Les petits sucres mollassons qui trainent dans un riesling alsacien que l’on voudrait sec: un thème récurrent dont voici une concrétisation.
Le vignoble alsacien entrerait en ébullition parce que le Journal Officiel (l’équivalent de notre Moniteur) publie en date du 1er août, une modification du cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée “Alsace” ou “Vin d’Alsace”. Vous pouvez lire le texte ci-dessus. C’est à la page 14 du cahier des charges.
Pierre Gassmann (Domaine Rolly-Gassmann) s’insurge et demande à tous (vignerons et “grand public”) de signer une pétition pour s’opposer au changement. Car le nouveau décret doit encore être validé par l’INAO, (Institut national de l’origine et de la qualité), pour être effectif. Les opposants ont deux mois pour se faire entendre.
“Nous appelons à l’aide pour défendre notre Histoire et notre culture plurielle du Riesling alsacien. En effet, le 1er août 2023, a été publié au Journal Officiel un nouveau décret interdisant le droit d’utiliser le mot Riesling dès lors qu’il contient plus de 4 grammes de sucre.”
Querelle stérile aux relents purement économiques, goût pervers pour les subtilités administratives ou défense légitime de la spécificité des vins artisanaux ? Pas facile pour le profane de s’y retrouver.
Néanmoins, je constate à la lecture du texte paru dans le Journal Officiel que:
la mesure n’est pas nouvelle: il s’agit d’une adaptation pour passer d’une limite de 6 grammes par litre à une limite de 4 grammes par litre.
cette limite est fixée à 9 grammes pour autant que le vin soit suffisamment bien doté d’acidité qui “cache” tout ou partie du sucre résiduel.
les vendanges tardives et les sélections de grains nobles ne sont pas concernées.
A noter qu’en Allemagne, un vin de riesling est considéré comme “trocken” (sec) s’il contient au maximum 9 grammes de sucre.
Je comprends la volonté du législateur de faciliter la vie du consommateur qui souhaite acheter un riesling sec et qui hésite, hésite, hésite encore parce qu’il ne sait pas si la bouteille qu’il s’apprête à acheter contient un vin sec ou un vin demi-sec. Cela dit, bien des vignerons proposent déjà sur la contre-étiquette une information, souvent sous la forme d’une échelle allant de sec à moelleux, avec des étapes intermédiaires. Mais chaque vigneron crée son propre système …
Il me semble que Pierre Gassmann, par volonté sans doute de simplifier ce qui peut l’être, manque de précision et cela risque de se retourner contre lui. Je lis aussi sous sa plume une impossibilité à produire des vins secs que je me permets (humblement) de mettre en doute.
Il y a par ailleurs quelque chose de profondément rigolo à l’idée d’interdire la mention du cépage riesling sur certaines bouteilles quand c’est l’inverse qui règne dans le vignoble français: hors de question de mentionner le pinot noir sur une bouteille de Nuits-St-Georges. Hors de question d’indiquer merlot sur Petrus. Comme quoi…
Une verticale Ostertag : Grand Cru Muenchberg 1996-2019
Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.
Alsace superbe, Alsace décevante… Alsace si diverse, Alsace si contradictoire. Bref, Alsace si passionnante., surtout pour qui s’intéresse aux vins exprimant avec clarté leur lieu de naissance, à savoir leur terroir. Lequel se définit de triple façon : le lieu-avec ses sols et sous-sols, son exposition, son altitude, son horizon -, le climat de l’année et le vigneron avec ses multiples décisions. Cette verticale illustre bien leur interdépendance.
Le Grand Cru Muenchberg
Grand Cru Muenchberg
Situé à Nothalten dans le Bas Rhin, ce lieu est magique : » « la partie terrestre y rééquilibre magnifiquement la partie céleste », comme me l’avait dit un jour André Ostertag. Côté céleste, il s’agit d’une enclave nichée dans un vallon en retrait de la route du vin et du village. Ses pentes ondulent dans une sorte de cirque abrité des pluies et des vents d’ouest par le “mont des Hongrois” (Ungersberg), une butte de grès vosgien atteignant 910 m. Installé de part et d’autre de ce vallon orienté au sud, le Muenchberg retient la chaleur sur ses pentes et bénéficie sur ses 17,70 ha d’un microclimat unique. Côté terrestre, le sol et le sous-sol sont formés de sédiments vieux de 250 millions d’années.
Ces terrains caillouteux et sableux où affleure régulièrement le grès rose sont constitués de poudingues avec dépôts vulcano-détritiques, parfois riches en tufs et cendres volcaniques. Il s’agit donc d’un sol pauvre où le drainage est excellent et le réchauffement rapide. Le riesling est le cépage de prédilection du Muenchberg. Celui-ci doit son nom aux moines cisterciens de l’abbaye de Baumgarten, toute proche, qui y cultivaient la vigne dès le 12è siècle.
L’impact du climat de l’année
La diversité des conditions climatiques d’une année ne manque pas d’influer sur les profils des vins. Cette verticale en témoigne par l’opposition de style entre par exemple les vins de millésimes plus frais tels 1996, 1999, 2004, 2008, 2010, 2014 d’une part, de millésimes plus chauds, voire caniculaires tels 2009, 2015, 2019 d’autre part. Les seconds offrent plus de volume, une plénitude solaire alors que les premiers sont plus élancés, d’une fraîcheur très énergique, tout en race et noblesse de Grand Cru.
2003 lui est marqué par une étroitesse que l’on n’attendrait pas d’une année très chaude, sauf que trop c’est trop : chaleur et précipitations quasi inexistantes ont provoqué du stress hydrique et des blocages de maturité, avec au final une matière à la minéralité un peu austère, voire asséchante. Autre cas, le millésime 2010 au climat chaotique : voilà bien une année tardive, avec dans les raisins une acidité malique élevée. Conséquence il a fallu vendanger à très haut potentiel alcool pour obtenir la maturité phénolique. Les vignerons peu ambitieux, qui travaillent mal dans les vignes et/ou ont vendangé trop tôt, proposent des vins au brutal tranchant acide. Aussi 90% des producteurs, « victimes du tabou alsacien contre la fermentation malolactique » comme le formulait André ont-ils choisi de désacidifier leurs vins. Par contre les meilleurs vignerons ont réussi sur les grands terroirs à équilibrer des sucres importants liés au haut degré potentiel requis pour une maturité des pépins grâce à la solide acidité de la matière 2010. Son Muenchberg 2010 dégusté 12 ans plus tard se goûte harmonieux, élégant, délicat, avec de jolis amers minéraux.
Le fil rouge de la dégustation
André Ostertag et son fils, Arthur
Cela posé, le terroir du Muenchberg avec ses sols cristallins est tellement fort qu’il impose au-delà des différents profils une trame reconnaissable d’un millésime à l’autre : verticalité, vibration de la matière, fraîcheur qui passe par une minéralité saline. Ainsi en est-il face au caractère opulent du 2009, un riesling dont l’équilibre inhabituel e 14°6 et 2,7 g. de sucre se fait moins par une tension acide que par les amers salins de la minéralité : « la partie terrestre a rééquilibré la partie céleste ».
A l’opposé, le 2008 reflète bien les caractéristiques d’un millésime difficile, sauvé à partir de la mi-septembre par le beau temps. Les vignerons peu ambitieux ont vendangé trop tôt en sous maturité. Les meilleurs ont attendu et ont réussi des vins équilibrés, de belle fraîcheur. Le Muenchberg dégusté ici possède une incroyable énergie 14 ans plus tard : comme l’a écrit un participant, » le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide », de l’éclat, de l’énergie et une longue persistance minérale.
Les deux derniers millésimes …
…dégustés dans cette verticale, certes plus jeunes n’en furent pas moins éblouissants :
2015 : chaleur, sécheresse, voire canicule en début juillet, et donc le stress hydrique auraient pu durcir les vins. Fort heureusement les pluies de la mi-août ont permis une reprise de la maturation des raisins. Au final ce 2015 présente une acidité malique plus basse que 2008, 2010 ou 2014. La matière offre une plénitude solaire en bouche avec une chair pulpeuse. Pourtant l’équilibre impressionne grâce à une fraîcheur liée à la fois à la concentration en acide tartrique et à une trame minérale saline qui se prolonge en finale sur de fins amers minéraux.
