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Juste comme ça

Lecchi est un hameau de Gaiole

Ce soir, restaurant qui met de la joie dans les assiettes et du sourire sur les lèvres ! La cuisine est simple sans aucune sophistication mais elle est goûteuse et servie par une équipe qui aime son métier. Ajoutez-y une belle carte des vins, pas très longue mais sacrément tentante, une absence complète de difficulté à se garer, un décor brol vintage charmant et une addition sans mauvaise surprise (entrée plat dessert café eau et vin = € 147), c’est un ticket gagnant !

À propos de vin, je n’ai pas résisté au Riserva du Domaine Monsanto en millésime 2020 (€ 50 sur table), une cuvée presque culte qui me semble difficile à trouver en Belgique. Cette bouteille porte un nom catastrophique (remember glyphosate/Round’Up) et une étiquette assez affligeante. Mais Monsanto est un temple de la tradition et il me semble très improbable que quelque chose ne change.

Le style du vin est très en rondeur dodue avec peu de tannins et relativement peu d’acidité. Mais quelle belle matière apaisée ! Quelle suavité sans mollesse ! Prune, épices et cuir. Content d’avoir pu goûter cela.

Vintage ?!

Techniquement: 90% sangiovese, 10% colorino & canaiolo. La cuvée existe depuis 1962.

On peut visiter la cave historique datant du 18ème siècle. Le Domaine se situe à Barberino Tavarnelle, à l’ouest de l’appellation Chianti Classico.

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Riecine

Sans grande surprise pour ceux et celles qui connaissent la gamme d’Anthocyane, me voici donc au Domaine Riecine à Gaiole in Chianti. Les deux derniers kilomètres avant d’arriver nécessitent un conducteur attentif. Une fois le portail franchi, nous sommes reçus par Lorenzo qui nous propose une visite très complète dans un anglais parfait.

La maison des propriétaires

En particulier, il nous montre le trésor, c’est-à-dire la bibliothèque des flacons historiques où sont conservés dans des conditions idéales les millésimes anciens: on remonte allègrement aux années ‘90, voire plus loin pour certains crus.

Le Domaine a été fondé en 1971 et n’a pas changé de philosophie depuis, malgré deux changements de propriétaires. On ne vise en aucun cas à en mettre plein les yeux, plein le nez et plein le palais. On veut faire mieux, plus équilibré, plus subtil. Pas question de tomber dans le piège d’un modernisme avide du toujours plus. Le bois fait partie de la panoplie de l’équipe qui vinifie, mais le bois neuf est proscrit (sauf pour La Gioia, j’y reviens plus loin) et les contenants sont des 300 litres, voire des 500 litres, qui marquent peu. Les fermentations ont lieu pour l’essentiel en cuves béton, matériau poreux qui permet une micro-oxydation des vins.

On remarque aussi plusieurs œufs en béton (Nomblot) utilisés pour la cuvée Riecine di Riecine (ma préférée).

Un coup d’œil sur le vignoble qui entoure la propriété permet d’observer des vignes cultivées en albarello, c’est-à-dire en bush vines: il n’y a pas de rangs, ce qui implique des vendanges manuelles. Pas de souci puisque tous les raisins sont récoltés à la main. Lorenzo nous indique que le nom du Domaine est d’origine étrusque et signifie entre deux rivières. Entre nous, les deux rivières dont question sont très peu visibles.

Pendant la conversation, le sujet du bouleversement climatique ne peut être évité. Le gel frappe peu le Domaine, mais la grêle peut être dangereuse: en 2024, Riecine n’en a pas souffert, mais des domaines voisins ont eu moins de chance. Les parcelles se situent essentiellement en altitude et l’humidité est maîtrisée grâce aux vents qui sèchent les grappes. On travaille en bio dans le vignoble depuis de longues années et depuis trois ans le travail en cave est également bio grâce à quoi la certification a été obtenue depuis le millésime 2021.

Un artiste s’est chargé de décorer les différents bâtiments

On produit ici à peu près 60.000 bouteilles dont une moitié de Chianti Classico. Le reste se partage entre le rosé, le Chianti Classico Riserva, les quatre cuvées de prestige et le blanc.

