“Mais, Philippe, quel thème original et pertinent et joli et appétissant pour ta dégustation de septembre ! Comment résister à l’appel de ton caprice des deux ?”
Merci, merci, c’est trop d’honneur. Ce sont juste quelques bouteilles de vin, proposées par paires: deux fois le même vigneron ou deux fois le même village ou deux fois le même cépage. On ira du sud de la Bourgogne jusqu’au nord de l’Italie, en passant par une vallée d’Autriche, par le Jura, le Beaujolais et le Rhône. Sept étapes. Syrah, riesling, barbera, gamay, nebbiolo, chardonnay, aligoté et un intriguant assemblage …inédit !
La dégustation a lieu le samedi 24 septembre, entre 10 et 18 heures, à l’adresse habituelle. S’il fait beau, la terrasse sera prête à vous accueillir.
Vos commandes doivent me parvenir, de préférence via le magasin, au plus tard le mardi 27 septembre. Les vins seront mis à votre disposition pendant la première quinzaine d’octobre.

Nicolas Maillet: deux vins du millésime 2020
L’aligoté a longtemps été vilipendé: trop acide, trop fluet, un cépage qui gagnerait à être amélioré par une larme de crème de cassis. Les choses ont bien changé. La Bourgogne compte aujourd’hui une appellation entièrement dédiée à ce cépage (Bouzeron, en Côte chalonnaise). Plusieurs vignerons de la Côte d’Or proposent différents aligotés, parfois parcellaires (exemple: Sylvain Pataille à Marsannay). Ce cépage connait un renouveau assez spectaculaire.
Rendez-vous avec Nicolas Maillet, un vigneron qui a décidé de se passer de bois pour ses vins blancs. En Bourgogne, voilà une décision aussi rare que courageuse. C’est une façon de remettre en cause les habitudes et les évidences qui conduit à élaborer des vins au profil marqué: tension, verticalité et minéralité, sans l’arrondissement apporté par le fût.
Autriche: deux rieslings du Kamptal
650 mètres. Voilà la distance qui sépare le Domaine Hiedler du Domaine Jurtschitsch. Une promenade de 9 minutes pour passer d’un riesling 2021 Langenlois à …un autre riesling 2021 Langenlois. Ces deux vins sont élaborés avec des raisins provenant de diverses parcelles, toutes situées dans le village de Langenlois. Ce village constitue le cœur de la région nommée Kamptal (“vallée du Kamp”): le Kamp est un affluent du Danube dans lequel il se jette en amont de Vienne. Le Kamptal est devenu célèbre grâce à Willi Bründlmayer, vigneron iconique (…ça y est, j’emploie du vocabulaire pour Instagram…) et spécialiste tant du riesling que du grüner veltliner.
Une comparaison fascinante entre citron, pamplemousse, pêche et abricot.
Pignier: deux Côtes du Jura “ouillés”
Pour éviter tout éventuel malentendu: ces deux vins sont profondément jurassiens, mais pas de style oxydatif: il s’agit de vinifications classiques, à la bourguignonne. Les vins sont décrits par le qualificatif “ouillé” (le vinificateur protège le vin de l’action de l’oxygène pendant son élevage). Donc, ni curry, ni noix.
Par coïncidence, j’ai ouvert très récemment une bouteille de la cuvée “A la Percenette” en millésime 2012 (NB: cette cuvée a cessé d’exister avec le millésime 2018: les raisins font aujourd’hui partie de La Reculée). Eh bien, ce 2012 était en pleine forme ! Et il était encore franchement meilleur 24 heures après avoir été ouvert.
La cuvée GPS est habituellement un assemblage de trois cépages. Cette fois, un quatrième cépage participe à la fête: du trousseau, vinifié en blanc. Ce vin est 100% sans sulfites ajoutés, ce qui le qualifie pour faire partie de la catégorie des vins dit nature. En dégustation, il est impossible de se rendre compte de cette caractéristique …et c’est très bien comme ça !
Deux Crus du Beaujolais: Fleurie face à Morgon
Lorsqu’on quitte le village de Fleurie par le sud, on arrive rapidement sur le territoire du Morgon (directement ou via Chiroubles): cinq kilomètres pour passer du Clos de la Roilette au Domaine Marcel Lapierre. Les crus du Beaujolais, c’est gamay, gamay et encore gamay. Voici pourtant deux expressions très différentes de ce cépage: structure et densité à La Roilette, fruit et sensualité chez Lapierre. La comparaison est franche puisqu’il s’agit du même millésime.
Prevostini: deux nebbiolo des Alpes
La Valtellina: paysage alpin et enchanteur, entre le lac de Côme et la frontière suisse. C’est la Lombardie d’altitude, la deuxième patrie du cépage nebbiolo. Je vous propose de comparer la cuvée d’entrée de gamme Botonero (assemblages de diverses parcelles) avec un cru, à savoir le cru Grumello.
Comme nous sommes en terrain peu connu, précisons le vocabulaire: Grumello est donc un lieu-dit, comme le cru Inferno et le cru Sassella. Plusieurs vignerons proposent des vins issus de ces différents crus. Par contre, Garof est le nom de la cuvée proposée uniquement par le vigneron Mamete Prevostini, élaborée avec des raisins en provenance du cru Grumello.