2019 : un scénario climatique comparable au précédent avec un temps sec et très chaud d’une part, des pluies salutaires au mois d’août. Un bébé encore, avec un énorme potentiel, encore brut de terroir d’une certaine façon. La bouche est riche et veloutée, d’une grande intensité, profonde et tendue par une impressionnante minéralité qui verticalise la richesse. La finale est très persistante sur des notes minérales salines et fumées.
Bernard Arnould
Anthocyane ne commercialise pas les vins du Domaine Ostertag. Anthocyane prête volontiers sa plume à celui/celle qui voudrait partager sa passion pour le monde du vin.
Une dégustation que j’ai eu le plaisir de proposer aux membres éminents du “groupe du mercredi”, lequel s’est réuni, avec une pointe de surréalisme, lors de ce premier …vendredi du mois de novembre.
Un thème qui me tient à cœur: sortir des sentiers battus franco-français et explorer comment s’expriment d’autres cultures du vin. C’est particulièrement délicat lorsque l’on quitte l’univers latin pour rejoindre les rives du Rhin et de ses affluents, la germanité étant souvent perçue comme particulièrement complexe et résolument différente. Une sorte de zone d’inconfort du dégustateur francophone.
Or, les vingt dernières années marquent l’émergence progressive de vins allemands qui reprennent à leur compte le “modèle bourguignon” à quatre niveaux: vin régional, vin de village, premier cru, grand cru. Le modèle allemand traditionnel basé sur la richesse en sucres des raisins perd du terrain, année après année, en tous cas pour ce qui concerne les vins secs ou d’esprit sec.
Les vins secs sont dits “trocken” (ce mot figure toujours sur l’étiquette: pratique !): ils peuvent contenir jusqu’à 9 grammes/litre de sucre résiduel (à la condition de présenter une acidité élevée). Autrement dit, les vins allemands “trocken” ne sont pas si compliqués à comprendre pour un amateur habitué aux vins français. Et ça, c’est une bonne nouvelle !
Pour mettre en pratique, j’ai choisi cinq vignerons très réputés, chacun représentant sa région: Knipser pour le Palatinat (Pfalz), Dönnhoff pour la Nahe, Wittmann pour le Rheinhessen, Georg Breuer pour le Rheingau et Peter Lauer pour la Moselle.
Les vins sont servis par paire, une paire par vigneron.
Précision: la double majuscule GG sur une étiquette -ou gravée dans le verre de la bouteille- signifie Grosses Gewächs, c’est-à-dire grand cru: raisins provenant d’une parcelle précisément délimitée qui a démontré sur le long terme sa capacité à produire des vins complexes, originaux et susceptibles de s’améliorer en bouteille, après une garde de plusieurs années.
GG s’applique exclusivement à des vins “trocken”. Elle est attribuée par une association privée: VDP. En savoir plus ? C’est ici.
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Mise en bouche: Eva Fricke (Rheingau), Rheingau 2016
On commence par une mise en bouche, destinée à permettre l’identification du thème: à l’aveugle, mes excellents compagnons ont vite reconnu le cépage riesling et l’origine allemande. Bien joué !
Nez citronné intense, très pur: c’est en effet un riesling typique. Peu de complexité. Bouche franchement fruitée, dominée par une grande fraîcheur. Vin jeune, ne présentant pas de notes d’évolution. Equilibre magistral et jolie persistance. Il y a sans doute un petit peu de sucre résiduel, qui arrondit sans sucrer. Très réussi pour un vin simple ! Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,6/20.
Cette jeune vigneronne était déjà très au point lors de la vinification du millésime 2016. Depuis, elle est passée au stade “culte”. De plus en plus difficile de mettre la main sur quelques flacons.
Le palais est étalonné. Nous voici à présent équipés pour entamer avec détermination une ascension du Mont Germania par la face nord. Dix étapes, cinq paires de vins.
1. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2016
Nez plus discret que celui de la mise en bouche. Un peu de citron et quelques épices. Introverti mais intéressant. Progressivement vient le caillou. En bouche, minéralité un peu terreuse, plutôt austère. Zeste de citron vert. Belle longueur. Vin cérébral, avec du potentiel de garde. Racé, mais pas pour toutes les bouches. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 15,1/20.
2. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2017
Nez plus ouvert, agrumes, un peu de floral. Assez joyeux, avec quelques morceaux de soleil dedans. Bouche superbement équilibrée ! Ce vin conjugue plaisir et cérébralité. La minéralité est en retrait par rapport au millésime 2016. Classique. La version plus affable de ce cru. Ma note: 16/20, note moyenne du groupe: 16,1/20.
3. Dönnhoff (Nahe), Tonschiefer 2013
Nez bien ouvert, typique du cépage. Citron épicé. Très léger pétrole. Bouche confortable, d’accès facile, comme une version apaisée de la mise en bouche. Bonbon violette. Pas très long. A boire dans les deux ans. Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,9/20.
4. Dönnhoff (Nahe), GG Hermannshöhle 2013
Surprenant: le premier nez m’amène chez Guffens-Heynen (chardonnay bourguignon)! Des notes de cognac. Puis vient le citron confit. L’ananas. La poire qui évoque le …chenin. Un peu de miel également. Le terroir domine le cépage. Difficile de reconnaître le cépage. Grande complexité. Bouche puissante, volumineuse et salivante: ce n’est pas de l’alcool, c’est de la matière (extrait sec). Pas pour qui recherche un vin aérien et délicat. Vin prêt à boire, pour les dix ans qui viennent. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 15,4/20.
5. Wittmann (Rheinhessen), GG Aulerde 2011
Nez sur l’orange et la mandarine. Arrière-plan en forme de poire. En bouche, formidable colonne acide ! Belle verticalité, la structure domine l’aromatique. Puis vient l’abricot et l’amande. Notes d’évolution. Un profil tel que l’on peut s’y attendre. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 16,3/20.
6. Wittmann (Rheinhessen), GG Morstein 2011
Couleur intense, presque dorée. Nez de poire Williams, avec une note oxydative. Quelque chose de sudiste. Un nez pour accompagner un dessert. Ici encore, le terroir invisibilise le cépage. La bouche est parfaitement sèche (ce qui surprend), salivante, pomme et poire, la note oxydative finit par disparaître ! Vin évolué, très original. Beaucoup de personnalité. Ma note: 17,5/20, note moyenne du groupe: 16,4/20.
7. Georg Breuer (Rheingau), Berg Rottland 2016
Nez fermé, puis vient un citron vert salé très dominateur. Une touche de romarin. Bouche qui communique tant le cépage que le terroir. Formidable tension acide. Grande longueur. Aucune concession. Difficile pour tout qui n’est pas amoureux de l’acidité. Finale très nette, tranchante et saline. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,2/20.
8. Georg Breuer (Rheingau), Nonnenberg 2017
Nez intensément caillouteux; le citron se cache en coulisses. Ce vin pourrait être volcanique (ce n’est géologiquement pas le cas). Nez impérieux, dominateur et sans concessions. Bouche monstrueuse, parce que tous les éléments y sont présents au maximum ! Pamplemousse d’anthologie. Finale exceptionnelle, avec tension et salinité. Infanticide, potentiel considérable. Attendre au moins cinq ans. Peut-on faire meilleur que Berg Rottland, oui, c’est Nonnenberg ! Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 16,5/20.
9. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2014
Nez qui combine la pierre (silex) et le citron, avec des notes fumées et miellées. Progressivement, toute la gamme des fruits: abricot, poire, ananas, agrumes, etc… Enfin, la cire. Quelle complexité ! Bien sûr, il y a un peu de sucre en bouche, mais l’équilibre est parfait grâce à une acidité très élevée. Vin cristallin qui finit absolument sec. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,9/20.
10. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2015
Un petit soleil atténue légèrement l’emprise caillouteuse. En bouche, le sucre est plus présent que sur le 2014. Néanmoins, la finale reste parfaitement sèche. Beaucoup de tension. La fameuse intensité légère qui signe les meilleurs vins de Moselle. Le plaisir à l’attaque et la droiture dans la finale. Très grand vin. Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 17,1/20.
