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Sulfité or not sulfité, that is the question

Voilà, vendredi 20h30, les quatre jurés (dont votre serviteur) s’apprêtent à comparer deux vins rouges de Loire. Pour une fois, il ne s’agit pas d’essayer de reconnaître ce qu’il y a dans les verres, mais simplement de décrire les différences et les ressemblances entre le vin classique (donc sulfité) et le même vin, en version “sans sulfites ajoutés” (ssaj).

Apprécions la subtile différence entre les couleurs de la charrette…

En l’occurrence, il s’agit d’un Chinon de chez Couly-Dutheil, en millésime 2020, portant le joli nom de “Les Chatelières”. La version classique est vendue € 11 alors que la version ssaj est proposée à € 13.

Nous goûtons, les commentaires fusent assez vite. J’ai résumé ci-dessous.

Q1: ces deux vins sont-ils vraiment identiques, à l’exception de l’ajout de sulfites dans l’un ?

R1: sans doute non et c’est dommage parce que cela rend la comparaison moins pertinente. La contre-étiquette indique un taux d’alcool de 13,5% pour le vin ssaj et de 14% pour le vin classique. Comme il s’agit d’une cuvée destinée à un distributeur en particulier (à savoir Le Lion – oui, celui qui rugit bizarrement depuis quelques jours), aucune information n’est disponible sur le site Internet du producteur. Le site Internet du Lion est ce qu’il est, un foutoir où il est impossible de trouver de l’information de qualité. Les deux bouteilles affichant le même nom de cuvée, on souhaite, par respect du consommateur, que ce soit le même vin, mais rien n’est certain.

Les bouchons sont eux aussi différents: un liège classique pour le vin …classique, un bouchon Nomacorc Select Green 300, fabriqué à partir de biopolymères végétaux dérivés de la canne à sucre pour le vin ssaj. Le bouchon comme élément du marketing vert.

Q2: la dégustation met-elle plutôt des ressemblances en évidence ou plutôt des différences ?

R2: ces deux vins nous ont paru fort différents l’un de l’autre. Le vin ssaj présente un nez assez éteint, avec des nuances cartonnées. En bouche, il se caractérise par son imprécision et par une faible énergie. Il semble avoir franchi son apogée et avoir commencé sa descente vers je ne sais où. Ce qui peut être agréable dans un vin ssaj, un fruit éclatant et joyeux, est absent. Par contre, le vin classique est équilibré et sympathique, si l’on accepte d’avoir affaire à un “petit calibre”. Il y a du fruit et de la structure, c’est un vin honnête à défaut d’être particulièrement intéressant.

Q3: la différence de prix est -elle justifiée ?

R3: de ce qui précède, le lecteur attentif aura déduit que ma réponse est négative. En mars 2023 et en l’état, le vin ssaj ne vaut à peu près rien (et certainement pas € 13) alors que le vin classique peut valoir les € 11 demandés par le distributeur.

Q4: à quoi joue-t-on ?

R4: excellente question, Philippe. Merci de l’avoir posée. On surfe sur la vague de la “naturalité”, avec un cynisme qui peut laisser le dégustateur perplexe. Ce vin ssaj était peut-être vivant et amusant à l’été 2021, mais aujourd’hui (vendredi) il est aussi mort qu’il est possible de l’être. Je me demande comment un amateur néophyte, attiré par la “verdure” de l’étiquette, aura évalué son achat. A mon avis, le taux de réachat sera invisible sans l’aide du microscope.

Q5: peut-on se fier à cette dégustation comparative pour faire une croix sur les vins ssaj ?

R5: non. Ce serait incorrect de condamner avec autant de légèreté. D’aucuns me diront peut-être que la crédibilité de Couly-Dutheil en matière de vins ssaj est aussi microscopique que le taux de réachat ci-dessus.

Q6: qu’est-ce qui se passe le lendemain de la veille ?

R6: encore une excellente question ! Quel feu d’artifice ! Le jeu s’est en effet poursuivi, avec d’autres participants, le samedi après-midi vers 15h00. Je m’attendais à ce que le vin ssaj s’effondre complètement. Ô surprise, il paraît meilleur maintenant ! Le nez reste de mon point de vue peu sexy, avec des nuances de carton et de croûte de fromage, mais le fruit est de retour ! Une acidité un peu croassante mais pas de déviation aromatique. C’est une résurrection inattendue et déconcertante. Toujours pas le grand fruit, éclatant et joyeux, mais traiter cette version ssaj de cadavre paraît à présent excessif.

Conclusion (provisoire):

Faut-il en déduire que les vins ssaj doivent être ouverts 12 ou 24 heures avant consommation ? Si c’est oui, quel consommateur va le faire dans la pratique ?

Faut-il en déduire que les vins ssaj sont imprévisibles, bons lorsque l’âge du capitaine est un nombre pair et mauvais quand la pleine lune s’absente ?

Quelle justification pour la différence de prix ? Il s’agit manifestement de segmenter la clientèle, en partant du principe que le “naturiste” est prêt à payer son vin plus cher parce qu’il est ssaj. Less is more.

Dans tous les cas, pour € 13, je préfère le Chinon Les Granges de Bernard Baudry.

PS: cet article et cette dégustation trouvent leur source ici: https://les5duvin.wordpress.com/2023/02/01/sans-soufre-cest-plus-cher/

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Vin belge, anno 2022

Voici le lien vers le communiqué de presse publié début mars par le SPF économie:

https://news.economie.fgov.be/223561-3-millions-de-litres-de-vin-belge-en-2022-un-record

Mon résumé: 2022 est l’année de tous les records, grâce d’une part à une météo favorable et d’autre part à la croissance soutenue de la surface plantée. Le millésime 2022 a produit l’équivalent de 4 millions de bouteilles.

Tous les types de vin sont en croissance, le pompon étant attribué au vin rouge et aux bulles. Malgré une très forte croissance, le vin rouge ne représente qu’une faible part de la production totale et, de mon point de vue de dégustateur, c’est très bien comme ça !

La répartition régionale est à peu près moitié-moitié entre Flandre et Wallonie. Bruxelles ne joue évidemment aucun rôle dans cette histoire.

La Wallonie produit essentiellement des bulles, la Flandre une majorité de vins blancs tranquilles.

Deux provinces mènent la danse: le Hainaut (grâce aux bulles du Chant d’Eole et des Agaises-Ruffus) et le Limbourg. Ensemble, elles sont responsables de la moitié du volume produit (à quelques cacahuètes près).

Le nombre de vignerons recensés par le SPF s’élève à 259. Il est fort probable que le nombre réel soit supérieur, vu le nombre de vignerons qui viennent de planter leurs premiers ares (et qui passent sous le radar du SPF).

Commentaire personnel: le niveau qualitatif atteint par les bulles, wallonnes et flamandes, est vraiment remarquable (on constate une évolution similaire, à plus grande échelle, en Angleterre). Il y a des blancs tranquilles de grande qualité (Clos d’Opleeuw, La Falize), mais ils sont forts chers, la demande étant de loin supérieure à l’offre. Les vins rouges restent anecdotiques. Quelques projets folklorico-fantasques poussent à gauche et à droite, par exemple vin produit à hauteur de quelques dizaines (sic) de bouteilles.

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Bordeaux 2020 !

J’ai joliment profité de l’invitation que m’a fait parvenir l’Union Grands Crus à l’occasion de la mise en marché des Bordeaux du millésime 2020.

Belle organisation, à la Maison de la Poste (Tour & Taxis) avec plein de minuscules stands où un représentant de chaque Château s’esquintait à servir un public nombreux. Mais il y a avait aussi -et surtout- le Grand Bar, qui se matérialisait par une longue série de bouteilles posées sur un …bar, le tout en self service. Vachement efficace, avec les petites tables qui permettent de s’installer avec son verre, sa bouteille d’eau et son crachoir. Et de quoi prendre quelques notes, dont un résumé ci-dessous.

Ne pouvant évidemment pas tout goûter, je me suis concentré sur Pessac-Léognan et Margaux. Avec quelques digressions du côté de Pauillac, de St-Julien et de Pomerol.

Impression générale: les vins se présentent bien, sans alcool excessif ni boisé exubérant. La plupart des tannins sont policés, voire soyeux. Il y a du fruit appétissant. Beaucoup de vins donnent l’impression d’être (presque) à boire.

A Pessac-Léognan, je retiens en particulier Domaine de Chevalier et Château Pape-Clément. Le premier tout en élégance, avec de la finesse et d’excellents petits tannins. Belle fraîcheur énergique et tout aussi belle finale serrée, nette et précise. Le deuxième présente un nez complexe, qui s’ouvre progressivement. La bouche est ample, harmonieuse et tannique. La finale est serrée et persistante. Fieuzal est fort bien, sur la cerise, avec une bouche affriolante. J’ai été moins convaincu par La Louvière (souple mais facile), Malartic Lagravière (fruité dans un style marqué par le merlot), Haut-Bailly (nez sur la myrtille, avec plus de puissance que de fond), Smith Haut Lafitte (nez bizarrement sur la prune, avec une finale asséchante) et Larrivet Haut-Brion (flatteur mais simple).

A Margaux, j’ai été particulièrement touché par Château Lascombes et Château Giscours. Le premier grâce à son potentiel: beaucoup de concentration, très belle structure tannins/acidité. Mais il faut absolument l’attendre ou le carafer vigoureusement. Le deuxième présente un nez minéral (ce n’est pas si courant à Bordeaux) avec un boisé noble. Il y a de la fraise. La bouche est profonde: beaucoup de fraîcheur, tannins peu abondants mais de belle définition. Et une finale très précise. Château Desmirail est bon, mais c’est un petit calibre. Château Dauzac m’a semblé très strict, asséchant et carré. Château Kirwan est puissant, mais la finale est imprécise: il se cherche encore. Château Rauzan-Gassies est très bon, mais dans un style qui évoque plutôt Pauillac, voire St-Estèphe. Château Prieuré-Lichine présente un nez flatteur, mais la bouche est fort décevante, franchement rustique. Château du Tertre est fin mais fluet, avec un boisé sucré.

