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Bordeaux 2020 !

J’ai joliment profité de l’invitation que m’a fait parvenir l’Union Grands Crus à l’occasion de la mise en marché des Bordeaux du millésime 2020.

Belle organisation, à la Maison de la Poste (Tour & Taxis) avec plein de minuscules stands où un représentant de chaque Château s’esquintait à servir un public nombreux. Mais il y a avait aussi -et surtout- le Grand Bar, qui se matérialisait par une longue série de bouteilles posées sur un …bar, le tout en self service. Vachement efficace, avec les petites tables qui permettent de s’installer avec son verre, sa bouteille d’eau et son crachoir. Et de quoi prendre quelques notes, dont un résumé ci-dessous.

Ne pouvant évidemment pas tout goûter, je me suis concentré sur Pessac-Léognan et Margaux. Avec quelques digressions du côté de Pauillac, de St-Julien et de Pomerol.

Impression générale: les vins se présentent bien, sans alcool excessif ni boisé exubérant. La plupart des tannins sont policés, voire soyeux. Il y a du fruit appétissant. Beaucoup de vins donnent l’impression d’être (presque) à boire.

A Pessac-Léognan, je retiens en particulier Domaine de Chevalier et Château Pape-Clément. Le premier tout en élégance, avec de la finesse et d’excellents petits tannins. Belle fraîcheur énergique et tout aussi belle finale serrée, nette et précise. Le deuxième présente un nez complexe, qui s’ouvre progressivement. La bouche est ample, harmonieuse et tannique. La finale est serrée et persistante. Fieuzal est fort bien, sur la cerise, avec une bouche affriolante. J’ai été moins convaincu par La Louvière (souple mais facile), Malartic Lagravière (fruité dans un style marqué par le merlot), Haut-Bailly (nez sur la myrtille, avec plus de puissance que de fond), Smith Haut Lafitte (nez bizarrement sur la prune, avec une finale asséchante) et Larrivet Haut-Brion (flatteur mais simple).

A Margaux, j’ai été particulièrement touché par Château Lascombes et Château Giscours. Le premier grâce à son potentiel: beaucoup de concentration, très belle structure tannins/acidité. Mais il faut absolument l’attendre ou le carafer vigoureusement. Le deuxième présente un nez minéral (ce n’est pas si courant à Bordeaux) avec un boisé noble. Il y a de la fraise. La bouche est profonde: beaucoup de fraîcheur, tannins peu abondants mais de belle définition. Et une finale très précise. Château Desmirail est bon, mais c’est un petit calibre. Château Dauzac m’a semblé très strict, asséchant et carré. Château Kirwan est puissant, mais la finale est imprécise: il se cherche encore. Château Rauzan-Gassies est très bon, mais dans un style qui évoque plutôt Pauillac, voire St-Estèphe. Château Prieuré-Lichine présente un nez flatteur, mais la bouche est fort décevante, franchement rustique. Château du Tertre est fin mais fluet, avec un boisé sucré.

Château Talbot (St-Julien) m’a beaucoup plu: nez fruité élégant, avec un boisé chic, beaucoup de raisin dans le verre, bouche harmonieuse et flatteuse, mais avec du fond. Château St-Pierre (St-Julien) présente un nez bien mûr, la bouche est très souple et un peu facile, il est agréable mais sans race. Château Croizet-Bages (Pauillac) me pose un gros problème: j’espère que la bouteille était bouchonnée; si elle ne l’était pas, c’est terriblement décevant. Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) est un très beau vin: fraîcheur, bons tannins, matière concentrée, équilibre salivant, beaucoup de fond, puissance. Il a tout pour lui ! Château Léoville Barton (St-Julien) présente un nez sur la réserve. La bouche m’a semblé très souple et donne l’impression d’être déjà en phase d’évolution; j’attends plus de ce cru. PS: j’aurais volontiers goûté Château Lynch-Bages (Pauillac), mais la bouteille était vide. Snif.

Château Petit-Village (Pomerol): j’ai goûté ce vin par pure nostalgie. Il y a une éternité (voire au-delà), j’ai goûté un Petit Village de la fin des années ’80. Ce fût une énorme émotion, sans doute l’un des vins qui m’a fait basculé dans le monde fascinant de la dégustation. Mais 30+ années plus tard, je suis cette fois confronté à un vin à la fois sudiste et oriental, confituré et chaleureux, un poil fatiguant, doté d’une sorte d’absence de finale. La Rive Droite et le merlot, ce n’est décidément pas pour moi !

