
N’est-il point trop tard ? Aurais-je dû boire ceci il y a un lustre ? Suis-je condamné à sucer un squelette que la chair a fui ? Cette cuvée est-elle capable de mystifier le temps qui passe (inexorablement) ?
“Les Rouillères” ont balayé en quelques instants mes doutes existentiels. C’est du cabernet franc, c’est vinifié proprement, ça a été conservé à l’abri des canicules, des sécheresses, des tremblements et des méchants …ça résiste !
Bien sûr, je n’escomptais ni la queue du paon, ni l’explosion psychédélique des goûts et des couleurs. Attentes irréalistes, dégustation désillusionniste, selon le vieil adage ligérien que je viens d’inventer. Sachant qu’il s’agit d’une cuvée plutôt simple, on ne peut être que charmé par l’équilibre dans la verre et par la framboise très pure dans le nez. C’est élégant avec quelques petits tannins mignons et bien fondus pour finir sur une sensation énergique.

Je suis d’autant plus touché que Le Domaine Mabileau produit -bon an mal an- 100.000 bouteilles de Rouillères. On est loin de la mini-parcelle hyper-bichonnée qui finit par accoucher d’une seule barrique. Les Rouillères, c’est la démonstration que l’on peut faire bon et beaucoup. Attention, rendements maîtrisés, il ne s’agit pas de faire pisser la vigne !
Et puis, ce flacon fait remonter les souvenirs à la surface: ce 2011, je l’ai reçu au Domaine, au printemps 2013, lors d’un “voyage d’étude” en Touraine. Après avoir goûté 2011, j’ai décidé d’importer 2012, puis 2013…
Domaine Frédéric Mabileau, à St-Nicolas-de-Bourgueil, Les Rouillères 2011. Vignes de 25 à 40 ans, vendange manuelle, vin issu de raisins de l’agriculture biologique, 12,5% et élevage en cuve inox.
Le Domaine est récemment passé à la biodynamie (Biodyvin).