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Ce que je retiens ? Les grands rieslings allemands ont une personnalité profonde, marquée par le terroir. Le cépage joue son rôle soit à l’avant-plan, soit à l’arrière-plan. Certains vins camouflent le cépage derrière un terroir dominateur. Celui qui craindrait de goûter dix fois la même chose est rassuré: les expressions sont pour le moins variées et diverses.
La colonne vertébrale acide est l’élément qui structure la plupart des vins. Ce n’est certes pas une surprise, mais un rappel utile: pour les vins secs, les acidités peuvent monter jusqu’à 8 voire 9 grammes/litre. Quelques grammes de sucre résiduel se chargent d’arrondir les angles de façon à proposer un équilibre du type: assez peu d’alcool (12% ou 13%), beaucoup d’acidité, un peu de sucre. Les finales sont sèches. Autrement dit, le sucre, lorsqu’il est perceptible, marque l’attaque du vin, pas sa finale. Cela facilite les accords gastronomiques.
Pour l’anecdote, les six derniers vins servis se retrouvent aux six premières places du classement. Il n’y avait pourtant aucune volonté de crescendo. L’ordre de présentation des paires était aléatoire. Disons que l’enthousiasme est venu progressivement.
Les nouveaux millésimes de chez Pellé (Menetou-Salon) sont arrivés. J’ai apprécié Morogues 2021 (sauvignon 100%, alcool: 13%, bio), un blanc sec au nez plaisant et aromatique, à la bouche équilibrée et directe, à la finale nette et sèche. Ce vin tire le meilleur d’un millésime un peu compliqué. Un cran au-dessus, c’est Vignes de Ratier 2020 (sauvignon 100%, alcool: 14%, bio), une sélection parcellaire qui conjugue la richesse solaire du millésime avec des notes fumées et minérales. Attention, l’importateur me fait savoir que le stock disponible est limité. Et il n’y aura pas beaucoup de 2021 non plus.
foudre dans la cave du Domaine Pellé
En mars, j’ai proposé à la dégustation Le Clos Galerne, cuvée L’Anjou Noir (cabernet franc 100%, alcool: 13,5%), avec un tel succès que le stock de l’importateur n’a pas pu suivre. Bonne nouvelle, cet Anjou-Villages rouge est à nouveau disponible. Il s’agit toujours bien du vin proposé au printemps: officiellement non-millésimé mais issu à 100% de la vendange 2019. De ce même Domaine, voici une Balade en chenin en millésime 2020, nouveau dans l’assortiment. C’est une excellente introduction à la gamme du vigneron, sans la profondeur du Savennières: oublions un instant que ce Savennières existe …et régalons-nous de la Balade, avec un excellent rapport QP !
dans la Revue du Vin de France (avril 2021)
Clos de la Roilette 2021: retour dans la gamme après une impasse sur deux millésimes consécutifs de ce très intense Beaujolais, en appellation Fleurie, là où Fleurie rejoint Moulin-à-Vent (NB: les Fleurie de l’ouest, ceux qui regardent vers Chiroubles, sont en général plus fruités et moins concentrés). Nez affable qui invite avec le sourire pour une première gorgée. Bouche sérieuse, riche, marquée par les fruits noirs, avec de très bons tannins. Le terme “gouleyant” n’a pas été inventé pour cette Roilette, qui a de l’ambition et un réel potentiel de garde.
les crus du Beaujolais: Fleurie = 7; Moulin-à-Vent = 10; Chiroubles = 5.
Voilà un vin que j’attendais avec impatience, vu le succès rencontré par les millésimes 2019 et 2020: le Mâcon-Vergisson 2021 du Domaine Guerrin. Il s’agit bien de la cuvée qui s’intitulait “Les Rochers”: cette mention disparaît pour le nouveau millésime. On peut supposer que quelqu’un a dû se plaindre du mots “rochers”, trop proche du mot “roche”: or, ici, à Solutré et à Vergisson, la Roche est sacrée ! Le vin est toujours délicieux, avec un profil plus frais que celui du millésime précédent, météo oblige. Un vin dont je me demande vraiment à qui il pourrait déplaire. Une bouteille que l’on tire-bouchonne sans prise de tête et que l’on partage avec l’amateur et avec le profane !
la Roche de Vergisson
Un détour par l’Autriche et plus précisément par le Kamptal, un affluent du Danube qui s’y jette en amont de Vienne. Chaque dégustation semble le confirmer: 2021 est un excellent millésime en Autriche. Ce riesling Urgestein le démontre avec force ! Je vous ai régulièrement proposé l’un ou l’autre vin du Domaine Hiedler, mais ce vin-ci m’a littéralement soufflé ! Intense fraîcheur, juste maturité du fruit, style énergique, moins opulent que par le passé (peut-être l’influence de Dietmar et Ludwig III, qui prennent progressivement la succession de leur papa).
le vignoble du Kamptal (Autriche)
Ces vins -et bien d’autres- sont à présent disponibles dans les nouveautés du magasin.
Trittenheim n’est pas exactement le village qui incite l’automobiliste de passage à s’arrêter parce que les colombages et autres maisons peintes lui taperaient dans l’oeil. De loin, c’est assez banal. De près (c’est-à-dire en marchant), on y trouve pourtant un tas de petites curiosités que, selon son goût personnel, l’on qualifiera de charmantes ou de kitchissimes.
Apotheke se signale à tous et en toutes lettres, même sans zoom
Du côté de la Moselle et juste en face d’un mur de vignes connu sous le doux nom de Trittenheimer Apotheke, ce village cache surtout une maison étoilée dont il paraît que la carte des vins mérite un large détour.
au delà des vins allemands, une belle sélection autrichienne
Wein- & Tafelhaus figure depuis longtemps sur la liste des restaurants qui excitent mes papilles mentales. Petit menu le vendredi soir, grand menu le samedi soir pour clôturer en beauté ces deux semaines de vacances.
Deux menus, deux vins mosellans: d’abord le Piesporter (appellation village) de Julian Haart. Ce jeune homme est le neveu de Théo Haart (Domaine Reinhold Haart). Il élabore sur 5 hectares des vins exceptionnels: ce Piesporter est de mon point de vue une parfaite incarnation du riesling sec mosellan: une incroyable légèreté conjuguée avec de l’intensité et du fruit. On ressent ce qui s’apparente à de la fragilité d’autant mieux que le vin est servi dans un verre Zalto qui exprime cette même fragilité. Délicatesse implique concentration chez le dégustateur : si l’on fait l’effort pour l’écouter, sa musique est fantastique ! C’est de la musique de chambre, pas une symphonie.
Piesport est un village de la vallée de la Moselle
J’avais fort envie de découvrir les vins de Franz-Josef Eifel, vigneron basé à Trittenheim et disposant en particulier de quelques rangs de vignes dans la meilleure partie du Grand Cru Trittenheimer Apotheke: le Sonnenfels. Eh oui, un cru de 68 hectares n’est pas homogène: certaines parcelles sont mieux exposées que d’autres et la géologie est assez complexe. En Allemagne, ce vigneron obtient très régulièrement des notations stratosphériques. Le Domaine est minuscule (3 hectares) et il n’y a donc pas beaucoup de bouteilles à l’export.
Ce Sonnenfels est très étonnant: minéralité puissante, dominatrice; jus de caillou au point d’effacer la contribution du cépage: à l’aveugle, je pense que je n’aurais pas reconnu le cépage, le citron -jaune, vert- disparaît au bénéfice du schiste (ardoise). Un vin qui joue la carte de l’invulnérabilité et de l’éternité. Pas gratuit évidemment (€ 69 sur table), mais n’importe quel Chablis premier cru est vendu aussi cher, si pas plus cher.
étiquette difficile à photographier parce qu’elle répartit l’information sur une grande largeur…… et donc voici le nom du vigneron (FJ Eifel) et le nom de la cuvée (Sonnenfels)la promenade nous fait croiser quelques vignes du Domaine Eifel
Et pour clore ce périple, une anecdote qui nous a bien fait sourire. Nous sommes au restaurant et commandons une bouteille plutôt haut de gamme. Une demoiselle nous amène le flacon et constate soudain qu’il n’est pas capsulé, mais doté d’un bon vieux bouchon en liège. Panique, la demoiselle disparaît en emmenant la bouteille.
