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Dégustation samedi 12 août

Allemagne, Autriche, Grèce et Corse.

Vins blancs, secs, issus du millésime 2022.

riesling, vermentinu, chardonnay, sauvignon, pinot blanc, silvaner, grüner veltliner, assyrtiko, scheurebe.

taux d’alcool moyen: 12,2%.

Les vins participants sont ici.

Commandes jusqu’au mardi 15 août inclus.

A vous de jouer !

Allemagne Alsace Aupilhac Autriche Baden Baudry Beaujolais Belgique biodynamie Bordeaux Bourgogne Castille chardonnay colis Corse Côtes du Rhône dégustation Eric Janin Espagne Franken Galice grenache Italie Jura La Chevalerie Lafage La Madone/Gilles Bonnefoy Le Pas de l'Escalette Loire Marcel Lapierre Muscadet Mâconnais Pas de l'Escalette Paul-Henri Thillardon Pellé Pignier pinot noir Piémont Portugal Raul Perez Rheingau riesling Rioja rosé volcan

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Voici pourquoi venir samedi

Introduction un peu rigolote

Coucou,

Oui, j’ai rassemblé une flopée de chouettes bouteilles, toutes susceptibles d’ajouter un peu de valeur à vos déjeuners champêtres et à vos dîners festifs de cet été 2023. Ce rassemblement de flacons a eu lieu en avril et en mai, avant la chute du ciel sur ma pauvre tête ou, mieux décrit, avant que je ne dégringole des escaliers le 21 mai, avec une colonne vertébrale fort amochée comme conséquence douloureuse.

Merci, je vais mieux, assez bien en tous cas pour vous proposer cette dégustation ce samedi 01 juillet, avec l’espoir de vous attirer en mes quartiers berchemois, avec vue sur prairie et sur moutons qui broutent ladite prairie. Il fera plutôt beau et pas trop chaud, ce qui convient bien à l’exercice proposé.

Mes intentions sont pures, presqu’angéliques, il s’agit de partager, de comparer, de discourir, de rire, bref de vivre agréablement, un verre à la main (pas loin d’un crachoir, ce qui peut, en particulier lors du quinzième vin, se révéler utile) et les sens aux aguets.

Donc, pourquoi venir à cette dégustation ? Outre le fait de venir me dire bonjour, il y aura 15 vins pour rendre hommage à la diversité du vignoble européen, sans tomber dans les pièges tendus par de vils Rastapopoulos, toujours prêts à raconter n’importe quoi pour écouler leurs pinards, en dépit du bon sens.

A propos de bon sens, jetez un œil à un article paru dans So Soir, le supplément publirédactionnel du journal Le Soir, écrit avec les pieds et avec un goût pour l’information exacte qui ne cesse de m’impressionner.

Ce coup-ci, c’est « Quel est l’alcool le moins calorique à siroter en terrasse ? ». D’abord, j’adore les articles dont le titre se clôt via un point d’interrogation. Mais soit. Voici donc la science telle que scribouillée par l’autrice du susmentionné papier: « Il suffit de retenir une chose: moins la teneur en alcool est élevée, moins la boisson contient de sucre et donc, moins elle est calorique ».

Non. Non, non et non. Quel charabia. Ce n’est pourtant pas compliqué: pour définir la charge calorique d’une boisson alcoolisée, il faut totaliser les calories apportées par le sucre et celles apportées par l’alcool. Un vin moelleux avec un degré alcoolique très faible (10%) peut ainsi se révéler plus calorique qu’un vin sec à 13%.

On continue: prétendre que le Champagne serait par nature moins calorique que le vin est une ânerie ou un fait alternatif propagé avec habileté par les ambassadeurs de la boisson qui bulle. Les règles sont les mêmes pour toutes les boissons, un gramme d’alcool dans une flûte pèse le même nombre de calories que ce même gramme d’alcool dans un verre à vin. Bien sûr -et vive la désinformation !- si on compare 8 centilitres de Champagne à 12 centilitres de vin, le verre de vin sera sans surprise le plus calorique.

Je note également que le rhum serait presque deux fois plus calorique que le whisky. Me voici hors de ma zone de confort, mais, franchement, cela vous paraît crédible ? N’hésitez pas à m’éclairer sur le sujet.

Mais voilà que je digresse sans fin et que je perds le lecteur pressé qui s’attendait à ce que je lui parle des vins en dégustation ce samedi. Nous y voilà.

Les vins en dégustation

Tous les vins en dégustation sont rassemblés ici

Les vins blancs

A propos de Rastapopoulos, on commence par Atma 2022, une nouveauté dans la gamme du Domaine Thymiopoulos (Macédoine, en Grèce septentrionale), grand spécialiste du cépage noir xinomavro.

Atma est pourtant un vin blanc, assemblage du rare cépage local malagousia et du xinomavro vinifié comme un vin blanc, en évitant de laisser les peaux des raisins en contact avec le jus de ces mêmes raisins. Cela demande du doigté et de la maîtrise. Vin aromatique, frais et joyeux, idéal à l’apéro. Léger en alcool (12%), original sans être exotique.

Voici un nouveau Domaine dans le centre de la France, entre Loire et Massif Central, Les Bérioles, avec deux vins: Trésaille et Aurence. Trésaille est un 100% …tressallier, cépage autochtone du nord du Massif Central. Remarquez le cépage prend deux « s » et que le nom de la cuvée n’en prend qu’un. Comme il est élaboré sans 50%+ de chardonnay, il n’a pas droit à l’appellation St-Pourçain. Terroir calcaire, élevage sans bois, léger en alcool (12,5%). Vin bio. Nez aromatique: abricot puis agrumes, épicé, une touche de fenouil. Bouche dotée d’une belle colonne vertébrale acide (aucune allusion à mes soucis de santé), avec de la longueur.

Aurence est en appellation St-Pourçain, grâce à l’assemblage du chardonnay et du tressallier. Terroir calcaire, élevage sans bois, léger en alcool (12,5%). Vin bio. Le nez est citronné, la bouche dense, salivante et précise. Peut se faire passer pour un beau Bourgogne (sans la présence du boisé).

Direction la Corse, au Domaine Yves Leccia, pour un assemblage de 60% vermentinu et 40% biancu gentile. Elevage sans bois. Nez sur l’orange. Bouche agréablement sudiste, confortable et intense. L’alcool ne marque pas le vin, il joue son rôle en arrière-plan. L’équilibre est obtenu par une conjonction d’acidité et de légère amertume, classique avec le cépage vermentinu.

Le Domaine Pignier fait partie de l’élite du Jura, tout en pratiquant des tarifs qui ne sont pas ceux des stars de la région (suivez mon regard). Voici l’étonnante cuvée GPS, assemblage complexe de chardonnay, poulsard et savagnin, avec une pincée de « vieux cépages » dont nous ne saurons rien de plus. Vinification sans soufre ajouté. Vin biodynamique Demeter. Il ne s’agit pas d’un vin de type oxydatif. Couleur tirant sur le laiton. Grande finesse et élégance du nez, avec des arômes du verger (pomme et poire).

La bouche est saline, fraîche, avec une acidité traçante jusqu’à une finale nette, sèche et précise. Grande longueur. Je suis toujours aussi impressionné par la gestion du bouleversement climatique: en 2018, les vins de Pignier étaient devenus massifs, presque lourds, avec un alcool élevé. Le Domaine a réagi avec détermination et célérité. Les millésimes récents ont retrouvé un équilibre beaucoup plus digeste (12,5%). Bravo !

On conclut la dégustation des vins blancs en franchissant les Pyrénées, jusqu’au sud de la Catalogne, en appellation Priorat. Nous sommes au Mas d’en Gil, domaine phare de cette région passionnante. Ce Bellmunt blanc est décrit par le Domaine (qui ne manque jamais d’humour grâce à la vigneronne Marta Rovira) comme: A wine to be drunk for breakfast, lunch and dinner. Je n’irais pas jusqu’au petit déjeuner, mais voilà en effet un vin gastronomique capable de s’adapter à moult situations différentes. Assemblage de grenache blanc et d’un peu de viognier, plutôt jeunes vignes (plantées en 2000 et 2008), sur terroir de schiste, peu chargé en alcool (13,5%) en comparaison de la plupart des Priorat. C’est officiellement l’entrée de gamme, mais au niveau de vins bien plus chers. Vin bio. A titre personnel, j’attendrai 2024 pour déboucher ma première bouteille.

Les vins rosés

Une fois n’est pas coutume, deux rosés en dégustation. Si on ne le fait pas le 01 juillet, …on ne le fait jamais.

D’abord Miraflors 2022, du Domaine Lafage en Roussillon. Année après année, la meilleure vente d’Anthocyane. Quel que soit le millésime, le couple Lafage se débrouille pour présenter un produit sec, frais, polymorphe, facile sans être simpliste, léger en alcool (12,5%), d’un prix fort raisonnable et habillé par une bouteille si élégante qu’il est difficile de la jeter: chez moi, elle fait office de carafe d’eau.

Vais-je tenter de vous vendre un rosé allemand, élaboré par un domaine qui porte un nom anglais ? Oui. Avec beaucoup de conviction. Je sais que ce n’est pas gagné, mais je me sens pleinement sur mon terrain et donc je m’obstine. La Shelter Winery est un grand spécialiste du pinot noir. On se situe en Baden, près du Kaiserstuhl, à un carreau d’arbalète de l’Alsace.

Rosé de Noir 2022 est peu coloré, avec un nez de fraise. Quelle élégance ! Ce n’est pas un vin pour barbecue ! Mais quelle belle source pour créer des accords gastronomiques estivaux et raffinés. C’est un très beau pinot noir qui est également un vin rosé. Techniquement, il s’agit d’une saignée, réalisée sur l’ensemble de toutes les cuves du Domaine.

Les vins rouges

Le premier rouge permet un passage tout en douceur entre rosé et rouge, ni vu ni connu ! Les Maiols est un vin rouge, mais de rouge vraiment très clair. Ou alors rosé foncé. Enfin, chacun fera son choix.

On est en Catalogne, au Domaine Joan d’Anguera.

Jeunes vignes de grenache, plantées entre 2012 et 2017. Géologie calcaire et sablo-calcaire. Biodynamie, non revendiquée sur l’étiquette. Vendanges manuelles. Du soufre, mais très très peu. Levures indigènes. Elevage en cuve béton (9 mois) et en barriques usagées (3 mois). Ce sont les jeunes vignes de la parcelle qui fournit les raisins pour la cuvée Altaroses.

Projet parallèle des frères Joan et Josep, à côté de leurs grands vins, en appellation Montsant. Nouvelle cuvée. Esprit rock ‘n’ roll sans fausses notes ni dissonances.

Nez fin, sans exubérance. Attaque légère et délicate. Plus de poids en milieu de bouche. Un petit côté salivant qui donne du peps à la finale. Sans verser dans les clichés, un très bon vin pour le jardin et l’été ! Peut se servir frais.

Tant qu’à explorer les multiples identités du grenache contemporain, remontons vers le Languedoc, jusqu’au Domaine Magellan. Cette cuvée astucieusement dénommée Le Grenache fait dans la simplicité directe et sans fioritures. Cela ne fera pas les titres de la presse spécialisée, mais c’est équilibré, plein, charmant, juteux, fruité. Un peu de fraise, un peu d’orange sanguine. Et le prix est excellent. Et c’est bio. Et c’est élevé sans bois. Et ce sont de vieilles vignes, plantées dans un terroir sableux. Cela peut sembler contre-intuitif, mais les terroirs de sable donnent régulièrement des vins de grande finesse.