Château Talbot (St-Julien) m’a beaucoup plu: nez fruité élégant, avec un boisé chic, beaucoup de raisin dans le verre, bouche harmonieuse et flatteuse, mais avec du fond. Château St-Pierre (St-Julien) présente un nez bien mûr, la bouche est très souple et un peu facile, il est agréable mais sans race. Château Croizet-Bages (Pauillac) me pose un gros problème: j’espère que la bouteille était bouchonnée; si elle ne l’était pas, c’est terriblement décevant. Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) est un très beau vin: fraîcheur, bons tannins, matière concentrée, équilibre salivant, beaucoup de fond, puissance. Il a tout pour lui ! Château Léoville Barton (St-Julien) présente un nez sur la réserve. La bouche m’a semblé très souple et donne l’impression d’être déjà en phase d’évolution; j’attends plus de ce cru. PS: j’aurais volontiers goûté Château Lynch-Bages (Pauillac), mais la bouteille était vide. Snif.

Château Petit-Village (Pomerol): j’ai goûté ce vin par pure nostalgie. Il y a une éternité (voire au-delà), j’ai goûté un Petit Village de la fin des années ’80. Ce fût une énorme émotion, sans doute l’un des vins qui m’a fait basculé dans le monde fascinant de la dégustation. Mais 30+ années plus tard, je suis cette fois confronté à un vin à la fois sudiste et oriental, confituré et chaleureux, un poil fatiguant, doté d’une sorte d’absence de finale. La Rive Droite et le merlot, ce n’est décidément pas pour moi !

Enfin, dans une vasque et et sur glace, voici Château Lafaurie-Peyraguey (Sauternes) qui m’a semblé délicieux, avec un très bel équilibre entre sucre et fraîcheur !

Bien sûr, prenez ce qui précède avec un petit grain de sel: c’est un instantané, plus intuitif que réfléchi, révélateur de mes goûts personnels. Je n’écris rien au sujet du prix de ces vins: dans une manifestation de ce type, personne ne parle jamais de prix, ce serait indécent…

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Dégustation: samedi 04 mars

Première dégustation “autour du bar” en 2023 ce samedi 04 mars, entre 10 et 18 heures. D’expérience, il y a moins de monde avant 14 heures et plus de monde après 14 heures.

C’est gratuit et on ne doit pas s’inscrire. Je suis ravi d’accueillir mes habitués et tout autant de recevoir de nouveaux amateurs ainsi que ceux/celles qui ne sont plus venus depuis longtemps.

Pas de problème de parking dans ma rue (ne pas oublier de placer son disque de stationnement). Privilégiez la sortie 11 du Ring, évitez la sortie 12 qui mène à un sens interdit.

Cela se passe rue des Chats 171 à 1082 Berchem-Ste-Agathe. C’est une maison discrète. Il suffit de sonner.

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Pour découvrir le programme de cette dégustation: c’est ici

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Et le meilleur sommelier du monde est …

… Raimonds Tomsons, de nationalité lettone. Il avait déjà été finaliste lors de l’édition précédente de ce concours en 2019. Déception en France puisque Pascaline Lepeltier a échoué au pied du podium, à la 4ème place.

Le vainqueur, pris le nez dans le verre

J’ai eu le plaisir d’assister à la finale: celle-ci est réservée aux trois meilleurs candidats: un sommelier chinois, une sommelière danoise et Raimonds Tomsons, le letton, qui a donc remporté le concours. Oui, j’ai assisté à la finale … via YouTube. Les trois candidats sont littéralement sur scène. Ils exécutent une longue série de tâches diverses, devant un public parisien nombreux, très chic, en tenue de gala avec nœud papillon. Dressing code formel pour une cérémonie très parisienne et un peu vieux jeu. Beaucoup d’applaudissements, pour tout et n’importe quoi. Des longueurs avant que cela ne commence vraiment: tout le monde a eu le temps de se congratuler.

la retransmission intégrale de la finale: le concours commence vraiment à partir de la 90ème minute

Commençons par les fleurs: j’ai énormément de respect et d’admiration pour les participants à ce concours. Ils ont travaillé sans relâche pendant plusieurs années pour maîtriser leur sujet. Leurs connaissances théoriques sont sans nul doute immenses. Ils sont capables de réciter le nom de 17 cépages croates, avec l’accent tonique au bon endroit ! On ne franchit pas les quart et demi-finales sans un bagage impressionnant. Je leur tire mon chapeau !

Après les fleurs, il y a le terreau. NB: on finira évidemment par le pot. Voici:

C’est vraiment un concours de sommellerie, pas un concours de dégustation. Les candidats sont amenés à goûter des boissons très diverses, du très alcoolisé (spiritueux) au très peu alcoolisé/fermenté (kéfir). Ils doivent maîtriser l’art du cocktail. Ils doivent déboucher et décanter selon les règles de l’art. Ils doivent papillonner autour des tables avec élégance. Ils doivent traquer les erreurs dans une carte des vins, reconnaître un vin sur base d’indices visuels -sans le goûter-. Ils doivent être capables de verser et de parler en même temps: une anecdote par-ci, une réponse par-là. Le sommelier est responsable de bien plus que des vins: il gère l’ensemble des boissons servies pendant le repas.

Gérer le stress est essentiel: pour chaque épreuve, le temps disponible est strictement limité. Les épreuves s’enchaînent rapidement. Celui qui est capable de décider vite est clairement avantagé par rapport à celui qui préfèrerait donner du temps au temps. Les candidats sont sous extrême adrénaline et semblent agir dans une bulle de focalisation. Raimonds demande systématiquement à ce que la question à laquelle il doit répondre lui soit répétée. Il utilise le terme wonderful un nombre incommensurable de fois. Perfect et nice sont également de la partie, jusqu’à l’indigestion. Il y a quelque chose de robotique dans sa façon de faire. On sent la transpiration.

Ce vocabulaire positiviste est un piège: lorsque tout est parfait et merveilleux, les mots perdent leur sens et le discours se vide de sa substance. On enferme l’appréciation du vin dans un style suranné et déconnecté. On crée un monde parallèle dans lequel on se livre à un jeu dont les participants sont sensés connaître les codes. Un peu de naturel, que diable !

Si -dans la vraie vie- un sommelier se comportait ainsi à ma table, je serais déçu: la qualité de l’interaction tient à l’authenticité du sommelier, à sa capacité à dépasser sa compétence technique et à entretenir une conversation aussi agréable qu’instructive. Un peu d’humour est évidemment le bienvenu. Tout ce qui est appris par cœur et débité comme un mantra devrait être banni. Le sommelier doit s’adapter à des tablées très différentes, qui ont des attentes et des envies différentes. Les trois premières phrases que j’échange avec un sommelier sont déterminantes: fait-il partie des personnes passionnées avec qui j’ai envie d’échanger ou plutôt des tue-l’amour qui ânonnent un texte prémâché, rempli de banalités et d’imprécisions ?

Il s’agit également d’une épreuve de langue, puisque les candidats s’expriment en anglais. Cela conduit bien entendu à un appauvrissement de leur discours, l’anglais n’étant pas leur langue maternelle. Leur prononciation est, comment dire, perfectible. Cela ne facilite pas l’interaction. Bémol: il faut bien concéder que les convives factices sont fermés et passifs: à chaque question, une réponse fuse, toujours la même: as you wish. Essayez de faire quelque chose avec ça !

Voici venue l’heure du pot: que vaut le meilleur sommelier du monde en dégustation à l’aveugle ? Eh bien, c’est édifiant.

Quatre vins blancs sont présentés à la sagacité de Raimonds. Il répond:

  • un vin autrichien, d’appellation Kamptal, de cépage grüner veltliner et de millésime 2020
  • un vin grec, d’appellation Mantinia, de cépage moschofilero et de millésime 2021 (le vin lui semble “muscaté”)
  • un vin français, de la Côte de Beaune, en appellation “villages”, de cépage chardonnay et de millésime 2018
  • un vin français, du Chablisien, en appellation “villages”, de cépage chardonnay et de millésime 2020.

Il dispose de quatre minutes pour transmettre son évaluation …et en utilise à peine plus de trois. Sidérante la vitesse avec laquelle il goûte et tranche. Peu de place pour le doute.

Et maintenant, voici les vins qui étaient effectivement présentés au candidat:

  • un vin allemand, d’appellation Moselle, de cépage riesling et de millésime 2021 Nik Weis St. Urbans-Hof Goldtröpchen GG
  • un vin autrichien, d’appellation Wachau, de cépage riesling Domäne Wachau Kellerberg
  • un vin sud-africain, de cépage sémillon Alheit Vineyards Monument Sémillon 2021
  • un vin argentin, de cépage sémillon, en provenance de Patagonie Riccitelli Sémillon Old Vines.

Bilan: rien n’est exact. Rien ne s’approche de la vérité. Ni le riesling, ni le sémillon ne sont identifiés.

Et le vin rouge ? Il s’agissait de goûter deux millésimes du même vin. Notre homme a bien repéré qu’il s’agissait d’un grand Bordeaux, qu’il a placé à Saint-Estèphe (cabernet sauvignon, cabernet franc et merlot). Il a parié sur les millésimes 2005 et 1990.

Suspense insoutenable.

C’était Pétrus (Bordeaux, Pomerol, 100% merlot), en millésimes 2012 et 2003. Etonnant, Raimonds leur attribue respectivement 18 ans d’âge et 33 ans d’âge, alors qu’il s’agit en réalité de vins sensiblement plus jeunes. Pourrions-nous en déduire que Pétrus évolue/vieillit vite ? Aïe. Qu’est-ce que j’ai osé écrire… Cela étant, combien de fois un candidat au titre de meilleur sommelier du monde a-t-il l’opportunité de goûter Pétrus ?