Beaucoup d’attention est portée aux aspects environnementaux: la nouvelle cave de vinification (construite en 2014) est certifiée en tant que bâtiment extrêmement peu consommateur d’énergie. Les raisins vendangés arrivent par le haut, la vinification se fait au premier étage et l’élevage au rez-de-chaussée: aucun pompage, tout se passe par gravitation.
Piémont: deux barbera sensuelles
On voyage entre appellations, de Barbera del Monferrato jusqu’en Barbera d’Alba. Balade en Piémont, sans passer par la case Turin.
Le meilleur trajet ? Via Asti et Alba. Nous sommes gâtés.
D’une certaine façon, le cépage barbera pourrait jouer le rôle de l’antithèse du cépage nebbiolo. Place ici à la volupté, à la sensualité et au réconfort. Attention, on ne tombe pas dans la décadence rococo, ni dans la débauche alcoolique ! A côté d’un fruit rond, joufflu, charnu, savoureux, nos amis vignerons ont conservé une acidité rafraîchissante et tonique qui assure l’équilibre de ces deux vins.
Matthieu Barret: deux expressions du millésime 2020
Nous comparons l’étonnant Côtes du Rhône No Wine’s Land au prestigieux Cornas. Ce No Wine’s Land porte bien son nom puisqu’il provient d’une parcelle en appellation Côtes du Rhône, coincée entre Cornas et St-Joseph. Ni Cornas, ni St-Joseph, cette parcelle est d’autant plus spéciale que sa géologie est inhabituelle: calcaire et non granitique, comme c’est l’habitude à peu près partout en Rhône nord.

Matthieu fait partie d’un petit groupe de vignerons qui ont dépoussiéré l’appellation Cornas. La version de Matthieu est beaucoup plus fruitée, susceptible d’être appréciée assez jeune et dénuée de toute forme de rusticité. C’est un Cornas souriant et enjôleur ! Cette bonne humeur communicative ne remet en cause ni sa capacité à vieillir avec grâce, ni l’intensité de sa matière.
Conclusion subjective: ce caprice des deux me semble de nature à réjouir l’amateur. Je l’ai en tous cas conçu comme cela.
La plupart d’entre nous aiment comparer. On compare -consciemment ou inconsciemment-, avec un vin goûté autrefois. Avec le souvenir idéalisé d’un vin d’autrefois. Avec notre mémoire qui s’amuse comme une folle à nous faire croire qu’elle est fidèle.
Venez comparer, échanger, partager.