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Une verticale de Corton

10 millésimes d’un Grand Cru bourguignon, ce n’est pas tous les jours, loin de là ! Nous nous sommes installés vers 20h00 en ignorant ce que nous allions goûter (dégustation à l’aveugle). Mais l’organisateur avait soulevé un coin du voile en signalant que le budget serait plus élevé que d’habitude et que tous les vins seraient issus d’une même appellation. Il y avait donc quelques attentes…

Les deux premiers vins nous ont permis de décanter la situation: ce serait bien du pinot noir. Et donc, forcément, la Bourgogne se rapproche. Cela étant, ces deux vins ont remporté assez peu de suffrages: un joli nez mais une sécheresse marquée dès le milieu de bouche pour le premier, une bouche imprécise (légèrement liégeuse ?) et un profil assez simple pour le deuxième.

Les choses s’arrangent dès le troisième vin, qui présente plus de volume en bouche, un fruit plus intense et une longueur décente. Mais je mentirais en disant que je suis en extase.

Les vins suivants vont plaire et intéresser: des profils parfois affables, parfois bien plus cérébraux; des profils presque “sudistes” et d’autres qui correspondent mieux à l’image que je me fais de la Bourgogne. Pour moi, deux vins se signalent par leur race, leur précision, leur fraîcheur, leur capacité à révéler bien plus que le cépage dont ils sont issus. Mes estimés compagnons de dégustation sont quant à eux particulièrement charmés par un vin plus ample, plus fruité et plus sensuel que mes préférés.

la colline de Corton, vue depuis le sud-ouest

Vient bien entendu le moment d’essayer de deviner ce que nous avons goûté: Gevrey-Chambertin fut cité. Mais personne n’a pensé à Corton. Et personne n’a imaginé un seul instant qu’il puisse s’agir d’une verticale: 10 fois le même Corton, élaboré par le même vigneron, via des millésimes échelonnés entre 1998 et 2008 (seul 2001 manque à l’appel, remplacé par un amusant “pirate”: le Barolo Broglio Riserva 2004 du Domaine Schiavenza, 100% nebbiolo).

Il s’agit donc d’une belle verticale du Grand Cru Corton Pougets, tel que vinifié par le Domaine Rapet (basé à Pernand-Vergelesses).

Corton Pougets est le nom donné à deux parcelles en exposition sud-sud-ouest, d’une superficie totale de 9 hectares et 82 ares. La parcelle “du haut” monte jusqu’au bois de Corton, lequel surplombe le vignoble et le protège des agressions météorologiques. Les deux seuls propriétaires notables sont Louis Jadot et Rapet, ce qui pourrait expliquer un certain déficit de notoriété. Particularité typiquement bourguignonne: les rouges se commercialisent en Corton Pougets, les blancs en Corton Charlemagne. Ces derniers sont majoritaires.

Un élément qui me semble important: Rapet aurait, en tout ou en partie, replanté en 1994. Donc, le millésime 1998 serait issu de très jeunes vignes, au moins partiellement.

Les meilleurs millésimes selon la moyenne du groupe de dégustateurs: 2003 (16,9/20), 2005 (16,4/20) et 2002 (16,1/20).

Mon tiercé personnel: 2002 (16,5/20), 2005 (16,5/20) et 2007 (15,5/20). Ex-aequo avec le 2003 (15,5/20) et le 2004 (15,5/20).

1998, 2000 et 2008 ont reçu peu d’applaudissements.

Certes, le vin vogue largement au-dessus des mesquines contingences matérielles. Néanmoins, Grand Cru, en combinaison avec Bourgogne, peut constituer une arme de destruction massive pour le portefeuille de l’amateur. Voyons voir. Le 1998 fut acheté en son temps au Domaine pour 177 FRF, l’équivalent de 26 euros. Les millésimes récents se vendent à +/- 65 euros (ou plus cher si vous tombez sur un vendeur sans scrupules). C’est à la fois peu et beaucoup. Disons que c’est un tarif raisonnable dans le contexte de la folie des prix en Bourgogne. Mais le fait est que d’autres régions offrent de bien meilleurs rapports qualité/prix.

Question supplémentaire: faut-il laisser longuement vieillir ces vins ? J’ai tendance à répondre non. 5 à 10 ans, très bien. Au-delà, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle: de temps à autre, une très belle surprise, mais aussi le risque de goûter un vin qui s’approche de sa pente descendante: on perd du fruit et de la chair, on ne reçoit pas grand-chose pour remplacer ce qui a disparu.

Merci à l’organisateur qui a patiemment rassemblé ces flacons depuis 25 ans.

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Domaine Combier et autres pépites rhodaniennes

Combier, quelle bonne surprise ! Le millésime 2021 dans la vallée du Rhône est jugé moyen par la presse spécialisée. Oui, il y a des vins très légers, un peu dilués, j’en ai goûtés et ne vous les proposerai pas.
Mais voilà que je goûte en décembre quatre vins du millésime 2021 du Domaine Laurent Combier: quel équilibre ! Quel charme ! Impossible de ne pas sourire en dégustant la cuvée L, le Crozes-Hermitage classique et les deux cuvées Cap Nord. Le célèbre Clos des Grives a toujours un an de retard, élevage oblige: c’est donc le très bon millésime 2020 qui est de la fête.

Ces cinq vins (et cinq autres vins rhodaniens) ont été redégustés ce mercredi 18 janvier par un panel de sept fines gâchettes: qu’ils soient remerciés pour la pertinence et la précision de leurs commentaires ! Ces commentaires sont “bruts de décoffrage”: j’ai pris note au vol, sans avoir l’ambition de faire de jolies phrases. Il y a des contradictions parce qu’il y a des avis différents. Eh oui …

La Janasse Côtes du Rhône (blanc) 2021

Fraîcheur, presque comme un pinot blanc allemand. Il y a une certaine longueur, très peu d’amers, pas d’alcool, du pamplemousse, floral, frais, pointe minérale, note végétale, violette, pointe saline, vivacité. Très bon rapport qualité/prix.

Note moyenne du groupe: 14,50. Ma note: 14,50. Faible variance entres les notes.

Les Bosquets CdR-Villages Séguret 2021

Nez épicé, violette, délicat, ouvert. Bouche intense, avec tannins et alcool, chaleureux mais pas brûlant, servi très frais, nez supérieur à bouche ? Il y a de la matière certainement par rapport au millésime, une pointe de rusticité, amertume dans la finale, austère, herbacé, encre, manque de gourmandise, manque de rondeur.

Note moyenne du groupe: 13,70. Ma note: 15,00.

Les Bosquets Gigondas Réserve 2020

Nez agréablement chaud, pur et puissant, un peu chocolaté. Bouche dense, intense, avec un beau grain, tannins bien fondus, persistance fruitée, gourmand, plus Rhône sud que le Séguret qui précède, dominé par le grenache, type Châteauneuf-du-Pape, infanticide, beau jus. Bien géré, équilibre, un peu de fraîcheur, poivre. Style opposé à celui du Séguret: quel est le rôle de l’effet-millésime ?

Note moyenne du groupe: 15,10. Ma note: 15,50. Faible variance entres les notes.

Saladin VdF Haut-Brissan 2019

Nez de rose, la finesse des grenaches espagnols, précision et tannicité énergisante, finesse et floralité, petite sucrosité, dentelle, diffus, manque de densité, fraise, confiture, douceur.

Note moyenne du groupe: 15,40. Ma note: 15,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage cuvée L 2021

Syrah embaume le nez, variétal, croquant, énergique, laurier, délicat, fruit précis comme un excellent Beaujolais, facteur glouglou, type Marcel Lapierre, archétype de la syrah. Pointe d’amertume végétale.