Dernier moment intéressant: jauger un vin rouge “à la volée”. Il ne s’agit pas de le reconnaître, simplement d’évaluer sa qualité. Raimonds lui trouve à peu près toutes les qualités de la terre. Consciemment ou inconsciemment, il veut faire plaisir à son interlocuteur qui lui demande son avis d’expert. Malheureusement, le vin présentait une (très) forte acidité volatile, ce qui constitue un défaut. Défaut non repéré donc.

Conclusion: je suis donc heureux de vous faire savoir que je partage avec le meilleur sommelier du monde au moins deux qualités: une passion sincère pour les multiples facettes du vin et une capacité à ne presque jamais rien reconnaître.

Est-ce qu’un sommelier est dans l’obligation d’être un brillant dégustateur à l’aveugle pour bien faire son boulot ? Ma réponse est non. Mais quand il s’agit d’être désigné comme le meilleur sommelier de la planète, il me semble que l’on peut attendre un certain niveau de performance en dégustation à l’aveugle. Peut-être faudrait-il modifier les questions du concours pour permettre plus de bonnes réponses. Arme à double tranchant.

Dernière anecdote: Raimonds Tomsons a été sommelier à Riga pendant vingt ans. Il ne l’est plus. Il est à présent consultant, commerçant en vins et enseignant. Il ne fréquente plus la salle de restaurant. Pfffffff….

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Une verticale de Corton

10 millésimes d’un Grand Cru bourguignon, ce n’est pas tous les jours, loin de là ! Nous nous sommes installés vers 20h00 en ignorant ce que nous allions goûter (dégustation à l’aveugle). Mais l’organisateur avait soulevé un coin du voile en signalant que le budget serait plus élevé que d’habitude et que tous les vins seraient issus d’une même appellation. Il y avait donc quelques attentes…

Les deux premiers vins nous ont permis de décanter la situation: ce serait bien du pinot noir. Et donc, forcément, la Bourgogne se rapproche. Cela étant, ces deux vins ont remporté assez peu de suffrages: un joli nez mais une sécheresse marquée dès le milieu de bouche pour le premier, une bouche imprécise (légèrement liégeuse ?) et un profil assez simple pour le deuxième.

Les choses s’arrangent dès le troisième vin, qui présente plus de volume en bouche, un fruit plus intense et une longueur décente. Mais je mentirais en disant que je suis en extase.

Les vins suivants vont plaire et intéresser: des profils parfois affables, parfois bien plus cérébraux; des profils presque “sudistes” et d’autres qui correspondent mieux à l’image que je me fais de la Bourgogne. Pour moi, deux vins se signalent par leur race, leur précision, leur fraîcheur, leur capacité à révéler bien plus que le cépage dont ils sont issus. Mes estimés compagnons de dégustation sont quant à eux particulièrement charmés par un vin plus ample, plus fruité et plus sensuel que mes préférés.

la colline de Corton, vue depuis le sud-ouest

Vient bien entendu le moment d’essayer de deviner ce que nous avons goûté: Gevrey-Chambertin fut cité. Mais personne n’a pensé à Corton. Et personne n’a imaginé un seul instant qu’il puisse s’agir d’une verticale: 10 fois le même Corton, élaboré par le même vigneron, via des millésimes échelonnés entre 1998 et 2008 (seul 2001 manque à l’appel, remplacé par un amusant “pirate”: le Barolo Broglio Riserva 2004 du Domaine Schiavenza, 100% nebbiolo).

Il s’agit donc d’une belle verticale du Grand Cru Corton Pougets, tel que vinifié par le Domaine Rapet (basé à Pernand-Vergelesses).

Corton Pougets est le nom donné à deux parcelles en exposition sud-sud-ouest, d’une superficie totale de 9 hectares et 82 ares. La parcelle “du haut” monte jusqu’au bois de Corton, lequel surplombe le vignoble et le protège des agressions météorologiques. Les deux seuls propriétaires notables sont Louis Jadot et Rapet, ce qui pourrait expliquer un certain déficit de notoriété. Particularité typiquement bourguignonne: les rouges se commercialisent en Corton Pougets, les blancs en Corton Charlemagne. Ces derniers sont majoritaires.

Un élément qui me semble important: Rapet aurait, en tout ou en partie, replanté en 1994. Donc, le millésime 1998 serait issu de très jeunes vignes, au moins partiellement.

Les meilleurs millésimes selon la moyenne du groupe de dégustateurs: 2003 (16,9/20), 2005 (16,4/20) et 2002 (16,1/20).

Mon tiercé personnel: 2002 (16,5/20), 2005 (16,5/20) et 2007 (15,5/20). Ex-aequo avec le 2003 (15,5/20) et le 2004 (15,5/20).

1998, 2000 et 2008 ont reçu peu d’applaudissements.

Certes, le vin vogue largement au-dessus des mesquines contingences matérielles. Néanmoins, Grand Cru, en combinaison avec Bourgogne, peut constituer une arme de destruction massive pour le portefeuille de l’amateur. Voyons voir. Le 1998 fut acheté en son temps au Domaine pour 177 FRF, l’équivalent de 26 euros. Les millésimes récents se vendent à +/- 65 euros (ou plus cher si vous tombez sur un vendeur sans scrupules). C’est à la fois peu et beaucoup. Disons que c’est un tarif raisonnable dans le contexte de la folie des prix en Bourgogne. Mais le fait est que d’autres régions offrent de bien meilleurs rapports qualité/prix.

Question supplémentaire: faut-il laisser longuement vieillir ces vins ? J’ai tendance à répondre non. 5 à 10 ans, très bien. Au-delà, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle: de temps à autre, une très belle surprise, mais aussi le risque de goûter un vin qui s’approche de sa pente descendante: on perd du fruit et de la chair, on ne reçoit pas grand-chose pour remplacer ce qui a disparu.

Merci à l’organisateur qui a patiemment rassemblé ces flacons depuis 25 ans.

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Le cidre, la bière blanche et le vin désalcoolisé

19h30. Ixelles. Rue Washington. Il fait un froid de dinde (c’est comme un froid de canard, mais plus gros). Je pousse la porte d’un wine-bar à la mode. C’est plein à craquer de jeunes gens comme il faut, ça caquète dans toutes les langues. Je rejoins deux amis qui ont réussi à dégoter un tabouret. Une bouteille de vin blanc est déjà ouverte et entamée. Un bon moment en perspective.

Je suis resté debout parce qu’il n’y avait pas vraiment moyen de faire autrement. Je constituais un obstacle -un peu massif- qui empêchait le personnel du lieu de se mouvoir entre les tables à la vitesse souhaitée. C’est tendance. C’est charmant, c’est informel, c’est cool.

Je ne compte pas faire l’innocent, je sais où je suis: ici, c’est nature. Donc, mes préjugés sont dans les starting blocks. Ce vin blanc n’est ni déviant, ni vinaigré, ni oxydé, ni marqué par d’infâmes remugles. Cela ne sent, ni ne goûte le zoo. Pas de souris, pas d’écurie en plein été, pas de ferme mal entretenue. Bien. Mais est-ce du vin, tel que je le pratique depuis une bonne trentaine d’années ? Avec la meilleure volonté du monde, non. C’est un autre univers pour lequel je ne dispose pas des outils. Je me suis d’abord demandé s’il pouvait s’agir de très jeunes vignes et/ou d’un cépage interspécifique. Puis viennent le cidre, la bière blanche et le vin désalcoolisé. Il n’y a pas de colonne vertébrale, l’acidité se résume à une aromatique acidulée, c’est léger comme une plume sans rachis. C’est inoffensif et impossible à placer sur une carte géographique. Ni vice, ni vertu. Je me demande si je ne préfère pas l’eau pétillante.

Le vigneron n’est pas un bleu. Il élabore sous le nom du Domaine des Vignes du Maynes des vins qui bénéficient d’une bonne réputation. Sur cette bouteille-ci, le nom du Domaine n’est pas visible. C’est un Mâcon-Cruzille 2019, 100% chardonnay. Surprenant: sur le site Internet du Domaine, ce vin brille par son absence. Des raisins achetés ?

Ce n’est par ailleurs pas gratuit, on le trouve sur différents sites commerciaux à +/- € 28. Je n’ai pas noté le prix pratiqué par le wine-bar.

Lorsque nous sommes sortis, l’âge moyen de la clientèle a sévèrement chuté. Nous dénotions, nous, les dinosaures du Crétacé.

Nous avons été manger une pizza. J’ai eu l’idée lumineuse de combiner une pizza blanche aux anchois avec un rouge toscan. C’était très très mauvais. Un archétype de l’accord qui ne fonctionne pas. La pizza était fort bonne et le vin conforme à son étiquette. Mais la combinaison des deux était affreuse. Avec les anchois ? Sherry Fino !

22h30. Nous sortons de la pizzeria. J’apprécie la qualité et la profondeur du silence nocturne. Il fait un froid d’autruche.

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dégustation domaine rouge

Domaine Combier et autres pépites rhodaniennes

Combier, quelle bonne surprise ! Le millésime 2021 dans la vallée du Rhône est jugé moyen par la presse spécialisée. Oui, il y a des vins très légers, un peu dilués, j’en ai goûtés et ne vous les proposerai pas.
Mais voilà que je goûte en décembre quatre vins du millésime 2021 du Domaine Laurent Combier: quel équilibre ! Quel charme ! Impossible de ne pas sourire en dégustant la cuvée L, le Crozes-Hermitage classique et les deux cuvées Cap Nord. Le célèbre Clos des Grives a toujours un an de retard, élevage oblige: c’est donc le très bon millésime 2020 qui est de la fête.