En 2021, les circonstances du millésime ne se prêtaient vraiment pas à la production des Raisins Gaulois, le p’tit Beaujolais festif du Domaine Marcel Lapierre. Notre patience est pleinement récompensée par l’arrivée de ce 2022. L’incarnation d’une gouleyance ? C’est léger en matière comme en alcool, c’est désaltérant, ça coule avec une déconcertante facilité. C’est bien entendu du pur gamay, sans élevage boisé. Et puis, quand on s’arrête un instant, on s rend compte qu’il y a aussi un joli fond et un peu de glycérine. Oubliez le pour accompagner l’entrecôte, mais tentez des accords pour lesquels le premier réflexe nous conduit à choisir un vin blanc.

Ne stockez pas en perspective de l’été 2024, c’est fait pour avoir été bu avant que 2023 ne nous quitte.

Moyenne d’âge des vignes: 15 ans. Géologie granitique, vendanges manuelles. Vignes cultivées sans engrais ni désherbant chimique. Légèrement sulfité uniquement à la mise en bouteilles, comme le Morgon « S » de ce même Domaine Lapierre. Tant que j’y pense ce Morgon 2022 est disponible dès maintenant.

Le 29 avril, j’avais placé sur le bar une cuvée assez bluffante, en provenance du sud-ouest de la Corse, d’une grande délicatesse: Rosumarinu. Je pense que 90% de ceux qui l’ont goûté en ont acheté. Cela n’est pas si courant, ce vin se débrouille super bien pour plaire à des amateurs aux goûts hétérogènes.

Le Domaine Sant Armettu a d’autres atouts dans sa manche: ce Mino (ce mot corse peut se traduire par « petit ») constitue l’entrée de gamme, mais, au vu de la qualité, j’ai un peu de mal à le désigner de cette façon. C’est un assemblage de sciaccarellu et de niellucciu, le premier apportant la finesse et l’aromatique, le second se chargeant de la fraîcheur et de la structure tannique. A ce stade de son développement, le sciaccarellu s’impose dans l’équilibre. on goûte des épices, du poivre, de la cannelle. je me risquerais bien à les rapprocher d’un vin de Toscane. Le vin est plutôt concentré, il est juteux et précis. En français contemporain: il est d’une grande buvabilité. Elevage en inox (pas de bois). C’est bio.

Et voici le classique entre les classiques: Les Sorcières du Clos des Fées 2022. On peut être décontenancé par la faconde para-narcissique du vigneron, mais difficile -même en cherchant beaucoup- de trouver un défaut à cette incarnation du bon vin rouge universel, assemblage bien dosé de cépages du grand sud, avec beaucoup de syrah. Ceux d’entre vous qui me connaissent bien savent ma méfiance pour les syrah du Languedoc et du Roussillon: elles manquent souvent de finesse aromatique, la syrah donnant l’impression d’avoir été brûlée par l’implacable soleil. Eh bien, ces Sorcières évitent allègrement ce piège classique ! Cerise sur le gâteau: la maîtrise de l’alcool malgré le chaud millésime (13,5%).

On termine avec deux vins plus puissants, avec du muscle et de la présence. D’abord, une nouveauté: le Domaine Gassier en appellation Costières de Nîmes.

Costières de Nîmes est cette appellation dont on se demande toujours si elle fait partie du Languedoc ou du Rhône. Située entre Nîmes et Arles, selon un axe nord-est, sud-ouest, c’est bien une appellation rhodanienne. Le Domaine se situe dans le village de Caissargues, à un kilomètre du Château de Nages.

Nostre Païs provient d’un terroir de galets roulés, comparable à celui de Châteauneuf-du-Pape. Assemblage classiquement dominé par le grenache: la présence du mourvèdre et de la syrah lui confèrent de la structure. Nez aromatique, friand, frétillant. Bouche riche et confortable, soutenue par une acidité de bon aloi. Cerise et poivre. Minéralité (graphite).

Enfin, nous clôturons en rouge comme nous l’avons fait en blanc: Mas d’en Gil Priorat Bellmunt 2019. En effet, 2019: c’est bien le millésime actuellement à la vente au Domaine. D’abord élevage de 10 mois en fûts, ensuite élevage en bouteilles avant commercialisation.

Assemblage très traditionnel, c’est-à-dire uniquement grenache et carignan. Ni syrah, ni cabernet sauvignon. Vignes sur schiste, plantées entre 1994 et 1998.

Vin évidemment puissant qui doit être apprivoisé avant dégustation: offrez lui soit la carafe, soit un peu de temps dans votre cave. Je souligne volontiers que le prix, même s’il se situe au-delà des vingt euros, est très raisonnable, dans le contexte de Priorat, appellation suscitant une forte demande mondiale.

Conclusion (qui va de soi)

On se voit samedi ? Que vous veniez ou pas, je prends les commandes jusqu’au mardi 04 juillet inclus, de préférence via le magasin en ligne.

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Les Crus de l’Anjou blanc : ne pas perdre le chenin

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Le chenin est l’un des plus grands cépages blancs du monde. Véritable révélateur de terroir, il permet aux vignerons travaillant dans ce sens de nous faire goûter aux différents terroirs ligériens dans leur spécificité de structure et de profil car il transmet à ses raisins les sols dont il est issu. Cépage plastique par excellence, il laisse d’abord s’exprimer son lieu de naissance.

Co-président du syndicat Anjou Blanc, Patrick Baudouin, vigneron à Chaudefonds sur Layon, dessine la situation présente de ce cépage en Anjou : 

les surfaces plantées de chenin blanc ont diminué de moitié depuis les années 1950, et les blancs secs d’appellation  représentent aujourd’hui moins de 20 % de la zone. La production d’Anjou est pour moitié une production de rosé. A leur création, dans les années ’50, les appellations de chenin en Anjou parlaient terroir, vignerons, amateurs de vins et n’enfermaient pas le chenin dans des vins moelleux et liquoreux. A partir des années ’90, ceux-ci se sont imposés. Or le modèle économique de ces vins avec sucre important est désormais à bout de souffle.

D’où la naissance d’un projet de Crus en blancs secs pour éviter de marginaliser, voire de perdre ce merveilleux cépage.

Le projet des Crus d’Anjou blanc sec

Son étude a été lancée il y a 20 ans par une réflexion d’ensemble sur la problématique menée sous la férule de la tête pensante du projet, Patrick Baudouin. Il s’agissait de redonner ses lettres de noblesse à l’expression mixte du chenin sur des terroirs qui sont capables de produire à la fois des secs, des demi-secs et des liquoreux même si la zone du Layon a connu une première renaissance à partir de 1988 grâce à la production de liquoreux de terroirs, sans chaptalisation.

Les vignerons se sont appliqués, ils ont étudié et ont ainsi redécouvert la capacité du chenin à produire aussi de grands blancs secs différents les uns des autres en fonction des millésimes et des lieux-dits. A l’aboutissement de ce long travail, un cahier des charges spécifiquement Crus a été élaboré et voté par des vignerons établis sur 5 terroirs :  encépagement 100% chenin, degré minimum plus élevé en l’absence de toute chaptalisation, vendange manuelle, élevage prolongé et sélection des parcelles.

Cinq terroirs en Crus

le vignoble des Treilles

Ce travail de réflexion approfondie a donc conduit des vignerons à définir des crus autour de lieux-dits qualitatifs, qui reprennent à la fois le patrimoine historique de connaissances des parcelles et les acquis plus récents de la cellule terroir de l’INRA d’Angers. Un dossier a été déposé auprès de l’INAO en vue de la reconnaissance de 5 Crus. Le plus vaste, Montchenin s’étend sur 63 ha et regroupe 8 vignerons. Le plus petit est La Tuffière, une sorte d’exception viticole de 2,43 ha implantée sur la rive nord de la Loire dans le Baugeois, et exploitée par un seul vigneron. Les Bonnes Blanches, couvre une surface de 11 ha travaillés par 5 producteurs. Quatrième territoire Ardenay recouvre un lieu-dit de 13 ha que se partagent 3 vignerons. Enfin le projet inclut aussi Les Treilles 2,7 ha à Beaulieu sur Layon, rendu célèbre par l’œuvre de Jo Pithon mais aujourd’hui en d’autres mains.

Dans un avenir plus ou moins proches d’autres zones devraient également entrer dans ce projet en introduisant leurs dossiers de reconnaissance Crus auprès de l’INAO. On attend ainsi avec impatience une appellation de chenin sec qui serait sur Chaume et Quarts-de-Chaume.

Philippe reprend la plume à partir d’ici pour suggérer de mettre en parallèle l’article ci-dessus avec le Ronceray du Clos Galerne:

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Oyez, oyez, demandez le programme !

samedi 29 avril: dégustation d’une quinzaine de très bons vins

Je me réjouis de partager une série de vins que j’ai eu l’occasion de goûter moi-même pour la plupart en mars et en avril. Beaucoup de vins ont été éliminés pour cause de banalité, de déséquilibre ou de rapport qualité/prix peu excitant. Restent donc ceux qui sont sortis vainqueurs de mes dégustations récentes: ils ont successivement convaincu leur importateur, puis votre serviteur.

Je privilégie la diversité: domaines encore peu connus, destinations exotiques, nouveau millésime ou nouvelle cuvée issus de domaines que j’apprécie -que vous appréciez- depuis longtemps et vrais classiques.

Mon goût personnel m’oriente en priorité vers les vins élégants, pas trop chargés en alcool et peu marqués par leur élevage. Je m’intéresse à la complexité (multiplicité des arômes), à la longueur (persistance en bouche), à l’équilibre (harmonie entre les goûts), à l’intensité (concentration et énergie) et à la spécificité (originalité, personnalité). Si vous souhaitez mieux connaître ma grille de lecture du vin, j’y ai consacré une explication détaillée.

Et donc, quel programme ? Doublettes !

Pour la première fois, voici deux vins en provenance de Chypre, plus précisément du Domaine Kyperounda. D’accord, c’est vachement exotique, mais la presse spécialisée s’accorde pour affirmer qu’il s’agit du meilleur Domaine de l’île. Caractéristiques: un vignoble en haute altitude (plus de 1.300 mètres) et le cépage xynisteri que vous ne trouverez nulle part ailleurs.

Après l’Europe presqu’asiatique, voici l’Europe presque belge, puisque je vous propose deux vins lorrains, en appellation Côtes de Toul, issus d’un cool climate: tant l’auxerrois (blanc sec) que le pinot noir offrent délicatesse et jolie concentration. Avant le déferlement du phylloxéra, la Lorraine comptait des milliers d’hectares de vignes. Au milieu du 20ième siècle, il en restait …150 hectares. Le Domaine Vosgien fait partie d’une petite élite bien décidée à redorer le blason de la région, en blanc comme en rouge.

Ah, voici un domaine que je suis depuis bientôt 10 ans: le Domaine de La Madone, en appellation Côtes du Forez, entre Lyon, Roanne et les contreforts du Massif Central. Le Gamay sur Volcan est une valeur sûre, et je choisis cette fois de faire goûter également le Gamay sur Granit, encore appelé Dacite. Juteux, souriant, frais, top. Le Domaine travaille en biodynamie et n’utilise le soufre qu’en quantités minimales.

Une autre excursion exotique, vers la plaine de la Bekaa, au Liban. Comme pour les deux Chypriotes cités ci-dessus, il s’agit d’un vin de haute altitude (1.400 mètres), 100% issu du cépage cinsault. Peu de couleur et beaucoup d’arômes. Pas de tannins et une vraie personnalité. Ne ressemble pas aux cinsault français: le Domaine Terre Joie incarne le cinsault libanais. Pour le vérifier, voici Ze Cinsault du Domaine du Pas de l’Escalette en millésime 2020: il porte avec panache un profil qui peut sembler chaud (15%). Or, non, ce qui frappe c’est une combinaison gagnante entre finesse et fraîcheur, qui repose sur des petits tannins de qualité.