Note moyenne du groupe: 14,40. Ma note: 14,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage 2021

Nez moins expansif, élégant. Bouche dense et équilibrée, finale nette et tranchante, croquant sur une acidité top, vin ciselé. Haute couture, se goûte déjà très bien. Potentiel.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50. Faible variance entres les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Cap Nord 2021

Nez minéral, graphite, cendres, caillou. Bouche avec une allonge phénoménale, qualité des tannins, longueur, encore fermé, infanticide, noblesse et potentiel de garde, le floral arrive progressivement, puis le cassis. Moins friand, brut de vigne, vin salin, cérébral, évoque les mencia de Bierzo, sans concession, vin qui pousse le dégustateur à réfléchir. Polarisant/clivant.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 17,00.

Laurent Combier St-Joseph Cap Nord 2021

Nez légèrement animal (réduction), minéralité de type “caillou pourri”, syrah froide. Bouche plus fruitée et plus puissante que Cap Nord Crozes-Hermitage, la puissance rend la délicatesse moins perceptible, tannins plus marqués, vin plus accessible que Cap Nord Crozes-Hermitage, type Cornas. NB: vin carafé pendant 3 heures.

Note moyenne du groupe: 15,50. Ma note: 16,00.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Le Clos des Grives 2020

Fruit opulent et joyeux, bouche irrésistible, vive et pleine, pas compliquée, sexy et équilibrée. Boisé intelligent. Vin plaisant, sensuel, charnel. Expressif, généreux, un peu trop de tout, joliment sudiste. Grand potentiel de garde.

Note moyenne du groupe: 16,30. Ma note: 16,00.

Duclaux Côte Rôtie La Germine 2017

Nez épicé, fin, spéculoos, intensité. Bouche dense sans puissance, grand vin classique, moins plaisant que le Clos des Grives, droiture, moins opulent, strict, pourrait rappeler les Cornas de Clape.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50.

Conclusion

Nous avons eu la possibilité de comparer et de mettre en évidence des styles très différents. Celui apprécie une certaine opulence, de la rondeur et du charme devrait prêter attention au Gigondas Réserve et au Clos des Grives. Celui qui préfère la droiture, la précision, la verticalité devrait tenter le Cap Nord Crozes-Hermitage et La Germine.

Le Crozes-Hermitage 2021 est un modèle pour l’appellation et pour le millésime. Excellent rapport qualité-prix.

Tous les vins ci-dessus sont disponibles dans le magasin. Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 24 janvier. Mise à disposition des vins en février.

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Rioja: la querelle des Anciens et des Modernes

La Rioja abrite d’une part des Domaines qui perpétuent la tradition des longs élevages en barriques de 225 litres (bois américain usagé) et d’autre part des Domaines qui se donnent pour objectif de dépoussiérer le Rioja d’antan en privilégiant un élevage plus court, en barriques de 225 litres (bois français souvent neuf). C’est une querelle des Anciens et des Modernes, comparable à celle qui a divisé en son temps les vignerons de Barolo. Essayons de caractériser les deux camps.

Les vins “Anciens” arrivent tard sur le marché, présentent une couleur peu dense et déjà évoluée, une aromatique à laquelle nos nez contemporains ne sont pas forcément habitués et des tannins fondus. Lorsque ces vins sont commercialisés, ils sont prêts à boire. Ils évoluent peu dans votre cave et se conservent très longtemps. Les termes “reserva” et “gran reserva” figurent régulièrement sur les étiquettes. Les élevages se font toujours dans la barrique bordelaise. Risquons une comparaison osée: on pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type tawny/colheita.

Les vins “Modernes” arrivent tôt sur le marché, présentent une couleur dense et peu évoluée, une aromatique plus classique et des tannins solides. Lorsque ces vins sont commercialisés, il se peut que quelques années en cave soient requises pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils évoluent dans votre cave et sont susceptibles d’être conservés très longtemps. Le terme “gran reserva” n’est quasiment pas utilisé, le terme “reserva” est parfois utilisé, mais avec une certaine discrétion. La barrique bordelaise est courante mais certains vins sont élevés en inox, en cuve béton, en grands tonneaux, en amphores, etc.. On pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type ruby/vintage.

Avant de créer une éventuelle confusion: non, les vins de la Rioja ne ressemblent pas aux vins de Porto ! Les vins de Rioja sont parfaitement secs et ils ne sont pas mutés à l’alcool. Ma comparaison a pour unique objectif de comparer l’élevage des vins: les Anciens élaborent des vins “oxygénés” (micro-oxygénation grâce au long passage en barriques), les Modernes des vins “réducteurs” (peu ou pas de micro-oxygénation).

Il se peut que l’amateur préfère nettement l’un des deux styles à l’autre. Utile donc de savoir quel Domaine incarne les “Anciens” et quel autre Domaine représente les “Modernes”.

C’était l’objectif d’une dégustation à l’aveugle, présentée il y a quelques jours à un groupe d’une douzaine d’amateurs. Ci-dessous un compte-rendu subjectif de cette dégustation. Bien sûr, la pratique a montré que la théorie simplifie à l’excès: certains vins se font une joie de nous perturber en présentant des caractéristiques modernes et des caractéristiques anciennes.

Artevino (Orben) Salbide 2020

Ce vin a été présenté en tant que mise en bouche: 100% tempranillo, peu élevé, de style moderne. Il s’agit de l’entrée de gamme du Domaine Orben. Ce Rioja me semble typique de ce que la région à offrir de meilleur, considérant le prix: € 10,50. Le fruit est franc, pur et direct. La bouche est légèrement chaleureuse, sur la cerise bien mûre. Finale rafraîchissante, bons petits tannins. Tempranillo 100%. € 10,50.

Lopez de Heredia Viña Cubillo Crianza 2014

Voici déjà l’un des Domaines-phares, dans le style traditionnel. Ce vin est vendu comme “crianza”, c’est-à-dire que le passage en barriques devrait être court. Pourtant, ce 2014 est le millésime actuellement commercialisé ! En réalité, passage en barriques pendant trois ans. Le vendre comme “crianza” est donc une décision politique du Domaine.

La robe est légèrement évoluée. Le nez s’annonce par un boisé légèrement sucré “à l’américaine”. La bouche est plus stricte que le nez, construite sur une belle fraîcheur. Bonne longueur. Un air de famille avec les cuvées plus prestigieuses proposées par le même Domaine. Tempranillo 65%, grenache 25%, graciano et mazuelo. € 17,50.

Valenciso Cemento 2018

Un vin qui fait exception à l’élevage sous bois: ce Cemento passe uniquement par la cuve-béton. Si c’était moi, je pense que je changerais l’étiquette: elle dit clairement “béton”, ce qui est à la fois transparent par rapport au type d’élevage pratiqué et maladroit: avons-nous vraiment envie d’étiquettes qui imitent la couleur et la texture du ciment ? Voici donc un Domaine moderne. Nez assez discret, plus fruité qu’épicé, qui s’ouvre progressivement. On ne perçoit aucun élevage (…le béton ne marque pas aromatiquement…). Les tannins sont d’une qualité particulière qui m’évoque certains vins passés par l’amphore (terre cuite). Chaleureux mais appétissant ! Tempranillo 100%. € 17,50.

Bodegas Faustino Faustino I Gran Reserva 2010

Ah, si cette étiquette n’est pas franchement “vintage”, alors aucune étiquette ne l’est ! Le portrait, le filet métallique, le verre sablé, la police de caractères, … Tout semble communiquer un style ancien. Le nez est intense, marqué par le bois américain. La bouche est fort jeune, moins évoluée que son millésime. C’est fondu, soyeux et assez concentré. Une petite touche d’alcool (ce n’est pourtant que 13,5%).