Ces cinq vins (et cinq autres vins rhodaniens) ont été redégustés ce mercredi 18 janvier par un panel de sept fines gâchettes: qu’ils soient remerciés pour la pertinence et la précision de leurs commentaires ! Ces commentaires sont “bruts de décoffrage”: j’ai pris note au vol, sans avoir l’ambition de faire de jolies phrases. Il y a des contradictions parce qu’il y a des avis différents. Eh oui …

La Janasse Côtes du Rhône (blanc) 2021

Fraîcheur, presque comme un pinot blanc allemand. Il y a une certaine longueur, très peu d’amers, pas d’alcool, du pamplemousse, floral, frais, pointe minérale, note végétale, violette, pointe saline, vivacité. Très bon rapport qualité/prix.

Note moyenne du groupe: 14,50. Ma note: 14,50. Faible variance entres les notes.

Les Bosquets CdR-Villages Séguret 2021

Nez épicé, violette, délicat, ouvert. Bouche intense, avec tannins et alcool, chaleureux mais pas brûlant, servi très frais, nez supérieur à bouche ? Il y a de la matière certainement par rapport au millésime, une pointe de rusticité, amertume dans la finale, austère, herbacé, encre, manque de gourmandise, manque de rondeur.

Note moyenne du groupe: 13,70. Ma note: 15,00.

Les Bosquets Gigondas Réserve 2020

Nez agréablement chaud, pur et puissant, un peu chocolaté. Bouche dense, intense, avec un beau grain, tannins bien fondus, persistance fruitée, gourmand, plus Rhône sud que le Séguret qui précède, dominé par le grenache, type Châteauneuf-du-Pape, infanticide, beau jus. Bien géré, équilibre, un peu de fraîcheur, poivre. Style opposé à celui du Séguret: quel est le rôle de l’effet-millésime ?

Note moyenne du groupe: 15,10. Ma note: 15,50. Faible variance entres les notes.

Saladin VdF Haut-Brissan 2019

Nez de rose, la finesse des grenaches espagnols, précision et tannicité énergisante, finesse et floralité, petite sucrosité, dentelle, diffus, manque de densité, fraise, confiture, douceur.

Note moyenne du groupe: 15,40. Ma note: 15,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage cuvée L 2021

Syrah embaume le nez, variétal, croquant, énergique, laurier, délicat, fruit précis comme un excellent Beaujolais, facteur glouglou, type Marcel Lapierre, archétype de la syrah. Pointe d’amertume végétale.

Note moyenne du groupe: 14,40. Ma note: 14,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage 2021

Nez moins expansif, élégant. Bouche dense et équilibrée, finale nette et tranchante, croquant sur une acidité top, vin ciselé. Haute couture, se goûte déjà très bien. Potentiel.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50. Faible variance entres les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Cap Nord 2021

Nez minéral, graphite, cendres, caillou. Bouche avec une allonge phénoménale, qualité des tannins, longueur, encore fermé, infanticide, noblesse et potentiel de garde, le floral arrive progressivement, puis le cassis. Moins friand, brut de vigne, vin salin, cérébral, évoque les mencia de Bierzo, sans concession, vin qui pousse le dégustateur à réfléchir. Polarisant/clivant.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 17,00.

Laurent Combier St-Joseph Cap Nord 2021

Nez légèrement animal (réduction), minéralité de type “caillou pourri”, syrah froide. Bouche plus fruitée et plus puissante que Cap Nord Crozes-Hermitage, la puissance rend la délicatesse moins perceptible, tannins plus marqués, vin plus accessible que Cap Nord Crozes-Hermitage, type Cornas. NB: vin carafé pendant 3 heures.

Note moyenne du groupe: 15,50. Ma note: 16,00.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Le Clos des Grives 2020

Fruit opulent et joyeux, bouche irrésistible, vive et pleine, pas compliquée, sexy et équilibrée. Boisé intelligent. Vin plaisant, sensuel, charnel. Expressif, généreux, un peu trop de tout, joliment sudiste. Grand potentiel de garde.

Note moyenne du groupe: 16,30. Ma note: 16,00.

Duclaux Côte Rôtie La Germine 2017

Nez épicé, fin, spéculoos, intensité. Bouche dense sans puissance, grand vin classique, moins plaisant que le Clos des Grives, droiture, moins opulent, strict, pourrait rappeler les Cornas de Clape.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50.

Conclusion

Nous avons eu la possibilité de comparer et de mettre en évidence des styles très différents. Celui apprécie une certaine opulence, de la rondeur et du charme devrait prêter attention au Gigondas Réserve et au Clos des Grives. Celui qui préfère la droiture, la précision, la verticalité devrait tenter le Cap Nord Crozes-Hermitage et La Germine.

Le Crozes-Hermitage 2021 est un modèle pour l’appellation et pour le millésime. Excellent rapport qualité-prix.

Tous les vins ci-dessus sont disponibles dans le magasin. Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 24 janvier. Mise à disposition des vins en février.

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Rioja: la querelle des Anciens et des Modernes

La Rioja abrite d’une part des Domaines qui perpétuent la tradition des longs élevages en barriques de 225 litres (bois américain usagé) et d’autre part des Domaines qui se donnent pour objectif de dépoussiérer le Rioja d’antan en privilégiant un élevage plus court, en barriques de 225 litres (bois français souvent neuf). C’est une querelle des Anciens et des Modernes, comparable à celle qui a divisé en son temps les vignerons de Barolo. Essayons de caractériser les deux camps.

Les vins “Anciens” arrivent tard sur le marché, présentent une couleur peu dense et déjà évoluée, une aromatique à laquelle nos nez contemporains ne sont pas forcément habitués et des tannins fondus. Lorsque ces vins sont commercialisés, ils sont prêts à boire. Ils évoluent peu dans votre cave et se conservent très longtemps. Les termes “reserva” et “gran reserva” figurent régulièrement sur les étiquettes. Les élevages se font toujours dans la barrique bordelaise. Risquons une comparaison osée: on pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type tawny/colheita.

Les vins “Modernes” arrivent tôt sur le marché, présentent une couleur dense et peu évoluée, une aromatique plus classique et des tannins solides. Lorsque ces vins sont commercialisés, il se peut que quelques années en cave soient requises pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils évoluent dans votre cave et sont susceptibles d’être conservés très longtemps. Le terme “gran reserva” n’est quasiment pas utilisé, le terme “reserva” est parfois utilisé, mais avec une certaine discrétion. La barrique bordelaise est courante mais certains vins sont élevés en inox, en cuve béton, en grands tonneaux, en amphores, etc.. On pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type ruby/vintage.

Avant de créer une éventuelle confusion: non, les vins de la Rioja ne ressemblent pas aux vins de Porto ! Les vins de Rioja sont parfaitement secs et ils ne sont pas mutés à l’alcool. Ma comparaison a pour unique objectif de comparer l’élevage des vins: les Anciens élaborent des vins “oxygénés” (micro-oxygénation grâce au long passage en barriques), les Modernes des vins “réducteurs” (peu ou pas de micro-oxygénation).

Il se peut que l’amateur préfère nettement l’un des deux styles à l’autre. Utile donc de savoir quel Domaine incarne les “Anciens” et quel autre Domaine représente les “Modernes”.

C’était l’objectif d’une dégustation à l’aveugle, présentée il y a quelques jours à un groupe d’une douzaine d’amateurs. Ci-dessous un compte-rendu subjectif de cette dégustation. Bien sûr, la pratique a montré que la théorie simplifie à l’excès: certains vins se font une joie de nous perturber en présentant des caractéristiques modernes et des caractéristiques anciennes.

Artevino (Orben) Salbide 2020

Ce vin a été présenté en tant que mise en bouche: 100% tempranillo, peu élevé, de style moderne. Il s’agit de l’entrée de gamme du Domaine Orben. Ce Rioja me semble typique de ce que la région à offrir de meilleur, considérant le prix: € 10,50. Le fruit est franc, pur et direct. La bouche est légèrement chaleureuse, sur la cerise bien mûre. Finale rafraîchissante, bons petits tannins. Tempranillo 100%. € 10,50.

Lopez de Heredia Viña Cubillo Crianza 2014

Voici déjà l’un des Domaines-phares, dans le style traditionnel. Ce vin est vendu comme “crianza”, c’est-à-dire que le passage en barriques devrait être court. Pourtant, ce 2014 est le millésime actuellement commercialisé ! En réalité, passage en barriques pendant trois ans. Le vendre comme “crianza” est donc une décision politique du Domaine.

La robe est légèrement évoluée. Le nez s’annonce par un boisé légèrement sucré “à l’américaine”. La bouche est plus stricte que le nez, construite sur une belle fraîcheur. Bonne longueur. Un air de famille avec les cuvées plus prestigieuses proposées par le même Domaine. Tempranillo 65%, grenache 25%, graciano et mazuelo. € 17,50.

Valenciso Cemento 2018

Un vin qui fait exception à l’élevage sous bois: ce Cemento passe uniquement par la cuve-béton. Si c’était moi, je pense que je changerais l’étiquette: elle dit clairement “béton”, ce qui est à la fois transparent par rapport au type d’élevage pratiqué et maladroit: avons-nous vraiment envie d’étiquettes qui imitent la couleur et la texture du ciment ? Voici donc un Domaine moderne. Nez assez discret, plus fruité qu’épicé, qui s’ouvre progressivement. On ne perçoit aucun élevage (…le béton ne marque pas aromatiquement…). Les tannins sont d’une qualité particulière qui m’évoque certains vins passés par l’amphore (terre cuite). Chaleureux mais appétissant ! Tempranillo 100%. € 17,50.