Quelques instants plus tard, une autre demoiselle, celle-ci munie d’un tire-bouchons, nous sauve de la soif. Euh …non, elle n’a manifestement jamais utilisé le tire-bouchons et s’obstine à vouloir arracher le bouchon d’un seul coup. Le spectacle vire à la tragi-comédie à tel point que je me décide à ouvrir le flacon moi-même en expliquant gentiment à la seconde demoiselle comment ça marche.
Moralité: la capsule est la norme, le bouchon, l’exception.
Prenez vos vacances là où il y a du vignoble: la météo y est plus agréable, les paysages plus jolis, les villages plus pimpants et les restaurants plus appétissants. Boire un vin en observant en même temps le vignoble dont il est issu est un plaisir d’une grande finesse.
abbaye cistercienne Kloster Eberbachimpressionnante collection de pressoirs
Difficile de traverser le Rheingau sans une étape à Kloster Eberbach, lieu essentiel dans la « création » du riesling. Abbaye cistercienne et vignoble du Steinberg, exemple très rare d’une parcelle désignée uniquement par son nom sans référence au village où elle se situe. Steinberg -et Johannisberg, à quelques kilomètres d’ici- ont une telle réputation qu’il est manifestement inutile de préciser plus avant. C’est donc Steinberg tout court et non Hattenheimer Steinberg.
Ce Steinberg s’etend sur 34 hectares et est entouré d’un mur assez haut, destiné à protéger les vignes du vent. On le compare parfois avec Clos Vougeot en Bourgogne.
le Steinberg, c’est de l’autre côté de cette porte
Une nouvelle œnologue a pris les commandes du Domaine en 2018, avec l’ambition de ramener les vins au sommet. Parmi les nouveautés, une cuvée issue des vignes les plus âgées au sein du Steinberg: cela s’appelle Zehntstück (littéralement: morceau d’un dixième) et 2021 en est le premier millésime. J’ai goûté et approuvé. Eh hop, quelques bouteilles pour la cave !
Comme ce n’est pas bien loin, petite balade dans le charmant village de Kiedrich, connu pour abriter le Domaine Robert Weil. Non, je n’y ai pas dégusté, les vins étant « cédés » à un prix qui outrepasse l’épaisseur de mon portefeuille.
KiedrichDomaine R. Weil, par l’arrièrec’est ici !
Le restaurant pour ce soir appartient à la famille Breuer. La nourriture y est tout-à-fait correcte, mais il faut accepter une ambiance qui oscille entre rue des Bouchers, karaoké teuton et fête permanente. On y sert des centaines de couverts avec une efficacité souriante. La carte des vins donne accès à la plupart des vins du Domaine Georg Breuer. Mais il y a mieux: une deuxième carte des vins intitulée « Raritäten » (dois-je traduire ?) laquelle remonte …jusqu’au début du XXème siècle.
allons-y et feuilletons !oublions les prix (…) et notons le format 70 cl qui n’existe plus aujourd’hui du moins dans l’UE
Nous avons été sages et avons sélectionné Terra Montosa en millésime 2016. Le vin se goûte parfaitement sec et tout aussi parfaitement mûr. Surprise: il titre …11,5% ! Je suppose que l’acidité élevée cache un sucre résiduel significatif. Mais j’insiste, c’est un vin sec à la dégustation. Ah oui, j’oubliais, c’est un riesling.
De restaurant en balade-vignoble, de musée en balade-bateau, de Mainz à Lorch, quelques impressions fugaces et photographiques de notre périple en Rheingau.
Sur l’échelle de la qualité, le riesling Hattenheimer Nussbronnen 2015 kabinett trocken de Langwerth von Simmern score vraiment haut: 8/10. NB: mon échelle va de 0 (le caca de chien malade, sur trottoir défoncé, sous une pluie glaciale) à 10 (le Taj Mahal ou le musée du Quai Branly ou les Variations Goldberg).
Ce Domaine à la forte notoriété et aux étiquettes particulièrement baroques a cessé d’exister vers 2018: les parcelles ont été revendues à d’autres vignerons, parmi lesquels le Domaine Corvers Kauter à Oestrich-Winkel.
Il y a tant à voir, tant à faire, tant à goûter/boire que je ne sais par où commencer.
Petite dégustation chez un grand spécialiste du silvaner, j’ai nommé le Domaine Hans Wirsching à Iphofen, en Franconie orientale (Steigerwald). Ici, le Main brille par son absence. Les vins rouges aussi. Silvaner, riesling, scheurebe en dégustation. Les Silvaner se goûtent très bien, avec du fruit mûr et une touche végétale très agréable, en forme de pomme verte.
chez Hans Wirsching
Rieslings irrésistibles et scheurebe étonnant: le nez sauvignonne franchement (fruits exotiques à la pelle), la bouche est construite sur la fraîcheur et une finale impeccable. Je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais goûté un scheurebe de cette qualité ! Ce cépage « de laboratoire » est un croisement du riesling avec un cépage …indéterminé !
arrivée au Domaine
Nous avons enchaîné avec une promenade dans le vignoble, en croisant notamment le grand cru Julius-Echterberg, fleuron de la gamme de Wirsching. Temps orageux, nous avons dix fois cru nous faire arroser, mais la pluie a courtoisement attendu que nous soyons installés dans la voiture.
Juste sous la forêt, le Julius-Echterbergfleurs de printemps et vignes: coexistence pacifique
Pentes vertigineuses, forêt protectrice en haut de colline, vues plongeantes sur Iphofen, balisage décent, mais la carte s’est avérée utile à l’une ou l’autre reprise…
PS: ce soir, dîner satisfaisant dans un restaurant à Volkach. Carte des vins limitée à la gamme d’un unique vigneron local. La dégustation permet de se rendre compte de l’écart de qualité avec la gamme de Wirsching. Inutile de recourir à la photo-finish pour départager les vignerons…
Vendredi 25 février. Le soir tombe. Il fait calme dans les rues de Berchem-Ste-Agathe. Une maison résiste malgré tout à l’assoupissement: quelques vaillants dégustateurs, verres à la main et papilles en éveil, arrivent et s’apprêtent à participer à une première.
Une dégustation différente: les huit participants s’installent à table, au premier étage. Ils ne savent pas grand-chose, sauf que nous goûtons 12 vins allemands, nouveaux, jamais présents au tarif d’Anthocyane. Ils sont conscients que leur avis va compter.
Le maître des cérémonies (pour faire simple, moi) présente, explique et paraphrase. J’ai tenté de maîtriser ma potentielle logorrhée en diffusant quelques jours auparavant un document résumant ce que je sais du vin allemand, millésime 2022. Cela évoque les régions, les cépages, les mentions sur l’étiquette, l’association VDP. Des clés pour comprendre Ortswein, trocken, Grosse Lage, Pfalz, spätburgunder, Alte Reben et autres subtilités germaniques.
Ambiance légèrement mystérieuse lorsque le maître des cérémonies annonce que les vins seront présentés étiquette visible, par paires et dans un ordre aléatoire, sans crescendo volontaire. On cherche à classer les 12 vins, du meilleur au moins bon, en ignorant leur prix. Mon âme étant pure et bienveillante, j’ai malgré tout consenti à révéler que les bouteilles sont commercialisées en Belgique dans une fourchette comprise entre € 10 et € 29.
Les blancs
Il est temps que j’aille chercher les deux premiers flacons: un sauvignon du Palatinat et un chardonnay du Rheinhessen font leur entrée en scène. Tambours et trompettes, concentration studieuse, crayons fraîchement taillés, le liquide brillant s’écoule dans les verres cristallins. Go !
Autrement dit, je présélectionne 12 vins et me fais ensuite aider par une belle brochette d’amateurs éclairés pour mettre au tarif d’Anthocyane les flacons les plus intéressants. C’est en quelque sorte le triple tri: par l’importateur, par moi et par les dégustateurs présents ce vendredi soir. Tout cela avec l’ambition assumée de vous proposer la crème de la crème.