Je ne résiste pas à placer dans la dégustation le pinot noir 2020 du Domaine Knab. On est en Allemagne, à quelques kilomètres de la frontière avec l’Alsace. Le millésime 2019 a connu un grand succès -largement mérité- et ce nouveau millésime me semble confirmer les qualités du précédent. Si vous aimez jouer, glissez ce vin « à l’aveugle » au milieu d’une série de Bourgognes de belle qualité …et puis appréciez les commentaires des dégustateurs ! Les vieilles vignes, le terroir volcanique, l’élevage intelligent composent ensemble un tableau de toute beauté. Voyons également ce que ce même Domaine est capable de faire avec ses vieilles vignes de chardonnay. Ce 2021 pousse le dégustateur à éviter tout jugement à l’emporte-pièce: ce blanc peu boisé fait dans la nuance, c’est un discret qui murmure plus qu’il ne crie. Mais quel joli murmure ! Prenez le temps de l’apprécier.

Coïncidence heureuse: deux importateurs m’ont proposé chacun un Domaine de Corse: Yves Leccia d’une part, Sant Armettu d’autre part. Le nord et le sud de l’île, Patrimonio face à Sartène. E Croce 2020 est élaboré avec du nielluccio, le nom local du sangiovese italien que l’on retrouve entre autres en Chianti et en Brunello. Ce vin présente une couleur assez pâle, un nez fin et subtil. En bouche, c’est un vrai vin du sud, mais sans donner à l’alcool un rôle inopportun. Bons tannins qui doivent encore se fondre. Rosumarinu 2022 présente une robe encore plus claire et un nez aérien, pur et délicat. La bouche est fraîche et infusée, presque sans présence tannique: c’est un 100% sciaccarellu, un cépage que l’on compare régulièrement au pinot noir.

On se projette vers le nord, pour se retrouver en Loire occidentale. D’abord en pays nantais avec la Folle Blanche 2022 du Domaine Luneau-Papin: ce cépage, souvent dédaigné, est capable du meilleur lorsque ses rendements sont limités. Un parfait compagnon pour les fruits de mer et un tout aussi sympathique apéritif. Puis en Anjou pour découvrir une nouvelle cuvée du Clos de Galerne, Domaine jeune mais très prometteur. Ce Ronceray 2021 est élaboré avec des parcelles traditionnelement dévolues à l’élaboration de vins liquoreux (Chaume premier cru et Quarts-de-Chaume grand cru): le vigneron, Cédric Bourez, vinifie ces raisins en sec et crée un vin de feu et de sel !

Et pour finir en apothéose, Château Le Puy Emilien 2020, un Bordeaux de style traditionnel. Cela ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais je suis convaincu que certains amateurs en seront fous ! Une expression du merlot qui évoque un monde franchement « pré-parkérien »: si vous aimez le Bordeaux tel qu’on le fait généralement aujourd’hui, avec beaucoup de tout (couleur, alcool, boisé, euros, …), je vais vous perturber en vous confrontant à l’antithèse de ce qui précède. Emilien est plein d’arômes de fruits rouges, avec quelques nuances forestières. Les tannins sont veloutés, il y a beaucoup d’énergie ! C’est prêt à boire, mais peut se conserver au moins 20 ans.

Vous êtes les bienvenus ce samedi 29 avril, à partir de 10 heures. Il n’est évidemment pas nécessaire de participer à la dégustation pour commander les vins qui y sont présentés.

Nous aimons tous avoir le choix, mais nous n’aimons pas forcément choisir. C’est un paradoxe qu’il est facile de contourner: sur base de l’information que vous me transmettez, je me charge avec plaisir de vous soumettre une proposition personnalisée. Vous ne m’ennuyez pas, vous me faites plaisir !

Je rassemble toutes les commandes le mardi 02 mai, en fin de journée. Vous pouvez passer votre commande via le magasin en ligne ou via e-mail (en mentionnant la référence du vin, pour éviter tout éventuel malentendu).

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Le voyage en Rioja (jour 5): le retour

C’est simple: nous avons pris le petit déjeuner, fait nos bagages et pris la direction de l’aéroport de Bilbao.

Je retiens de ce voyage l’accueil, aussi professionnel que sympathique. Partout. Malgré une relation parfois difficile avec l’anglais.

Je retiens la découverte de la grande diversité des vins blancs: rien en commun entre Viña Tondonia Reserva (Lopez de Heredia), Olagar (Remirez de Ganuza), 5V (Abel Mendoza) et Miguel Merino Blanco si ce n’est la qualité !

Je retiens que les vins rouges modernes ont changé de cap vers plus de fraîcheur et un usage plus intelligent de la barrique française: en un mot ces rouges modernes sont aussi intéressants que les vins rouges traditionnels.

Je retiens le bouillonnement d’idées et la multiplicité des approches: la région est vivante (même si les villages paraissent parfois dépeuplés) et elle n’a pas peur d’essayer, de changer, de se remettre en question. Bien sûr, Lopez de Heredia ne change RIEN, JAMAIS. Et c’est très bien comme ça !

Je retiens que les prix des bouteilles, certes élevés, sont cohérents par rapport à la qualité. Trouvera-t-on facilement un grand Bourgogne, un grand Bordeaux, un grand Barolo pour moins de € 50 ? C’est bien avec ces régions-là qu’il convient de comparer ! Nous avons rendu visite aux meilleurs Domaines, ceux que Tim Atkin considère comme l’équivalent des 1ers et 2ièmes crus classés à Bordeaux. Cela se paye, vu l’importance de la demande mondiale.

Je retiens que la météo s’est montrée clémente: il n’a vraiment plu que sur la route du retour, vers l’aéroport.

Je retiens que notre logement était fantastique: Palacio Condes de Cirac.

Je retiens que les Domaines que nous avons visité proposent leurs vins en Belgique. Parfois les millésimes goûtés en Espagne ne sont pas ceux qui sont disponibles en Belgique aujourd’hui. Parfois une cuvée spécifique est épuisée ou n’est pas importée.

Anthocyane vous propose:

3 cuvées du Domaine Lopez de Heredia: Viña Cubillo Crianza 2015 (€ 18), Viña Bosconia Reserva 2011 (€ 29) et Viña Tondonia Reserva 2010 (€ 40).

3 cuvées du Domaine de la Rioja Alta: Viña Ardanza Reserva 2015 (€ 35), Viña Arana Gran Reserva 2014 (€ 40) et « 904 » Gran Reserva 2011 (€ 60).

5 cuvées du Domaine Artuke: Artuke 2021 (€ 11), Pies Negros 2021 (€ 17,50), Finca de Los Locos 2020 (€ 26), Paso Las Mañas 2020 (€ 31,50) et Trascuevas 2020 (€ 35).

2 cuvées du Domaine Abel Mendoza: Las Sepulturas 2018 (€ 18) et Seleccion Personal 2019 (€ 40,50).

3 cuvées du Domaine Roda: Sela 2020 (€ 22), Roda Reserva 2019 (€ 36), Roda I Reserva 2018 (€ 57,50).

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Le voyage en Rioja (jour 4): Roda

Si vous êtes allés à la Rioja Alta et/ou chez Lopez de Heredia, trouver le Domaine Roda est extrêmement simple: c’est juste à côté, dans le quartier de la gare. Paradoxe: Roda est un domaine de style moderne, créé dans les années ’80 du siècle dernier. Le premier millésime est 1992.

L’architecture impressionne: une véritable cathédrale contemporaine, dédiée au vin. Tout a été minutieusement réfléchi. Le lieu est la traduction d’une vision, d’une volonté de faire plus que très bien.

Difficile d’ignorer où nous sommes…

Nous sommes reçus par Edurne Ereña Aparicio: elle nous guidera avec grande compétence entre les foudres et les barriques, dans les caves souterraines et jusqu’aux rives de l’Ebre. Elle passe de l’anglais au français avec une confondante facilité. Elle a un vrai talent de narratrice et sait capter l’attention, tout en gardant un œil sur la montre. Bravo !

Monumental, immaculé, esthétique…
Edurne, notre hôtesse et les 6 vins dégustés chez Roda. La petite bouteille au centre, c’est l’huile d’olive…

Nous goûtons toute la gamme des vins rouges, ceux de la Rioja mais aussi ceux en provenance de la Ribera del Duero.

Sela est une entrée de gamme très réussie: un vin certes facile à boire, mais capable de bien se tenir lorsqu’on le goûte à nouveau, après les grandes cuvées. Roda est la cuvée « fruits rouges », Roda I est la cuvée « fruits noirs ». Il n’y a pas de parcelles dédiées à l’un ou l’autre vin, tout dépend des conditions climatiques du millésime.

Nous avons l’opportunité de goûter Cirsion, cuvée super-luxueuse dont le prix est totalement dissuasif. C’est très bon (…heureusement…), mais, à ce stade, je ne perçois pas la valeur ajoutée par rapport à Roda et Roda I qui m’enchantent par la précision et la délicatesse de leur matière. Oh bien sûr ce sont des vins puissants, bardés de tannins et construits pour la garde, mais je suis très agréablement surpris par l’équilibre plutôt frais de ces deux vins. On a l’impression que Roda évolue vers « toujours mieux » en remplacement bienvenu de l’ancien « toujours plus ».

source: site Internet du Domaine

Roda, c’est aussi le Domaine La Horra en Ribera del Duero. Je m’attendais à des vins marqués par l’extraction, par un boisé généreux et par un alcool chaleureux. Surprise à nouveau: Corimbo et Corimbo I sont des vins plus classiques et plus abordables que je ne me l’imaginais. L’écart qualitatif entre ces deux cuvées me paraît plus important que pour les cuvées Roda. Autrement dit, Corimbo I est magnifique !

Anthocyane propose 4 cuvées du Domaine Roda: Sela 2020 (€ 22), Roda Reserva 2019 (€ 36), Roda I Reserva 2018 (€ 57,50), Corimbo I Reserva 2016 (€ 54)

Difficile de ne pas rajouter un paragraphe relatif au restaurant où nous avons dîné samedi soir: La Vieja Bodega à Casalarreina. Le lieu est très grand, dans un style rustique de bon aloi. On y mange une cuisine régionale goûteuse et copieuse. Même les desserts sont réussis ! Le sommelier est un vrai passionné: nous nous comprenons, même si son anglais est à peu près aussi mauvais que notre espagnol.

Evidemment, il faut se plonger dans la carte des vins, collection de diamants facturés au prix du charbon. On n’en croit pas ses yeux ! Et nous avons fini la soirée dans les anciennes caves qui se situent en dessous du restaurant, à grande profondeur.

Nous y avons (entre autres…) goûté ces deux vins-ci:

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Le voyage en Rioja (jour 3): la modernité

Petit déjeuner à 08h00, les moteurs tournent à 08h30 tapantes: nous avons rendez-vous dès 09h00 et il faut rouler vers l’est, vers le village de Baños de Ebro, là où se niche le Domaine Artuke.

Voici Artuke: c’est évidemment moins impressionnant que les Domaines sis à Haro.