Bodegas Faustino Faustino I Gran Reserva 2010

Ah, si cette étiquette n’est pas franchement “vintage”, alors aucune étiquette ne l’est ! Le portrait, le filet métallique, le verre sablé, la police de caractères, … Tout semble communiquer un style ancien. Le nez est intense, marqué par le bois américain. La bouche est fort jeune, moins évoluée que son millésime. C’est fondu, soyeux et assez concentré. Une petite touche d’alcool (ce n’est pourtant que 13,5%).

Tempranillo 100%. € 20,00 (disponible dans les magasins de Delhaize Le Lion).

Abel Mendoza Malvasia 2021 (vin blanc)

Le moment choisi pour faire une pause et déguster un blanc. Les blancs sont très minoritaires en Rioja. Le cépage le plus courant est la viura (macabeu en dans le sud de la France et en Catalogne). Par pur goût pour la contradiction, j’ai donc proposé un vin élaboré avec la malvasia. Le vin m’a surpris par sa complexité: le nez commence sur ce qui pourrait du verdejo voire du sauvignon. La bouche est grasse, comme une impression de chardonnay bâtonné. La fin de bouche est marquée par une petite tannicité dont l’origine m’est inconnue: tannins du bois, macération des raisins ? Malvasia 100%. € 30,50.

Artuke Finca de Los Locos 2020

Voici un Domaine familial qui porte haut le style moderne et même ce que l’on pourrait qualifier de “style rebelle”: beaucoup de couleur, nez poivré et minéral, boisé imperceptible. Quelque chose qui me fait penser aux parfums orientaux. La bouche regorge de fruit frais, elle est concentrée et assez tannique. Boisé discret tout en élégance. Tempranillo majoritaire, avec du graciano et de la viura (cépage blanc). € 25,50.

Remirez de Ganuza Fincas de Ganuza Reserva 2016

Couleur peu évoluée. Nez très précis et intense, beau fruit, impact limité du bois, élégance. En bouche, c’est un jus noble, une sorte de fluidité qui signe un élevage de grande qualité. Rien n’accroche. Quel équilibre ! Mais la finale tannique plaide pour quelques années de garde. Le boire aujourd’hui est un infanticide. Tempranillo 88%, avec du graciano et du mazuelo (c’est le nom local du carignan). 14,5% bien géré ! € 40,00.

La Rioja Alta Viña Ardanza Reserva 2015

Couleur évoluée: nous sommes bien chez une Maison qui pratique le style traditionnel depuis plus d’un siècle. Pointe d’acidité volatile, arômes de boîte à cigares, vin baroque. La bouche est puissante, sensuelle, dirais-je charnelle, avec une longue persistance. Malgré la puissance, il y a de la place pour la délicatesse ! Tempranillo 78%, grenache. NB: le vin se goûtait encore mieux 24 heures après la dégustation. € 35,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2010

Ici je crains de mettre quelques dégustateurs en zone d’inconfort: le nez est typique du style traditionnel, avec un boisé réconfortant et beaucoup de cerise. La bouche est construite sur l’acidité, ce qui lui confère une austérité cérébrale. Ce n’est pas un joyeux, mais c’est d’une grande noblesse de caractère. La verticalité domine les sensations solaires. Vin extrême, à appréhender avec un esprit ouvert et curieux. Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. € 40,00.

La Rioja Alta Viña Arana Gran Reserva 2014

Attention, vin d’exception. Style traditionnel transcendé par un nez d’une formidable pureté. Beaucoup de fruit (cerise). En fait, c’est le “meilleur de deux mondes”: difficile de classer ce vin à gauche ou à droite parce qu’il est au-dessus. Quelle intensité ! Quelle persistance ! On est dans un univers proche de celui des grands Bordeaux d’avant 2000. Ma meilleure note de la soirée (17,5/20). Tempranillo 94%, mazuelo. € 40,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2005

La couleur est évoluée, mais pas plus que celle du millésime 2010. Boîte à cigares et cerise. Le vin est dense, frais et vertical, mais avec plus de chair que le 2010, ce qui le rend plus affable, avec plus de souplesse. Mieux vaut commencer par celui-ci avant de se frotter au 2010 ! Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. Indisponible.

Que retenir ?

D’abord et avant tout: belle promenade variée, sans déception. Les vins sont peu ou pas marqués par l’alcool: profil plus atlantique que méditerranéen. On reconnaît sans peine les deux styles pratiqués dans la région. Mais le plus grand vin (Viña Arana) se moque des catégories ! Le boisé américain des vins traditionnels peut décontenancer, voire déplaire. Et pourtant ces vins peuvent offrir des bouches très harmonieuses, avec une texture soyeuse et douce. Ce sont des vins apaisés. Les vins modernes m’ont semblé ne pas tomber dans le piège du “goût international”: ils ont de la personnalité, de l’énergie et de la nuance !

Ma conclusion: il n’y a pas de querelle entre les Anciens et les Modernes, je suis ravi que les deux styles coexistent, en harmonie. Cela rend la région particulièrement intéressante !

Quelques bouteilles ? La plupart de ces vins peuvent être achetés via Anthocyane (sous réserve de stock chez leurs importateurs respectifs). Faites-moi part de vos envies et autres souhaits !

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Meilleurs Vœux : un pinot noir belge à € 1.800

A l’occasion d’une intéressante dégustation de vins belges et parce que nous avions discuté du prix élevé de certains vins rouges, l’organisateur nous a transmis un extrait de la nouvelle édition du Guide des vins belges. C’est édifiant: il y a donc un Domaine belge qui commercialise un pinot noir au prix de € 1.800. Pour ce prix, vous recevez (je cite) une très belle bouteille lourde avec un bouchon recouvert de cire. Mieux, on vous offre également un coffret en bois.

De mon point de vue, l’auteur de ce vin a parfaitement le droit de le vendre au prix qui lui chante. A sa place, je me demanderais déjà quelle augmentation appliquer au prochain millésime. Par contre, je trouve maladroit que le Guide des vins belges gaspille une page pour mettre en évidence ce type de calembredaine: quant à moi, je ne propagerai pas le nom de ce Domaine pour éviter de lui faire une publicité sans objet.

Dans le meilleur des cas, cette histoire est une blague: le vin n’existe pas, c’est un produit imaginaire né dans le cerveau fertile d’un humoriste viticole. Je crains néanmoins que ce machin -à qui le Guide n’accorde qu’une note médiocre- n’existe vraiment…

Alors, pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin ? Au point où nous en sommes, pourquoi se refuser d’en rire ? Quoi que nous réserve le millésime 2023, il nous faut garder le sourire et une certaine distance avec les malheurs qui frappent notre planète fatiguée.

Concrètement, je me lance dans la mise sur le marché d’une gamme de vins dont l’immense potentiel ne vous échappera pas. J’ai confié les relations publiques à un bureau très chic qui m’a fourni le brillant communiqué de presse ci-dessous. Je vous souhaite une merveilleuse année 2023 et une agréable lecture !

Passionné par le marketing le plus outrancier et avec l’ambition de démontrer que tout est possible en notre époque farceuse, Philippe Fernand (c’est un pseudonyme, il tient à conserver l’anonymat) vous propose sa courte gamme de vins d’exception: Château Pataphysique I et Château Pataphysique II.

Château Pataphysique I

13 ceps ont été plantés, par une nuit de pleine lune, dans une terre volée pour moitié sur Musigny et pour moitié sur Lafite-Rothschild. Ces terres rares ont été longuement dynamisées dans un récipient en cuivre organique. Tant qu’à faire, les ceps ont été directement plantés dans ce dynamiseur. Celui-ci est déplacé d’heure en heure pour suivre le cours de l’astre solaire au plus près. Un haut-parleur diffuse en permanence un enregistrement peu connu de La Flûte Enchantée. Des incantations secrètes sont prononcées avec ferveur pour convaincre chaque cep de donner le meilleur fruit. Comme Philippe Fernand ne connaît rien à la taille, il ne taille pas. La fermentation des jus a été réalisée directement dans la bouteille en cristal qui contiendra le vin fini, après un élevage dont la durée sera déterminée par le nombre de grognements poussés par une grenouille malade, capturée sur la Côte Blonde. Les bouteilles sont closes par un bouchon en liège précieux, provenant d’un chêne tricentenaire.
Dégustation: il s’agit sans doute d’un rosé. Arômes délicats et subtils. Une touche de folie. Bouche transparente d’un grain extrêmement fin. Complexe à force de ne pas être complexe. Rien ne rappelle la vulgarité des vins classiques: une toute nouvelle façon de sublimer le jus de la treille.

Note: 97,25/100. Prix: faire offre à partir de € 10.013. Coffret en ébène et ivoire offert.

Château Pataphysique II

L’assemblage est un art que Philippe Fernand maîtrise comme personne: après avoir acheté une série de vins particulièrement chers et prétentieux, comme les grands nez de la parfumerie, il se plonge dans leurs arômes et commence à tout mélanger. Le résultat est profondément mystique et spirituel. Le millésime de Château Pataphysique II est calculé avec précision via une règle de trois aléatoire. Les bouteilles sont immergées dans le canal Albert lors d’une cérémonie très jolie à laquelle participe toute la jet-set limbourliégeoise. 13 mois plus tard, des plongeurs nus se chargent de récupérer les précieux flacons. Philippe Fernand pourvoit alors chaque bouteille d’une étiquette en parchemin, signée de sa main. Une couche de cire (volée chez Emmanuel Houillon) fait office de cerise sur le Château.
Dégustation: couleur pour laquelle le vocabulaire manque de mots: c’est entre cramoisi, vermillon et laiton pâle. On ressent immédiatement une grande diversité de terroirs et la contribution de chacun de ceux-ci à l’infinie longueur de ce vin unique. Une petite touche vaseuse rappelle le canal. La finale est un peu abrupte, à l’instar de la chute d’Albert le 17 février 1934.

Note: 99,99/100. Prix: l’art n’a pas de prix. Philippe Fernand flotte très au-dessus des questions matérielles. Un don conséquent à la Fondation PhF est néanmoins fortement apprécié.

