domaine Terre Joie incarne le cinsault libanais. Pour le vérifier, voici Ze Cinsault du Domaine du Pas de l’Escalette en millésime 2020: il porte avec panache un profil qui peut sembler chaud (15%). Or, non, ce qui frappe c’est une combinaison gagnante entre finesse et fraîcheur, qui repose sur des petits tannins de qualité.

Je ne résiste pas à placer dans la dégustation le pinot noir 2020 du Domaine Knab. On est en Allemagne, à quelques kilomètres de la frontière avec l’Alsace. Le millésime 2019 a connu un grand succès -largement mérité- et ce nouveau millésime me semble confirmer les qualités du précédent. Si vous aimez jouer, glissez ce vin “à l’aveugle” au milieu d’une série de Bourgognes de belle qualité …et puis appréciez les commentaires des dégustateurs ! Les vieilles vignes, le terroir volcanique, l’élevage intelligent composent ensemble un tableau de toute beauté. Voyons également ce que ce même Domaine est capable de faire avec ses vieilles vignes de chardonnay. Ce 2021 pousse le dégustateur à éviter tout jugement à l’emporte-pièce: ce blanc peu boisé fait dans la nuance, c’est un discret qui murmure plus qu’il ne crie. Mais quel joli murmure ! Prenez le temps de l’apprécier.

Coïncidence heureuse: deux importateurs m’ont proposé chacun un Domaine de Corse: Yves Leccia d’une part, Sant Armettu d’autre part. Le nord et le sud de l’île, Patrimonio face à Sartène. E Croce 2020 est élaboré avec du nielluccio, le nom local du sangiovese italien que l’on retrouve entre autres en Chianti et en Brunello. Ce vin présente une couleur assez pâle, un nez fin et subtil. En bouche, c’est un vrai vin du sud, mais sans donner à l’alcool un rôle inopportun. Bons tannins qui doivent encore se fondre. Rosumarinu 2022 présente une robe encore plus claire et un nez aérien, pur et délicat. La bouche est fraîche et infusée, presque sans présence tannique: c’est un 100% sciaccarellu, un cépage que l’on compare régulièrement au pinot noir.

On se projette vers le nord, pour se retrouver en Loire occidentale. D’abord en pays nantais avec la Folle Blanche 2022 du Domaine Luneau-Papin: ce cépage, souvent dédaigné, est capable du meilleur lorsque ses rendements sont limités. Un parfait compagnon pour les fruits de mer et un tout aussi sympathique apéritif. Puis en Anjou pour découvrir une nouvelle cuvée du Clos de Galerne, Domaine jeune mais très prometteur. Ce Ronceray 2021 est élaboré avec des parcelles traditionnelement dévolues à l’élaboration de vins liquoreux (Chaume premier cru et Quarts-de-Chaume grand cru): le vigneron, Cédric Bourez, vinifie ces raisins en sec et crée un vin de feu et de sel !

Et pour finir en apothéose, Château Le Puy Emilien 2020, un Bordeaux de style traditionnel. Cela ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais je suis convaincu que certains amateurs en seront fous ! Une expression du merlot qui évoque un monde franchement “pré-parkérien”: si vous aimez le Bordeaux tel qu’on le fait généralement aujourd’hui, avec beaucoup de tout (couleur, alcool, boisé, euros, …), je vais vous perturber en vous confrontant à l’antithèse de ce qui précède. Emilien est plein d’arômes de fruits rouges, avec quelques nuances forestières. Les tannins sont veloutés, il y a beaucoup d’énergie ! C’est prêt à boire, mais peut se conserver au moins 20 ans.

Vous êtes les bienvenus ce samedi 29 avril, à partir de 10 heures. Il n’est évidemment pas nécessaire de participer à la dégustation pour commander les vins qui y sont présentés.

Nous aimons tous avoir le choix, mais nous n’aimons pas forcément choisir. C’est un paradoxe qu’il est facile de contourner: sur base de l’information que vous me transmettez, je me charge avec plaisir de vous soumettre une proposition personnalisée. Vous ne m’ennuyez pas, vous me faites plaisir !

Je rassemble toutes les commandes le mardi 02 mai, en fin de journée. Vous pouvez passer votre commande via le magasin en ligne ou via e-mail (en mentionnant la référence du vin, pour éviter tout éventuel malentendu).