Tempranillo 100%. € 20,00 (disponible dans les magasins de Delhaize Le Lion).

Abel Mendoza Malvasia 2021 (vin blanc)

Le moment choisi pour faire une pause et déguster un blanc. Les blancs sont très minoritaires en Rioja. Le cépage le plus courant est la viura (macabeu en dans le sud de la France et en Catalogne). Par pur goût pour la contradiction, j’ai donc proposé un vin élaboré avec la malvasia. Le vin m’a surpris par sa complexité: le nez commence sur ce qui pourrait du verdejo voire du sauvignon. La bouche est grasse, comme une impression de chardonnay bâtonné. La fin de bouche est marquée par une petite tannicité dont l’origine m’est inconnue: tannins du bois, macération des raisins ? Malvasia 100%. € 30,50.

Artuke Finca de Los Locos 2020

Voici un Domaine familial qui porte haut le style moderne et même ce que l’on pourrait qualifier de “style rebelle”: beaucoup de couleur, nez poivré et minéral, boisé imperceptible. Quelque chose qui me fait penser aux parfums orientaux. La bouche regorge de fruit frais, elle est concentrée et assez tannique. Boisé discret tout en élégance. Tempranillo majoritaire, avec du graciano et de la viura (cépage blanc). € 25,50.

Remirez de Ganuza Fincas de Ganuza Reserva 2016

Couleur peu évoluée. Nez très précis et intense, beau fruit, impact limité du bois, élégance. En bouche, c’est un jus noble, une sorte de fluidité qui signe un élevage de grande qualité. Rien n’accroche. Quel équilibre ! Mais la finale tannique plaide pour quelques années de garde. Le boire aujourd’hui est un infanticide. Tempranillo 88%, avec du graciano et du mazuelo (c’est le nom local du carignan). 14,5% bien géré ! € 40,00.

La Rioja Alta Viña Ardanza Reserva 2015

Couleur évoluée: nous sommes bien chez une Maison qui pratique le style traditionnel depuis plus d’un siècle. Pointe d’acidité volatile, arômes de boîte à cigares, vin baroque. La bouche est puissante, sensuelle, dirais-je charnelle, avec une longue persistance. Malgré la puissance, il y a de la place pour la délicatesse ! Tempranillo 78%, grenache. NB: le vin se goûtait encore mieux 24 heures après la dégustation. € 35,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2010

Ici je crains de mettre quelques dégustateurs en zone d’inconfort: le nez est typique du style traditionnel, avec un boisé réconfortant et beaucoup de cerise. La bouche est construite sur l’acidité, ce qui lui confère une austérité cérébrale. Ce n’est pas un joyeux, mais c’est d’une grande noblesse de caractère. La verticalité domine les sensations solaires. Vin extrême, à appréhender avec un esprit ouvert et curieux. Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. € 40,00.

La Rioja Alta Viña Arana Gran Reserva 2014

Attention, vin d’exception. Style traditionnel transcendé par un nez d’une formidable pureté. Beaucoup de fruit (cerise). En fait, c’est le “meilleur de deux mondes”: difficile de classer ce vin à gauche ou à droite parce qu’il est au-dessus. Quelle intensité ! Quelle persistance ! On est dans un univers proche de celui des grands Bordeaux d’avant 2000. Ma meilleure note de la soirée (17,5/20). Tempranillo 94%, mazuelo. € 40,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2005

La couleur est évoluée, mais pas plus que celle du millésime 2010. Boîte à cigares et cerise. Le vin est dense, frais et vertical, mais avec plus de chair que le 2010, ce qui le rend plus affable, avec plus de souplesse. Mieux vaut commencer par celui-ci avant de se frotter au 2010 ! Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. Indisponible.

Que retenir ?

D’abord et avant tout: belle promenade variée, sans déception. Les vins sont peu ou pas marqués par l’alcool: profil plus atlantique que méditerranéen. On reconnaît sans peine les deux styles pratiqués dans la région. Mais le plus grand vin (Viña Arana) se moque des catégories ! Le boisé américain des vins traditionnels peut décontenancer, voire déplaire. Et pourtant ces vins peuvent offrir des bouches très harmonieuses, avec une texture soyeuse et douce. Ce sont des vins apaisés. Les vins modernes m’ont semblé ne pas tomber dans le piège du “goût international”: ils ont de la personnalité, de l’énergie et de la nuance !

Ma conclusion: il n’y a pas de querelle entre les Anciens et les Modernes, je suis ravi que les deux styles coexistent, en harmonie. Cela rend la région particulièrement intéressante !

Quelques bouteilles ? La plupart de ces vins peuvent être achetés via Anthocyane (sous réserve de stock chez leurs importateurs respectifs). Faites-moi part de vos envies et autres souhaits !

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Colis promo, 6 vins et 6 pays

Tour d’Europe express. Cela se commande dans le magasin.

Grèce, Allemagne, Portugal, Italie, France, Autriche

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Cairanne, Domaine Roche, cuvée Marcel Roche

Je m’étonne moi-même. Serais-je en train de retourner ma veste ? Moi, le chantre reconnu des vins préservant notre foie grâce à un taux d’alcool mesuré. Moi, le guerrier déterminé à vaincre le syndrome du sud: 100% soleil et 100% (trop) chaleureux. Moi, l’oracle de Berchem-Ste-Agathe qui voue un culte aux soi-disant petits millésimes où tout se joue sur le fil de la juste maturité. Que se passe-t-il ?

Je vous présente donc un Cairanne, bien sud-sudiste, 100% grenache et 15% alcool. Voilà. C’est un vin chaleureux. On ne pourra pas dire que je cache quoi que ce soit.

MAIS…

Cette cuvée Marcel Roche 2020 du Domaine Roche, en appellation Cairanne mérite le détour et propose surtout à l’amateur de ne pas s’arrêter après une première gorgée qui ne peut nier son poids alcooleux.

Ceci est un Châteauneuf-du-Pape camouflé en Cairanne. La bouche est autant velours que soie. Le fruit est intense, avec une complexité entre chocolat, cendres, tomate et fruits compotés. Vin sec, mais d’une grande douceur, laquelle est équilibrée par de la fraîcheur et par une noble amertume (j’écris noble amertume pour rappeler que, oui, l’amertume fait décidément partie de l’équilibre du vin et que ce n’est en aucun cas une façon de dénigrer ce breuvage). Peu de tannins, c’est un grenache 100%, issu de très vieilles vignes (majoritairement plus de 70 ans), plantées dans les galets roulés (tiens, Châteauneuf-du-Pape). Matière dense, concentrée: il y a de l’extrait en quantité dans cet animal sud-rhodanien !

Cairanne, au centre de la carte, en couleur turquoise

Pendant la dégustation, j’ai qualifié ce vin de joyeux, puis d’austère. A la réflexion, je pense qu’il est autant l’un que l’autre. Mon imagination m’a emmené du côté d’une belle flambée dans l’âtre de la maison de campagne, du côté de Porto (mais sans le sucre) et je me suis même demandé si un volcan se terrait sous certains secteurs de Cairanne (la réponse est non).

Après ces égarements para-poétiques, voici deux choses qui me paraissent essentielles: primo, servir frais pour dompter l’alcool; secundo, c’est fait pour accompagner une cuisine généreuse, moins pour glaner des notes pharamineuses pendant une dégustation à l’aveugle. Autant savoir.

Enfin, le rapport qualité-prix est convainquant.

Je vous invite à faire preuve de curiosité et à vous faire votre propre idée quant aux qualités de ce Cairanne 2020, Domaine Roche, cuvée Marcel Roche.