Chatto Patafisik IV

Dernière minute: on nous annonce la mise sur le marché imminente d’une nouvelle cuvée dont le nom élégant communique avec force le positionnement spécifique. Patafisik IV a été créé dans un laboratoire ultra-secret construit en un point géo-miraculeux où les vents soufflent comme nulle part ailleurs. Imaginez un paysage paradisiaque où les forces cosmiques se rejoignent pour boire un dernier verre avant… Excusez-moi, je m’égare. Où les forces cosmiques se rejoignent et se conjuguent en un vortex énergétique volcanique méso-climatique inouï. Il ne nous est pas possible de révéler les secrets de fabrication, mais sachez que Patafisik IV sera proposé uniquement en jéroboam. Le flacon vide pèse à peu près 13 kilos pour plaire à une clientèle internationale aisée. L’étiquette est réalisée en or 24 carats, l’or ayant été volé chez un joaillier de la Place Vendôme. Il semblerait que le vin contienne une petite quantité de l’ADN de Philippe Fernand, ce qui confère une valeur unique à ce nectar. Comment l’ADN a été introduit est laissé à l’imagination des acheteurs. En tous cas, il s’agit incontestablement d’un effet-terroir exceptionnel.

Dégustation: nous n’avons pas goûté, mais sur base de l’information reçue, il semble certain que l’on a affaire ici au plus grand vin jamais produit. Multicolore, fluorescent, radioactif. C’est un assemblage de 173 cépages, chaque cépage ayant été fermenté puis élevé dans une poubelle en matière plastique à Haute Valeur Environnementale.

Note: 110/100. Prix: dérisoire par comparaison à l’expérience extraterrestre procurée par ce breuvage. Bien sûr, soyez conscients qu’il faut rembourser les investissements colossaux qui ont été consentis: laboratoire secret, campagne de publicité, lobbying au Parlement Européen, corruption des journalistes de la presse spécialisée, formation approfondie d’un service après-vente destiné à gérer les déceptions, acquisition des poubelles, sucre pour la chaptalisation, rémunération des voleurs d’or, etc…

Meilleurs Vœux !

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Horaires spéciaux

Je vous accueille mercredi 21 et vendredi 23 décembre, entre 10 et 18 heures. Toujours une bonne idée de me contacter avant passage pour vérifier si ce que vous souhaitez est bien en stock.

Si vous souhaitez un conseil, c’est le moment idéal !

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Champagne: la sélection de la RVF

On a beau dire. Cela fait plaisir de lire la sélection des 21 beaux champagnes à prix accessibles réalisée par la Revue du Vin de France, numéro de décembre que je viens de recevoir.

Fleury tout en haut du classement. Drappier très bien classé.

Cliquer sur le lien ci-dessus “RVF Champagne” pour avoir accès à l’article. Ou télécharger l’article de la RVF en cliquant sur le bouton ci-dessus.

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A la vida s’han de tenir somnis, i s’hi ha de creure

Traduction depuis le catalan: Dans la vie, il faut avoir des rêves et y croire. C’est la devise du Mas d’En Gil, Domaine-phare en Priorat.

Allez, on commence avec un peu de nostalgie. Il y a 20 ans, voire un peu plus, je découvrais avec stupéfaction les vins issus du Priorat, petite région catalane isolée, battue par les vents et dominée géologiquement par un schiste local appelé llicorella. Une dégustation en mars 2001 me donnait l’occasion de partager les millésimes 1996, 1997 et 1998 de Cims de Porrera. Des vins extrêmement puissants, concentrés, portés par le souffle du Priorat mais aussi par un boisé qui ne se cachait pas. Les notes attribuées à ces trois vins furent dithyrambiques, respectivement 17,9 17,3 et 17,8.

Les choses ont bien changé depuis. Enfin, le Priorat a changé et mon goût a changé. Les vins qui tentent de s’imposer en jouant des coudes à coup d’extraction, de boisé, d’alcool, non merci. Cette performance me paraît vaine. C’est une course vers toujours plus qui ne débouche sur pas grand-chose parce que demain, un autre vin sera encore plus extrait, encore plus boisé et encore plus en riche en alcool.

Vall del Bellmunt

L’équilibre parfait. Voilà qui est plus difficile à atteindre, plus subtil et sans doute plus subjectif. L’équilibre parfait est par nature très fragile: le funambule en sait quelque chose. C’est le reflet d’un instant magique. Les mots ne suffisent pas. Parfois, une petite larme s’invite et le temps s’arrête. L’agitation et le vacarme s’estompent, on perd légèrement le nord. Cela n’arrive pas souvent.

Mais cela m’est incontestablement arrivé pendant une dégustation des vins du Mas d’En Gil début octobre. A commencer par deux blancs atypiques: Bellmunt 2021 et Coma Alta 2017: les deux vins sont construits sur la verticalité et un usage anecdotique de la puissance alcoolique. Bellmunt pousse sur du buntsandstein et Coma Alta sur du calcaire. Non, pas de schiste ici. Le style des vins pourrait évoquer Le Roc des Anges de Marjorie Gallet (je connais la polémique, mais c’est une autre histoire). Cela commence donc fort avec deux blancs qui rompent complètement avec la tradition locale. La minéralité de Coma Alta est magnifique et rare dans un vin élaboré avec 100% de grenache blanc.

Voici venu le temps de la gamme des vins rouges. Bellmunt 2018 (grenache 65%, carignan 30%, cabernet sauvignon), vignes de 25 ans sur llicorella est irrésistible. Oui, cela pèse 14,5% d’alcool; oui, c’est élevé sous bois pendant 10 mois (contenants de 1.500 litres et de 3.000 litres). Et pourtant, c’est frais et très peu marqué par l’élevage. Succulent, structuré, superbe.

Marta Rovira

On passe ensuite à Coma Vella 2016, qui pourrait être le premier cru du Domaine: grenache 70%, carignan 20%, syrah, sur llicorella. Elevage sous bois (1.500 litres et 225 litres), avec 20% de neuf. Deux ans d’élevage en bouteilles. Vignes d’âge variable entre 25 et 60 ans. Il est probable que la syrah finisse par disparaître de l’assemblage, le processus est en cours pour se concentrer exclusivement sur le duo grenache/carignan. Ce vin m’a ébouriffé, ému, étonné. Fruit et minéralité. Passionnant de le déguster en compagnie de Marta Rovira (la vigneronne) et d’Olivier Fonteyne, sommelier belge, mari de Marta. La conversation se déroule dans un mélange inédit de langues, entre néerlandais et catalan, entre français et anglais.

On finit par Clos Fontà 2016, qui pourrait être le grand cru du Domaine. Grenache et carignan. Vignes d’âge variable entre 45 et 85 ans, sur llicorella. Elevage en barriques de 225 litres (30% bois neuf). On pourrait craindre la grande cuvée qui cumule toutes les ambitions de faire encore et encore plus. Remember Cims de Porrera. Eh bien non. Le boisé ne joue aromatiquement aucun rôle. Le liquide est d’une grande fluidité, d’un naturel confondant. C’est très concentré et pourtant très élégant. Quelle qualité de tannins ! Ô toi lecteur qui connaît un peu mes goûts, on arrive au paradis, le paradis où l’intensité rejoint la délicatesse. le paradis où le lieu transcende les cépages. L’équilibre parfait, le funambule.

PS: 15% d’alcool pour Coma Vella comme pour Clos Fontà. Je ne retire rien à mes commentaires mettant en exergue élégance et délicatesse.

Coma Vella 2016 est en dégustation le samedi 03 décembre.

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Le Clos Galerne, le chenin et la spilite

Parfois les choses peuvent être simples; du moins elles se laissent simplifier. Chenin sur sol noir, chenin sur sol blanc. Noir ou blanc. Schiste ou calcaire. En Anjou noir, c’est le schiste. Plus on se dirige vers l’est, plus c’est le calcaire (Vouvray, Montlouis).

La famille Bourez, au pied du moulin brûlé

Le schiste plaide pour un rapide exercice de vulgarisation que les experts en géologie me pardonneront: il y a toutes sortes de variantes et autant de termes pour les désigner: ardoise, slate (en anglais), schiefer (en allemand). Le gneiss en Muscadet est en quelque sorte le stade ultime du schiste. Le schiste, c’est par exemple la Moselle allemande et le Priorat espagnol.

L’Anjou noir a historiquement basé sa réputation sur un trio magique: chenin, schiste et botrytis. Traduction: Coteaux du Layon, Bonnezeaux, Quarts de Chaume. Des vins moelleux, voire liquoreux. Mais, au XXIème siècle, la douceur se vend mal, très mal. Loi fondamentale de l’économie: lorsque le vin se vend mal, la valeur du vignoble chute. Paradoxe: cette situation attire de jeunes vignerons ambitieux, à la recherche d’hectares mis sur le marché à un tarif abordable. Changement de paradigme. Acheter du vignoble destiné de tous temps à produire des vins moelleux et décider de le convertir en un vignoble pour élaborer des vins secs. Couper le cordon ombilical avec le passé doux. Assumer et chercher un nouveau chemin pour le chenin angevin.

Cette aventure-là est jalonnée de pièges: expliquer le changement de paradigme et surtout convaincre experts, journalistes, importateurs, restaurants et cavistes; vivre avec une météo capricieuse qui peut réduire à presque rien les efforts de toute une année. Quand on vient de commencer et que la banque n’attend pas, un mental d’acier s’impose. Deux années de gel successives et c’est la catastrophe.

