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Anecdotes: T° et O²

Castel del Monte, dans les Pouilles: le rouge italien vient de là

Je remonte un rouge italien de la cave. Littéralement deux minutes plus tard, la bouteille est débouchée et les verres sont servis. On goûte. C’est l’envie du plaisir. C’est la récompense de l’attente. Joli nez ! Et puis…

…c’est intéressant (terme classique quand quelque chose cloche).

Deuxième gorgée: il va falloir s’y faire, ce vin n’est pas un chef d’œuvre.

Les tannins sont fort présents, durs et surtout installés à côté de la bouche du vin, empêchant celle-ci de faire preuve d’harmonie. Ces tannins-là, c’est l’invité dont on aurait préférer se passer, l’intrus, le vilain petit canard. On se surprend à se focaliser sur ces foutus tannins et à en oublier tout le reste. Fasciné par le défaut, je suis.

Le temps passe. On pense à autre chose, on mange et on bavarde. La bouteille entamée nous nargue et je la regarde de travers. Le temps continue de passer. Allez, sans rancune, j’en reprends un p’tit verre.

C’est un autre vin ! Les tannins se sont adoucis, ils se sont déplacés. Ce rouge italien est un cygne ! Les pièces du puzzle s’emboîtent comme par magie. Tous les éléments trouvent leur place et se fondent l’un dans l’autre. Il n’y a plus qu’une unique bouche et elle est plus qu’agréable !

L’explication n’a rien de bien sorcier: la température de service. Trop froid ou trop chaud ? On risque de passer radicalement à côté du vin. Le cépage nero di Troia est ce qu’il est: à 14°, ses tannins agressent le palais. A 17°, ses tannins structurent, équilibrent et énergisent.

Bref, j’aurais dû remonter la bouteille une heure avant le repas.

J’ai envie d’un chardonnay pour accompagner une sole meunière. Tiens, voici un vin du Jura, 100% chardonnay ouillé. C’est à dire élevé de façon classique, « à la bourguignonne », sans nuances oxydatives.

C’est un 2010. En le versant dans les verres, sa couleur intensément jaune interpelle. D’autant plus que cette cuvée n’a pas été boisée.

La dégustation confirme que ce qui a été conçu et élaboré comme un vin classique, réducteur, s’est transformé avec le temps en un vin …oxydé. Comme s’il ne lui était pas possible d’échapper à son destin jurassien. Comme si le temps s’était chargé de réveiller quelque chose de profondément enfoui sous le classicisme.

Cela dit, le vin était intense, débordant d’arômes. C’était long et très équilibré. Les nuances de curry et de noix participaient pleinement à sa complexité. L’accord avec la sole était surprenant mais très réussi. Une faute œnologique qui se transforme en bonne surprise !