La dégustation commence avec le rosé Palmina 2022 (igt Toscana): c’est croquant, fruité et léger (12,50%) avec de la couleur. Un complément pertinent à la gamme des vins rouges, qui commence par le simple Chianti Classico 2021 (le 2022 est déjà disponible, mais le Domaine préfère faire goûter son aîné qui se goûte mieux en ce moment). Tout ici est question d’équilibre: surtout ne pas extraire trop pour garder une grande buvabilité et des arômes de cerise fort appétissants. Une note de poivre noir qui est une signature de la gamme de Riecine. On en boirait jusqu’au bout de la nuit !

Intéressant, nous goûtons ensuite le Chianti Classico Riserva dans le même millésime 2021. Lorenzo me confirme que les raisins sélectionnés pour ce Riserva ne proviennent pas systématiquement des mêmes parcelles: le choix se fait sur base d’une dégustation qui permet de faire le tri. Donc forcément plus de concentration, plus de corps (14,50%) et plus de tannins dans la version Riserva, laquelle est destinée à une garde en cave qui peut certainement franchir le cap des dix ans. Cela étant cela se goûte déjà fort bien, avec cette nuance poivrée très énergique.

Et voilà que nous est présentée une cuvée de prestige parcellaire: Vigna Gittori 2020. Cette parcelle qui se situe en altitude le long de la route qui mène au Domaine, a été acquise récemment: premier millésime en 2018. Secouons vigoureusement nos verres pour oxygéner l’animal ! C’est intense et concentré, mais je note surtout la qualité des tannins et la parfaite maîtrise de l’alcool (13,50%). Puis viennent la salinité et la finale longue et précise. Il y a une belle cohérence avec ses deux prédécesseurs.

Lorsque l’on passe à la cuvée La Gioia 2020, le cap change: il y a du merlot dans l’assemblage et cela donne rondeur et confort en bouche. C’est succulent et aromatique, mais cela correspond moins à mon goût personnel. Si ce n’était la barrière du prix, ce serait sans nul doute un grand succès commercial !

Restez attentifs, ce n’est pas fini ! Voici Tresette (littéralement trois sept) qui tire son nom des trois barriques de 700 litres qui l’élèvent. Il s’agit d’un 100% merlot: autant dire d’emblée que je me méfie. D’où la surprise de goûter un merlot d’altitude qui m’oblige à remettre en question mon opinion aussi préconçue qu’erronée au sujet de ce cépage qui a souvent tendance à faire preuve de lourdeur et d’une suavité excessive. Ravi de goûter un merlot énergique et bien équilibré malgré 15% d’alcool.

Avant de reprendre la route vers Gaiole, nous profitons de la terrasse du Domaine avec vues du type cliché toscan, moult oliviers, cyprès, bois de feuillus et de conifères, vignes et maisons au charme dévastateur.

Sur la terrasse
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Un Domaine toscan sous la loupe: Badia a Coltibuono

Badia a Coltibuono, domaine bio au sein d’une très ancienne abbaye

Badia a Coltibuono est un exemple parmi tant d’autres en Toscane qu’il est possible de transformer un Domaine viticole en projet d’oenotourisme attractif: des chambres, des cours de cuisine, un restaurant, le tout dans le cadre assez idyllique d’une abbaye du 12ème siècle, perchée au sommet d’une colline avec vue imprenable.

Élément qui m’a fait craquer: le menu dégustation en cinq étapes, chacune accompagnée par un verre de la production du Domaine (€ 85). Ce n’est pas de la haute gastronomie mais c’est honnête et relativement original.

Après un vermentino techniquement irréprochable mais manquant de personnalité, le Chianti Classico Riserva 2019 est une déception: je le trouve terne, fatigué, douceâtre, peu concentré et dépourvu de structure tannique. C’est un vin gentil mais il ne me semble pas digne du statut Riserva. À € 30 (prix au Domaine), je ne suis pas preneur. Une bouteille qui aurait mal évolué ?

Heureusement, le vin suivant est d’un tout autre tonneau: Sangioveto 2020 (igt Toscana), 100% sangiovese, super-toscan élevé en barriques (10% neuves), d’un degré alcoolique élevé (15%) se montre énergique et précis. Le fruit est frais et croquant, l’élevage discret, l’alcool équilibré par la fraîcheur. Servi à bonne température (ce n’est malheureusement pas courant, les rouges étant régulièrement servis tièdes/chauds), ce vin est équilibré et doté de tannins de belle qualité. Seul bémol: à € 46 (prix au Domaine), je suis hésitant.