Je tire mon chapeau à Cédric Bourez, monsieur Clos Galerne. Œnologue dans un domaine provençal, il souhaite devenir vigneron. Calculette à la main, il arpente l’Hexagone et se dit que l’Anjou noir est la destination que l’épaisseur de son portefeuille rend plus ou moins raisonnable. Coup d’oeil précis pour mettre la main sur des parcelles principalement situées dans le hameau de Pierre Bise, village de Beaulieu-sur-Layon, à quelques kilomètres au sud d’Angers. Pierre Bise, lieu exceptionnel. Flore méditerranéenne, vent pour rafraîchir et ventiler, sous-sol très particulier: schiste, mais aussi spilite, roche d’origine volcanique. La minéralité du schiste et la minéralité du volcan. Le vent du nord-ouest est appelé …Galerne. Combinaison gagnante, dans l’ordre ou le désordre.

La plupart des parcelles du Clos Galerne se nourrissent de spilite. Exception notable: une parcelle en Savennières (mais c’est une autre histoire). Chenin sur spilite et cabernets sur spilite. Un tel matériau mérite les mains de l’artiste: Cédric Bourez se charge des petits rendements, d’une vinification et d’un élevage sous bois bien dosé (peu de bois neuf) et d’une fermentation malolactique complète. La conversion en bio est engagée.

L’entrée de gamme, Balade en chenin, permet d’apprivoiser le style du Domaine. S’attaquer à Exspecto et à Moulin Brûlé sans gants …à vos risques et périls ! Ce sont deux chenins secs de grande puissance, traversés par un souffle intense et dominateur. Exspecto trace en verticalité, Moulin Brûlé équilibre rondeur et fraîcheur.

Exspecto 2020 (100% chenin), Moulin Brûlé 2020 (100% chenin) et Anjou Noir issu de la vendange 2019 (cabernet franc 80%, cabernet sauvignon) sont en dégustation le samedi 03 décembre 2022.

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Du terroir à l’homme en passant par le climat

Une verticale Ostertag : Grand Cru Muenchberg 1996-2019

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Alsace superbe, Alsace décevante… Alsace si diverse, Alsace si contradictoire. Bref, Alsace si passionnante., surtout pour qui s’intéresse aux vins exprimant avec clarté leur lieu de naissance, à savoir leur terroir. Lequel se définit de triple façon : le lieu-avec ses sols et sous-sols, son exposition, son altitude, son horizon -, le climat de l’année et le vigneron avec ses multiples décisions. Cette verticale illustre bien leur interdépendance.

Le Grand Cru Muenchberg

Grand Cru Muenchberg

Situé à Nothalten dans le Bas Rhin, ce lieu est magique : » « la partie terrestre y rééquilibre magnifiquement la partie céleste », comme me l’avait dit un jour André Ostertag.  Côté céleste, il s’agit d’une enclave nichée dans un vallon en retrait de la route du vin et du village.  Ses pentes ondulent dans une sorte de cirque abrité des pluies et des vents d’ouest par le “mont des Hongrois” (Ungersberg), une butte de grès vosgien atteignant 910 m. Installé de part et d’autre de ce vallon orienté au sud, le Muenchberg retient la chaleur sur ses pentes et bénéficie sur ses 17,70 ha d’un microclimat unique. Côté terrestre, le sol et le sous-sol sont formés de sédiments vieux de 250 millions d’années.

Ces terrains caillouteux et sableux où affleure régulièrement le grès rose sont constitués de poudingues avec dépôts vulcano-détritiques, parfois riches en tufs et cendres volcaniques. Il s’agit donc d’un sol pauvre où le drainage est excellent et le réchauffement rapide. Le riesling est le cépage de prédilection du Muenchberg. Celui-ci doit son nom aux moines cisterciens de l’abbaye de Baumgarten, toute proche, qui y cultivaient la vigne dès le 12è siècle.

L’impact du climat de l’année

La diversité des conditions climatiques d’une année ne manque pas d’influer sur les profils des vins. Cette verticale en témoigne par l’opposition de style entre par exemple les vins de millésimes plus frais tels 1996, 1999, 2004, 2008, 2010, 2014 d’une part, de millésimes plus chauds, voire caniculaires tels 2009, 2015, 2019 d’autre part. Les seconds offrent plus de volume, une plénitude solaire alors que les premiers sont plus élancés, d’une fraîcheur très énergique, tout en race et noblesse de Grand Cru.

2003 lui est marqué par une étroitesse que l’on n’attendrait pas d’une année très chaude, sauf que trop c’est trop : chaleur et précipitations quasi inexistantes ont provoqué du stress hydrique et des blocages de maturité, avec au final une matière à la minéralité un peu austère, voire asséchante. Autre cas, le millésime 2010 au climat chaotique : voilà bien une année tardive, avec dans les raisins une acidité malique élevée. Conséquence il a fallu vendanger à très haut potentiel alcool pour obtenir la maturité phénolique. Les vignerons peu ambitieux, qui travaillent mal dans les vignes et/ou ont vendangé trop tôt, proposent des vins au brutal tranchant acide. Aussi 90% des producteurs, « victimes du tabou alsacien contre la fermentation malolactique » comme le formulait André ont-ils choisi de désacidifier leurs vins.  Par contre les meilleurs vignerons ont réussi sur les grands terroirs à équilibrer des sucres importants liés au haut degré potentiel requis pour une maturité des pépins grâce à la solide acidité de la matière 2010. Son Muenchberg 2010 dégusté 12 ans plus tard se goûte harmonieux, élégant, délicat, avec de jolis amers minéraux.

Le fil rouge de la dégustation

André Ostertag et son fils, Arthur

Cela posé, le terroir du Muenchberg avec ses sols cristallins est tellement fort qu’il impose au-delà des différents profils une trame reconnaissable d’un millésime à l’autre : verticalité, vibration de la matière, fraîcheur qui passe par une minéralité saline. Ainsi en est-il face au caractère opulent du 2009, un riesling dont l’équilibre inhabituel  e 14°6 et 2,7 g. de sucre se fait moins par une tension acide que par les amers  salins de la minéralité : « la partie terrestre a rééquilibré la partie céleste ».

A l’opposé, le 2008 reflète bien les caractéristiques d’un millésime difficile, sauvé à partir de la mi-septembre par le beau temps. Les vignerons peu ambitieux ont vendangé trop tôt en sous maturité. Les meilleurs ont attendu et ont réussi des vins équilibrés, de belle fraîcheur. Le Muenchberg dégusté ici possède une incroyable énergie 14 ans plus tard : comme l’a écrit un participant, » le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide »,  de l’éclat, de l’énergie et une longue persistance minérale.

Les deux derniers millésimes

…dégustés dans cette verticale, certes plus jeunes n’en furent pas moins éblouissants :

2015 : chaleur, sécheresse, voire canicule en début juillet, et donc le stress hydrique auraient pu durcir les vins. Fort heureusement les pluies de la mi-août ont permis une reprise de la maturation des raisins. Au final ce 2015 présente une acidité malique plus basse que 2008, 2010 ou 2014. La matière offre une plénitude solaire en bouche avec une chair pulpeuse. Pourtant l’équilibre impressionne grâce à une fraîcheur liée à la fois à la concentration en acide tartrique et à une trame minérale saline qui se prolonge en finale sur de fins amers minéraux.

2019 : un scénario climatique comparable au précédent avec un temps sec et très chaud d’une part, des pluies salutaires au mois d’août. Un bébé encore, avec un énorme potentiel, encore brut de terroir d’une certaine façon. La bouche est riche et veloutée,  d’une grande intensité,  profonde et tendue par une impressionnante minéralité qui verticalise la richesse. La finale est très persistante sur des notes minérales salines et fumées.

Bernard Arnould

Anthocyane ne commercialise pas les vins du Domaine Ostertag. Anthocyane prête volontiers sa plume à celui/celle qui voudrait partager sa passion pour le monde du vin.

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domaine

Knab sur volcan

Thomas et Regina Rinker ont repris le Domaine Knab à Endingen en 1994. Ils ont patiemment œuvré pour transformer cette acquisition en une véritable success story et devenir l’un des meilleurs domaines du Kaiserstuhl, encore plus si l’on prend en compte l’excellent rapport qualité-prix de toute la gamme. Johannes, le fils de Thomas et Regina, est à bord depuis plusieurs années et, grâce à son apport, les vins ont encore gagné en finesse.

Le Kaiserstuhl est un lieu magique: un grand volcan éteint, comme posé dans la plaine du Rhin, à quelques kilomètres de la frontière française. Un paradis pour les pinots: rouge, blanc et gris. Paradis qui est également la région la plus chaude d’Allemagne (peu de riesling ici, ce cépage n’appréciant pas ce méso-climat: il ne “fonctionne” dans le Kaiserstuhl que sur des parcelles orientées au nord).

Colmar n’est qu’à quelques kilomètres…

Les imposantes terrasses du Kaiserstuhl constituent un biotope exceptionnel pour la faune et la flore, pour la vigne en particulier. Mais le lieu est aussi un défi lancé au vigneron: celui qui manquerait d’attention se retrouverait rapidement avec des raisins très/trop chargés en sucre sur les bras et, en conséquence, avec des vins très/trop chargés en alcool. Choisir le jour idéal pour vendanger est un art que les Rinker maîtrisent à la perfection. Les vins conjuguent l’intensité volcanique avec une fraîcheur désaltérante.

Le Domaine Knab, c’est 21 hectares de vignes, à peu près exclusivement plantées en cépages bourguignons: pinot noir, pinot blanc, pinot gris, chardonnay et auxerrois. Le Domaine n’est pas certifié bio, mais ses pratiques s’approchent très fort de ce qui exigé pour bénéficier du logo bien connu. Sans surprise, rendements faibles et vendanges manuelles.

J’ai découvert les vins avec le millésime 2017 et les propose depuis lors, chaque fois que c’est possible. Je suis conscient du potentiel relativement limité des vins allemands pour une clientèle francophone, mais je m’obstine. D’autant plus pour le Domaine Knab, vu que les équilibres de leurs vins ne sont pas si éloignés des équilibres français. Bénéfice collatéral: les prix sont vraiment intéressants. Tentez le coup !