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Le Clos Galerne, le chenin et la spilite

Parfois les choses peuvent être simples; du moins elles se laissent simplifier. Chenin sur sol noir, chenin sur sol blanc. Noir ou blanc. Schiste ou calcaire. En Anjou noir, c’est le schiste. Plus on se dirige vers l’est, plus c’est le calcaire (Vouvray, Montlouis).

La famille Bourez, au pied du moulin brûlé

Le schiste plaide pour un rapide exercice de vulgarisation que les experts en géologie me pardonneront: il y a toutes sortes de variantes et autant de termes pour les désigner: ardoise, slate (en anglais), schiefer (en allemand). Le gneiss en Muscadet est en quelque sorte le stade ultime du schiste. Le schiste, c’est par exemple la Moselle allemande et le Priorat espagnol.

L’Anjou noir a historiquement basé sa réputation sur un trio magique: chenin, schiste et botrytis. Traduction: Coteaux du Layon, Bonnezeaux, Quarts de Chaume. Des vins moelleux, voire liquoreux. Mais, au XXIème siècle, la douceur se vend mal, très mal. Loi fondamentale de l’économie: lorsque le vin se vend mal, la valeur du vignoble chute. Paradoxe: cette situation attire de jeunes vignerons ambitieux, à la recherche d’hectares mis sur le marché à un tarif abordable. Changement de paradigme. Acheter du vignoble destiné de tous temps à produire des vins moelleux et décider de le convertir en un vignoble pour élaborer des vins secs. Couper le cordon ombilical avec le passé doux. Assumer et chercher un nouveau chemin pour le chenin angevin.

Cette aventure-là est jalonnée de pièges: expliquer le changement de paradigme et surtout convaincre experts, journalistes, importateurs, restaurants et cavistes; vivre avec une météo capricieuse qui peut réduire à presque rien les efforts de toute une année. Quand on vient de commencer et que la banque n’attend pas, un mental d’acier s’impose. Deux années de gel successives et c’est la catastrophe.

Je tire mon chapeau à Cédric Bourez, monsieur Clos Galerne. Œnologue dans un domaine provençal, il souhaite devenir vigneron. Calculette à la main, il arpente l’Hexagone et se dit que l’Anjou noir est la destination que l’épaisseur de son portefeuille rend plus ou moins raisonnable. Coup d’oeil précis pour mettre la main sur des parcelles principalement situées dans le hameau de Pierre Bise, village de Beaulieu-sur-Layon, à quelques kilomètres au sud d’Angers. Pierre Bise, lieu exceptionnel. Flore méditerranéenne, vent pour rafraîchir et ventiler, sous-sol très particulier: schiste, mais aussi spilite, roche d’origine volcanique. La minéralité du schiste et la minéralité du volcan. Le vent du nord-ouest est appelé …Galerne. Combinaison gagnante, dans l’ordre ou le désordre.

La plupart des parcelles du Clos Galerne se nourrissent de spilite. Exception notable: une parcelle en Savennières (mais c’est une autre histoire). Chenin sur spilite et cabernets sur spilite. Un tel matériau mérite les mains de l’artiste: Cédric Bourez se charge des petits rendements, d’une vinification et d’un élevage sous bois bien dosé (peu de bois neuf) et d’une fermentation malolactique complète. La conversion en bio est engagée.

L’entrée de gamme, Balade en chenin, permet d’apprivoiser le style du Domaine. S’attaquer à Exspecto et à Moulin Brûlé sans gants …à vos risques et périls ! Ce sont deux chenins secs de grande puissance, traversés par un souffle intense et dominateur. Exspecto trace en verticalité, Moulin Brûlé équilibre rondeur et fraîcheur.

Exspecto 2020 (100% chenin), Moulin Brûlé 2020 (100% chenin) et Anjou Noir issu de la vendange 2019 (cabernet franc 80%, cabernet sauvignon) sont en dégustation le samedi 03 décembre 2022.

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Semaine 33: actualités

Bonjour !