Enfin, dans une vasque et et sur glace, voici Château Lafaurie-Peyraguey (Sauternes) qui m’a semblé délicieux, avec un très bel équilibre entre sucre et fraîcheur !

Bien sûr, prenez ce qui précède avec un petit grain de sel: c’est un instantané, plus intuitif que réfléchi, révélateur de mes goûts personnels. Je n’écris rien au sujet du prix de ces vins: dans une manifestation de ce type, personne ne parle jamais de prix, ce serait indécent…

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domaine rouge

Respect !

No comment. Ce vin se suffit à lui-même.
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information

Mouton-Rothschild 2018 est ludique !

Comme chaque année, Château Mouton-Rothschild a confié son étiquette à un artiste contemporain. C’est une tradition depuis 1945.

A été retenu pour le millésime 2018, le chinois Xu Bing, spécialiste de la calligraphie.

Et alors ? Eh bien, ce Xu Bing ne manque pas d’humour: ce qui peut passer au premier coup d’œil pour la simple juxtaposition esthétique de deux caractères chinois se révèle être un jeu graphique basé sur notre alphabet latin. Regardez de plus près et souvenez-vous du nom du château…

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dégustation domaine rouge

Château Le Puy: Bordeaux …or not Bordeaux ?

La réponse à cette question est évidente: c’est un Bordeaux, en appellation Francs Côtes de Bordeaux, à quelques encablures au nord-est de Saint-Emilion. L’assemblage se compose de 85% de merlot, complété par les frères cabernets et épicé par le malbec, ce qui est en tous points conforme à ce que l’on attend d’un Bordeaux de la Rive Droite.

Seulement voilà. Ce n’est pas aussi simple. Des rebelles, il y en a partout, même à Bordeaux, réputée bourgeoise et bien-pensante. Des vignerons qui décident de faire leurs vins, en dépit des modes, des habitudes, des oukases œnologiques, des regards en coin et des moues dubitatives.

Je vous aurai prévenu. Si vous aimez le Bordeaux tel qu’on le fait généralement aujourd’hui, avec beaucoup de tout (couleur, alcool, boisé, euros, …), je vais vous perturber en vous initiant à l’antithèse de ce qui précède.

Le Bordeaux infusé en opposition avec le classique Bordeaux (sur)extrait. C’est une simplification, certes, mais elle est parlante. Malgré le très chaud millésime 2015, Émilien est frais, élégant et floral. Le degré d’alcool ? 13%. Le même bouleversement climatique affecte Le Puy que les châteaux des collègues qui affirment pourtant qu’il leur est aujourd’hui impossible de vinifier à moins de 14,50% voire 15%. Comme quoi.

La famille Amoreau, propriétaire de père en fils depuis 1610, fait le vin non pas comme il y a 30 ans, mais comme il y a un ou deux siècles. C’est-à-dire sans utiliser la moindre poudre de perlimpinpin. Juste une petite goutte de sulfite lors de la mise en bouteilles.

L’élevage ne fait appel à aucune barrique neuve, le choix se portant sur le foudre et la barrique de plusieurs vins. Pour la cuvée Émilien, c’est uniquement le foudre.

Ce style permet-il la garde en cave ? Le Domaine vend encore des bouteilles des années ’70 et ’80 du siècle passé. Est-ce une réponse satisfaisante à la question ?

On affirme parfois que les vins de Le Puy sont les meilleurs Bourgognes élaborés à Bordeaux. Ou encore que Le Puy est un domaine bio …depuis 1610.

Le Domaine a, enfin, fait son entrée dans le Guide Vert de la RVF qui lui a immédiatement attribué une étoile. Comme chez Michelin, c’est une pratique rare. Une façon de reconnaître qu’on aurait pu être plus attentif plus tôt ? Je me souviens très bien d’Émilien 2010 qui méritait déjà plein d’éloges !

En dégustation le samedi 13 juin. Attention, dégustation sur inscription préalable. Émilien peut être commandé dès aujourd’hui, au prix de € 27, pour mise à disposition le samedi 27 juin.