Digression: jusqu’en 2014, c’était Côtes-du-Rhône-Villages Cairanne. Depuis, comme Vinsobres, Rasteau, Châteauneuf-du-Pape, Vacqueyras, Gigondas, Beaumes de Venise, Tavel et Lirac, Cairanne est devenu un cru, ce qui lui donne l’immense privilège de ne plus accoler Côtes-du-Rhône à Cairanne. C’est une façon d’affirmer une différence et une hiérarchie.

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Chianti Classico: le nouveau sangiovese est arrivé !

La nouvelle organisation du Chianti Classico en 11 zones

C’est une tendance de fond. Les vignerons souhaitent préciser le lieu où naissent leurs vins. Une tentative pour se différencier et pour capitaliser sur la notoriété d’un quelque-part. Quand on prononce le mot Nuits-Saint-Georges, la magie opère. Ce n’est plus un pinot noir bourguignon, c’est un Nuits-Saint-Georges ! Pour le meilleur et pour le pire. Ajoutons-y la mention du premier cru Les Damodes, qui jouxte Vosne-Romanée, et c’est l’orgasme du là-et-pas-ailleurs. Les Damodes, ce sont 8 hectares de géographie sacrée.

A dire vrai, ce n’est qu’exemple parmi tant d’autres. Mais il faut reconnaître que le modèle bourguignon (vins régionaux, vins communaux, vins issus d’une parcelle premier cru, vins issus d’une parcelle grand cru) s’impose progressivement dans toute l’Europe. C’est assurément vrai en Allemagne où les étiquettes des vins secs de noble extraction mentionnent de plus en souvent un nom de commune suivi par un nom de parcelle. La notoriété de ces lieux germaniques n’est aujourd’hui pas bien grande, en tous cas dans nos contrées latino-francophones. Mais le train est lancé et viendra le moment où nous prononcerons avec délectation Bockenauer Felseneck pour désigner un riesling sec du village de Bockenau (en région Nahe) et de la parcelle grand cru Felseneck.

Venons-en à l’Italie et plus précisément à la Toscane puisque c’est le thème de cet article. Chianti Classico. Une zone créée par les dieux du terroir il y a bien longtemps déjà (un Grand-Duc Médicis est passé par là au XVIIIème siécle). Classico c’est le cœur historique du Chianti par opposition à tous les autres Chianti que je qualifierais volontiers de non-Classico. Ce n’est pas que ceux-là sont toujours moins intéressants, mais on y trouve de tout et en particuliers des tonnes d’ersatz qui n’ont de Chianti que le nom. Que voulez-vous, chère Madame, c’est dans la nature humaine de jouer la carte de l’opportunisme et, en quelque sorte, celle du plagiat.

Jusqu’il y a peu, les vins du Chianti Classico se racontaient en particulier par leur élevage: les meilleurs fruits cueillis sur les vignes les plus anciennes se destinaient naturellement, après un long passage en tonneaux à la durée règlementée, à la prestigieuse cuvée Riserva. Fort créatifs, nos vignerons toscans y ont ajouté en 2013 la notion de Gran Selezione. Mieux que Riserva, encore plus prestigieux, comprenez encore plus cher. Une segmentation par le prix, une hiérarchie, le vin dans le sens vertical.

Le sens vertical ? Mais ne pourrait-on pas réfléchir au sens …horizontal ? Alors oui, à l’été 2021, nos vignerons toscans se sont décidés à subdiviser le Chianti Classico en 11 zones de type communal. Elles sont illustrées sur une carte, plus haut, encore plus haut, ça y est vous êtes arrivés.

Pour être précis, la commune de Greve a subi l’ablation de Panzano, Lamole et Montefioralle, chacun de ces hameaux souhaitant sa propre dénomination. Idem pour Vagliagli dont le territoire appartient à la commune de Castelnuovo Berardenga. Dans le même ordre d’idées, San Donato in Poggio n’est pas une commune, mais une partie de la commune de Barberino Tavarnelle. Je m’arrête là avant de me noyer dans les subtilités de la géographie toscane.

Il me semble que la mention Gaiole ou Panzano sur une étiquette va toucher une corde sensible chez l’amateur, va déclencher une petite lueur d’envie. Pour Vagliagli ou San Casciano, les vignerons locaux vont devoir s’armer de patience et investir dans ce qui fait la spécificité et l’intérêt du lieu-de-chez-eux. Je suppose que certains vignerons préfèreront ne pas mentionner ces nouvelles dénominations complémentaires pour éviter d’égarer le consommateur.

Riecine, c’est 100% commune de Gaiole. Sur l’étiquette du millésime actuel, rien ne le revendique avec vigueur et fierté. Nous verrons bien comment se présenteront les étiquettes futures. Mettre l’accent exclusivement sur le nom du Domaine ou compléter le message en affirmant son origine communale ?

A propos, ce Riecine Chianti Classico 2020, en provenance de la commune de Gaiole, se goûte vraiment très bien. C’est un vin subtil, équilibré et expressif. Le fruit est pur et intense. Fine acidité salivante. Ce 100% sangiovese se contente d’un très pertinent 13% d’alcool (le millésime 2019 trouvait son équilibre à 14%). Vin d’altitude (450-500 mètres) issu de vignes qui peuvent commencer à se décrire comme vieilles (25 ans). 14 mois d’élevage en tonneaux usagés et en foudres. La mise en bouteilles est donc très récente.

Je vous invite à en acquérir quelques flacons dans le magasin. Le risque de déception me paraît négligeable, voire minusculissime.

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Comment déguster un bon Barolo sans casser sa tirelire

Vous aimez le Barolo “à l’ancienne”, mais le prix de la bouteille vous crispe, vous repousse ? Une bonne solution pourrait être de se tourner vers ce que j’appellerais les seconds vins de Barolo, commercialisés sous le nom Langhe Nebbiolo. Comme d’habitude, ce conseil n’a de sens que si le vigneron est de qualité. Un Langhe Nebbiolo élaboré avec de piètres raisins et vinifié par un maladroit sera toujours trop cher, même si le prix affiché est attirant.

Autre qualité du Langhe Nebbiolo: il est accessible au moment de sa mise sur le marché, inutile de passer par 10 ans de cave avant de déboucher.

Rivetto est un Domaine basé dans le village de Serralunga (c’est l’est du Barolo) qui combine une approche “à l’ancienne” avec la modernité du bio. Ne pas s’étonner de la couleur du vin, assez pâle et légèrement tuilée, c’est une conséquence prévisible du raisin nebbiolo en combinaison avec une vinification qui extrait modérément.

Le nez est subtil, épicé, “oxygéné” par un séjour en botti (foudres en bois). La bouche est dense, puissante et nette. A l’aveugle, ce Langhe se ferait facilement passer pour un Barolo, toujours bien plus cher.

A noter que, dans le respect de la législation, le vigneron a choisi d’assembler 97% de nebbiolo avec 3% de barbera. Les raisins proviennent d’un vignoble situé à quelques pas à l’extérieur de la zone du Barolo, ce qui fait toute la différence dans le prix et finalement assez peu de différence dans le verre. Altitude: 340 à 400 mètres.

La biodynamie, certifiée par Demeter, est revendiquée sur le site Internet du vigneron, mais n’est pas affichée sur l’étiquette.

Enrico, en version champêtre…

Je vous parie que le vigneron, Enrico Rivetto, va faire parler de lui, de plus en plus fort. Il est déjà suffisamment reconnu aujourd’hui pour être en mesure de vendre son Barolo cru Briccolina à …€ 135. Gloups !

Rivetto Langhe Nebbiolo 2019 est disponible dans le magasin. En dégustation ce samedi 23 octobre.

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Des rouges d’exceptionnelle finesse

Vous avez aimé Leirana, albariño de Galice ? Alors permettez-moi de vous présenter le projet Castro Candaz, créé en 2014 par le même duo que Leirana: Raul Perez et Rodri Mendez. Nous sommes toujours en Galice, mais à l’intérieur des terres, bien loin de l’océan. Et la spécialité ici, ce sont les vins rouges, élaborés avec le cépage mencia.