Les nouveaux millésimes de chez Pellé (Menetou-Salon) sont arrivés. J’ai apprécié Morogues 2021 (sauvignon 100%, alcool: 13%, bio), un blanc sec au nez plaisant et aromatique, à la bouche équilibrée et directe, à la finale nette et sèche. Ce vin tire le meilleur d’un millésime un peu compliqué. Un cran au-dessus, c’est Vignes de Ratier 2020 (sauvignon 100%, alcool: 14%, bio), une sélection parcellaire qui conjugue la richesse solaire du millésime avec des notes fumées et minérales. Attention, l’importateur me fait savoir que le stock disponible est limité. Et il n’y aura pas beaucoup de 2021 non plus.

foudre dans la cave du Domaine Pellé

En mars, j’ai proposé à la dégustation Le Clos Galerne, cuvée L’Anjou Noir (cabernet franc 100%, alcool: 13,5%), avec un tel succès que le stock de l’importateur n’a pas pu suivre. Bonne nouvelle, cet Anjou-Villages rouge est à nouveau disponible. Il s’agit toujours bien du vin proposé au printemps: officiellement non-millésimé mais issu à 100% de la vendange 2019. De ce même Domaine, voici une Balade en chenin en millésime 2020, nouveau dans l’assortiment. C’est une excellente introduction à la gamme du vigneron, sans la profondeur du Savennières: oublions un instant que ce Savennières existe …et régalons-nous de la Balade, avec un excellent rapport QP !

dans la Revue du Vin de France (avril 2021)

Clos de la Roilette 2021: retour dans la gamme après une impasse sur deux millésimes consécutifs de ce très intense Beaujolais, en appellation Fleurie, là où Fleurie rejoint Moulin-à-Vent (NB: les Fleurie de l’ouest, ceux qui regardent vers Chiroubles, sont en général plus fruités et moins concentrés). Nez affable qui invite avec le sourire pour une première gorgée. Bouche sérieuse, riche, marquée par les fruits noirs, avec de très bons tannins. Le terme “gouleyant” n’a pas été inventé pour cette Roilette, qui a de l’ambition et un réel potentiel de garde.

les crus du Beaujolais: Fleurie = 7; Moulin-à-Vent = 10; Chiroubles = 5.

Voilà un vin que j’attendais avec impatience, vu le succès rencontré par les millésimes 2019 et 2020: le Mâcon-Vergisson 2021 du Domaine Guerrin. Il s’agit bien de la cuvée qui s’intitulait “Les Rochers”: cette mention disparaît pour le nouveau millésime. On peut supposer que quelqu’un a dû se plaindre du mots “rochers”, trop proche du mot “roche”: or, ici, à Solutré et à Vergisson, la Roche est sacrée ! Le vin est toujours délicieux, avec un profil plus frais que celui du millésime précédent, météo oblige. Un vin dont je me demande vraiment à qui il pourrait déplaire. Une bouteille que l’on tire-bouchonne sans prise de tête et que l’on partage avec l’amateur et avec le profane !

la Roche de Vergisson

Un détour par l’Autriche et plus précisément par le Kamptal, un affluent du Danube qui s’y jette en amont de Vienne. Chaque dégustation semble le confirmer: 2021 est un excellent millésime en Autriche. Ce riesling Urgestein le démontre avec force ! Je vous ai régulièrement proposé l’un ou l’autre vin du Domaine Hiedler, mais ce vin-ci m’a littéralement soufflé ! Intense fraîcheur, juste maturité du fruit, style énergique, moins opulent que par le passé (peut-être l’influence de Dietmar et Ludwig III, qui prennent progressivement la succession de leur papa).

le vignoble du Kamptal (Autriche)

Ces vins -et bien d’autres- sont à présent disponibles dans les nouveautés du magasin.

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La Loire en dégustation

Dégustation d’une dizaine de vins de Loire ce samedi 21 août, entre 10 et 18 heures. Je sais, je m’y prends tard, ça m’est venu hier en début d’après-midi, en bavardant avec un importateur.

Bernard Baudry, Le Rocher des Violettes, La Madone, Les Corbillières, Luneau-Papin, Pellé: on goûte mes classiques.

Chenin, melon et sauvignon. Cabernet franc. Et une bulle, aussi originale qu’originelle, qu’il faut vraiment goûter. Des sources du fleuve (Côtes du Forez) jusqu’à son embouchure (Muscadet Sèvre & Maine), en passant par Sancerre et la Touraine. Surtout du millésime 2020, avec une incursion vers un millésime à maturité (2015, 2018).

Pour le plaisir, par nostalgie et sur le bar: une cuvée du Château de Bois-Brinçon (Anjou). Bois-Brinçon a été en son temps (mars 2015) le dernier domaine importé en direct par Anthocyane. On goûtera donc un millésime ancien, en rouge ou en moelleux, en fonction de mon humeur du jour.