Cette nouvelle formule a fort bien fonctionné et sera sans doute proposée à nouveau, au printemps, moyennant quelques menus aménagements pratiques. Il est d’ailleurs autorisé de me faire connaître dès à présent un éventuel intérêt à participer à la deuxième session. Je souligne qu’il ne s’agit en aucun cas de remplacer les dégustations du samedi autour du bar, mais de compléter mon offre.
Les rouges, précédés par une bulle 100% pinot noir
Voici le classement des 9 vins sélectionnés. Tous sont disponibles dans le magasin. Pour votre facilité ils ont été regroupés dans un rayon du magasin.
Lorsque le douzième vin fût tiré et qu’il fût dûment goûté, Catherine se chargea, avec talent, de nourrir les convives légèrement affamés. Choucroute et pavlova-citron. Malgré la présence ostensible de trois grands crachoirs sur la table, l’ambiance était alors beaucoup moins studieuse qu’en début de dégustation: décibels, rires et retrouvailles en mode post-COVID.
Et, à la grande joie du maître des cérémonies, une impression générale que le vin allemand a décidément beaucoup de choses à raconter ! Bien sûr, la victoire est revenue au duo attendu: riesling et pinot noir. Mais silvaner, sauvignon et lemberger n’ont certainement pas démérité !
Ah oui, avant que je n’oublie: un classement des vins, c’est utile, mais on peut aussi classer par la quantité commandée. Médaille d’or: Knab Alte Reben. Complètent le podium: Aldinger Rebhuhn et Huff Pettenthal. Ont raté de très peu une médaille de bronze: Am Stein Innere Leiste et von Winning Sauvignon II.
Commandes jusqu’au mardi 08 mars inclus.
Mon ambition (légèrement audacieuse) est de mettre les commandes à disposition à partir du samedi 12 mars. Tous les vins sont disponibles dans le magasin. Pour votre facilité ils ont été regroupés dans un rayon du magasin.
Le monde du vin allemand est complexe et il est en ébullition. Tout change depuis une bonne vingtaine d’années, en opposition avec la tradition germanique qui classe les vins en fonction de la quantité de sucre présente dans les raisins lors de la vendange. C’est cette richesse en sucre qui est à la base du classement traditionnel des vins : kabinett, spätlese, auslese, beerenauslese, trockenbeerenauslese.[1]
Avec des raisins de type kabinett et spätlese, il est possible d’élaborer soit des vins secs ou du moins d’esprit sec (la législation allemande affirme qu’un vin est sec trocken s’il contient moins de 9 grammes de sucre résiduel[2]), soit des vins demi-secs, voire moelleux. Le type auslese correspond le plus souvent à des vins moelleux, mais il n’est pas exclu de trouver un auslese trocken avec 14% d’alcool, voire un peu plus.
Les types beerenauslese et trockenbeerenauslese sont toujours moelleux ou liquoreux. Ces vins botrytisés sont rares et chers, voire extrêmement chers. On peut se risquer à comparer beerenauslese à la Sélection de Grains Nobles alsacienne. Et trockenbeerenauslese à l’Eszencia hongroise (Tokaji). Ils sont très peu alcoolisés (6%), avec plusieurs centaines de grammes de sucre résiduel par litre et une acidité incroyablement élevée, qui équilibre le sucre.
Si le mot trockenne figure pas sur l’étiquette, vous pouvez être certain qu’il s’agit d’un vin avec une certaine douceur.
Ce qui précède, c’est déjà le passé. Le regard des meilleurs vignerons allemands s’est aujourd’hui tourné vers l’ouest, en direction de l’Alsace et de la Bourgogne. C’est une autre façon de classer qui s’impose progressivement, basée sur le lieu dont le vin est issu et de la qualité associée à ce lieu : vin régional (Gutswein), vin communal (Ortswein), vin issu d’une parcelle premier cru (Erste Lage), vin issu d’une parcelle grand cru (Grosse Lage). C’est la pyramide de la qualité.
Une association privée est à l’origine de ce nouveau regard : VDP. On reconnait les vignerons membres de cette association à la présence d’un aigle stylisé sur la collerette des bouteilles.
VDP n’a, à ma connaissance, pas d’équivalent dans les autres pays européens. Les membres sont choisis par cooptation. Il y a +/- 200 membres. L’aigle VDP est un indicateur de qualité fiable.
Comme souvent pendant une phase de transition, différents classements coexistent, suscitant sans doute une certaine confusion. Certains domaines traditionnalistes ne s’inscrivent pas dans la nouvelle démarche, certaines régions utilisent des systèmes légèrement différents, certains vignerons contestent le classement (ou l’absence de classement) de telle parcelle[3], certains éléments de la charte VDP sont repris dans la nouvelle loi allemande de 2021, d’autres ne s’appliquent qu’aux membres de l’association. Le consommateur peut légitimement se sentir un peu largué…
La région est l’entité géographique de base. Au sens strict, la notion d’appellation n’existe pas pour le vin en Allemagne.
La plupart des vignobles réputés se situent dans les parages du Rhin ou de l’un de ses affluents (Moselle, Main, Ahr, Neckar).
Il y a 13 régions, d’importance fort différente : Ahr, Baden, Franken(en français : Franconie), Hessische Bergstrasse, Mittelrhein, Mosel, Nahe, Pfalz(en français : Palatinat), Rheingau, Rheinhessen, Saale-Unstrut, Sachsen, Württemberg.
Les vins issus de parcelles spécifiques sont généralement décrits sur l’étiquette par <nom du village>< ‘er’ facultatif> <nom de la parcelle>.
Par exemple : un Westhofener Morstein est un vin issu de la parcelle Morstein, située sur le village de Westhofen. Par exemple : un Volkacher Karthäuser est un vin issu de la parcelle Karthäuser, située sur le village de Volkach.
Lorsque le nom de la parcelle possède une grande notoriété, certains vignerons omettent le nom du village. Exemple : au Domaine Knipser (région Pfalz), on mentionne simplement la parcelle Steinbuckel, en oubliant de lui accoler le village Laumersheim[4].
Les vins issus d’une parcelle Grosse Lage portent souvent[5] les lettres « GG », imprimées sur l’étiquette et gravées dans le verre de la bouteille : il s’agit alors d’un vin Grosses Gewächs, un vin grand cru issu d’une parcelle grand cru. Un vin Grosses Gewächs est toujours sec.
Le cépage est toujours mentionné sur l’étiquette. A noter que l’Allemagne produit presque uniquement des vins monocépages. L’assemblage est très peu pratiqué ; un vin d’assemblage s’appelle Cuvée.
Le pinot noir est en général appelé spätburgunder[6], ce qui se traduit littéralement par bourguignon tardif. Cela permet de mieux comprendre le rare cépage frühburgunder, le bourguignon précoce, qui est apparenté au pinot noir mais qui mûrit plus rapidement. Le cépage lemberger est parfois mieux connu sous son nom autrichien : blaufränkisch.
La région est toujours mentionnée sur l’étiquette, mais cela peut être discret.
Certaines régions sont prestigieuses mais très peu étendues (Ahr, Rheingau), deux parmi elles sont situées en ex-RDA et leurs vins ne sont presque pas exportés (Saale-Unstrut, Sachsen), d’autres n’ont pas vraiment de notoriété (Hessische Bergstrasse, Mittelrhein), une autre élabore essentiellement des blancs demi-secs, moelleux et liquoreux (Mosel).
Les définitions géographiques des régions sont parfois surprenantes. Par exemple, Baden regroupe des vins élaborés à la frontière suisse (Basel, Bodensee) et d’autres vins, élaborés dans le centre du pays, aux portes de la Franconie (Tauberfranken) : comptez +/- 400 kilomètres entre le sud et le nord de la région !
On a l’habitude de considérer l’Allemagne comme un pays de vins blancs. C’est vrai, dans la proportion des deux-tiers : 69.000 hectares de raisins blancs, 34.000 hectares de raisins noirs.
En termes de cépages, c’est le riesling[7] qui fait la course en tête (23%) devant le pinot noir (11%) et le müller-thurgau[8] (11%).
On trouve également des vignobles consacrés au pinot gris, pinot blanc, silvaner[9], chardonnay, sauvignon.
