
Août. C’est la période creuse. On cuit doucement, en attendant une averse qui tarde à venir. On se demande ce que donnera le millésime 2022. Le moment idéal pour réfléchir et pour modifier ce qui mériterait de l’être.
J’ai commencé par mettre de l’ordre dans mon (petit) stock physique et dans le fichier Excel qui, avec un certain brio, gère depuis 2012 tout ce qui se chiffre : les commandes-clients, les commandes-fournisseurs, la longue liste de tous les vins présentés à votre gourmandise, la facturation, l’évolution du stock, la préparation des dégustations, etc…
C’est un peu artisanal et pas aux normes de notre monde rempli à ras bord de toutes sortes d’applications en ligne. Avec mansuétude, on pourrait résumer en affirmant que cela fonctionne de façon semi-automatique et que c’est fiable. Il y aurait certainement moyen de consacrer moins de temps à l’administration et d’améliorer ma productivité, à condition d’investir, en sous et en formation informatique du patron. Cela implique une vision sur quelques années, pour donner l’opportunité d’un retour sur investissement positif. Bof.
J’ai créé Anthocyane tout seul, avec beaucoup de prudence, sans investissement et avec une ambition qui s’est avérée difficile à atteindre. Bon, c’est le piège éternel de se fixer un objectif élevé, à ne pas le rencontrer et, en conséquence logique, à être déçu. Et, sans surprise, la déception n’est pas une bonne source d’enthousiasme.
Mes plus anciens lecteurs se souviendront peut-être d’une décision radicale, communiquée en juin 2015 : je mettais un terme aux activités d’Anthocyane. Immédiatement et sans nuances. Le couperet de la guillotine. J’ai fermé le magasin en ligne et cessé de rédiger sur le blog.
Je ferai court sur les conséquences. Disons simplement que le vide intersidéral s’est alors abattu sur moi. Badaboum.
Petit-à-petit, je me suis rendu compte que j’avais encore envie de partager mes découvertes et d’échanger avec clients et fournisseurs. Alors un p’tit e-mail par ci et une p’tite dégustation par là. De fil en aiguille, je recommence à écrire quelques bafouilles, je vends quelques flacons et je réouvre le magasin, sans vraiment avoir réfléchi à ce que je faisais.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je suis bien obligé de constater aujourd’hui qu’Anthocyane est un projet économiquement bancal. La quantité de travail ne correspond pas à une quantité proportionnelle de sous. Mos dos vieillit et il encaisse mal le transport de A vers B, de B vers C, de C vers D de cartons de 7 kilos (rajoutez encore 1 ou 2 kilos quand le vigneron se persuade qu’une bouteille lourde mettra son vin mieux en valeur). Le vin lyophilisé n’est pas d’actualité, l’impact de la logistique est incontournable.
Alors l’ombre du retour de ma décision de juin 2015 pointe le bout de son nez (j’ignore si une ombre possède un nez, mais vous voyez ce que je veux dire).
Quoique. Il y a peut-être une alternative.

J’arrête de me focaliser sur une hypothétique rentabilité économique. Ce que je fais est para-artistique, ce qui veut dire que cela doit d’abord me plaire à moi. Je vous balance ma subjectivité et ma différence …parce que vous aimez ça !
Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter de propager le bullshit, mais, dans votre infinie bienveillance, vous me pardonnez les rares écrits où mon enthousiasme fleurte avec le hard selling. Au moins, vous avez la garantie que c’est mon opinion telle qu’elle existe, ici et maintenant et pas un consensus mou entre Parker, Bettane et le rédacteur hipster d’un magazine feelgood. Je suis subjectif et compte bien le rester.
Nous assumons ensemble qu’il peut m’arriver de dérailler, mais c’est du déraillement bien local, de saison et en circuit court (ne pas confondre circuit court et court-circuit). Tout ce qui est local est bien, tout ce qui vient de loin est mauvais et vive la féodalité qui nous attend au tournant. Comme Pierre Dac et/ou Francis Blanche, je préfère le vin d’ici à l’au-delà. Mais enfin, oui, je bois du Madère et du vin arménien. Et, entre nous, il m’est même arrivé récemment de consommer, sans scrupules ni vergogne, un malbec argentin qui s’était pourtant farci tant la jungle amazonienne que l’océan Atlantique avant atterrissage sur la table du dîner.