Scene on the Loire, J.M.W. Turner (1775-1851)

Comme j’avais trop peu de rouges dans cette dégustation, je me suis permis de rajouter un Beaujolais glouglou de chez Lapierre et Les Petits Pas du Pas de l’Escalette en millésime 2020.

Pour arriver sans encombres jusque chez moi, jetez un œil à cette page.

Commandes jusqu’au mardi 24 août inclus, de préférence via le magasin en ligne.

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domaine rouge

Bernard Baudry, l’incarnation du Chinon

Matthieu et Bernard Baudry

Bernard Baudry recherche la dimension soyeuse et civilisée des chinons, tout en restant au plus près de leur expression de terroir. Cette démarche qu’il poursuit désormais avec son fils Matthieu, se double d’une certification bio. Le Guide des meilleurs Vins de France, édition 2020. Le Domaine est noté **.

Grande famille de Cravant, les Baudry travaillent en duo: Bernard s’entend à merveille avec son fils Matthieu. Ils ont bâti leur réputation sur des cabernets francs de garde, séveux, denses et longs, dans un domaine qui compte 30 hectares dont deux de blancs. Le Guide des Vins bettane+desseauve, édition 2019. Le Domaine est noté ***.

Cap sur la Loire et les chinons du Domaine Bernard Baudry.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, une précision: la cuvée dite “Domaine” n’est pas la cuvée d’entrée de gamme, ce statut étant plutôt l’apanage de la cuvée “Les Granges”, vin fruité et gourmand à déguster dans sa jeunesse. “Les Granges” est issu des vignes plantées dans les alluvions constituées par la Vienne, affluent de la Loire.

Traditionnellement, la Loire est une région où l’effet millésime joue un rôle important. En pratique, les derniers millésimes ont tous été chauds: c’est vrai pour 2015, 2016, 2017 et 2018.

Comme d’autres villages ligériens, Chinon a été durement touché par le gel des 26 et 27 avril 2016. Comme l’hiver avait été doux, les bourgeons ont méchamment dégusté, avec comme conséquence une forte réduction des rendements et donc du volume. Par contre, dès la fin juin, les conditions météo ont été franchement favorables, ce qui a contribué à la remarquable qualité de ce millésime.

Dégustation comparative: “Domaine” 2016 et “Les Grézeaux” 2018

Le même vigneron, le même cépage (100% cabernet franc), quelques kilomètres entre les parcelles et pourtant, deux vins aux profils fort différents.

“Les Grézeaux” affichent une couleur dense, franchement violacée. Le nez est riche et met en appétit. La bouche est soyeuse, riche en fruits et surtout pulpeuse, presque comme la pulpe dans un jus d’oranges fraîchement pressé: une densité qui en met plein les papilles. Ce vin issu de vieilles vignes (+/- 60 ans) est élevé en barriques anciennes qui oxygènent sans marquer aromatiquement.

C’est bien mûr (13,5%) avec une structure tannique assez légère et beaucoup d’élégance. Difficile de ne pas sourire pendant la dégustation d’un tel vin, difficile de ne pas s’en resservir. A l’attention spécifique du lecteur qui me suit depuis de longues années, ce vin évoque le style des meilleures cuvées du Domaine Frédéric Mabileau (St-Nicolas-de-Bourgueil).

“Domaine” présente une robe d’un beau rouge franc, sans reflets violacés. Le nez est floral, poivré, précis. La bouche est structurée, construite sur le couple tannins/acidité. Le vin est dense et énergique, peu marqué par la douceur de l’alcool (12,5%). On sent qu’il est au début de la phase de maturité: aujourd’hui, je suggère de le carafer. Ce vin est sans doute plus cérébral que “Les Grézeaux”, mais je soupçonne une grande capacité à vieillir harmonieusement, en se détendant progressivement. “Domaine” est un vrai vin ligérien, de profil plutôt nordiste, malgré la canicule de l’été 2016. L’équilibre est souverain.

A l’attention spécifique du lecteur qui me suit depuis de longues années, ce vin évoque le style des cuvées du Domaine de La Chevalerie (Bourgueil). Prenez cette comparaison pour ce qu’elle vaut: une simple indication, manquant certes de précision.

Constat: les vins étaient très bons hier soir. Ce midi, ils sont excellents ! Une fois de plus, une bouteille ouverte depuis une bonne douzaine d’heures se révèle supérieure à la bouteille ouverte à l’instant. Le cabernet franc respire et libère tous ses parfums …quand on lui en donne le temps !