Quelques mots au sujet du nom du Domaine. Candaz Castro, ce sont d’abord les vestiges d’une ville celtique, romaine puis médiévale. C’est d’autant plus spectaculaire que les ruines se situent sur un promontoire dans la rivière Miño, à un endroit où cette rivière ressemble plutôt à un lac allongé. Il est bien possible que les pierres utilisées pour construire les terrasses dans le vignoble tout proche aient été prélevées dans le château ruiné.

L’appellation, c’est Ribeira Sacra. Rivage sacré en français (en violet sur la carte ci-dessous). Pensez au Rhône entre Vienne et Valence, au Douro jusqu’à Porto ou à la Moselle allemande: des vignobles qui doivent beaucoup à la rivière qui les traverse. Ici, nous avons droit à deux rivières: l’affluent Rio Sil au sud et le fleuve Rio Miño …au nord. Ce Rio Miño finira par se jeter dans l’Atlantique après avoir formé la frontière naturelle entre l’Espagne et le Portugal.

La mencia domine l’encépagement. Ce cépage, encore peu connu en dehors de la Galice et de la Castille toute proche il y a vingt ans, incarne aujourd’hui un type de vin rouge original, bien différent de ce qui se produit dans la Rioja, en Catalogne et dans toutes les régions sous l’influence de la Méditerranée. Ici, c’est la fraîcheur et l’énergie qui signent les vins, du moins ceux élaborés par les meilleurs vignerons.

En Castille (appellation Bierzo), la mencia peut se montrer difficile à déguster jeune en raison de tannins assez massifs. Les vins ont besoin de temps pour se fondre. En Galice (appellation Ribeira Sacra), ces tannins sont moins présents, alors que la finesse des meilleurs vins est évidente. Très difficile de “traduire” la mencia en un cépage mieux connu dans nos contrées francocentrées: la littérature évoque la syrah, le cabernet franc et le pinot noir. Et je me permets d’y rajouter le grenache…

Raul Perez et Rodri Mendez, jamais à court d’idées, ont cherché des vignes de mencia du côté de Chantada pour vérifier ce qu’ils pouvaient en faire. Le projet Castro Candaz se décline sous la forme de trois vins rouges et d’un vin blanc (cépage Godello). Concentrons-nous sur les rouges: il y a d’abord un vin de type “joven” -en 100% mencia- avec très peu d’élevage, ensuite une cuvée qui assemble les raisins en provenance de 5 parcelles de vieilles vignes, avec un élevage sous bois (grands contenants, pas de bois neuf) et enfin une cuvée parcellaire, avec le même élevage.

En dégustation, le “joven” (NB: ce terme ne figure pas sur l’étiquette, je l’utilise pour faciliter la communication) commence par un nez terreux et minéral avant que le fruit ne prenne le relais. La bouche est superbe, énergique, assez concentrée, avec de bons petits tannins. Il y a de la matière, mais assez peu de puissance alcoolique (13%). Ma comparaison préférée et subjective: un Loire de cabernet franc, bien mûr et enjôleur.

La cuvée d’assemblage s’appelle Finca El Curvado. C’est à la fois un assemblage de cinq parcelles, mais également un assemblage de plusieurs cépages (les vieilles parcelles sont très souvent complantées): mencia en très large majorité, avec merenzao (mieux connu sous d’autres noms: bastardo et trousseau) et alicante bouschet (oui, oui, c’est bien le cépage teinturier que l’on trouve encore dans quelques coins obscurs du Languedoc). Le nez est profond, avec un joli floral. A l’aveugle, on sera tenté parfois d’évoquer le pinot noir, parfois la syrah. La bouche est fraîche et épicée, précise et énergique. Malgré quelques tannins d’excellente facture, j’ai envie d’utiliser le terme “aérien” que je réserve en général aux meilleurs rieslings allemands. Grand vin.

La cuvée parcellaire s’appelle A Boca do Demo. Une unique parcelle, en grande majorité mencia, avec un peu de merenzao. Une expérience étonnante. Le nez évoque pour moi quelque chose entre pinot noir et grenache. La bouche est très délicate, difficile de reconnaître le cépage. Vin à la fois très intense et très léger. Finesse exceptionnelle, grand vin.

Castro Candaz “joven” et Finca El Curvado sont disponibles dans le magasin. En dégustation ce samedi 23 octobre.

A Boca do Demo sur demande uniquement et sans aucune garantie de disponibilité.

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L’excellence en Chianti Classico

Les villages du Chianti Classico

Imaginons que vous, cher lecteur, chère lectrice, êtes passionné par le Chianti. Vous connaissez les meilleurs Domaines et les bons millésimes, vous avez déjà pris quelques vacances à l’ombre des cyprès toscans, vous faites partie du club des adorateurs du Coq Noir (…Il Gallo Nero…) et vous pouvez répéter très vite -et sans vous prendre la langue entre les dents- Gaiole, Radda, Castellina, Greve et quelques autres villages qui forment ensemble le cœur historique du Chianti, encore appelé Chianti Classico.

Le hameau de Castell’in Villa: le Domaine est également un “agriturismo

Et pourtant, je suis prêt à parier que le Domaine Castell’in Villa ne vous dit pas grand-chose. Autant ce Domaine est connu des amateurs italiens et anglo-saxons, autant il semble que sa notoriété soit faible en Francophonie. Je ne pose aucune hypothèse explicative pour ce qui concerne la France, mais, pour la Belgique francophone, je pense qu’il s’agit d’un simple problème de distribution: pas de caviste pour le mettre à disposition des amateurs d’ici. Loin des yeux, loin du cœur …et le Domaine disparaît dans l’oubli éternel.

…Eternel, non. Anthocyane veille au grain. J’ai goûté, regoûté et approuvé. Mon mérite est limité, puisque plusieurs oeno-célébrités m’ont précédé: en particulier, pour Hugh Johnson, le Domaine est ***.

Le Domaine se situe à Castelnuovo Berardenga, à l’extrême sud de l’appellation, pas bien loin de Sienne. Les généralisations sont souvent sujettes à caution, mais les vignobles de cette commune sont réputés pour permettre l’élaboration de vins élégantstanniquesintenses et susceptibles de se bonifier considérablement au vieillissement. La propriétaire, principessa Coralia Ghertsos in Pignatelli della Leonessa, est d’origine grecque, autodidacte et particulièrement attachée aux vinification et élevage traditionnels: ici, c’est la principauté du style “à l’ancienne. Ni forte extraction, ni couleur violacée, ni taux d’alcool très élevé. C’est aussi la primauté donnée au cépage sangiovese.

En dégustation, le Chianti 2017 incarne le style de la maison: 100% sangiovese, couleur rouge brique, style oxygéné lié à l’élevage en “botti” (petits foudres) usagés pendant 12 mois, bons tannins, notes terreuses et épicées, jambon fumé. Aucune sensation chaude/alcooleuse. Pourrait évoquer certains Rioja traditionnels.

Le Riserva 2015 est un feu d’artifice ! Couleur rouge brique, nez sur la rose fanée et l’encens avec des nuances de zeste d’orange. En bouche, énormément de finesse, posée sur un lit de tannins assez fondus. Très savoureux. Le verre vide s’exprime avec noblesse: cigare, bois noble, cerise. Elevage de 2 à 3 ans en “botti” (petits foudres). Grand vin. Le prix me semble justifié.

***

Le Chianti Classico Castell’in Villa 2017 et le Chianti Classico Castell’in Villa Riserva 2015 sont disponibles dans le magasin. Le millésime 2017 est en dégustation ce samedi 23 octobre.

