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Drink Me: 1 litre de plaisir

Je connais des vins subtils, changeants, un poil compliqués. Ils se révèlent progressivement, jouent avec le dégustateur pour l’amener d’abord sur une fausse piste, évoluent jusqu’au lendemain. J’aime bien ça, parce qu’on ne s’ennuie pas.

Aujourd’hui, virage à 180 degrés: Drink Me, 1 litre de plaisir. Pas compliqué pour un sou, extrême buvabilité, léger et peu extrait. Le rouge qui se sert un peu frais et qui régale les amis, par une belle journée du mois de mai (les amis en avril …ce n’est pas gagné…).

1 litre de plaisir vous regarde dans le blanc des yeux !

Dirk Niepoort a donc encore une fois frappé. Le Portugais qui crée de nouveaux projets dans le vin plus vite que son ombre dégaine cette fois un flacon original, en format 1 litre. Ou 100 centilitres, pour montrer que c’est beaucoup. Je parie que ces grandes bouteilles seront vides avant un tas de bouteilles de 75 cl.

Région: Bairrada, dans le centre du Portugal. Cépage: 100% baga, vignes de 40 ans et plus, certaines étant centenaires.

Grand fruit frais, joli floral, très peu de tannins, ça glisse comme un toboggan bien huilé. Couleur lumineuse, plutôt légère. Fraîcheur, équilibre, alcool modeste (12%). Longueur joyeuse, sur la cerise et la fraise. Un verre appelle le suivant. Heureusement, la bouteille s’y prête !

Fermentation et élevage en cuve inox (pas de passage en bois). Macération carbonique.

Dirk Niepoort himself

Remarque à l’attention des membres du club très “select” des amateurs de vrai baga. Vous avez raison, le 100% baga décrit ci-dessus ne correspond pas à l’image traditionnelle de ce cépage, proche de nebbiolo piémontais ou du xinomavro grec. Les vins de baga sont souvent fort tanniques, avec une certaine sécheresse pendant leur jeunesse: ce sont alors des vins qui bénéficient d’une garde de plusieurs années et/ou d’un vigoureux passage en carafe. Dirk Niepoort s’amuse à montrer et à démontrer que ce cépage est donc polymorphe et qu’il s’exprime avec autant de bonheur dans un registre beaucoup plus accessible !

Et le prix ? Cohérent, c’est-à-dire accessible. € 15,50 pour un litre, soit l’équivalent de € 11,50 la bouteille de 75 cl.

Drink Me est à présent disponible dans le magasin.

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Schiste

9 mois d’hiver, 3 mois d’enfer” est un dicton qui résume la météo de la vallée du Douro, dans le nord du Portugal. C’est une terre extrême, bien connue pour être créatrice du Porto. Le style des rouges “non-Porto” de cette région est habituellement marqué par une certaine chaleur qui se mesure au travers de pourcentages alcooliques élevés, entre 14 et 15%, voire plus. Lorsque le vin est boisé et fortement extrait, le dégustateur peut se retrouver en face d’un véritable Porto sec, à l’équilibre fatigant. La première gorgée est énorme, impressionnante, mais la bouteille a bien du mal à se vider.

Lorsque l’objectif est d’élaborer un vin sec, le vinificateur est confronté à une équation simple: le degré alcoolique du vin est un équivalent du sucre contenu dans le raisin au moment de la vendange. Pour le dire autrement, chaque pourcent d’alcool est la résultante de +/- 17 grammes de sucre par litre de jus. Par exemple, un vin sec qui titre 13% est le fruit (sic) d’un jus de raisin contenant approximativement 221 grammes de sucre par litre.

La quantité de sucre présente dans un raisin lors de la vendange dépend de nombreux facteurs: l’ensoleillement, le cépage, la surface foliaire (plus il y a de feuilles, plus il y a de photosynthèse, plus il y a du sucre), etc…La date à laquelle une parcelle est vendangée dépend d’équilibres complexes: maturité du fruit, maturité des pépins et des peaux, niveau des acides, météo, etc… Cette date est fonction de décisions prises par le vigneron, sur base de mesures et d’une solide dose d’intuition. Au pire, on vendange parce qu’ici on a toujours vendangé vers le 20 septembre: c’est évidemment plus facile à organiser, mais le résultat peut se révéler insatisfaisant.