Domaine2016 est en stock chez moi au prix de € 13. “Les Grézeaux2018 est disponible sur commande au prix de € 17.

“Les Grézeaux” est en dégustation le samedi 13 juin. Attention, dégustation sur inscription préalable.

La ville de Chinon, aux pieds de la forteresse

Sont également disponibles sur commande: “Domaine2018 à € 14 et “Le Clos Guillot2017 à € 22. Ce dernier vin a obtenu la note de 17/20 dans Le Guide des meilleurs Vins de France, édition 2020. “Le Clos Guillot” est un voisin du Chêne Vert (Charles Joguet) et du Coteau de Noiré (Philippe et Pierre Alliet). Les vignes ont été plantées entre 1993 et 2000. L’élevage est effectué en barriques anciennes. C’est assurément un beau vin de garde, susceptible de vieillir 10 à 15 ans.

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Gilles Bonnefoy: volcanique !

2020, année du volcan dans le calendrier forézien. C’est surtout l’année de la consécration pour Gilles Bonnefoy, vigneron biodynamique et propriétaire du Domaine de la Madone, en appellation Côtes du Forez, aux sources de la Loire.

Il a fallu un temps certain pour que la presse professionnelle fasse le voyage jusqu’aux confins du Massif Central et y découvre les grands mérites des vignes sur volcan, tant en rouge (gamay) qu’en blanc (roussanne). Accrochez-vous, les fleurs vont gicler !

Guide vert de la RVF, édition 2020 : « Nous sommes éblouis par l’éclat que dégage chacune des cuvées » … « Ce domaine devrait rapidement accéder à la première étoile » … « Mémoire de Madone … après une aération de quelques minutes, le vin prend une envergure digne des plus grands gamays. 16,5/20 ».

La Revue du Vin de France, février 2020 : « Peu de roussannes dans le monde offrent une telle fraîcheur éclatante, un bouquet si nuancé et cet élan vivifiant, presque salin en bouche »… « La roussanne biodynamique de Gilles Bonnefoy impressionne par son identité volcanique élégante. 16,5/20».

Le rouge Mémoire de Madone 2018 est un pur gamay, issu de vignes largement quadragénaires, plantées dans le basalte roche -ô combien- volcanique. Vendanges manuelles, levures indigènes et très peu de soufre.

Je suis cette cuvée haut de gamme depuis pas mal d’années et elle ne me déçoit jamais. 2018, millésime chaud, conduit à un équilibre plein, avec une belle matière mûre. Alcool : 13%.

Le blanc Roussanne de Madone 2018 est une pure …roussanne, issue de vignes plantées en 2001, plantées elles aussi dans le susmentionné basalte. Vendanges manuelles, levures indigènes et très peu de soufre. Alcool : 13,5%.

Le vin est commercialisé en indication géographique protégée (igp) Urfé, parce que l’appellation d’origine protégée (aop) Côtes du Forez n’accepte que les vins rouges.

La roussanne est un cépage très intéressant (gras et finesse), planté en particulier en Savoie et dans la vallée du Rhône. Elle est fort sensible aux maladies et mûrit tard, ce qui explique que bien des vignerons s’en détournent au bénéfice de cépages plus faciles.

Attention, quantités disponibles fort limitées, tant pour le rouge que pour le blanc. Je suggère de réserver pour éviter une éventuelle déception.

Mémoire de Madone est en dégustation le samedi 08 février 2020.

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Luneau-Papin: une brise de mer un peu fofolle…

Le Domaine Pierre Luneau-Papin est LE spécialiste du Muscadet, décliné sous toutes ses formes (j’y reviens un peu plus bas), mais un autre vin blanc sec est élaboré ici, suscitant l’indifférence de la plupart des amateurs-buveurs.

Eh oui, il s’agit bien de l’abominable Gros-Plant du Pays Nantais, un vin dont la maigreur, l’acidité agressive et le nom ridicule forment ensemble une boisson infâme que je ne destine qu’à mes pires ennemis.

Et pourtant, ne le répétez à personne, lorsque le raisin est artiste et le millésime favorable, cette cuvée Folle Blanche est un régal avec plein d’agrumes partout, en particulier du pamplemousse rose et souriant. C’est frais, crispy, joyeux, léger.