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dégustation domaine

Une visite au Château Tire-Pé

Lorsqu’il m’a vu apparaître, David Barrault prenait le thé sur sa terrasse, avec un copain. La soirée précédente avait été “studieuse”, vu le nombre de flacons posés sur la table. Flacons vides pour certains, un peu moins vides pour d’autres. Je commence donc la dégustation par quelques gouttes de La Moussière (Mellot) et d’un Pouilly-Fumé d’Alexandre Bain. Mas del Périé (Cahors) était vide, dommage, j’aurais goûté avec plaisir.

Le contact passe tout de suite. Le temps pour David de changer de chaussures et cap sur les vignes. Lieu magique, silence d’anthologie. Les épaules se détendent, la pression tombe, je respire.

Sols argilo-calcaires, avec épaisseur variable d’argile. Juillet a été chaud et très sec, la pluie de cette nuit était la bienvenue.

A coté de la maison, une très jeune vigne. Une sorte de jardin expérimental, avec du cabernet franc et du pineau d’Aunis. En septembre, David y plantera deux cépages locaux anciens, disparus depuis plusieurs dizaines d’années. J’avoue en avoir oublié les noms. Il se pourrait que l’un soit de la famille des mansengs, sans garantie.

Un tour dans le chai révèle des cuves béton, des cuves inox et des grosses barriques (300, 400, voire 600 litres). Quelques barriques vides, vu les faibles rendements de 2012 (le mildiou n’a pas épargné Tire-Pé).

Nous goûtons DieM 2012, 100% merlot joyeux, simple, croquant, fruité, précis et terriblement plaisant. Elevage 100% en cuve, mise en bouteilles en juillet.

Ce vin est élaboré à partir de raisins “Tire-Pé” et de raisins achetés à deux vignerons-voisins, de façon à pouvoir proposer un volume suffisant. Collaboration un peu particulière, à mi-chemin entre le fermage et le négoce: David vendange lui-même, mais les vignerons-voisins se chargent de tous les autres travaux de la vigne. Progressivement, ces vignerons-voisins évoluent vers le “bio”: une forme très concrète de prosélytisme.

Le Château Tire-Pé 2011 est tout autant 100% merlot. Pas de barriques. Tension dès l’attaque, beaucoup de fraîcheur jusqu’en finale. Un merlot avec une sacrée colonne vertébrale ! Du “peps”. Cela se goûte à la perfection, tout tombe juste, grand équilibre prêt à boire.

On en profite pour faire une pause architecturale: les étiquettes de Tire-Pé jouent avec des représentations d’un fer forgé de 1764, réalisée par un artisan réputé localement. Et voilà (la première partie de) la propriété datée !

La Côte 2010 est épuisée. Le millésime 2011 sera mis en bouteilles en septembre. Assemblage de 60% de merlot et de 40% de cabernet franc. Elevage d’un an en barriques de plusieurs vins, puis de 8 mois en cuve. Tous les cabernets francs de la propriété rentrent dans cette cuvée. Carafe ou quelques années de patience. Grosse matière, boisé discret. Un Bordeaux comme on en faisait il y a 25 ans.

Il y a un paquet d’années, Elian Da Ros (vigneron dans le Marmandais) était venu goûter les vins de Tire-Pé: “Faut que t’arrêtes avec tes charpentiers” avait été son commentaire. David estime qu’Elian lui a rendu ce jour-là un énorme service. Les charpentiers ont été virés, les barriques sont aujourd’hui sélectionnées avec minutie. Chaque barrique d’un même vin est régulièrement goûtée, à l’aveugle.

Tiens, la pluie se remet à tomber. David me raconte la triste histoire d’un vigneron qui a décidé de s’arrêter: 48 hectares ont été grêlés à 100%. Un désastre, bois éclatés, plus de feuilles. 9 minutes de grêle et tout est fini. David, lui, est assuré.

Les Malbecs 2010 est en bouteilles depuis juin 2013. Vignes de 10 ans. Quelle aromatique ! Superbe jus floral et poivré. Au nez, on pourrait penser à une syrah. Aucune dureté, pas de rusticité. C’est fin et déjà prêt à boire.

Ces vins sont en dégustation le 24 août. Ils peuvent être commandés via ce tarif & bon de commande.