Ensuite vient Montebello 2018, un autre super-toscan (igt Toscana), assemblage de neuf (sic) cépages différents: sangiovese, colorino, mammolo, canaiolo, malvasia nera, etc… Degré alcoolique à 15,50%, style extraverti, boisé, typé pour le marché américain. C’est sans doute fort bon, mais cela ne correspond pas à mes goûts personnels. Ce vin me semble, malgré ses grands airs, manquer de substance et (allez, j’ose) de spiritualité. Bien sûr il est possible que je sois passé à côté. À € 52 (prix au Domaine), cela DOIT être bon. Un pas en arrière par rapport au vin précédent.

Pour finir, le vinsanto 2014, vin blanc doux de malvasia et de trebbiano. C’est une friandise qui tient la route: il y a de la fraîcheur pour contrebalancer 15% d’alcool et un sucre résiduel de type moelleux. Le prix est malheureusement dissuasif: € 44 pour une demi-bouteille.

Voici les détails du menu

Un Domaine intéressant ? Oui. Un Domaine qui me pousse à faire une folie en puisant profondément dans ma besace sonnante et trébuchante ? Non. Du moins sur base de mon impression de ce jour. Néanmoins si quelqu’un souhaitait m’offrir une bouteille de Sangiovete, j’accepterais ce présent avec le sourire et avec reconnaissance…

Demain, visite d’un Domaine. À suivre !

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Sommes arrivés en Toscane !

Après un intermède culturel à Ravenne (mosaïques paléo chrétiennes de toute beauté, vins blancs régionaux de Romagne qui m’ont bien plu, mais qui ne résisteraient sans doute pas à une nouvelle dégustation à Bruxelles), nous voici en Toscane, via Arezzo. Dans le village de Gaiole in Chianti, nous dînons à l’Osteria al Ponte.

Ce restaurant propose le chant des grenouilles dans la rivière, le blues le plus authentique dans les haut-parleurs (Albert King, Rory Gallagher, etc…) et la viande la plus florentine. Ici, on ne se bat pas pour une inaccessible étoile, mais pour un concept à la fois simple et exceptionnel: la meilleure viande de bœuf de la planète. Service en salle (en l’occurrence en terrasse) de haut niveau, c’est-à-dire qui maîtrise tant les aspects techniques (découpe et assaisonnement de la viande à table) que le contact avec le client. Cette équipe pluri linguistique sait comment interagir avec le client et donner une irrésistible envie de revenir.

Boisson: un vin du Chianti Classico, mais hors appellation puisque 100% colorino (IGT Toscane), un cépage qui est souvent présent en petite quantité aux côtés du sangiovese dans les vins en appellation Chianti Classico, mais qui doit ici se défendre tout seul. C’est raisonnable en alcool (13,5%), charnu et sensuel avec une finale assez précise. Peu tannique. Cela tient la route avec les plats carnassiers.

Domaine Rocca di Castagnoli, cuvée Pratola dans l’excellent millésime 2019. 100% colorino, vignes de 20 ans, parcelles exposées nord et sud, altitude 400 mètres, 18 mois en barriques usagées, 6 mois cuve inox et 12 mois en bouteilles.

Sur table € 58. Au domaine € 38: coefficient raisonnable.

Le Domaine Rocca di Castagnoli est bio

Ce Domaine se situe à exactement 5 kilomètres du restaurant: on suppose que le voyage n’a pas été trop fatiguant !

Bonne nuit !

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Exploration en Valpolicella

Ce mercredi 08 mai, c’est cap sur le Domaine Stefano Accordini à Cavalo. Stefano est le créateur du Domaine, en 1970. Il est décédé récemment. Aujourd’hui, c’est la troisième génération qui aux commandes de ce domaine …familial.: Giacomo, Paolo et Marco.

Trois générations d’Accordini

La gamme est large et commence par des vins de consommation courante sur lesquels il n’est pas nécessaire de disserter.

Le Valpolicella Superiore me semble marqué par un boisé excessif du moins par rapport à la matière du vin. Ce boisé lui donne un style un peu sec qui n’est pas représentatif du style de la maison.

On passe ensuite à une paire de vins « ripasso », c’est-à-dire qui ont subi une deuxième fermentation en « repassant » sur les peaux des raisins qui ont servi à élaborer l’Amarone. Cette repasse enrichit le vin en couleur, en tannins et en alcool. Le Ripasso 2021 est fort bon, avec une certaine suavité qui me semble caractériser la plupart des vins. Mais le lui préfère clairement le Ripasso 2019 dans sa version bio: fondu, harmonieux, savoureux et précis, il a tout pour plaire.