Lorsque Arturo de Miguel (le vigneron) apparaît, il propose immédiatement de nous rendre dans les vignes: excellente idée ! En quelques minutes nous arrivons à la parcelle Finca de Los Locos, un vignoble d’altitude (550 mètres) qui doit son nom au fait que les vignerons de la vallée ne comprennent pas pourquoi il faut aller si loin pour faire pousser la vigne. L’explication est pourtant simple: la géologie permet de faire de bien meilleurs vins ici ! Et les rendements sont moindres. Une large majorité de tempranillo, mais aussi du graciano et de la viura. Le vin de cette parcelle en porte le nom.

Arturo explique avec force que c’est la parcelle qui compte, pas le strict respect des élevages traditionnels. Chez Artuke, aucune bouteille ne porte les mentions crianza, reserva, gran reserva. Donc plus de liberté pour adapter l’élevage aux caractéristiques de la parcelle et du millésime.

Finca de Los Locos: il faut être fou pour entretenir cette parcelle très éloignée du village, où les rendements sont faibles. C’est bien pour cela qu’elle intéresse Arturo !

A noter que nous sommes ici en Rioja alavesa, c’est-à-dire en Pays Basque. Essayons de ne pas heurter une éventuelle susceptibilité…

Le Domaine, créé par les parents d’Arturo en 1991, s’étend sur 22 hectares et 32 parcelles, disséminées sur quatre villages.

La gamme se compose de sept vins. Nous allons tous les goûter sur le millésime 2021 (avec une exception 2022 pour le petit dernier). Pies Negros est un vin d’assemblage de plusieurs parcelles. On se rend rapidement compte que l’approche est bourguignonne (vin régional, vin de village, 1er cru, grand cru) même si Arturo insiste pour ne pas entretenir la confusion: avec du tempranillo, on ne fera jamais du pinot noir.

On peut risquer ici une comparaison avec l’évolution en Allemagne: de plus en plus, les vins d’élevage font place aux sélections parcellaires.

Les crus sont remarquables, avec de mon point de vue, un fort coup de cœur sur Paso Las Mañas, vin concentré, frais et épicé, avec des arômes de cerise et de framboise. La parcelle se situe à 720 mètres, sur le territoire de la commune de Samaniego. Le boisé (français) est discret.

Nous nous apprêtons à goûter le cru El Escolladero (vivement le Coravin qui permet d’avoir accès à ce vin sans retirer le bouchon).

Tim Atkin est un journaliste britannique considéré comme l’un des meilleurs connaisseurs de la Rioja. Il publie chaque année un rapport consacré à la région. La version 2023 vient de paraître : 218 pages d’information approfondie.

Le seul vin auquel il accorde la note de 100/100 est La Condenada 2020 du Domaine Artuke: une belle récompense pour le travail fourni !

La Condenada, dans le petit village de Baños de Ebro, est une des parcelles les plus spectaculaires de la Rioja. Ce vignoble, planté en 1920, contient 80% de tempranillo + graciano, grenache et palomino. Le terroir, à dominante de sable, se situe à 560 mètres d’altitude. La vigne doit son nom de condenada (condamnée) au fait qu’elle a été sauvée de l’oubli par les « frères Artuke ». Le vin est élevé en barriques de 600 litres, pendant 14 mois. Les quantités produites sont extrêmement limitées, le prix …

Les deux parcelles « grand cru » (cette qualification est officieuse) et la nouvelle cuvée de blanc, une première pour le Domaine.

La cuvée d’entrée de gamme s’appelle simplement Artuke et elle est élaborée en macération carbonique, selon une ancienne tradition locale (avec foulage aux pieds, en lagar). Cette cuvée ne passe pas par le bois et se caractérise par un fruité frais et éclatant. Le rapport qualité/prix est ébouriffant ! Epoustouflant ! Excellent ! Cela fait longtemps qu’Anthocyane la propose et ce n’est pas cette dégustation du millésime 2022 qui va me faire changer d’avis, que du contraire !

Arturo, devant le petit panneau abra (asociacion de bodegas de la Rioja alavesa): la spécificité basque est de plus en plus mise en avant.

Anthocyane vous propose 5 cuvées du Domaine Artuke: d’abord, Artuke 2021 (€ 11) et Artuke 2022 (€ 11,50). Ensuite Pies Negros 2021 (€ 17,50), Finca de Los Locos 2020 (€ 26) et Paso Las Mañas 2020 (€ 31,50).

Quelques kilomètres vers le nord suffisent pour rejoindre le village de Samaniego (Pays Basque) et le Domaine Remirez de Ganuza. Le Domaine se situe en plein cœur du village, tout près d’une église fortifiée.

Ambiance un peu sévère, aux pieds de l’église fortifiée.
Le ciel menaçant se révèlera n’être qu’une fausse alerte.

Nous sommes reçus par Leyre Martinez, laquelle ne manque pas d’un certain humour, en particulier pour raconter les déboires des premiers millésimes produits par le Domaine, à la fin du 20ième siècle: pour faire court, elle nous dit avec un petit sourire que ce n’était pas très bon (voire…). Comme quoi, il faut commencer par apprendre.

pas si courants: des tonneaux de type « cigare », dans un chai immaculé.

Entre les barriques (attention à l’indigestion, trop de barrique tue la barrique) on découvre des objets aussi ronds que curieux: je ne me souviens pas d’avoir vu ailleurs des wineglobes, sphères de verre, contenants alternatifs pour l’élevage. Cela ressemble à ceci:

Puisque le vin vieillira de toute façon dans des bouteilles en verre, utilisons le même matériau pour l’élevage initial.
source: site Internet de Wineglobe

Nous dégustons 4 vins: le Blanco Reserva 2020, Viña Coqueta 2014, Remirez de Ganuza Reserva 2015 et Trasnocho 2016.

La gamme se révèle diverse et brillante: très beau blanc Reserva (pas très loin du niveau de la cuvée Gran Reserva dégustée chez Nublo), Viña Coqueta m’évoque -je ne sais pourquoi- un Madiran, puis le classicisme incarné par la cuvée Reserva (LE grand Rioja tel qu’on l’imagine) et enfin le concept Trasnocho, vin d’une nuit, concentré de fruit tout en exubérance.

Après un déjeuner dans un lieu légèrement surréaliste (un luxe manifestement financé par l’Union Européenne et par une branche de la famille Rothschild), nous poursuivons vers l’ouest en direction du village de San Vicente de la Sonsierra (nous sommes de retour en Rioja Alta). Nous voici chez Abel Mendoza et Maite Fernandez. Ce couple incarne le renouveau de la Rioja, la volonté de rendre la primauté à la parcelle et à la viticulture. Selon l’adage: « on peut faire du mauvais vin avec de bons raisins, mais on ne peut pas faire du bon vin avec de mauvais raisins ».

La place centrale de San Vicente: c’est calme, très calme…
Domaine fondé en 1988

Maite nous reçoit avec beaucoup de gentillesse: on est frappé par la modestie du propos, alors que nombreux sont les vignerons qui expriment un immense respect pour le travail fourni par ce Domaine.

La gamme est large alors que la superficie totale du vignoble ne dépasse pas les 20 hectares. Traduction: le volume par cuvée est très faible. Si j’ai correctement compté, le Domaine propose en blanc… 7 cuvées différentes ! Et les rouges ne sont pas en reste. Maite expérimente avec le vin orange, avec une cuvée sans soufre, etc…

Les vins que nous avons dégustés, complétés par la cuvée Las Sepulturas, uniquement disponible chez l’importateur belge.

J’ai en particulier gardé le souvenir de la cuvée Seleccion Personal, 100% tempranillo, le vin le plus minéral goûté pendant ce séjour: nuances de graphite, vin plutôt cérébral, mais d’une définition à couper le souffle !

Anthocyane vous propose 2 cuvées du Domaine Abel Mendoza: Las Sépulturas 2018 (€ 18) et Seleccion Personal 2019 (€ 40,50).

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Le voyage en Rioja (jour 2): la tradition

En route pour le fameux quartier de la gare (barrio de la estacion) à Haro. Les uns presque à côté des autres, sept domaines de haut niveau. Il fut un temps où les vins quittaient la Rioja via le chemin de fer et il y avait donc un bénéfice logistique à installer les bâtiments de vinification et d’élevage au plus près de la gare.

Les bâtiments de Lopez de Heredia construits fin 19ième et début 20ième siècle. Toute l’activité du Domaine est concentrée ici.

Nous avons choisi de rendre visite d’abord à Lopez de Heredia, domaine historique, également connu sous le nom de sa cuvée emblématique Viña Tondonia. Nous sommes ici dans le temple de la tradition. Les vins sont élaborés à l’ancienne, sans concession à la modernité, ni usage d’une quelconque technologie sophistiquée. Longs longs longs élevages en barriques de chêne américain, suivis par de longues années en bouteilles avant commercialisation.

Notre hôte, Luis Taboada, nous a guidés avec brio entre les chais de vinification (foudres anciens toujours en activité) et d’élevage: hallucinant empilement sur quatre ou cinq niveaux de barriques bordelaises dans des caves souterraines creusées directement dans la colline; barriques exclusivement fabriquées par les tonneliers du Domaine, qui se chargent également d’entretenir et de réparer les foudres.

Coup d’œil également sur les gigantesques foudres d’assemblage dans lesquels passent les vins avant embouteillage (il s’agit d’homogénéiser le contenu des barriques).

Il y a des toiles d’araignée partout et il ne viendrait à personne la mauvaise idée de les éliminer: les araignées sont les alliées du vinificateur puisqu’elles se nourrissent de toutes sortes de petites bestioles qui pourraient influencer négativement les vins en gestation.

Empilement de barriques bordelaises.

Une précision intéressante: le Domaine n’utilise pas de bois neuf. Lorsque les barriques sont fabriquées, elles sont d’abord remplies pendant un an avec une partie de vin de presse. Celui-ci est ensuite distillé. Les barriques sont alors prêtes à accueillir les vins qui, longtemps après, donneront naissance aux différentes cuvées du Domaine.

En Espagne, la commercialisation se fait comme ci-dessus: 5 bouteilles de Tondonia rouge et 1 bouteille de Gravonia (blanc); les blancs sont aussi rares que demandés.

Le Domaine détient 170 hectares de vignes, toutes situées à faible distance des bâtiments de vinification. Il n’y a aucun achat de raisins. Le nom des différentes cuvées correspond au nom des vignobles (en espagnol « viña »). La famille Lopez de Heredia (deux sœurs et un frère) est toujours aux commandes. Nous avons d’ailleurs eu le plaisir de rencontrer Mercedes Lopez de Heredia pour un intermède philosophique. La génération suivante sera exclusivement féminine.

Voici le lieu où l’on goûte.
Luis ouvrant une bouteille de Viña Tondonia dans les règles: il s’agit de retirer le filet métallique avec élégance…
Côte à côte, les vins dégustés. 2011. C’est bien le millésimes actuellement vendu par le Domaine, après un très long élevage.

Viña Bosconia est un vin fondu, à la structure tannique très douce. Il est embouteillé dans une bourguignonne et ce n’est pas par hasard. Selon Luis, il se pourrait même que le nom du vignoble s’inspire du mot Borgoña. Il y a longtemps, bien avant le temps des appellations d’origine, il était courant de décrire un vin en le comparant à celui élaboré dans une région célèbre: Bosconia = Rioja dans le style bourguignon…

Pour poursuivre la comparaison, Viña Tondonia présente un profil plus strict, très harmonieux et très long, comme un Bordeaux classique. Si vous aimez Château Le Puy, les Bordeaux pré-Parker ou Château Musar (Liban), Tondonia est pour vous ! La dégustation de ce vin est une fascinante plongée dans le 19ième siècle.