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La Colombière est en pleine forme !

Un vin proposé par Anthocyane au printemps 2013. A l’époque où j’importais directement les vins de France, en l’occurrence de Fronton, appellation proche de Toulouse, spécialisée dans le cépage négrette.

Quelques bouteilles de ce Coste Rouge 2010 avaient pris le chemin de ma cave personnelle et la dernière d’entre elles a été bue hier soir. Cela se vendait € 13 et je confirme que ça les valait bien !

Le vin a évolué avec grâce, conservant une chair goûtue et un équilibre impeccable. Très savoureux et d’une finesse que l’on n’associe pas forcément aux vins du Sud-Ouest. C’était -déjà- un vin issu de raisins de l’agriculture biologique et c’était signé par les vignerons amoureux, Philippe et Diane Cauvin.

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Marcel Lapierre, millésime 2020

Lyon est une ville arrosée par trois grands fleuves: le Rhône, la Saône et le Beaujolais.

D’abord, les Raisins Gaulois: que le temps passe vite: je me rends compte que je ne vous ai plus proposé cette cuvée de jeunes vignes depuis le millésime … 2015. Bon, on rattrape le temps perdu là, maintenant, tout de suite: voici 2020 et glou et glou et glou !

Il y a des vins pour analyser, converser, débattre. C’est très bien, je ne pourrais d’ailleurs pas m’en passer. Et il y a des vins pour faire la fête, rire et trouver que ce monde a, malgré tout, des côtés attachants. En fait, de novembre à Pâques, on picole le Beaujolais Nouveau (attention, le bon Beaujolais Nouveau !) et à partir de Pâques, on passe aux Raisins Gaulois. C’est croquant, fruité et tellement souriant.

Ne stockez pas en perspective de l’été 2022, c’est fait pour avoir été bu avant que 2021 ne nous quitte.

Moyenne d’âge des vignes: 15 ans. Géologie granitique, vendanges manuelles. Elevage bref, en cuves inox (pas de bois). Légèrement sulfité uniquement à la mise en bouteilles.

Ensuite, le Morgon: que de violettes, que de cerises ! Ce Morgon incarne une certaine idée du vin et cela depuis bien longtemps: ici, le bio est une évidence, au point de ne pas le mentionner sur l’étiquette. La vinification sans soufre a été testée par le Domaine dès 1981: 40 ans d’une précieuse expérience vous contemplent depuis les collines du Beaujolais !

Mais pas d’intégrisme: le Domaine donne le choix à ses clients entre une cuvée 100% sans soufre ajouté (en insistant que ces vins sont fragiles et qu’ils doivent être conservés dans des conditions idéales) et une cuvée “S”, légèrement sulfitée à la mise en bouteilles, de façon à protéger le vin contre les variations de température. Pour savoir quelle cuvée vous dégustez, repérez la présence du “S” sur la contre-étiquette, en bas et à gauche. Ou son absence.

Dès 2004, Marcel est rejoint sur l’exploitation par son fils Mathieu. Sa fille Camille s’y met à son tour en 2013. Marcel s’est éteint il y a une dizaine d’années, mais il a eu le temps de la transmission.

Certaines années, le Domaine propose une cuvée haut-de-gamme, avec le millésime en chiffres romains. C’était par exemple le cas en 2019. Mais pas en 2020, ce qui signifie que la cuvée classique est enrichie par les raisins qui auraient été utilisés pour la cuvée haut-de-gamme.

En dégustation, le vin se révèle, comme d’habitude, d’un fruit considérable et d’une grande densité de matière. La finale est légèrement plus tannique qu’en 2018, mais pas au point de désorienter qui que ce soit. J’apprécie aussi beaucoup la finale de ce 2020 qui laisse apercevoir que, au-delà du grand fruit, il y a une vraie minéralité. C’est très bon maintenant, mais quelques années de cave peuvent s’avérer très sympathiques pour redécouvrir ce vin sous un autre angle. Cela dit, cachez bien les bouteilles destinées à la garde, parce que la tentation du tire-bouchon vous guettera en permanence ! Chacun ses goûts et ses couleurs, mais je ne connais PERSONNE qui n’aime pas ce vin.

Moyenne d’âge des vignes: 70 ans. Géologie granitique, vendanges manuelles (parfois en deux passages successifs, pour récolter à la maturité optimale de chaque grappe), macération semi-carbonique, sans levurage ni SO². Elevage bref, en pièces de 216 litres.

Marcel Lapierre, Raisins Gaulois, Vin de France 2020 et Morgon 2020 sont disponibles dans le magasin.

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Pinot noir de l’extrême

C’est une histoire un peu compliquée qui mêle géographie germanique et romantisme en terres de raisin.

Benedikt Baltes est un jeune homme, fils d’une famille vigneronne et originaire de la vallée de l’Ahr, un haut-lieu du pinot noir en Allemagne. Sa famille possède un Domaine qui lui reviendra un jour. Entretemps, une irrésistible envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte le conduit, après divers détours, en Franconie, sur les rives du Main. En 2010, il y rachète un Domaine (Weingut Stadt Klingenberg) un peu tombé dans l’oubli et le marque de son empreinte en le rebaptisant à son nom dès que les vins traduisent sa vision. Il produit 90% de pinot noir, aussi un petit peu de riesling et de müller-thurgau pour faire joli. Le vignoble est fantastique pour qui a l’envie et la force de travailler sur des pentes vertigineuses.

La notoriété et le succès sont très vite au rendez-vous. La “patte” de Benedikt change radicalement le niveau des vins. Je découvre ces vins avec le millésime 2014: bien et mieux que bien, mais pas totalement convaincant. Et puis voici venir le millésime 2015: c’est un triomphe ! Des pinots noirs d’exception qui offrent à peu près tout ce que l’on peut espérer recevoir. La presse spécialisée s’enthousiasme, à raison.

Mais voilà que Benedikt et Julia (Bertram), vigneronne dans la vallée de l’Ahr, décident d’unir leurs destinées. La tentation est alors forte de réunir le vignoble familial Bertram et le vignoble familial Baltes et de créer ainsi un grand Domaine en vallée de l’Ahr.

Dégât collatéral: Benedikt peut difficilement en même temps gérer son Domaine en Franconie et cogérer un Domaine dans la vallée de l’Ahr: près de 250 kilomètres séparent en effet les vignobles. Donc, Benedikt revend le Domaine qu’il a à peine eu le temps de reprendre. Aujourd’hui, ce Domaine en Franconie a été rebaptisé par ses nouveaux propriétaires en Weingut Steintal. Benedikt est consultant auprès de son ex-Domaine.

En 2017, j’avais choisi de proposer à la vente la cuvée Grossheubach Alte Reben, issue du millésime 2015. Mais j’avais déjà repéré une autre cuvée de très haut niveau: Klingenberg Alte Reben R (avec “R” pour “Réserve”): celui-ci était fabuleux, mais sa dégustation ressemblait alors à un infanticide auquel je refuse habituellement de me livrer. Bref, il fallait attendre, faire preuve de patience, donner au vin le temps qu’il faut.

Et donc, je viens de goûter à nouveau, 4 ans après ma dégustation initiale. Très heureux de constater que le bébé s’est transformé en un jeune adulte en pleine possession de ses moyens: nez subtil, poivré et épicé; bouche de haut vol, pleine et aromatique, tannique mais peu boisée, minérale à souhait. C’est plus Gevrey que Chambolle. Du caractère et de l’expressivité.

Je reconnais qu’il faut un peu d’audace pour acheter un pinot noir de Franconie, élaboré par un Domaine qui n’a eu que quelques années d’existence. Mais je suis prêt à parier que les audacieux seront aussi convaincus que je le suis.