Luis Seabra est assurément un homme de décisions: il sait ce qu’il veut et surtout ce qu’il ne veut pas. Pour éviter les alcools élevés, il va choisir les parcelles, les dates de vendanges et les techniques de vinification à sa façon. Pour résumer l’affaire crûment, ce Xisto Illimitado titre 12%. C’est vraiment -très- peu dans le Douro.

Ce Xisto Ilimitado ne ressemble donc pas beaucoup à ses cousins: le fruit se soumet à la minéralité. Un tel vin peut surprendre, voire décontenancer. On est sur le terrain de la haute-couture, qui ne s’embarrasse pas d’études de marché, lesquelles sont bien utiles pour le prêt-à-porter.

En dégustation, le vin présente un profil assez sévère. Le nez combine habilement des notes pierreuses et torréfiées (pourtant il ne s’agit pas de bois neuf: l’élevage est réalisé partiellement en fûts de chêne usagés et partiellement en inox), la bouche fait preuve de beaucoup de finesse, dans un univers qui me fait penser au cabernet franc de Loire ou à la mencia espagnole. L’acidité est plutôt élevée. Il y a de la terre, de la pierre et de la fumée. Tannins élégants. Le végétal joue un rôle non négligeable, en particulier à cause d’une vinification en vendange entière, c’est-à-dire conservant tout ou partie des rafles du raisin. Ces rafles macèrent dans le jus, en compagnie des peaux et des pépins et contribuent ainsi à la structure et à l’aromatique du vin.

La longueur du vin, sa persistance aromatique, est absolument remarquable et signe la qualité des terroirs de schiste (xisto = schiste) traduits dans cette bouteille. Ce vin parle certes à voix basse, mais qui l’écoute avec attention vit un moment de grande intensité.

Je n’ai pas encore évoqué les cépages, mais la liste est longue: touriga franca, tinta roriz (tempranillo en Espagne) et tinta amarela jouent les premiers rôles: ensemble, ils représentent 70% de l’assemblage. Celui-ci est complété par rufete, tinta barroca, malvasia preta et donzelinho tinto. Les vignes sont relativement jeunes et proviennent essentiellement des communes de Covas do Douro, juste en aval du village de Pinhão et de Ervedosa do Douro, en amont de Pinhão.

Le vin est très peu sulfité, mais ne présente absolument aucune déviation aromatique: c’est du travail de précision.

Le schiste est partout…

Si vous êtes à la recherche d’un vin à forte personnalité, qui ne laissera personne indifférent, Ce Xisto Ilimitado est un très bon candidat. Je pense que le vin suscitera beaucoup de sympathie …et quelques détracteurs. En tous cas, la conversation sera animée ! Je recommande vivement un passage par la carafe. Ne pas servir trop frais, sans quoi le vin pourrait se durcir.

Ah oui, Luis Seabra ne vient pas de sortir de l’anonymat: il a créé son Domaine en 2012, après avoir été le vinificateur de Dirk Niepoort pendant une dizaine d’années: un sacré diplôme !

Luis Seabra, Douro, Xisto Ilimitado 2018 est disponible dans le magasin.

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Dão Niepoort: classique et d’excellent rapport QP

Niepoort, Dão Rotulo 2016

Dirk Niepoort est un homme de multiples projets. Au Portugal bien sûr, mais également en Espagne, en Autriche, en Allemagne, en Afrique du Sud, …Un vigneron vraiment “larger-than-life”. Il est loin le temps où la marque Niepoort était uniquement associée au Porto.

Rotulo incarne un projet dans la région du Dão: l’étiquette met d’ailleurs un énorme accent sur le nom de cette région, au point que le nom de la cuvée est relégué au verso. On ne voit que Dão !

Paradoxalement, je pense que le prix de ce vin pourrait le desservir: ses qualités gagneraient à être associées à un prix supérieur. La cohérence serait meilleure. Autrement dit, excellent rapport qualité-prix.