Les différents vignobles qui composent le Domaine, avec Viña Tondonia à droite, dans un méandre de l’Ebre.
Zoom sur les parcelles de Viña Tondonia (rouge, blanc, rosé).
Vue sur le Domaine Lopez de Heredia depuis le Domaine de La Rioja Alta !

Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine Lopez de Heredia: Viña Cubillo Crianza 2015 (€ 18), Viña Bosconia Reserva 2011 (€ 29) et Viña Tondonia Reserva 2010 (€ 40).

On enchaîne immédiatement avec notre deuxième visite. Même une tortue grabataire est capable de franchir la distance entre Lopez de Heredia et La Rioja Alta en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. On traverse l’avenue de Vizcaya et nous y voilà !

Vue sur le Domaine de La Rioja Alta depuis Lopez de Heredia !

Lorena Alves nous attend. Après un apéro en provenance de Galice (La Rioja Alta y possède deux domaines), nous entamons une visite qui mettra en évidence des objectifs très similaires à ceux poursuivis par Lopez de Heredia, mais des méthodes fort différentes. Ici on accueille volontiers les technologies contemporaines, mais on élabore également des vins traditionnels, avec de longs élevages en bois américain.

C’est par ici !
On voit mieux comme ceci.
Après être passé sous l’arche végétalisée, on découvre des bâtiments et jardins d’une grande élégance.
Cave à barriques d’une propreté immaculée: pas la moindre araignée !

Pour varier les plaisirs, les vins seront dégustés à table, pendant un déjeuner dans un salon du Domaine. Viña Ardanza ne peut cacher un fort tempérament méditerranéen (78% tempranillo et 22% de grenache) qui m’évoque Châteauneuf-du-Pape. Le vin est puissant, riche et confortable.

Puissance méditerranéenne

Changement de style avec Viña Arana: on se retrouve de l’autre côté de la route, un vin qui pourrait être un cousin de Viña Tondonia ! Grande intensité aromatique, précision et concentration. Si vous préférez un millésime plus frais et un vin tout en verticalité, laissez vous tenter par le millésime précédent, 2014.

2015, le nouveau millésime de la cuvée Arana. À mon avis ? Fabuleux !

Nous n’avons pas goûté la cuvée « 904 » au Domaine, mais y avons acheté une bouteille pour un repas à prendre dans notre logement. Mais d’abord: pourquoi « 904 » ? Simple, la cuvée a été produite pour la première fois avec le millésime 1904. De la même façon, la cuvée très haut de gamme s’appelle « 890 ». Quand pensez-vous qu’elle a été produite pour la première fois ? Eh oui, le Domaine a été fondé à la fin du 19ième siècle, quelques années après Lopez de Heredia.

Quelle surprise, des barriques empilées…
C’est ainsi que l’on goûte à La Rioja Alta lorsque l’on souhaite ne pas être influencé par les mimiques et les éventuels commentaires des autres dégustateurs.

Et la dégustation ultérieure de « 904 » ? Vin d’une grande profondeur et d’une grande densité. Malgré un élevage long, ce vin a encore besoin de temps en cave. Pour le goûter aujourd’hui, la carafe me semble impérative. Autre conseil: ne le jugez pas après une première gorgée. Laissez le vin s’oxygéner dans le verre: la complexité apparaît progressivement…

Si vous préférez un vin prêt à boire, privilégiez le millésime 2011 (NB: « 904 » n’a pas été produit en 2012, ni en 2013, ni en 2014).

Anthocyane vous propose 3 cuvées du Domaine de la Rioja Alta: Viña Ardanza Reserva 2015 (€ 35), Viña Arana Gran Reserva 2014 (€ 40) et « 904 » Gran Reserva 2011 (€ 60).

En soirée, nous nous offrons un restaurant réputé: Nublo à Haro. Ici, tout est cuit à la braise (avec du bois de vigne, récolté au moment de la taille). Michelin consacre ce lieu en lui prêtant une étoile (Michelin ne donne pas d’étoiles, puisqu’il lui arrive de les reprendre…).

Derrière cette porte, une aventure gastronomique particulièrement audacieuse.

Nubio ne fait rien de façon classique: l’audace et la prise de risques font partie de l’ADN de la maison. Dès notre arrivée, nous rendons une brève visite à la cuisine pour y apercevoir les modes de cuisson qui seront utilisés pour l’ensemble des plats: four à bois, poêle à bois, flamme. Conséquence: la fumée joue un rôle majeur dans les préparations. La salle est une cour intérieure couverte, avec un très haut plafond, le tout dans un palais du 16ième siècle qui a servi pendant sa longue histoire de bureau de police et de prison. Il ne manque que le bordel et le monastère…

Le menu se compose de 15 services. Nous choisissons de l’accompagner exclusivement par des vins de la Rioja. Je ne me risque pas à détailler tout ce qui est apparu devant nos yeux ébahis, il y en aurait pour plus de temps que celui dont je dispose.

Plusieurs vins m’ont semblé d’une qualité exceptionnelle: en blanc, la cuvée Olagar Gran Reserva du Domaine Remirez de Ganuza 2014 (100% viura), d’une précision diabolique. Le rosé Gran Reserva Classica du millésime 2009 (sic) produit par le Domaine Lopez de Haro: waouw ! Seule étape hors Rioja: une très bonne Manzanilla de Jerez.

Le sixième plat d’une série de quinze…
Les petits fours qui clôturent un repas étonnant.
Un blanc d’une finesse et d’une élégance rares. Amusant: nous rendons visite au Domaine Remirez de Ganuza le lendemain.
Un -grand- rosé 2009: ils ne font décidément rien comme les autres !

Evaluation du restaurant ? De mon point de vue, une expérience qui mérite incontestablement le détour. Mais je n’en ferais pas ma cantine.

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Le voyage en Rioja (jour 1): l’arrivée

Je vous passe les péripéties aéroportuaires et la monotonie du vol vers Bilbao pendant lequel je me suis plongé dans Sortilèges de Michel de Ghelderode. Après atterrissage en Hispanie septentrionale, nous avons pris possession des véhicules (loués soient les véhicules) et mis le cap sur le centre de Bilbao avec l’objectif assumé de nous sustenter.

Comment ne pas céder à la tentation de La Ribera, un gigantesque marché couvert, avec un étage où on trouve plein de petits trucs à grignoter, pintxos étant leur nom local et néanmoins basque. Bon, en réalité, le lieu a mal vieilli. L’ambiance entre voyageurs a compensé. Nous avons vu le Guggenheim et la passerelle de Calatrava et c’est beau.

Anecdote du jour: dans un supermarché de Haro, nous croisons Jose Gil, vigneron en chemin vers la célébrité grâce à des Rioja d’une grande finesse, d’une inspiration… bourguignonne.

Les choses sérieuses commencent demain. Cela ne nous a pas empêché de goûter quelques petites choses dès ce soir…

Pour Tim Atkin, ce vin est un 99/100. Il recommande de le goûter entre 2028 et 2040. Nous avons donc commis un infanticide aggravé. 80% tempranillo, 15% grenache et 5% mazuelo. Élevage partiellement en chêne américain et partiellement en chêne français.
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Le voyage en Rioja (intro)

C’est pour mercredi. Aéroport, arrivée à Bilbao. Météo lumineuse et sèche. Direction Haro, la petite capitale de la Rioja occidentale. Installation des huit voyageurs dans leur logement à Villalba de Rioja. Apéritif: non peut-être.

Le défi ? Un reportage en forme de journal de bord. Dès mercredi soir et jusqu’au retour en Belgique, dimanche prochain. Pas forcément réaliste mais amusant. Le lien entre le vignoble, le vigneron et la bouteille. Cette bouteille qui pourrait bientôt trouver sa place sur la table du lecteur de ce récit en forme de feuilleton. Anthocyane: ce vin est une histoire. CQFD.

Stage de préparation au voyage…

Pour commencer, la théorie. La Rioja se divise en trois sous-régions : Rioja Alta, Rioja Alavesa (en Pays Basque) et Rioja Oriental (anciennement Rioja Baja). Notre voyage explore la Rioja Alta et la Rioja Alavesa.

La Rioja se situe entre deux chaînes de montagnes : la Sierra de Cantabria au nord et la Sierra de la Demanda au sud. Entre ces deux chaînes de montagnes coule l’Ebre. L’Ebre reçoit les eaux de sept rivières dont le rio Oja qui a donné son nom à la région. Il arrive que les vignerons divisent la Rioja entre vignobles situés au nord de l’Ebre (qui seraient les plus prestigieux) et ceux situés au sud du fleuve (qui sont les plus nombreux). Les vignes sont généralement plantées à une altitude comprise entre 300 et 700 mètres.

Selon les données les plus récentes, le vignoble couvre +/- 67.000 hectares (c’est-à-dire 7% du gigantesque vignoble espagnol). A titre de comparaison, la Bourgogne c’est 25.000 hectares en AOP. La taille du vignoble est en croissance continue, de plusieurs centaines d’hectares par an. En 1990, il n’y avait « que » +/- 43.000 hectares de vignes.

Traditionnellement, l’élevage en barriques de 225 litres (bois américain) joue un rôle essentiel. On classe les vins en Crianza, Reserva et Gran Reserva en fonction de la durée de cet élevage (en barriques et en bouteilles). Aujourd’hui bien des Domaines ont renoncé à ce système: leurs vins sont des genericos (ce qui n’est en aucun cas un jugement de valeur).

Pour les vins rouges, il faut au moins deux ans d’élevage dont au moins un an en barriques pour être Crianza. Au moins trois ans d’élevage dont au moins un an en barriques et au moins six mois en bouteilles pour être Reserva. Au moins cinq ans d’élevage dont au moins deux ans en barriques et au moins deux ans en bouteilles pour être Gran Reserva. Beaucoup de vins sont à présent élevés plus brièvement et/ou élevés dans d’autres contenants (inoxydable, béton, terre cuite) et sont donc des genericos.

Les sceaux officiels qui précisent le type du vin

Le tempranillo est de loin le cépage le plus populaire avec 80% des surfaces plantées. Le reste se partage entre grenache, viura (cépage blanc), graciano, mazuelo (carignan), etc… Cette domination du tempranillo est récente et pas forcément idéale dans un contexte de bouleversement climatique. La plupart des vins sont élaborés avec une pincée de cépages complémentaires.

En pratique, il y a mille styles différents et un même Domaine élabore parfois des vins anciens et des vins modernes. Les vignerons cherchent et tentent. Des vins en macération carbonique, des raisins blancs pour contribuer à faire des vins rouges nuancés, des 100% grenache ou 100% graciano, des cuvées parcellaires, …

Comme en Piémont, la Rioja a connu sa querelle des Anciens et des Modernes. Les premiers ne jurent que par les élevages (très) longs en bois américain usagé. Leurs vins sont en général prêts à boire lorsqu’ils arrivent sur le marché. Ils sont oxygénés grâce à leur élevage et sont susceptibles d’être encavés pendant de longues années. Ils ont relativement peu de couleur et des tannins fondus. Les Modernes font à peu près l’inverse: élevages assez courts en bois français partiellement neuf. Extraction plus poussée, ce qui conduit à des vins plus colorés et plus tanniques; ils sont rapidement mis sur le marché, à charge pour le consommateur de les encaver plusieurs années avant dégustation.

Comme les chiffres ci-dessus l’attestent, beaucoup de viticulteurs vendent leurs raisins à une coopérative ou à une grande maison, sur le modèle champenois.