Je ne suis évidemment pas le seul à être impressionné: le guide Eichelmann 2022 accorde 4 étoiles au Domaine (sur un maximum de 5). Idem pour le guide Gault-Millau du même millésime.

Trois vins du Domaine Knab sont en dégustation le samedi 19 novembre 2022. Les voici:

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Allemagne – riesling – cinq vignerons

Une dégustation que j’ai eu le plaisir de proposer aux membres éminents du “groupe du mercredi”, lequel s’est réuni, avec une pointe de surréalisme, lors de ce premier …vendredi du mois de novembre.

Un thème qui me tient à cœur: sortir des sentiers battus franco-français et explorer comment s’expriment d’autres cultures du vin. C’est particulièrement délicat lorsque l’on quitte l’univers latin pour rejoindre les rives du Rhin et de ses affluents, la germanité étant souvent perçue comme particulièrement complexe et résolument différente. Une sorte de zone d’inconfort du dégustateur francophone.

Or, les vingt dernières années marquent l’émergence progressive de vins allemands qui reprennent à leur compte le “modèle bourguignon” à quatre niveaux: vin régional, vin de village, premier cru, grand cru. Le modèle allemand traditionnel basé sur la richesse en sucres des raisins perd du terrain, année après année, en tous cas pour ce qui concerne les vins secs ou d’esprit sec.

Les vins secs sont dits “trocken” (ce mot figure toujours sur l’étiquette: pratique !): ils peuvent contenir jusqu’à 9 grammes/litre de sucre résiduel (à la condition de présenter une acidité élevée). Autrement dit, les vins allemands “trocken” ne sont pas si compliqués à comprendre pour un amateur habitué aux vins français. Et ça, c’est une bonne nouvelle !

Pour mettre en pratique, j’ai choisi cinq vignerons très réputés, chacun représentant sa région: Knipser pour le Palatinat (Pfalz), Dönnhoff pour la Nahe, Wittmann pour le Rheinhessen, Georg Breuer pour le Rheingau et Peter Lauer pour la Moselle.

Les vins sont servis par paire, une paire par vigneron.

Précision: la double majuscule GG sur une étiquette -ou gravée dans le verre de la bouteille- signifie Grosses Gewächs, c’est-à-dire grand cru: raisins provenant d’une parcelle précisément délimitée qui a démontré sur le long terme sa capacité à produire des vins complexes, originaux et susceptibles de s’améliorer en bouteille, après une garde de plusieurs années.

GG s’applique exclusivement à des vins “trocken”. Elle est attribuée par une association privée: VDP. En savoir plus ? C’est ici.

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Mise en bouche: Eva Fricke (Rheingau), Rheingau 2016

On commence par une mise en bouche, destinée à permettre l’identification du thème: à l’aveugle, mes excellents compagnons ont vite reconnu le cépage riesling et l’origine allemande. Bien joué !

Nez citronné intense, très pur: c’est en effet un riesling typique. Peu de complexité. Bouche franchement fruitée, dominée par une grande fraîcheur. Vin jeune, ne présentant pas de notes d’évolution. Equilibre magistral et jolie persistance. Il y a sans doute un petit peu de sucre résiduel, qui arrondit sans sucrer. Très réussi pour un vin simple ! Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,6/20.

Cette jeune vigneronne était déjà très au point lors de la vinification du millésime 2016. Depuis, elle est passée au stade “culte”. De plus en plus difficile de mettre la main sur quelques flacons.

Le palais est étalonné. Nous voici à présent équipés pour entamer avec détermination une ascension du Mont Germania par la face nord. Dix étapes, cinq paires de vins.

1. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2016

Nez plus discret que celui de la mise en bouche. Un peu de citron et quelques épices. Introverti mais intéressant. Progressivement vient le caillou. En bouche, minéralité un peu terreuse, plutôt austère. Zeste de citron vert. Belle longueur. Vin cérébral, avec du potentiel de garde. Racé, mais pas pour toutes les bouches. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 15,1/20.

2. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2017

Nez plus ouvert, agrumes, un peu de floral. Assez joyeux, avec quelques morceaux de soleil dedans. Bouche superbement équilibrée ! Ce vin conjugue plaisir et cérébralité. La minéralité est en retrait par rapport au millésime 2016. Classique. La version plus affable de ce cru. Ma note: 16/20, note moyenne du groupe: 16,1/20.

3. Dönnhoff (Nahe), Tonschiefer 2013

Nez bien ouvert, typique du cépage. Citron épicé. Très léger pétrole. Bouche confortable, d’accès facile, comme une version apaisée de la mise en bouche. Bonbon violette. Pas très long. A boire dans les deux ans. Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,9/20.

4. Dönnhoff (Nahe), GG Hermannshöhle 2013

Surprenant: le premier nez m’amène chez Guffens-Heynen (chardonnay bourguignon)! Des notes de cognac. Puis vient le citron confit. L’ananas. La poire qui évoque le …chenin. Un peu de miel également. Le terroir domine le cépage. Difficile de reconnaître le cépage. Grande complexité. Bouche puissante, volumineuse et salivante: ce n’est pas de l’alcool, c’est de la matière (extrait sec). Pas pour qui recherche un vin aérien et délicat. Vin prêt à boire, pour les dix ans qui viennent. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 15,4/20.

5. Wittmann (Rheinhessen), GG Aulerde 2011

Nez sur l’orange et la mandarine. Arrière-plan en forme de poire. En bouche, formidable colonne acide ! Belle verticalité, la structure domine l’aromatique. Puis vient l’abricot et l’amande. Notes d’évolution. Un profil tel que l’on peut s’y attendre. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 16,3/20.

6. Wittmann (Rheinhessen), GG Morstein 2011

Couleur intense, presque dorée. Nez de poire Williams, avec une note oxydative. Quelque chose de sudiste. Un nez pour accompagner un dessert. Ici encore, le terroir invisibilise le cépage. La bouche est parfaitement sèche (ce qui surprend), salivante, pomme et poire, la note oxydative finit par disparaître ! Vin évolué, très original. Beaucoup de personnalité. Ma note: 17,5/20, note moyenne du groupe: 16,4/20.

7. Georg Breuer (Rheingau), Berg Rottland 2016

Nez fermé, puis vient un citron vert salé très dominateur. Une touche de romarin. Bouche qui communique tant le cépage que le terroir. Formidable tension acide. Grande longueur. Aucune concession. Difficile pour tout qui n’est pas amoureux de l’acidité. Finale très nette, tranchante et saline. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,2/20.

8. Georg Breuer (Rheingau), Nonnenberg 2017

Nez intensément caillouteux; le citron se cache en coulisses. Ce vin pourrait être volcanique (ce n’est géologiquement pas le cas). Nez impérieux, dominateur et sans concessions. Bouche monstrueuse, parce que tous les éléments y sont présents au maximum ! Pamplemousse d’anthologie. Finale exceptionnelle, avec tension et salinité. Infanticide, potentiel considérable. Attendre au moins cinq ans. Peut-on faire meilleur que Berg Rottland, oui, c’est Nonnenberg ! Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 16,5/20.

9. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2014

Nez qui combine la pierre (silex) et le citron, avec des notes fumées et miellées. Progressivement, toute la gamme des fruits: abricot, poire, ananas, agrumes, etc… Enfin, la cire. Quelle complexité ! Bien sûr, il y a un peu de sucre en bouche, mais l’équilibre est parfait grâce à une acidité très élevée. Vin cristallin qui finit absolument sec. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,9/20.

10. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2015

Un petit soleil atténue légèrement l’emprise caillouteuse. En bouche, le sucre est plus présent que sur le 2014. Néanmoins, la finale reste parfaitement sèche. Beaucoup de tension. La fameuse intensité légère qui signe les meilleurs vins de Moselle. Le plaisir à l’attaque et la droiture dans la finale. Très grand vin. Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 17,1/20.

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Ce que je retiens ? Les grands rieslings allemands ont une personnalité profonde, marquée par le terroir. Le cépage joue son rôle soit à l’avant-plan, soit à l’arrière-plan. Certains vins camouflent le cépage derrière un terroir dominateur. Celui qui craindrait de goûter dix fois la même chose est rassuré: les expressions sont pour le moins variées et diverses.

La colonne vertébrale acide est l’élément qui structure la plupart des vins. Ce n’est certes pas une surprise, mais un rappel utile: pour les vins secs, les acidités peuvent monter jusqu’à 8 voire 9 grammes/litre. Quelques grammes de sucre résiduel se chargent d’arrondir les angles de façon à proposer un équilibre du type: assez peu d’alcool (12% ou 13%), beaucoup d’acidité, un peu de sucre. Les finales sont sèches. Autrement dit, le sucre, lorsqu’il est perceptible, marque l’attaque du vin, pas sa finale. Cela facilite les accords gastronomiques.

Pour l’anecdote, les six derniers vins servis se retrouvent aux six premières places du classement. Il n’y avait pourtant aucune volonté de crescendo. L’ordre de présentation des paires était aléatoire. Disons que l’enthousiasme est venu progressivement.

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Anthocyane, 10 ans déjà !

Anthocyane, 10 ans déjà: une dégustation, c’est bien mais deux dégustations, c’est encore mieux !

Dégustations le samedi 19 novembre et le samedi 03 décembre, entre 10 et 18 heures. A chaque fois, une quinzaine de vins sur le bar, sélectionnés avec passion et discernement.

Les vins présentés le 03 décembre sont 100% différents de ceux présentés le 19 novembre: rien n’empêche de venir goûter deux fois !

Tous les vins commandés au plus tard le mardi 06 décembre seront mis à disposition avant les fêtes de fin d’année.

Pour vos cadeaux Champagne: sachet individuel (en papier kraft, avec cordelette) offert.