Quantités super-limitées, l’importateur doit en avoir encore une douzaine de flacons.

Terrasses escarpées dans le village de Klingenberg. Klingenberg se situe sur la rivière Main, en aval de Würzburg et en amont de Frankfurt (là où le Main se jette dans le Rhin). On est dans l’extrême ouest de la Franconie viticole. Administrativement, c’est la Bavière, mais on s’en fiche.

Terroir de roche sableuse rouge (“Buntsandstein”), en exposition sud. Vignes de 50 ans et plus. Rendements limités à 30 hectolitres par hectare.

Vendanges manuelles, égrappage à 100%, levures indigènes. Elevage de 15 mois en fûts (20% de fût neuf).

Benedikt Baltes, Franken (Allemagne) Klingenberg Alte Reben R 2015 est disponible dans le magasin.

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Quelques nouveautés, en coup de vent …

Vous trouverez dès aujourd’hui dans le magasin: le nouveau millésime de la cuvée Morogues (Domaine Pellé à Menetou-Salon), un alsacien pur pinot gris (Domaine Meyer-Fonné à Katzenthal), le Chinon Les Granges 2020 du Domaine Bernard Baudry. Rien que du beau monde !

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Doublé italien

En l’honneur de Milan-San Remo qui se déroule en ce moment et parce que j’ai encore dans ma besace deux vins italiens qui méritent assurément de vous être narrés.

D’abord un pinot grigio originaire des Abruzzes. Le Domaine s’appelle Fabulas et la cuvée Foeminae.

Tout commence avec la couleur du vin. En italien, c’est ramato qu’il me semble pouvoir traduire par cuivré (Google est d’accord). Dans le verre cela oscille gentiment entre le rosé et l’orange pâle. Ah ! Vin orange, donc ? Des raisins qui macèrent avec les peaux du raisin, comme pour élaborer un vin rouge ? Oui, mais cette macération est fort courte (quelques heures). Juste assez pour dissoudre un peu de couleur mais pas assez pour extraire des tannins. Foeminae est un premier petit pas vers le monde étrange des vins orange.

C’est fleuri et fruité (mandarine), facile à boire, léger comme une plume et doté d’une jolie salinité qui contribue à rendre ce vin digne d’intérêt. Ne soyez pas heurtés par un léger caractère oxydatif, il est absolument volontaire et contribue à rapprocher ce vin d’une manzanilla de Jerez. C’est un compliment ! Cela ne ressemble, par contre, pas du tout à un pinot gris alsacien.

Vous l’aurez compris, Foeminae n’est pas exactement le substitut à un classique Chablis ou à un tout aussi classique Sancerre. Il faut un peu aimer l’aventure. Mais c’est une aventure “tous publics”, sur des chemins bien balisés. Excellent rapport Q/P. Vin biodynamique.

Ensuite, un Chianti Classico. C’est Riecine et c’est Riserva 2018. En toute transparence, cela titre 15%. Je défie pourtant quiconque de lui trouver le moindre déséquilibre alcooleux. Le vin est d’un superbe équilibre, dans un style qui rappelle le 2018 en version non-Riserva, c’est-à-dire plus strict que 2017 et que 2019.

Ce vin est passé en bois (fûts de grande contenance) pendant 24 mois. Ce passage contribue intelligemment à ouvrir le bouquet sans marquer aromatiquement le vin. C’est grand tant en intensité qu’en longueur. Si on analyse point par point, il est franchement difficile de lui trouver le moindre défaut. Une magnifique incarnation du vin à l’italienne !

100% sangiovese. Vignes de 25 à 45 ans. Vignoble en altitude (450 à 500 mètres). Terroir argilo-calcaire. Mise en bouteilles en janvier 2021. Production limitée à 4.000 bouteilles (dont quelques unes pour ma cave personnelle).

Fabulas Foeminae 2019 (Abruzzo, Terre di Chieti) est disponible dans le magasin.

Riecine Chianti Classico Riserva 2018 (Toscana) est disponible dans le magasin.

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Vinha Grande: classique et chic

Avez-vous entendu parler d’un vin mythique nommé Barca Velha ? Créé en 1952, il est souvent considéré comme l’égal du Vega Sicilia espagnol. Le sommet de ce que le Portugal propose en vin rouge sec.

Ce Barca Velha n’est commercialisé que dans les meilleurs millésimes: sauf erreur, le millésime le plus récent est 2011. Le 2008 et le 2004 ont également été élaborés. A mon grand regret, je n’ai jamais eu l’occasion de vérifier si le mythe est à la hauteur des attentes. Vu le prix demandé pour les rares bouteilles disponibles (plusieurs centaines d’euros), ce n’est pas vraiment surprenant.

Le Domaine qui se cache derrière Barca Velha, c’est la Casa Ferreirinha dans le Douro. Gamme large, dans toutes les catégories de prix, du petit vin sans prétention à la cuvée de luxe. Mettre la main sur le meilleur rapport qualité/prix est un exercice amusant. A ce petit jeu, c’est la cuvée Vinha Grande qui tire le grolleau *.

*: Jeu de mots de type ampélographique, qui tente de faire sourire le lecteur en mélangeant allègrement le gros lot et le cépage ligérien homophone. Bon, pouf-pouf, revenons-en à notre Vinha Grande.

Vinha Grande 2018 est un vin classique, dans le meilleur sens du terme. Il évoque tant St-Emilion que la Rioja. Robe dense, avec des reflets violacés. Il y a du café, des épices et du jambon fumé qui complètent le grand fruit (prune). Le style est plein, rond et savoureux. Tant l’alcool (14%) que le boisé (barriques usagées pendant 12 mois) sont gérés avec maestria. Belle finale, longue et harmonieuse. Vin en demi-puissance, qui trouve le bon équilibre entre concentration et buvabilité. Si dégusté jeune, je suggère un passage par la case “carafe”.

Cépages ? Un classique de la région assemblant tinta roriz, touriga franca, tinta barocca et touriga nacional. Je me souviens d’une époque où le Douro a tenté de se faire une place sur le marché des vins mono-cépages, mais ce n’était vraiment pas en ligne avec la tradition locale.

Je pense que ce vin, un peu cachotier, est capable de se faire passer pour un membre de la famille des liquides prestigieux qui se négocient à un prix bien plus élevé. Autrement dit, Vinha Grande vous en donne pour votre argent.

Pour l’anecdote, le Domaine fournit une information, habituelle voire obligatoire dans l’alimentaire mais plus que rare dans le monde du vin: un verre de 10 centilitres contient 85 kilocalories. Oubliez rapidement ce que vous venez de lire…

Casa Ferreirinha Vinha Grande 2018 est disponible dans le magasin.

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Drink Me: 1 litre de plaisir

Je connais des vins subtils, changeants, un poil compliqués. Ils se révèlent progressivement, jouent avec le dégustateur pour l’amener d’abord sur une fausse piste, évoluent jusqu’au lendemain. J’aime bien ça, parce qu’on ne s’ennuie pas.

Aujourd’hui, virage à 180 degrés: Drink Me, 1 litre de plaisir. Pas compliqué pour un sou, extrême buvabilité, léger et peu extrait. Le rouge qui se sert un peu frais et qui régale les amis, par une belle journée du mois de mai (les amis en avril …ce n’est pas gagné…).

1 litre de plaisir vous regarde dans le blanc des yeux !

Dirk Niepoort a donc encore une fois frappé. Le Portugais qui crée de nouveaux projets dans le vin plus vite que son ombre dégaine cette fois un flacon original, en format 1 litre. Ou 100 centilitres, pour montrer que c’est beaucoup. Je parie que ces grandes bouteilles seront vides avant un tas de bouteilles de 75 cl.