Et quelques spécialités, en rouge, à la réputation mitigée : dornfelder, portugieser, trollinger, schwarzriesling (en français : pinot meunier)…
Le terme Alte Reben correspond aux « vieilles vignes » en France. La définition de l’âge qui donnerait droit de mentionner « vieilles vignes » sur une étiquette est aussi inexistante en Allemagne qu’elle ne l’est en France.
Le bouleversement climatique pousse à présent certains vignerons à faire des essais avec des cépages plus sudistes, comme la syrah, le merlot et le tempranillo. Dans certaines parties de la région Baden, le climat est trop chaud pour y cultiver du riesling.
Il fût un temps où les blancs contenaient presque toujours une certaine quantité de sucre résiduel, peu d’alcool et beaucoup d’acidité. Le vin pouvait être excellent, mais le consommateur francophone/latin se demandait toujours ce qu’il allait faire de la bouteille.
Il fût un temps où les rouges étaient souvent défigurés par un élevage en barriques surdosé, exhibitionniste et asséchant.
Les choses ont radicalement changé ! Et voilà donc un excellent prétexte pour proposer la dégustation de 12 vins allemands contemporains.
Notes:
[1] Il faut 17 grammes de sucre par litre pour générer 1% d’alcool. Un vin tout-à-fait sec qui titre 13% provient de raisins qui contenaient 221 grammes de sucre.
[2] La règle exacte est plus complexe, elle prend en compte l’acidité du vin : plus le vin est riche en acidité, plus il peut contenir de sucre résiduel tout en étant considéré comme trocken. C’est plutôt logique puisque l’acidité masque le sucre.
[3] C’est le cas du Domaine Georg Breuer dans le Rheingau. Il fait incontestablement partie de l’élite des meilleurs domaines allemands mais a très mal pris l’absence de classement VDP de la parcelle du Nonnenberg, dont Breuer est le seul propriétaire (monopole). Breuer a donc claqué la porte de VDP derrière lui. Lorsque j’ai eu la chance de goûter Nonnenberg, j’ai compris la frustration du Domaine…
[4] Bon, en fait, en tous petits caractères, il est bien indiqué Laumersheimer Steinbuckel ». Ouf !
[5] Pas toujours. Mais cela nous entrainerait trop loin. Disons que certains vignerons ne déclarent pas en GG un vin issu de jeunes vignes de façon à ne pas dévaloriser le terme GG.
[6] Certains vignerons utilisent spätburgunder pour leurs vins d’entrée de gamme et pinot noir pour leurs vins les plus chers/prestigieux. L’inverse ne se fait, à ma connaissance, jamais.
[7] 44% du riesling dans le monde est planté en Allemagne. En France ? 6%. Eh oui…
[9] Avec un ‘i’ et non un ‘y’. L’Allemagne est de loin le plus grand producteur au monde de silvaner (régions Rheinhessen et Franken). Les meilleurs silvaners sont allemands.
Une sélection de vins allemands a été dégustée le vendredi 25 février. Un article, intitulé à table ! a été consacré à cette dégustation. Les vins ont été regroupés dans un rayon du magasin.
Peter Lauer, Sarre (Allemagne), Unterstenberg 2020
Certains vins ne nécessitent que fort peu d’explications, tout est implicitement contenu dans quelques syllabes: Château Mouton-Rothschild 2016 dit à peu près tout ce qu’il faut savoir (sauf le prix, mais c’est un autre sujet). Le vin allemand présenté ici mérite certainement de lui consacrer un peu d’encre numérique.
C’est un vin de Moselle, plus précisément issu de la Sarre. Selon Google Maps, il faut moins de 3 heures depuis Bruxelles pour y garer son véhicule. On est à un bon saut de puce de la frontière luxembourgeoise et à un petit saut de puce de la ville de Trier (Trêves), laquelle mérite un détour, en langage Michelin. Le Domaine Peter Lauer héberge également un hôtel et un restaurant, ce qui commence à ressembler à un chouette week-end (…mais c’est un autre sujet).
C’est là !
Bon, commençons par le début: est-ce du riesling ? Certes. Est-ce un vin sec ? Question classique à laquelle j’ai envie de donner une double réponse. Première réponse: oui. Deuxième réponse: euh…ce n’est pas aussi simple que cela. Dans cette bouteille, 8 grammes de sucre résiduel par litre de vin. Techniquement, en Allemagne, cela en fait un vin sec, puisqu’y est considéré comme sec tout vin, avec une acidité suffisante, qui contient moins de 9 grammes de sucre résiduel par litre.
Florian Lauer, le vigneron, ne revendique pas le fait qu’il s’agisse d’un vin sec, puisqu’il le qualifie sur l’étiquette de TF, c’est-à-dire “trocken-feinherb”, ce qui donne en traduction libre: “vin dont le profil est intermédiaire entre sec et demi-sec“. A la dégustation, le vin fait preuve de ruse et donne ainsi au dégustateur une bonne occasion de tourner sept fois sa langue avant toute déclaration définitive: ça commence en bouche avec une très agréable petite sucrosité mais cela finit bien sec, facilitant ainsi la tâche de celui ou celle qui va se charger de l’accord entre les mets et ce vin.
Donc, n’ayez pas peur, c’est un riesling gastronomiquement très intéressant. Le nez est épicé, la bouche, délicate et saline, offre un joli citron vert.
Ayler Kupp
“Dis, Philippe, ça a l’air intéressant, mais ce n’est pas donné: j’hésite”. Je comprends ce doute. C’est sain. Pour y répondre, je nous plonge illico presto dans le Grand Cru Kupp. Comme ce Grand Cru se situe dans le village d’Ayl, on l’appelle habituellement Ayler Kupp. Le nom de la cuvée, Unterstenberg, est en fait le nom d’un lieu-dit au sein du Grand Cru Ayler Kupp. Ce Grand Cru s’étend sur 49 hectares et seules les meilleures parcelles, en particulier celles orientées au sud, sont de haute qualité. Unterstenberg est orientée au sud. Les vignes sont âgées de 66 ans, elles poussent directement dans l’ardoise. La pente du vignoble varie entre 10 et …55%. L’élevage est assez court, en fûts usagés de 1.000 litres.
Ceux et celles qui me font l’honneur de me lire régulièrement reconnaîtront assurément ce qui suit: ce qui me passionne dans les meilleurs vins de la Moselle, c’est leur capacité à combiner légèreté et intensité, précision et énergie.
Je suggère d’en ouvrir une bouteille en 2022 et d’en conserver une autre jusqu’en 2028. Et, qui sait, une troisième pour 2025…
***
Peter Lauer, Grand Cru Ayler Kupp, Unterstenberg 2020 est disponible dans le magasin.
L’incarnation d’un grand riesling allemand. L’intensité du volcan, la combinaison du fruit et du caillou, la puissante trame acide, la parfaite maîtrise du degré alcoolique (12,5%) malgré le bouleversement climatique, la concentration et la finesse, le zeste de citron et les épices. Je pourrais rajouter quelques superlatifs, une grande majorité d’entre eux conviendraient en effet pour décrire ce vin. Si goûté jeune, je recommande un passage en carafe.
La comparaison va peut-être sembler étonnante, mais je m’y risque: on évolue ici dans un monde finalement assez proche de celui des meilleurs assyrtikos de Santorin: est-ce la signature volcanique ?
Pour être complet, il me faut indiquer que l’analyse du vin révèlerait la présence de 3 grammes de sucre. Mais classer ce Vulkangestein parmi les demi-secs serait totalement erroné. Le sucre n’apparait absolument pas en tant que tel lors de la dégustation. Le vin se goûte sec, grâce à une très forte acidité analytique (8 grammes).
Felsenberg, parcelle classée Grand Cru à Schlossböckelheim (Nahe)
Ce vin est un assemblage de raisins issus de parcelles volcaniques classées en grand cru: 50% du célèbre Felsenberg, 50% du Stromberg. Les vignes sont âgées de 25 à 35 ans. C’est à cause de cette -très relative- jeunesse que le raisin n’entre pas dans les GG’s Felsenberg et Stromberg. On peut supposer que le GG Felsenberg est encore meilleur que ce Vulkangestein, mais il coûte € 53 et mérite une longue garde pour affirmer sa supériorité.