A propos de cuvées parcellaires, la mise en valeur des terroirs est une tendance récente (ou un retour à une tradition oubliée pendant des dizaines d’années). On voit apparaître des vins portant le nom du village dont ils proviennent, voire portant le nom d’une parcelle précise (viñedo singular). Cela se cherche encore, c’est imparfait mais constitue une avancée dans le monde fort conservateur des instances professionnelles de la Rioja.

Nos rendez-vous avec les vignerons sont confirmés, la météo semble favorable, reste à préparer la petite valise.

Les trois sous-régions de la Rioja et leurs superficies respectives
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Sulfité or not sulfité, that is the question

Voilà, vendredi 20h30, les quatre jurés (dont votre serviteur) s’apprêtent à comparer deux vins rouges de Loire. Pour une fois, il ne s’agit pas d’essayer de reconnaître ce qu’il y a dans les verres, mais simplement de décrire les différences et les ressemblances entre le vin classique (donc sulfité) et le même vin, en version « sans sulfites ajoutés » (ssaj).

Apprécions la subtile différence entre les couleurs de la charrette…

En l’occurrence, il s’agit d’un Chinon de chez Couly-Dutheil, en millésime 2020, portant le joli nom de « Les Chatelières ». La version classique est vendue € 11 alors que la version ssaj est proposée à € 13.

Nous goûtons, les commentaires fusent assez vite. J’ai résumé ci-dessous.

Q1: ces deux vins sont-ils vraiment identiques, à l’exception de l’ajout de sulfites dans l’un ?

R1: sans doute non et c’est dommage parce que cela rend la comparaison moins pertinente. La contre-étiquette indique un taux d’alcool de 13,5% pour le vin ssaj et de 14% pour le vin classique. Comme il s’agit d’une cuvée destinée à un distributeur en particulier (à savoir Le Lion – oui, celui qui rugit bizarrement depuis quelques jours), aucune information n’est disponible sur le site Internet du producteur. Le site Internet du Lion est ce qu’il est, un foutoir où il est impossible de trouver de l’information de qualité. Les deux bouteilles affichant le même nom de cuvée, on souhaite, par respect du consommateur, que ce soit le même vin, mais rien n’est certain.

Les bouchons sont eux aussi différents: un liège classique pour le vin …classique, un bouchon Nomacorc Select Green 300, fabriqué à partir de biopolymères végétaux dérivés de la canne à sucre pour le vin ssaj. Le bouchon comme élément du marketing vert.

Q2: la dégustation met-elle plutôt des ressemblances en évidence ou plutôt des différences ?

R2: ces deux vins nous ont paru fort différents l’un de l’autre. Le vin ssaj présente un nez assez éteint, avec des nuances cartonnées. En bouche, il se caractérise par son imprécision et par une faible énergie. Il semble avoir franchi son apogée et avoir commencé sa descente vers je ne sais où. Ce qui peut être agréable dans un vin ssaj, un fruit éclatant et joyeux, est absent. Par contre, le vin classique est équilibré et sympathique, si l’on accepte d’avoir affaire à un « petit calibre ». Il y a du fruit et de la structure, c’est un vin honnête à défaut d’être particulièrement intéressant.

Q3: la différence de prix est -elle justifiée ?

R3: de ce qui précède, le lecteur attentif aura déduit que ma réponse est négative. En mars 2023 et en l’état, le vin ssaj ne vaut à peu près rien (et certainement pas € 13) alors que le vin classique peut valoir les € 11 demandés par le distributeur.

Q4: à quoi joue-t-on ?

R4: excellente question, Philippe. Merci de l’avoir posée. On surfe sur la vague de la « naturalité », avec un cynisme qui peut laisser le dégustateur perplexe. Ce vin ssaj était peut-être vivant et amusant à l’été 2021, mais aujourd’hui (vendredi) il est aussi mort qu’il est possible de l’être. Je me demande comment un amateur néophyte, attiré par la « verdure » de l’étiquette, aura évalué son achat. A mon avis, le taux de réachat sera invisible sans l’aide du microscope.

Q5: peut-on se fier à cette dégustation comparative pour faire une croix sur les vins ssaj ?

R5: non. Ce serait incorrect de condamner avec autant de légèreté. D’aucuns me diront peut-être que la crédibilité de Couly-Dutheil en matière de vins ssaj est aussi microscopique que le taux de réachat ci-dessus.

Q6: qu’est-ce qui se passe le lendemain de la veille ?

R6: encore une excellente question ! Quel feu d’artifice ! Le jeu s’est en effet poursuivi, avec d’autres participants, le samedi après-midi vers 15h00. Je m’attendais à ce que le vin ssaj s’effondre complètement. Ô surprise, il paraît meilleur maintenant ! Le nez reste de mon point de vue peu sexy, avec des nuances de carton et de croûte de fromage, mais le fruit est de retour ! Une acidité un peu croassante mais pas de déviation aromatique. C’est une résurrection inattendue et déconcertante. Toujours pas le grand fruit, éclatant et joyeux, mais traiter cette version ssaj de cadavre paraît à présent excessif.

Conclusion (provisoire):

Faut-il en déduire que les vins ssaj doivent être ouverts 12 ou 24 heures avant consommation ? Si c’est oui, quel consommateur va le faire dans la pratique ?

Faut-il en déduire que les vins ssaj sont imprévisibles, bons lorsque l’âge du capitaine est un nombre pair et mauvais quand la pleine lune s’absente ?

Quelle justification pour la différence de prix ? Il s’agit manifestement de segmenter la clientèle, en partant du principe que le « naturiste » est prêt à payer son vin plus cher parce qu’il est ssaj. Less is more.

Dans tous les cas, pour € 13, je préfère le Chinon Les Granges de Bernard Baudry.

PS: cet article et cette dégustation trouvent leur source ici: https://les5duvin.wordpress.com/2023/02/01/sans-soufre-cest-plus-cher/

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Vin belge, anno 2022

Voici le lien vers le communiqué de presse publié début mars par le SPF économie:

https://news.economie.fgov.be/223561-3-millions-de-litres-de-vin-belge-en-2022-un-record

Mon résumé: 2022 est l’année de tous les records, grâce d’une part à une météo favorable et d’autre part à la croissance soutenue de la surface plantée. Le millésime 2022 a produit l’équivalent de 4 millions de bouteilles.

Tous les types de vin sont en croissance, le pompon étant attribué au vin rouge et aux bulles. Malgré une très forte croissance, le vin rouge ne représente qu’une faible part de la production totale et, de mon point de vue de dégustateur, c’est très bien comme ça !

La répartition régionale est à peu près moitié-moitié entre Flandre et Wallonie. Bruxelles ne joue évidemment aucun rôle dans cette histoire.

La Wallonie produit essentiellement des bulles, la Flandre une majorité de vins blancs tranquilles.

Deux provinces mènent la danse: le Hainaut (grâce aux bulles du Chant d’Eole et des Agaises-Ruffus) et le Limbourg. Ensemble, elles sont responsables de la moitié du volume produit (à quelques cacahuètes près).

Le nombre de vignerons recensés par le SPF s’élève à 259. Il est fort probable que le nombre réel soit supérieur, vu le nombre de vignerons qui viennent de planter leurs premiers ares (et qui passent sous le radar du SPF).

Commentaire personnel: le niveau qualitatif atteint par les bulles, wallonnes et flamandes, est vraiment remarquable (on constate une évolution similaire, à plus grande échelle, en Angleterre). Il y a des blancs tranquilles de grande qualité (Clos d’Opleeuw, La Falize), mais ils sont forts chers, la demande étant de loin supérieure à l’offre. Les vins rouges restent anecdotiques. Quelques projets folklorico-fantasques poussent à gauche et à droite, par exemple vin produit à hauteur de quelques dizaines (sic) de bouteilles.

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dégustation

Bordeaux 2020 !

J’ai joliment profité de l’invitation que m’a fait parvenir l’Union Grands Crus à l’occasion de la mise en marché des Bordeaux du millésime 2020.

Belle organisation, à la Maison de la Poste (Tour & Taxis) avec plein de minuscules stands où un représentant de chaque Château s’esquintait à servir un public nombreux. Mais il y a avait aussi -et surtout- le Grand Bar, qui se matérialisait par une longue série de bouteilles posées sur un …bar, le tout en self service. Vachement efficace, avec les petites tables qui permettent de s’installer avec son verre, sa bouteille d’eau et son crachoir. Et de quoi prendre quelques notes, dont un résumé ci-dessous.

Ne pouvant évidemment pas tout goûter, je me suis concentré sur Pessac-Léognan et Margaux. Avec quelques digressions du côté de Pauillac, de St-Julien et de Pomerol.

Impression générale: les vins se présentent bien, sans alcool excessif ni boisé exubérant. La plupart des tannins sont policés, voire soyeux. Il y a du fruit appétissant. Beaucoup de vins donnent l’impression d’être (presque) à boire.

A Pessac-Léognan, je retiens en particulier Domaine de Chevalier et Château Pape-Clément. Le premier tout en élégance, avec de la finesse et d’excellents petits tannins. Belle fraîcheur énergique et tout aussi belle finale serrée, nette et précise. Le deuxième présente un nez complexe, qui s’ouvre progressivement. La bouche est ample, harmonieuse et tannique. La finale est serrée et persistante. Fieuzal est fort bien, sur la cerise, avec une bouche affriolante. J’ai été moins convaincu par La Louvière (souple mais facile), Malartic Lagravière (fruité dans un style marqué par le merlot), Haut-Bailly (nez sur la myrtille, avec plus de puissance que de fond), Smith Haut Lafitte (nez bizarrement sur la prune, avec une finale asséchante) et Larrivet Haut-Brion (flatteur mais simple).

A Margaux, j’ai été particulièrement touché par Château Lascombes et Château Giscours. Le premier grâce à son potentiel: beaucoup de concentration, très belle structure tannins/acidité. Mais il faut absolument l’attendre ou le carafer vigoureusement. Le deuxième présente un nez minéral (ce n’est pas si courant à Bordeaux) avec un boisé noble. Il y a de la fraise. La bouche est profonde: beaucoup de fraîcheur, tannins peu abondants mais de belle définition. Et une finale très précise. Château Desmirail est bon, mais c’est un petit calibre. Château Dauzac m’a semblé très strict, asséchant et carré. Château Kirwan est puissant, mais la finale est imprécise: il se cherche encore. Château Rauzan-Gassies est très bon, mais dans un style qui évoque plutôt Pauillac, voire St-Estèphe. Château Prieuré-Lichine présente un nez flatteur, mais la bouche est fort décevante, franchement rustique. Château du Tertre est fin mais fluet, avec un boisé sucré.

Château Talbot (St-Julien) m’a beaucoup plu: nez fruité élégant, avec un boisé chic, beaucoup de raisin dans le verre, bouche harmonieuse et flatteuse, mais avec du fond. Château St-Pierre (St-Julien) présente un nez bien mûr, la bouche est très souple et un peu facile, il est agréable mais sans race. Château Croizet-Bages (Pauillac) me pose un gros problème: j’espère que la bouteille était bouchonnée; si elle ne l’était pas, c’est terriblement décevant. Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) est un très beau vin: fraîcheur, bons tannins, matière concentrée, équilibre salivant, beaucoup de fond, puissance. Il a tout pour lui ! Château Léoville Barton (St-Julien) présente un nez sur la réserve. La bouche m’a semblé très souple et donne l’impression d’être déjà en phase d’évolution; j’attends plus de ce cru. PS: j’aurais volontiers goûté Château Lynch-Bages (Pauillac), mais la bouteille était vide. Snif.