Région: Bairrada, dans le centre du Portugal. Cépage: 100% baga, vignes de 40 ans et plus, certaines étant centenaires.

Grand fruit frais, joli floral, très peu de tannins, ça glisse comme un toboggan bien huilé. Couleur lumineuse, plutôt légère. Fraîcheur, équilibre, alcool modeste (12%). Longueur joyeuse, sur la cerise et la fraise. Un verre appelle le suivant. Heureusement, la bouteille s’y prête !

Fermentation et élevage en cuve inox (pas de passage en bois). Macération carbonique.

Dirk Niepoort himself

Remarque à l’attention des membres du club très “select” des amateurs de vrai baga. Vous avez raison, le 100% baga décrit ci-dessus ne correspond pas à l’image traditionnelle de ce cépage, proche de nebbiolo piémontais ou du xinomavro grec. Les vins de baga sont souvent fort tanniques, avec une certaine sécheresse pendant leur jeunesse: ce sont alors des vins qui bénéficient d’une garde de plusieurs années et/ou d’un vigoureux passage en carafe. Dirk Niepoort s’amuse à montrer et à démontrer que ce cépage est donc polymorphe et qu’il s’exprime avec autant de bonheur dans un registre beaucoup plus accessible !

Et le prix ? Cohérent, c’est-à-dire accessible. € 15,50 pour un litre, soit l’équivalent de € 11,50 la bouteille de 75 cl.

Drink Me est à présent disponible dans le magasin.

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La Madone: volcan !

Le Domaine de La Madone se situe dans l’aire d’appellation Côtes du Forez. D’un point de vue viticole, cette appellation appartient à la Loire. Les sources de la Loire jaillissent à proximité et nous sommes dans le département de la Loire (préfecture: St-Etienne). Cela dit, on a souvent pris le raccourci de limiter la Loire du vin à ce qui se passe entre Muscadet et Sancerre/Pouilly-Fumé, via Anjou, Saumurois et Touraine.

Une fois parvenus à Sancerre, pour rejoindre le Domaine de La Madone, il faut reprendre la route plein sud et rouler pendant …250 kilomètres avant de rejoindre le village de Champdieu, là où est installé Gilles Bonnefoy, le vigneron. Disons qu’il s’agit d’une autre Loire, géographiquement proche du Massif Central. Un autre rapprochement fait du sens: le Beaujolais avec lequel les Côtes du Forez partagent l’usage du cépage gamay.

des pentes vertigineuses…

Poursuivons encore dans notre approfondissement du folklore local: l’appellation Côtes du Forez ne s’applique qu’aux vins rouges et rosés. Pour les blancs, c’est Urfé qui prend le relais. Je ne suis pas sûr que cela facilite la tâche du consommateur.

C’est avec le millésime 2012 qu’Anthocyane a entamé la vente des vins du Domaine de la Madone. Depuis, je n’ai fait l’impasse que sur le seul millésime 2016, non parce qu’il aurait été décevant, mais parce que je n’avais pas trop la tête dans le vin lorsque ce millésime a été commercialisé.

Gilles Bonnefoy, vigneron sur volcan

Gilles Bonnefoy est un type sérieux et très déterminé: il savait que convaincre la presse spécialisée serait une entreprise de longue haleine. Le Forez c’est un Far-West au-delà duquel il n’y a plus rien si ce n’est un gros paquet de volcans éteints. Il a fallu être patient, mais, dans son édition 2020, le guide vert de la Revue du Vin de France présente enfin le Domaine, avec des commentaires très positifs. Un an plus tard (édition 2021), c’est la consécration, via une première étoile.

Le choix du bio a été effectué dès 2001 et la biodynamie est d’application depuis 2008.

Les mises en bouteilles se font de manière précoce, avec un très léger sulfitage, l’élevage des rouges s’effectue exclusivement en cuve inox, les vins du millésime 2020 sont déjà disponibles et c’est donc le moment de les présenter.

En blanc, la Roussanne de Madone 2020. On associe généralement le cépage roussanne à la vallée du Rhône (où elle est souvent assemblée avec la marsanne) ou à la vallée de l’Isère (en appellation Savoie Chignin-Bergeron). Voici la version forézienne: vignes plantées en 2001 dans 100% de roches volcaniques sur le flanc du volcan de Purchon, exposition sud, pente de 45%. Au sommet, la statue de la madone veille sur le village de Champdieu depuis 1875.

En dégustation, le vin ne peut cacher une mise en bouteilles récente: la fougue de la jeunesse l’emporte sur l’harmonie de la maturité. Il me semble qu’il faut lui donner un peu de temps pour se mettre en place. Mais c’est déjà délicieux ! Nez complexe, floral et légèrement miellé, puis fumé comme un pinot gris (agrumes). La bouche commence sur un beau volume en rondeur joyeuse avec de la pêche; progressivement, le vin s’étire vers une finale minérale assez stricte. Quelques amers. contribuent à la tension. Forte personnalité. Pour dompter cet animal, une certaine expérience des vins hors normes sera précieuse.

En rouge, la Mémoire de Madone vieilles vignes 2020. Vignes de 50 ans, 100% gamay, plantées dans 100% de sol volcanique. Rendements limités à 25 hectolitres par hectare. Vendanges manuelles, mise en bouteilles fin janvier 2021.

En dégustation, le vin se montre d’abord réservé puis de plus en plus intense sur des notes fumées et de la cendre. L’équilibre est parfait, la qualité des tannins magistrale, la longueur …persistante. Alcool limité à 12,5%: ce n’est pas de la puissance, c’est de la concentration ! En relisant mes notes, je constate avoir conclu: “C’est un grand vin. Point.” Je me souviens aussi avoir échangé un clin d’œil avec l’importateur. Les mêmes mots, au même moment, nous sont venus aux lèvres: ce 2020 est la meilleure Mémoire de Madone jamais produite. Pratiquement, il n’est pas exclu que ce vin se referme un peu: je recommande soit la carafe, soit deux ans de patience.

Pour l’anecdote, j’ai découvert une autre cuvée élaborée par le Domaine: Les Rougeots du Clos “GamayS sur Granite” 2020. Ce sont de très jeunes vignes (plantées en 2015) de trois cépages différents, tous apparentés au gamay: le gamay de Bouze, le gamay de Chaudenay et le gamaret. Deux cépages semi-teinturiers et un cousin suisse, lui-même obtenu par croisement entre le gamay et le reichensteiner.

En dégustation, c’est du pas banal. La couleur est noire, intense, ourlée d’une écume rouge-violacée. Le nez évoque certains vins du Sud-Ouest: métal, sang et orange amère. Je pense à Madiran. En bouche, c’est dense, mûr et cela goûte puissamment le jus de …mûres ! Charnu, rond avec la fraîcheur qui se dépose sur un fruit puissant. Touche d’animalité. A ce stade, c’est très original (…je me suis demandé si c’était bien du vin…), mais possiblement fatiguant. Suis-je fou de ça ? Non. Néanmoins, ravi d’avoir goûté et touché par la démarche du vigneron. L’intention me charme plus que le résultat dans le verre. Qui sait quand les vignes auront pris un peu de bouteille. NB: ce vin n’est pas importé.

Les vins du Domaine de La Madone sont disponibles dans le magasin.

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colis 6 bouteilles: découverte du Portugal

Pour découvrir différentes régions (Dão, Douro, Vinho Verde, Açores, Bairrada) et différents cépages (touriga nacional, bical, alvarinho, jaen, arinto, …).

Plus d’information sur les vins qui composent le colis dans mes “articles géologiques”: Schiste, Granit, Lave et Calcaire. Voir aussi: Rotulo.

Ce colis de 6 vins portugais est disponible dans le magasin.