Nous sommes dans la Nahe, région qui porte le nom de la rivière qui la traverse. Cela se situe entre Moselle et Rheingau. La grande ville la plus proche, c’est Francfort. Les vignobles sont pentus. Franchement pentus: déclivité de 50 à 60% au Felsenberg !
Tim Fröhlich, le vigneron, fait partie de l’élite du vignoble allemand: on peut sans exagérer comparer son statut à celui d’un *** dans le guide de la Revue du Vin de France. En Allemagne, c’est 5 étoiles (sur un maximum de 5) dans le guide Eichelmann. Seuls 32 vignerons allemands reçoivent cette distinction suprême dans l’édition 2021 du guide.
Schäfer-Fröhlich, riesling Vulkangestein 2020 est disponible dans le magasin.
Une comparaison honnête entre deux vins que tout rapproche, si ce n’est le cépage. Ces deux vins sont élaborés par le même vigneron (Wohlmuth), dans la même commune (Kitzeck-Sausal, dans le sud de l’Autriche, près de la frontière slovène), dans la même géologie (schiste), dans le même millésime (2019) et avec le même degré d’alcool (12,5%).
Le prix est comparable également, ce sont deux cuvées de type “village”.
Un sauvignon (classique dans cette région) et un riesling (paradoxalement, moins répandu ici qu’on pourrait le penser). Un air de famille. Pas des jumeaux, non, mais des frères (ou des sœurs, l’une option vaut l’autre).
Nous sommes dans une région que j’ai évoquée longuement l’été passé lors d’une dégustation entièrement consacrée à la Styrie: voir cet article
Ces deux vins ont une vraie personnalité, qui les différencie des stéréotypes simplificateurs: on n’est ni en Alsace, ni dans le Rheingau, ni à Sancerre, ni en Marlborough (Nouvelle-Zélande). J’ajouterais que le riesling est très différent de ses cousins des rives du Danube (Wachau et consorts).
Les goûter face à face -ou dos à dos- est une intéressante expérience qui permet de percevoir tant ce qui les rassemble que ce qui les différencie. Le sauvignon est certes plus extraverti que le riesling, il est aujourd’hui plus complexe et plus aromatique. Les deux vins partagent une structure en élégance, finesse et précision. Une absence de marquage par un élevage trop “mêle-tout” les rapproche. Tout est évoqué, rien n’est imposé. Le riesling sera sans doute meilleur demain, le sauvignon est sans doute déjà à son apogée.
Gerhard Josef Wohlmuth
Je vous invite à entrer dans le magasin pour plus d’information. Vous y trouverez le sauvignon et le riesling.
Weingut Wohlmuth, Südsteiermark, Kitzeck-Sausal, sauvignon et Kitzeck-Sausal riesling, 2019.
Un match n’est intéressant que s’il est équilibré. Cela tombe bien, les deux bouteilles d’aujourd’hui ont la même forme et mesurent toutes les deux exactement 35 cm de haut. Plus sérieusement, les deux vins sont vendus au même prix et sont tous deux issus de millésimes récents. En dépit de la distance entre les deux vignobles (plus de 2.000 kilomètres), quelque chose me dit que leurs profils pourraient présenter plus de similarités que de différences. Voyons la composition des équipes.
L’Allemagne aligne un riesling du Rheingau. Le maillot de la bouteille est floqué Künstler2018. En face, l’Espagne aligne un albariño de Galice, maillot floqué Fefiñanes2019.
Le Rheingau est le royaume du riesling: 80% du vignoble est planté avec ce cépage. 7% du riesling mondial provient d’ailleurs du Rheingau. Comme le nom de la région l’indique, les vignes sont plantées sur la rive droite du Rhin (celle dont l’exposition est sud), sur des collines plutôt vertigineuses. Bien sûr mon mauvais esprit va immédiatement rendre compliqué ce qui paraissait simple: on peut faire faire partie du Rheingau, alors que les vignes se mirent dans le Main. Circonstance atténuante: ce Main est un affluent du Rhin, bien connu pour être la rivière qui baigne, en amont, maints vignobles de Franconie.
Gunter Künstler
Nous sommes plus précisément à Hochheim, village qui porte, avec une impitoyable logique, le nom complet de Hochheim-am-Main. Le vignoble le plus célèbre s’appelle ici Hochheimer Hölle. A côté de ce vignoble “grand cru”, nous découvrons le Hochheimer Herrnberg, classé lui erste Lage, ce qui correspond à la notion de “premier cru” en mode Bourgogne.
Ce cru Herrnberg possède la particularité étonnante d’un substrat géologique partiellement calcaire, très inhabituel dans ces contrées. Attention, la phrase qui précède, utilisée par exemple dans les tribunes d’un stade, est susceptible de vous attirer quelques solides froncements de sourcils…
Weingut Künstler cumule les distinctions dans les guides allemands et anglo-saxons: 4 étoiles dans Eichelmann, 5 étoiles dans Falstaff, 4 grappes dans Gault&Millau, 3 étoiles pour Hugh Johnson. Hélas, le Domaine est moins connu dans le monde francophone, vu l’habituelle absence d’attention portée par les médias parisiens pour ce qui se passe outre-Rhin.
Le Domaine est à la tête de 50 hectares de vigne, dont 79% de riesling et de 15% de pinot noir. Un peu de chardonnay et -amusant dans le contexte de ce match- 1% d’albariño ! Bon, le Domaine vend ce “vin de cépage” sous la graphie portugaise (alvarinho), mais il s’agit bien du cépage galicien. Le bouleversement climatique pousse de nombreux vignerons prudents à anticiper le moment où les cépages nordistes, comme le riesling, ne feront plus l’affaire. Planter des cépages plus sudistes -comme l’albariño- et vinifier les raisins récoltés est une façon de se préparer à un avenir incertain mais sans doute caniculaire.
2018 est un millésime chaud, comme l’Allemagne en connait de plus en plus souvent. Conséquence: le degré alcoolique peut augmenter et l’équilibre se modifier. Cela peut plaire comme cela peut décontenancer. Ce Hochheimer Herrnberg a parfaitement géré le millésime, avec un degré alcoolique de 12,5% et 5 grammes de sucre résiduel par litre de vin. L’équilibre perçu est néanmoins sec, à cause de l’intensité des éléments acides.
L’Espagne aligne donc un albariño de Galice, maillot floqué Fefiñanes 2019. La Galice (nord-ouest de l’Espagne: certains paysages côtiers sont plus irlandais que nature) est un peu the place to be pour l’amateur attentif à ce qui se passe dans le microcosme du vin. Des vins originaux, combinant habilement des caractéristiques sudistes et nordistes, des cépages autochtones, une météo compliquée (cf. les paysages irlandais) sous forte influence océanique et …quelques vignerons particulièrement inspirés.
Il y a la Galice de la montagne, à l’intérieur des terres, avec pas mal de vins rouges et il y a la Galice de la mer, en appellation Rias Baixas, avec le vin blanc d’albariño à peu près partout. Cette appellation Rias Baixas est à son tour organisée en cinq zones non-contiguës ! Ô les vilaines, comment osent-elles ? Deux zones à la frontière portugaise (O Rosal et Condado do Tea), une zone minuscule (Soutomaior), une zone au nord pas très porteuse (Ribeira do Ulla) et enfin la zone-clé, Val do Salnés, où se concentrent la plupart des Domaines intéressants.
Dans ce coin d’Ibérie, Anthocyane vous a déjà proposé avec succès la cuvée Leirana du Domaine Forjas del Salnés. Voici un autre domaine à suivre de très près: Palacio de Fefiñanes (ou Fefiñans en langue gallego). Le Domaine occupe de magnifiques bâtiments anciens, au centre du village de Cambados. Il élabore trois cuvées 100% albariño: III Año (très long élevage sur lies), 1583 (passage en bois) et la bien nommée Albariño de Fefiñanes, depuis le millésime 1928, étant ainsi le premier vin de la région à être mis en bouteilles. L’ancêtre de tous les albariño modernes, le pionnier.