Château Petit-Village (Pomerol): j’ai goûté ce vin par pure nostalgie. Il y a une éternité (voire au-delà), j’ai goûté un Petit Village de la fin des années ’80. Ce fût une énorme émotion, sans doute l’un des vins qui m’a fait basculé dans le monde fascinant de la dégustation. Mais 30+ années plus tard, je suis cette fois confronté à un vin à la fois sudiste et oriental, confituré et chaleureux, un poil fatiguant, doté d’une sorte d’absence de finale. La Rive Droite et le merlot, ce n’est décidément pas pour moi !

Enfin, dans une vasque et et sur glace, voici Château Lafaurie-Peyraguey (Sauternes) qui m’a semblé délicieux, avec un très bel équilibre entre sucre et fraîcheur !

Bien sûr, prenez ce qui précède avec un petit grain de sel: c’est un instantané, plus intuitif que réfléchi, révélateur de mes goûts personnels. Je n’écris rien au sujet du prix de ces vins: dans une manifestation de ce type, personne ne parle jamais de prix, ce serait indécent…

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dégustation

Dégustation: samedi 04 mars

Première dégustation « autour du bar » en 2023 ce samedi 04 mars, entre 10 et 18 heures. D’expérience, il y a moins de monde avant 14 heures et plus de monde après 14 heures.

C’est gratuit et on ne doit pas s’inscrire. Je suis ravi d’accueillir mes habitués et tout autant de recevoir de nouveaux amateurs ainsi que ceux/celles qui ne sont plus venus depuis longtemps.

Pas de problème de parking dans ma rue (ne pas oublier de placer son disque de stationnement). Privilégiez la sortie 11 du Ring, évitez la sortie 12 qui mène à un sens interdit.

Cela se passe rue des Chats 171 à 1082 Berchem-Ste-Agathe. C’est une maison discrète. Il suffit de sonner.

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Pour découvrir le programme de cette dégustation: c’est ici

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dégustation information

Et le meilleur sommelier du monde est …

… Raimonds Tomsons, de nationalité lettone. Il avait déjà été finaliste lors de l’édition précédente de ce concours en 2019. Déception en France puisque Pascaline Lepeltier a échoué au pied du podium, à la 4ème place.

Le vainqueur, pris le nez dans le verre

J’ai eu le plaisir d’assister à la finale: celle-ci est réservée aux trois meilleurs candidats: un sommelier chinois, une sommelière danoise et Raimonds Tomsons, le letton, qui a donc remporté le concours. Oui, j’ai assisté à la finale … via YouTube. Les trois candidats sont littéralement sur scène. Ils exécutent une longue série de tâches diverses, devant un public parisien nombreux, très chic, en tenue de gala avec nœud papillon. Dressing code formel pour une cérémonie très parisienne et un peu vieux jeu. Beaucoup d’applaudissements, pour tout et n’importe quoi. Des longueurs avant que cela ne commence vraiment: tout le monde a eu le temps de se congratuler.

la retransmission intégrale de la finale: le concours commence vraiment à partir de la 90ème minute

Commençons par les fleurs: j’ai énormément de respect et d’admiration pour les participants à ce concours. Ils ont travaillé sans relâche pendant plusieurs années pour maîtriser leur sujet. Leurs connaissances théoriques sont sans nul doute immenses. Ils sont capables de réciter le nom de 17 cépages croates, avec l’accent tonique au bon endroit ! On ne franchit pas les quart et demi-finales sans un bagage impressionnant. Je leur tire mon chapeau !

Après les fleurs, il y a le terreau. NB: on finira évidemment par le pot. Voici:

C’est vraiment un concours de sommellerie, pas un concours de dégustation. Les candidats sont amenés à goûter des boissons très diverses, du très alcoolisé (spiritueux) au très peu alcoolisé/fermenté (kéfir). Ils doivent maîtriser l’art du cocktail. Ils doivent déboucher et décanter selon les règles de l’art. Ils doivent papillonner autour des tables avec élégance. Ils doivent traquer les erreurs dans une carte des vins, reconnaître un vin sur base d’indices visuels -sans le goûter-. Ils doivent être capables de verser et de parler en même temps: une anecdote par-ci, une réponse par-là. Le sommelier est responsable de bien plus que des vins: il gère l’ensemble des boissons servies pendant le repas.

Gérer le stress est essentiel: pour chaque épreuve, le temps disponible est strictement limité. Les épreuves s’enchaînent rapidement. Celui qui est capable de décider vite est clairement avantagé par rapport à celui qui préfèrerait donner du temps au temps. Les candidats sont sous extrême adrénaline et semblent agir dans une bulle de focalisation. Raimonds demande systématiquement à ce que la question à laquelle il doit répondre lui soit répétée. Il utilise le terme wonderful un nombre incommensurable de fois. Perfect et nice sont également de la partie, jusqu’à l’indigestion. Il y a quelque chose de robotique dans sa façon de faire. On sent la transpiration.

Ce vocabulaire positiviste est un piège: lorsque tout est parfait et merveilleux, les mots perdent leur sens et le discours se vide de sa substance. On enferme l’appréciation du vin dans un style suranné et déconnecté. On crée un monde parallèle dans lequel on se livre à un jeu dont les participants sont sensés connaître les codes. Un peu de naturel, que diable !

Si -dans la vraie vie- un sommelier se comportait ainsi à ma table, je serais déçu: la qualité de l’interaction tient à l’authenticité du sommelier, à sa capacité à dépasser sa compétence technique et à entretenir une conversation aussi agréable qu’instructive. Un peu d’humour est évidemment le bienvenu. Tout ce qui est appris par cœur et débité comme un mantra devrait être banni. Le sommelier doit s’adapter à des tablées très différentes, qui ont des attentes et des envies différentes. Les trois premières phrases que j’échange avec un sommelier sont déterminantes: fait-il partie des personnes passionnées avec qui j’ai envie d’échanger ou plutôt des tue-l’amour qui ânonnent un texte prémâché, rempli de banalités et d’imprécisions ?

Il s’agit également d’une épreuve de langue, puisque les candidats s’expriment en anglais. Cela conduit bien entendu à un appauvrissement de leur discours, l’anglais n’étant pas leur langue maternelle. Leur prononciation est, comment dire, perfectible. Cela ne facilite pas l’interaction. Bémol: il faut bien concéder que les convives factices sont fermés et passifs: à chaque question, une réponse fuse, toujours la même: as you wish. Essayez de faire quelque chose avec ça !

Voici venue l’heure du pot: que vaut le meilleur sommelier du monde en dégustation à l’aveugle ? Eh bien, c’est édifiant.

Quatre vins blancs sont présentés à la sagacité de Raimonds. Il répond:

  • un vin autrichien, d’appellation Kamptal, de cépage grüner veltliner et de millésime 2020
  • un vin grec, d’appellation Mantinia, de cépage moschofilero et de millésime 2021 (le vin lui semble « muscaté »)
  • un vin français, de la Côte de Beaune, en appellation « villages », de cépage chardonnay et de millésime 2018
  • un vin français, du Chablisien, en appellation « villages », de cépage chardonnay et de millésime 2020.

Il dispose de quatre minutes pour transmettre son évaluation …et en utilise à peine plus de trois. Sidérante la vitesse avec laquelle il goûte et tranche. Peu de place pour le doute.

Et maintenant, voici les vins qui étaient effectivement présentés au candidat:

  • un vin allemand, d’appellation Moselle, de cépage riesling et de millésime 2021 Nik Weis St. Urbans-Hof Goldtröpchen GG
  • un vin autrichien, d’appellation Wachau, de cépage riesling Domäne Wachau Kellerberg
  • un vin sud-africain, de cépage sémillon Alheit Vineyards Monument Sémillon 2021
  • un vin argentin, de cépage sémillon, en provenance de Patagonie Riccitelli Sémillon Old Vines.

Bilan: rien n’est exact. Rien ne s’approche de la vérité. Ni le riesling, ni le sémillon ne sont identifiés.

Et le vin rouge ? Il s’agissait de goûter deux millésimes du même vin. Notre homme a bien repéré qu’il s’agissait d’un grand Bordeaux, qu’il a placé à Saint-Estèphe (cabernet sauvignon, cabernet franc et merlot). Il a parié sur les millésimes 2005 et 1990.

Suspense insoutenable.

C’était Pétrus (Bordeaux, Pomerol, 100% merlot), en millésimes 2012 et 2003. Etonnant, Raimonds leur attribue respectivement 18 ans d’âge et 33 ans d’âge, alors qu’il s’agit en réalité de vins sensiblement plus jeunes. Pourrions-nous en déduire que Pétrus évolue/vieillit vite ? Aïe. Qu’est-ce que j’ai osé écrire… Cela étant, combien de fois un candidat au titre de meilleur sommelier du monde a-t-il l’opportunité de goûter Pétrus ?

Dernier moment intéressant: jauger un vin rouge « à la volée ». Il ne s’agit pas de le reconnaître, simplement d’évaluer sa qualité. Raimonds lui trouve à peu près toutes les qualités de la terre. Consciemment ou inconsciemment, il veut faire plaisir à son interlocuteur qui lui demande son avis d’expert. Malheureusement, le vin présentait une (très) forte acidité volatile, ce qui constitue un défaut. Défaut non repéré donc.

Conclusion: je suis donc heureux de vous faire savoir que je partage avec le meilleur sommelier du monde au moins deux qualités: une passion sincère pour les multiples facettes du vin et une capacité à ne presque jamais rien reconnaître.

Est-ce qu’un sommelier est dans l’obligation d’être un brillant dégustateur à l’aveugle pour bien faire son boulot ? Ma réponse est non. Mais quand il s’agit d’être désigné comme le meilleur sommelier de la planète, il me semble que l’on peut attendre un certain niveau de performance en dégustation à l’aveugle. Peut-être faudrait-il modifier les questions du concours pour permettre plus de bonnes réponses. Arme à double tranchant.

Dernière anecdote: Raimonds Tomsons a été sommelier à Riga pendant vingt ans. Il ne l’est plus. Il est à présent consultant, commerçant en vins et enseignant. Il ne fréquente plus la salle de restaurant. Pfffffff….

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dégustation domaine rouge

Une verticale de Corton

10 millésimes d’un Grand Cru bourguignon, ce n’est pas tous les jours, loin de là ! Nous nous sommes installés vers 20h00 en ignorant ce que nous allions goûter (dégustation à l’aveugle). Mais l’organisateur avait soulevé un coin du voile en signalant que le budget serait plus élevé que d’habitude et que tous les vins seraient issus d’une même appellation. Il y avait donc quelques attentes…

Les deux premiers vins nous ont permis de décanter la situation: ce serait bien du pinot noir. Et donc, forcément, la Bourgogne se rapproche. Cela étant, ces deux vins ont remporté assez peu de suffrages: un joli nez mais une sécheresse marquée dès le milieu de bouche pour le premier, une bouche imprécise (légèrement liégeuse ?) et un profil assez simple pour le deuxième.

Les choses s’arrangent dès le troisième vin, qui présente plus de volume en bouche, un fruit plus intense et une longueur décente. Mais je mentirais en disant que je suis en extase.

Les vins suivants vont plaire et intéresser: des profils parfois affables, parfois bien plus cérébraux; des profils presque « sudistes » et d’autres qui correspondent mieux à l’image que je me fais de la Bourgogne. Pour moi, deux vins se signalent par leur race, leur précision, leur fraîcheur, leur capacité à révéler bien plus que le cépage dont ils sont issus. Mes estimés compagnons de dégustation sont quant à eux particulièrement charmés par un vin plus ample, plus fruité et plus sensuel que mes préférés.

la colline de Corton, vue depuis le sud-ouest

Vient bien entendu le moment d’essayer de deviner ce que nous avons goûté: Gevrey-Chambertin fut cité. Mais personne n’a pensé à Corton. Et personne n’a imaginé un seul instant qu’il puisse s’agir d’une verticale: 10 fois le même Corton, élaboré par le même vigneron, via des millésimes échelonnés entre 1998 et 2008 (seul 2001 manque à l’appel, remplacé par un amusant « pirate »: le Barolo Broglio Riserva 2004 du Domaine Schiavenza, 100% nebbiolo).