En 2018, cela réveille le palais, il y a du volume, c’est bien mûr et la finale claque joliment. Comme une brise de mer un peu fofolle. Que demander de plus ? Alcool : 11%

Pour obtenir un tel résultat, il n’y a pas de secret : vieilles vignes, agriculture bio, vendanges manuelles, tri à la parcelle et (surtout) rendements raisonnables. Plus le talent d’une famille qui transforme tout ce qu’elle touche en or.

Si vous cherchez un compagnon sympathique pour escorter crustacés et mollusques, vous venez de le trouver.

A noter un très léger perlant qui disparaît aussi vite que le verre est agité.

Parmi les nombreux Muscadets élaborés par le Domaine Luneau-Papin, j’ai souvent exprimé mon goût pour la cuvée Terre de Pierre, un jus de caillou, expression d’un terroir très particulier, la Butte de la Roche.

J’ai goûté le millésime 2018 une première fois à l’automne, une deuxième fois en janvier. Parfois, il faut avoir le courage de renoncer. Le vin n’est pas mauvais, loin de là. Mais le millésime l’emporte sur le terroir. Le soleil a maté la serpentinite. La bouche est ronde, douce, un peu lâche et finit sur un petit sucre résiduel. Donc, pas de Terre de Pierre 2018 chez Anthocyane.

Mais -car il y a un mais-, à mauvaise nouvelle succède bonne nouvelle. La famille Luneau-Papin a commencé récemment à isoler une partie de la récolte vendangée sur la Butte de la Roche et à lui donner un élevage sur lies beaucoup plus long (22 mois en cuve). C’est la cuvée Gula Ana dont je vous propose le millésime 2016. En quelque sorte, une quintessence de Terre de Pierre.

Le guide vert de la RVF accorde 16,5/20 à ce millésime en l’affublant néanmoins d’un profil exotique que je ne lui ai pas retrouvé. Au contraire, j’ai goûté un vin au nez profond, au profil crémeux et serein. Un vin qui navigue dans un univers bourguignon dont serait absente la marque du bois. La finale rappelle néanmoins une proximité atlantique et iodée. Alcool : 12,5%

Muscadet de luxe sans doute, cru Goulaine certainement, avant tout grand vin de garde qui mérite assurément la carafe si la dégustation a lieu dès cette année.

La Folle Blanche est en dégustation ce samedi 08 février 2020.

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Pourquoi deux appellations ?

BourgueilPourquoi deux appellations ? Convenons de nommer ‘Bg‘ l’appellation Bourgueil et ‘St‘ l’appellation St-Nicolas-de-Bourgueil.

Bg et St sont contiguës, St constituant une sorte d’enclave au sein de Bg. Les deux appellations partagent le même cépage (cabernet franc, encore nommé breton). Les appellations Bg et St ont toutes deux été créées en 1937 et leur cahier des charges mentionnent le même rendement maximum (55 hl/ha).

St est couverte de vignes (le tiers de la superficie de la commune homonyme), Bg s’étend sur sept communes, mais produit à peine plus de bouteilles que sa consœur: la vigne y est moins omniprésente.

Le rosé représente à peu près 5% du vin produit à Bg; idem à St.

Philippe, enfin, réfléchis un peu: c’est forcément le sol qui distingue les deux appellations et qui est donc responsable de la différence entre les vins.

Bon, lisons ce qu’en dit le syndicat des vignerons de St: “On rencontre donc deux types de sols à Saint Nicolas de Bourgueil : au plus haut de la pente, des sols argilo-siliceux plus ou moins calcaires et plus bas, des sols siliceux, profonds appelés graviers.”

Et voici la version du syndicat des vignerons de Bg: “Les sols sont constitués de tufs de nature argilo-calcaire ou de sable et de cailloux (appelés localement  graves).”

Je ne suis pas géologue, mais je pense comprendre que les deux appellations partagent donc la même dualité entre sols de coteaux d’une part et terrasses d’alluvions d’autre part.

Vins de garde, charpentés et plutôt tanniques sur les coteaux; vins de plaisir immédiat, fruités et ‘gouleyants’, sur les terrasses d’alluvions de la Loire. Autrement dit, un Bg de coteaux ressemblera à un St de coteaux, mais ne ressemblera pas à un Bg d’alluvions !

Conclusion: ce qui différencie ces vins les uns des autres, c’est d’abord leur origine (coteaux ou terrasses), pas leur appellation. Après, tout est entre les mains, plus ou moins expertes, du vigneron.