L’étiquette ne doit d’ailleurs pas avoir beaucoup évolué depuis lors…
En dégustation comparative, side by side, je suis frappé par les similitudes et par la subtilité des différences: le nez allemand est citronné, pierreux et légèrement abricoté. Le nez espagnol est légèrement exotique, avec des nuances de pêche et d’abricot.
La bouche allemande est vive, élégante, avec une finale citronnée et caillouteuse. C’est un Rheingau en finesse, sans la puissance souvent de mise dans la région. C’est bien sec, malgré la présence de quelques grammes de sucre résiduel. Belle finale minérale. Vin qui mérite d’être un peu attendu pour bénéficier d’une plus grande complexité.
La bouche espagnole est aromatique, avec de la pêche, de l’ananas et des notes fumées. Un peu d’amande. C’est tout-à-fait sec, frais et pur. Du gras et de la longueur. Il y a un peu plus de puissance et un peu moins de vivacité que dans le vin allemand.
Je n’ai pas de préférence. It’s a draw. Un match équilibré pendant lequel on s’amuse parce que chaque équipe marque des buts…
Comment est définie une vieille vigne ? L’Afrique du Sud n’autorise cette mention que si les vignes ont atteint l’âge de 35 ans. En Europe, la mention n’est pas définie: le vigneron fait ce qui lui plaît. D’aucuns n’hésitent pas à afficher “vieilles vignes” sur l’étiquette alors que celles-ci sont …adolescentes.
Que signifie “Alte Reben” ? Littéralement, vieux ceps. C’est la terminologie utilisée habituellement en Allemagne pour désigner les vieilles vignes.
Je mélange ce qui précède, je secoue un petit coup et …voici un “Alte Reben” issu en partie de vignes âgées de 120 ans.
Mathusalem en bouteilles !
Les raisins sont issus de parcelles réputées (Wiltinger Klosterberg, Wawerner Ritterpfad, Kanzemer Sonnenberg, le premier mot indiquant le village, le second mot la parcelle), mais trop petites pour permettre l’élaboration de cuvées spécifiques, sous le nom de chaque parcelle. D’où cet assemblage.
Nous sommes au Domaine Van Volxem, en Sarre, à quelques kilomètres de la frontière belge (il suffit de traverser le Grand-Duché, d’est en ouest, pour se retrouver à Arlon): le paradis pour les amateurs de riesling !
A la dégustation, le premier nez est dominé par l’ananas et un peu de fruit de la passion. Après quelques minutes, apparaissent citron et citron vert. La bouche est sèche (malgré 8 grammes de sucre résiduel: magie de l’acidité qui rend sec ce qui ne l’est pas tout-à-fait), avec de la pêche, beaucoup de minéralité saline et puis du pamplemousse. Un degré d’alcool peu élevé (12%) n’empêche pas l’expression d’une certaine puissance: ceci n’est pas un riesling mosellan de style ultra délicat, il y a du fer sous le velours.
De mon point de vue, le vin mérite la carafe pour fondre et harmoniser les différents éléments. Un peu d’oxygène peut faire des miracles pour révéler la complexité ! Alternative hautement recommandable: laisser la bouteille se reposer en cave jusqu’en 2023, la récompense sera proportionnelle à la patience !
Le Domaine Van Volxem (c’est bien “Van”, comme pour Ludwig Van Beethoven, origine belge dans les deux cas) fait partie des très grands noms de la Moselle. Il possède entre autres des vignes sur le Scharzhofberg, considéré comme le meilleur vignoble au monde pour le riesling. Le Domaine s’est doté récemment d’un bâtiment spectaculaire, en bord de Sarre. La capacité permet d’élever les vins en cuve …pendant cinq ans !
Flirter avec ce saumon mariné à l’huile de sésame, piment, miel, coriandre, “fish sauce” et ail constituait un bel exercice matrimonial pour ce riesling allemand sec, d’un style assez riche malgré un degré alcoolique sympathiquement limité à 12%.
Ô oui, joli mariage. L’acidité du riesling répond bien au doux-piquant extrême-oriental du plat. Une acidité qui ne fera néanmoins fuir aucun palais peu habitué aux acidités extrêmes de certains vins allemands. Une acidité enrobée. Le style du vin est d’une certaine façon assez proche de ce que produisent les meilleurs vignerons alsaciens. En cela il constitue une bonne introduction au monde fascinant du riesling allemand (un conseil: ne me lancez pas sur ce thème ou soyez sûr de disposer de quelques heures…).
Le Domaine de Sven Leiner est installé à Ilbesheim, village palatin situé à 25 kilomètres de Wissembourg, la porte du vignoble alsacien. C’est un Domaine bio et biodynamique, certifié par Demeter. Il symbolise son attachement à la biodiversité en parsemant ses étiquettes d’insectes locaux, comme cette mignonne guêpe parasitoïde de la famille des Ichneumonidae.
Le riesling Göcklingen 2015 est ce que l’on appelle un “ortswein” (à peu près l’équivalent d’une appellation “villages” en Bourgogne), Göcklingen étant le nom de ce village, voisin d’Ilbesheim. Je l’ai trouvé plus concentré que délicat et plus pêche que citron.
Les plus grands vins blancs du monde naissent à quelques kilomètres de la frontière belge. Personne n’est obligé de partager ce point de vue. De toute façon, c’est d’une évidente subjectivité. Et qui sait ce que j’écrirai demain.
Ce qui est par contre certain :
deux affluents de la Moselle, la Saar et la Ruwer, creusent des vallées qui donnent naissance à de magnifiques vignobles en coteaux, entièrement dédiés au riesling
265 km séparent la rue des Chats de la ville de Trèves
Hugh Johnson affirme que: « Saar and Ruwer make leaner wines than Mosel, but surpass the whole world for elegance and thrilling, steely breed ».
L’acier et le citron vert. L’ardoise et la plume. Le torrent et le cristal.
Egon Müller zu Scharzhof, Forstmeister Geltz-Zilliken, Peter Lauer, Maximin Grünhaus, Van Volxem, Karthäuserhof, von Hövel, ces domaines peuvent sonner exotiques aux oreilles francophones, ils n’en sont pas moins prestigieux dès que l’on franchit la frontière allemande. Ou dès que l’on observe le monde du vin d’ailleurs que de Paris.
Venez, je vous emmène chez Maximin Grünhaus, en bord de Ruwer, dans le village de Mertesdorf. Hugh Johnson écrit que : « Supreme Ruwer estate led by Carl von Schubert … Very traditional winemaking shapes herb-scented, delicate, long-lived rieslings » et il accorde sa meilleure note au Domaine: ****.
Le Domaine ne possède des vignobles qu’en grand cru : un peu de Bruderberg (1 hectare), du Herrenberg (19 hectares) et du Abstberg (14 hectares).
Le grand cru n’est néanmoins pas toujours revendiqué, le Domaine ne souhaitant pas étiqueter ses jeunes vignes sous le nom prestigieux du grand cru. Le Domaine effectue aussi des assemblages entre grands crus, ce qui lui retire le droit de les revendiquer.
La cuvée d’entrée de gamme, Monopol, est vendue comme un « gutswein » (vin régional) et pourtant les raisins proviennent bien exclusivement de parcelles classées en grand cru.
La cuvée Alte Reben (vieilles vignes) 2018 est un petit miracle qui combine absolue pureté et grande densité. Ce « ortswein » (vin de village) est élaboré avec des vignes de 35 ans et plus, uniquement sur le Herrenberg et l’Abstberg.
En perception, le vin est sec, les quelques grammes de sucre résiduel étant masqués par une vive acidité. Le plus frappant, c’est la salinité. Alcool : 12,5%. C’est très bon dès aujourd’hui et peut vieillir en cave pendant au moins 10 ans.
2018 est souvent décrit comme une excellent millésime en Allemagne. Je suis quant à moi plus prudent : il y a de grands vins comme cet Alte Reben, mais il y aussi des vins qui ont moins bien digéré le caractère solaire de ce millésime, au détriment de l’équilibre magique entre maturité et fraîcheur. Des vins légèrement alcooleux en Allemagne, on aura donc tout vu. Le bouleversement climatique n’épargne décidément rien ni personne.