Il s’agit donc d’une belle verticale du Grand Cru Corton Pougets, tel que vinifié par le Domaine Rapet (basé à Pernand-Vergelesses).

Corton Pougets est le nom donné à deux parcelles en exposition sud-sud-ouest, d’une superficie totale de 9 hectares et 82 ares. La parcelle « du haut » monte jusqu’au bois de Corton, lequel surplombe le vignoble et le protège des agressions météorologiques. Les deux seuls propriétaires notables sont Louis Jadot et Rapet, ce qui pourrait expliquer un certain déficit de notoriété. Particularité typiquement bourguignonne: les rouges se commercialisent en Corton Pougets, les blancs en Corton Charlemagne. Ces derniers sont majoritaires.

Un élément qui me semble important: Rapet aurait, en tout ou en partie, replanté en 1994. Donc, le millésime 1998 serait issu de très jeunes vignes, au moins partiellement.

Les meilleurs millésimes selon la moyenne du groupe de dégustateurs: 2003 (16,9/20), 2005 (16,4/20) et 2002 (16,1/20).

Mon tiercé personnel: 2002 (16,5/20), 2005 (16,5/20) et 2007 (15,5/20). Ex-aequo avec le 2003 (15,5/20) et le 2004 (15,5/20).

1998, 2000 et 2008 ont reçu peu d’applaudissements.

Certes, le vin vogue largement au-dessus des mesquines contingences matérielles. Néanmoins, Grand Cru, en combinaison avec Bourgogne, peut constituer une arme de destruction massive pour le portefeuille de l’amateur. Voyons voir. Le 1998 fut acheté en son temps au Domaine pour 177 FRF, l’équivalent de 26 euros. Les millésimes récents se vendent à +/- 65 euros (ou plus cher si vous tombez sur un vendeur sans scrupules). C’est à la fois peu et beaucoup. Disons que c’est un tarif raisonnable dans le contexte de la folie des prix en Bourgogne. Mais le fait est que d’autres régions offrent de bien meilleurs rapports qualité/prix.

Question supplémentaire: faut-il laisser longuement vieillir ces vins ? J’ai tendance à répondre non. 5 à 10 ans, très bien. Au-delà, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle: de temps à autre, une très belle surprise, mais aussi le risque de goûter un vin qui s’approche de sa pente descendante: on perd du fruit et de la chair, on ne reçoit pas grand-chose pour remplacer ce qui a disparu.

Merci à l’organisateur qui a patiemment rassemblé ces flacons depuis 25 ans.

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blanc humour

Le cidre, la bière blanche et le vin désalcoolisé

19h30. Ixelles. Rue Washington. Il fait un froid de dinde (c’est comme un froid de canard, mais plus gros). Je pousse la porte d’un wine-bar à la mode. C’est plein à craquer de jeunes gens comme il faut, ça caquète dans toutes les langues. Je rejoins deux amis qui ont réussi à dégoter un tabouret. Une bouteille de vin blanc est déjà ouverte et entamée. Un bon moment en perspective.

Je suis resté debout parce qu’il n’y avait pas vraiment moyen de faire autrement. Je constituais un obstacle -un peu massif- qui empêchait le personnel du lieu de se mouvoir entre les tables à la vitesse souhaitée. C’est tendance. C’est charmant, c’est informel, c’est cool.

Je ne compte pas faire l’innocent, je sais où je suis: ici, c’est nature. Donc, mes préjugés sont dans les starting blocks. Ce vin blanc n’est ni déviant, ni vinaigré, ni oxydé, ni marqué par d’infâmes remugles. Cela ne sent, ni ne goûte le zoo. Pas de souris, pas d’écurie en plein été, pas de ferme mal entretenue. Bien. Mais est-ce du vin, tel que je le pratique depuis une bonne trentaine d’années ? Avec la meilleure volonté du monde, non. C’est un autre univers pour lequel je ne dispose pas des outils. Je me suis d’abord demandé s’il pouvait s’agir de très jeunes vignes et/ou d’un cépage interspécifique. Puis viennent le cidre, la bière blanche et le vin désalcoolisé. Il n’y a pas de colonne vertébrale, l’acidité se résume à une aromatique acidulée, c’est léger comme une plume sans rachis. C’est inoffensif et impossible à placer sur une carte géographique. Ni vice, ni vertu. Je me demande si je ne préfère pas l’eau pétillante.

Le vigneron n’est pas un bleu. Il élabore sous le nom du Domaine des Vignes du Maynes des vins qui bénéficient d’une bonne réputation. Sur cette bouteille-ci, le nom du Domaine n’est pas visible. C’est un Mâcon-Cruzille 2019, 100% chardonnay. Surprenant: sur le site Internet du Domaine, ce vin brille par son absence. Des raisins achetés ?

Ce n’est par ailleurs pas gratuit, on le trouve sur différents sites commerciaux à +/- € 28. Je n’ai pas noté le prix pratiqué par le wine-bar.

Lorsque nous sommes sortis, l’âge moyen de la clientèle a sévèrement chuté. Nous dénotions, nous, les dinosaures du Crétacé.

Nous avons été manger une pizza. J’ai eu l’idée lumineuse de combiner une pizza blanche aux anchois avec un rouge toscan. C’était très très mauvais. Un archétype de l’accord qui ne fonctionne pas. La pizza était fort bonne et le vin conforme à son étiquette. Mais la combinaison des deux était affreuse. Avec les anchois ? Sherry Fino !

22h30. Nous sortons de la pizzeria. J’apprécie la qualité et la profondeur du silence nocturne. Il fait un froid d’autruche.

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dégustation domaine rouge

Domaine Combier et autres pépites rhodaniennes

Combier, quelle bonne surprise ! Le millésime 2021 dans la vallée du Rhône est jugé moyen par la presse spécialisée. Oui, il y a des vins très légers, un peu dilués, j’en ai goûtés et ne vous les proposerai pas.
Mais voilà que je goûte en décembre quatre vins du millésime 2021 du Domaine Laurent Combier: quel équilibre ! Quel charme ! Impossible de ne pas sourire en dégustant la cuvée L, le Crozes-Hermitage classique et les deux cuvées Cap Nord. Le célèbre Clos des Grives a toujours un an de retard, élevage oblige: c’est donc le très bon millésime 2020 qui est de la fête.

Ces cinq vins (et cinq autres vins rhodaniens) ont été redégustés ce mercredi 18 janvier par un panel de sept fines gâchettes: qu’ils soient remerciés pour la pertinence et la précision de leurs commentaires ! Ces commentaires sont « bruts de décoffrage »: j’ai pris note au vol, sans avoir l’ambition de faire de jolies phrases. Il y a des contradictions parce qu’il y a des avis différents. Eh oui …

La Janasse Côtes du Rhône (blanc) 2021

Fraîcheur, presque comme un pinot blanc allemand. Il y a une certaine longueur, très peu d’amers, pas d’alcool, du pamplemousse, floral, frais, pointe minérale, note végétale, violette, pointe saline, vivacité. Très bon rapport qualité/prix.

Note moyenne du groupe: 14,50. Ma note: 14,50. Faible variance entres les notes.

Les Bosquets CdR-Villages Séguret 2021

Nez épicé, violette, délicat, ouvert. Bouche intense, avec tannins et alcool, chaleureux mais pas brûlant, servi très frais, nez supérieur à bouche ? Il y a de la matière certainement par rapport au millésime, une pointe de rusticité, amertume dans la finale, austère, herbacé, encre, manque de gourmandise, manque de rondeur.

Note moyenne du groupe: 13,70. Ma note: 15,00.

Les Bosquets Gigondas Réserve 2020

Nez agréablement chaud, pur et puissant, un peu chocolaté. Bouche dense, intense, avec un beau grain, tannins bien fondus, persistance fruitée, gourmand, plus Rhône sud que le Séguret qui précède, dominé par le grenache, type Châteauneuf-du-Pape, infanticide, beau jus. Bien géré, équilibre, un peu de fraîcheur, poivre. Style opposé à celui du Séguret: quel est le rôle de l’effet-millésime ?

Note moyenne du groupe: 15,10. Ma note: 15,50. Faible variance entres les notes.

Saladin VdF Haut-Brissan 2019

Nez de rose, la finesse des grenaches espagnols, précision et tannicité énergisante, finesse et floralité, petite sucrosité, dentelle, diffus, manque de densité, fraise, confiture, douceur.

Note moyenne du groupe: 15,40. Ma note: 15,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage cuvée L 2021

Syrah embaume le nez, variétal, croquant, énergique, laurier, délicat, fruit précis comme un excellent Beaujolais, facteur glouglou, type Marcel Lapierre, archétype de la syrah. Pointe d’amertume végétale.

Note moyenne du groupe: 14,40. Ma note: 14,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage 2021

Nez moins expansif, élégant. Bouche dense et équilibrée, finale nette et tranchante, croquant sur une acidité top, vin ciselé. Haute couture, se goûte déjà très bien. Potentiel.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50. Faible variance entres les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Cap Nord 2021

Nez minéral, graphite, cendres, caillou. Bouche avec une allonge phénoménale, qualité des tannins, longueur, encore fermé, infanticide, noblesse et potentiel de garde, le floral arrive progressivement, puis le cassis. Moins friand, brut de vigne, vin salin, cérébral, évoque les mencia de Bierzo, sans concession, vin qui pousse le dégustateur à réfléchir. Polarisant/clivant.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 17,00.

Laurent Combier St-Joseph Cap Nord 2021

Nez légèrement animal (réduction), minéralité de type « caillou pourri », syrah froide. Bouche plus fruitée et plus puissante que Cap Nord Crozes-Hermitage, la puissance rend la délicatesse moins perceptible, tannins plus marqués, vin plus accessible que Cap Nord Crozes-Hermitage, type Cornas. NB: vin carafé pendant 3 heures.

Note moyenne du groupe: 15,50. Ma note: 16,00.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Le Clos des Grives 2020

Fruit opulent et joyeux, bouche irrésistible, vive et pleine, pas compliquée, sexy et équilibrée. Boisé intelligent. Vin plaisant, sensuel, charnel. Expressif, généreux, un peu trop de tout, joliment sudiste. Grand potentiel de garde.

Note moyenne du groupe: 16,30. Ma note: 16,00.

Duclaux Côte Rôtie La Germine 2017

Nez épicé, fin, spéculoos, intensité. Bouche dense sans puissance, grand vin classique, moins plaisant que le Clos des Grives, droiture, moins opulent, strict, pourrait rappeler les Cornas de Clape.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50.

Conclusion

Nous avons eu la possibilité de comparer et de mettre en évidence des styles très différents. Celui apprécie une certaine opulence, de la rondeur et du charme devrait prêter attention au Gigondas Réserve et au Clos des Grives. Celui qui préfère la droiture, la précision, la verticalité devrait tenter le Cap Nord Crozes-Hermitage et La Germine.

Le Crozes-Hermitage 2021 est un modèle pour l’appellation et pour le millésime. Excellent rapport qualité-prix.

Tous les vins ci-dessus sont disponibles dans le magasin. Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 24 janvier. Mise à disposition des vins en février.