J’avoue…
J’avoue, le magasin en ligne n’est pas parfait. En y consacrant le temps requis, je crois que nous pourrions ensemble lui trouver au moins 5 bonnes grosses faiblesses. Mais cela fonctionne ! En faire une Rolls est possible, à condition d’y mettre le paquet. Du haut de l’expérience accumulée depuis bientôt 10 ans, j’affirme que quasi tout le monde voudrait bien la Rolls mais que personne ne serait vraiment désireux de la payer à son prix. Donc, une VW (neuve) devra faire l’affaire.
J’avoue, Berchem-Ste-Agathe est légèrement excentrée (comment, un euphémisme ?). La plaisanterie des autorités communales qui consiste à empêcher le brave automobiliste d’utiliser une sortie d’autoroute tout ce qu’il y a de fonctionnelle fait office de sacrée cerise sur mon gâteau. Mais je ne vais pas déménager ! Pour tenir compte de la géographie, je continuerai à livrer vos commandes en personne, en fonction de ce qui est raisonnable. Et vous passerez de temps à autre par chez moi pour emmener vos précieux flacons. Non, il n’y a donc pas de règle claire, nette et précise. Mais je suis de très bonne volonté. Par contre, si vous souhaitez une livraison de 6 bouteilles de rosé à Perpète-lez-oies, c’est non. Surprenant ?
J’avoue, je suis victime d’une addiction au vin allemand, malgré le (à cause du ?) caractère gothique des étiquettes et l’existence de lois et de règlements privés qui, en se chevauchant allègrement les uns les autres, créent un bric-à-brac chaotique dans lequel l’amateur ne retrouve pas ses jeunes. Tout cela est heureusement sans grande importance. Tonton Philippe est là pour expliquer (autant que ce que j’ai appris serve à quelque chose). Ce qui compte, c’est la qualité fascinante des pinots noirs et des rieslings d’Outre-Rhin.
Cela me rappelle le fruité intense d’agrumes, l’acidité mûre, la légèreté spatiale (pour éviter de recourir au sempiternel « aérienne »), la sucrosité délicate et la longueur étincelante de ce Krettnacher Euchariusberg riesling Kabinett alte reben 2020 élaboré par Hofgut Falkenstein en Sarre, à quelques kilomètres du Grand-Duché et donc pas si loin de Bruxelles. Est-ce assez local ? En tous cas, c’est splendide !
J’avoue, je ne suis pas très riche en vins vendus sous la barre des 10 euros. Et ce n’est pas l’inflation galopante qui va y changer quoi que ce soit ! Franchement, je considère que les supermarchés sont imbattables quand il s’agit de vendre un produit souvent honnête, passe-partout, banal et dépourvu de personnalité. Une boisson plutôt anonyme qui peut faire l’affaire dans bien des circonstances. Des vins qui ne déplaisent pas, mais qui ne laissent pas de trace. Chacun son métier : je propose qui vins qui plaisent (très) beaucoup à Joseph et qui désarçonnent Marie. Ou l’inverse. Je prends des risques, en calculant peu. Il y a de l’intuition et du feeling. Je vends de belles histoires, de beaux futurs souvenirs. C’est para-artistique.
Donc, pas de dégustation pendant ce mois d’août.
Mais je suis à Bruxelles et peut donc vous recevoir facilement, du lundi au samedi. Prenez le temps de feuilleter le magasin (euh …peut-on feuilleter un magasin ?), posez-moi des questions (j’aime y répondre), partagez avec moi vos idées (j’écoute volontiers) et soutenez le petit commerce -local- par l’échange de mes chouettes bouteilles contre vos sympathiques euros.
Philippe