En dégustation, je suis frappé par l’équilibre classique de ce vin: finesse des tannins, fraîcheur sans forte “atlantité”, parfaite intégration de l’alcool, transparence de l’élevage. Cela se boit très facilement et chaque gorgée génère un plaisir nouveau.

Si vous êtes à la recherche de quelque chose d’original, de très différent …non… pas ce Dão. Par contre, si vous cherchez le bon vin qui ne déplaira à personne tout en s’accommodant de bien des cuisines, c’est un billet gagnant !

On a affaire à de vieilles vignes (30 à 80 ans), plantées en altitude (600 mètres) dans une géologie granitique, typique de la région du Dão. Les vendanges sont manuelles, la fermentation et l’élevage s’effectuent en cuve-ciment (pas de bois).

On achète ce vin dans le magasin: Portugal, Dão, Niepoort Rotulo 2016

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Dirk Niepoort: le serial-vigneron

Une fois n’est pas coutume, voici deux vins lusophones. Donnons la parole au premier : « moi, Rotulo 2015, je suis un assemblage de trois cépages locaux, le touriga nacional, le jaen et l’alfrocheiro. En fait, comme je proviens de vieilles vignes complantées, il est vraisemblable que d’autres cépages entrent aussi dans ma composition.

Mon père spirituel s’appelle Dirk Niepoort, personnage ubiquiste, qui crée de nouveaux vins partout où il passe. Au Portugal, bien sûr, mais aussi en Espagne, en Autriche et jusqu’en Afrique du Sud.

Qui jette un œil à mon étiquette, verra s’y afficher d’abord et avant tout le nom de l’appellation dont je proviens : Dão, au centre du Portugal. Chez moi, c’est du granit et cela me distingue nettement de mes confrères Douro (schiste) et Bairrada (calcaire).

Je suis un vin sans prétention, traditionnel, frais, élevé 12 mois dans des cuves en ciment (pas de passage par le bois). Je suis copain avec tout le monde, de l’amateur exigeant comme du profane. Je me contente de 12,5% d’alcool, ce qui me distingue de la plupart de mes compatriotes.

Je suis tonique, énergique, juteux et bien pourvu en bons tannins. Je suis à point, mais il n’y a pas urgence à me tire-bouchonner.

Ah oui …on me dit que je suis vendu à un prix très agréable ».

Notre deuxième vin portugais est un autre rejeton de la grande famille de Dirk Niepoort, commercialisé sous le nom du Domaine dont il est issu, la Quinta de Baixo, en appellation Bairrada.

Cette appellation se situe à l’ouest du Dão, en direction de l’océan Atlantique, entre Coïmbra et Aveiro. Elle est sortie d’un relatif anonymat grâce à Luis Pato et à ses cuvées Vinha Formal, Vinha Pan et Vinha Barrosa dont les étiquettes sont illustrées par diverses sortes de canard (en portugais, canard se prononce pato).

Ce Lagar de Baixo 2015 sort de l’ordinaire et de tout ce que l’on croit savoir au sujet du vin portugais. Dirk Niepoort mise ici sur les caractéristiques du cépage baga : peu de couleur, peu d’alcool, beaucoup de fraîcheur, une solide volée de tannins un peu terreux. Et une grande capacité de vieillissement.

En dégustation, il m’a paru fascinant, à la fois tannique et léger, plutôt facile à boire et pourtant d’une personnalité bien trempée. Le bouquet est original, cerise et épices, avec des nuances végétales et de la cendre ainsi qu’une forte minéralité.

Sol calcaire, altitude au niveau de la mer, vignes de 20 ans, vendanges manuelles, élevage de 18 mois en foudres de 2.500 litres. Alcool : 11,5%.

Pour avoir ensuite goûté Poeirinho (la version vieilles vignes du baga, sauce Niepoort), il m’a semblé que Lagar de Baixo constituait un meilleur rapport qualité/prix, la différence de qualité entre ces deux superbes baga ne sautant pas au …nez.

En dégustation le samedi 08 février 2020.