C’est pour mercredi. Aéroport, arrivée à Bilbao. Météo lumineuse et sèche. Direction Haro, la petite capitale de la Rioja occidentale. Installation des huit voyageurs dans leur logement à Villalba de Rioja. Apéritif: non peut-être.
Le défi ? Un reportage en forme de journal de bord. Dès mercredi soir et jusqu’au retour en Belgique, dimanche prochain. Pas forcément réaliste mais amusant. Le lien entre le vignoble, le vigneron et la bouteille. Cette bouteille qui pourrait bientôt trouver sa place sur la table du lecteur de ce récit en forme de feuilleton. Anthocyane: ce vin est une histoire. CQFD.

Pour commencer, la théorie. La Rioja se divise en trois sous-régions : Rioja Alta, Rioja Alavesa (en Pays Basque) et Rioja Oriental (anciennement Rioja Baja). Notre voyage explore la Rioja Alta et la Rioja Alavesa.
La Rioja se situe entre deux chaînes de montagnes : la Sierra de Cantabria au nord et la Sierra de la Demanda au sud. Entre ces deux chaînes de montagnes coule l’Ebre. L’Ebre reçoit les eaux de sept rivières dont le rio Oja qui a donné son nom à la région. Il arrive que les vignerons divisent la Rioja entre vignobles situés au nord de l’Ebre (qui seraient les plus prestigieux) et ceux situés au sud du fleuve (qui sont les plus nombreux). Les vignes sont généralement plantées à une altitude comprise entre 300 et 700 mètres.
Selon les données les plus récentes, le vignoble couvre +/- 67.000 hectares (c’est-à-dire 7% du gigantesque vignoble espagnol). A titre de comparaison, la Bourgogne c’est 25.000 hectares en AOP. La taille du vignoble est en croissance continue, de plusieurs centaines d’hectares par an. En 1990, il n’y avait « que » +/- 43.000 hectares de vignes.
Traditionnellement, l’élevage en barriques de 225 litres (bois américain) joue un rôle essentiel. On classe les vins en Crianza, Reserva et Gran Reserva en fonction de la durée de cet élevage (en barriques et en bouteilles). Aujourd’hui bien des Domaines ont renoncé à ce système: leurs vins sont des genericos (ce qui n’est en aucun cas un jugement de valeur).
Pour les vins rouges, il faut au moins deux ans d’élevage dont au moins un an en barriques pour être Crianza. Au moins trois ans d’élevage dont au moins un an en barriques et au moins six mois en bouteilles pour être Reserva. Au moins cinq ans d’élevage dont au moins deux ans en barriques et au moins deux ans en bouteilles pour être Gran Reserva. Beaucoup de vins sont à présent élevés plus brièvement et/ou élevés dans d’autres contenants (inoxydable, béton, terre cuite) et sont donc des genericos.

Le tempranillo est de loin le cépage le plus populaire avec 80% des surfaces plantées. Le reste se partage entre grenache, viura (cépage blanc), graciano, mazuelo (carignan), etc… Cette domination du tempranillo est récente et pas forcément idéale dans un contexte de bouleversement climatique. La plupart des vins sont élaborés avec une pincée de cépages complémentaires.


En pratique, il y a mille styles différents et un même Domaine élabore parfois des vins anciens et des vins modernes. Les vignerons cherchent et tentent. Des vins en macération carbonique, des raisins blancs pour contribuer à faire des vins rouges nuancés, des 100% grenache ou 100% graciano, des cuvées parcellaires, …
Comme en Piémont, la Rioja a connu sa querelle des Anciens et des Modernes. Les premiers ne jurent que par les élevages (très) longs en bois américain usagé. Leurs vins sont en général prêts à boire lorsqu’ils arrivent sur le marché. Ils sont oxygénés grâce à leur élevage et sont susceptibles d’être encavés pendant de longues années. Ils ont relativement peu de couleur et des tannins fondus. Les Modernes font à peu près l’inverse: élevages assez courts en bois français partiellement neuf. Extraction plus poussée, ce qui conduit à des vins plus colorés et plus tanniques; ils sont rapidement mis sur le marché, à charge pour le consommateur de les encaver plusieurs années avant dégustation.

A propos de cuvées parcellaires, la mise en valeur des terroirs est une tendance récente (ou un retour à une tradition oubliée pendant des dizaines d’années). On voit apparaître des vins portant le nom du village dont ils proviennent, voire portant le nom d’une parcelle précise (viñedo singular). Cela se cherche encore, c’est imparfait mais constitue une avancée dans le monde fort conservateur des instances professionnelles de la Rioja.
Nos rendez-vous avec les vignerons sont confirmés, la météo semble favorable, reste à préparer la petite valise.