Parenthèse: le Domaine est 100% bio, mais ses voisins ne le sont pas. Lorsque ceux-ci aspergent leurs vignes avec des produits interdits en bio, le vent se charge de les transporter dans toutes les directions. Conclusion: Accordini ne labellise « bio » que les vins issus de parcelles « sans voisins ». Il ne reste qu’à convaincre les voisins conventionnels de changer leurs pratiques …

La dégustation, du premier au huitième vin

On passe à Paxxo, un vin hors appellation puisqu’il conjugue des cépages locaux ( corvina et rondinella) avec du cabernet sauvignon et du merlot. Pour l’anecdote, ce vin s’appelait initialement Passo. Mais les risques de confusion avec les vins de type « ripasso » ont poussé les vignerons à remplacer deux « s » par deux « x ».

C’est un grand charmeur, sensuel en diable, rempli de bons fruits, avec de gros de morceaux de plaisir dedans. Ce vin est le premier de la gamme goûtée à bénéficier de l’opération concentration par séchage des raisins. Cette méthode est en quelque sorte la signature de la région et est pratiquée depuis de longs siècles : une fois les raisins cueillis, on les dépose délicatement dans des paniers peu profonds et on empile ces paniers dans un local bien aéré et peu humide. Il s’agit d’empêcher l’apparition de champignons et moisissures qui peuvent détruire la récolte: les raisins en phase de séchage sont contrôlés deux fois par jour pendant les trois mois que dure le processus. Pour compenser les jours sans vent et les jours pluvieux, un système d’air conditionné est prêt à prendre le relais.

Mais quel est le but du jeu ? Simple, pendant le séchage, les raisins évaporent de l’eau, beaucoup d’eau. Les grappes se ratatinent et concentrent leurs sucres. À l’issue du processus, on passe à la macération, fermentation et élevage classiques. Bien sûr, le talent se reconnaît à l’équilibre du résultat. Paxxo est un bon exemple du potentiel de cette technique, parce que le degré alcoolique élevé (14,50%) est compensé par une acidité élevée.

Petit foudre en bois de Slavonie. Tonnelier Garnellotto, le choix des meilleurs Domaines du nord de l’Italie.

Et maintenant les choses vraiment sérieuses, à savoir deux parmi les trois Amarone produits par le Domaine: la version classique en millésime 2020 et le sommet absolu: Il Fornetto Riserva 2016. Passionnante comparaison entre un Amarone jeune et une bouteille ayant bénéficié d’un long élevage en bois neuf. Le 2016 se goûte en réalité plus jeune que le 2020 ! Mes craintes relative à la fameuse grande cuvée qui serait trop boisée, trop tannique, trop alcoolisée, trop tout sont dissipées par la dégustation de ce géant issu de raisins vendangés sur la parcelle Il Fornetto, là où tout a commencé en 1970: les vignes de 46 ans se montrent à la hauteur des attentes !

On termine par la dégustation de deux vins doux: le Recioto traditionnel 2019 (équilibre avec peu d’alcool et beaucoup de sucre: 13,50% et +/- 125 grammes) et Amandorlato 2015, une invention du Domaine Accordini, avec moins de sucre et plus d’alcool (70 grammes et 16%). Ce dernier vin n’a pas le droit à l’appellation Recioto et c’est très bien ainsi puisque cela lui permet d’affirmer sa différence. Élevage en bois de cerisier, raisins issus de Il Fornetto. On se rapproche du style Porto Vintage, mais sans le moindre mutage. Aujourd’hui ma préférence va au Recioto pour sa capacité à donner le sourire aux dégustateurs les plus blasés. Riche certes, mais sans lourdeur.

Vignes typiques de la région, taillées en « pergoletta »

Merci à Elena pour nous avoir guidés pendant cette longue et belle dégustation et pour nous avoir permis de goûter plusieurs cuvées Il Forletto (ce qui n’est prévu vu la rareté et le prix des bouteilles.

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Atterrissage en Valpolicella

Imaginons. Vous partez en vacances et choisissez une formule Bed & Breakfast au sein d’une ferme spécialisée dans l’élevage de chèvres. Que recevez-vous pour le pic-nic ? Du lait de chèvre, pardi ! Alternative: la ferme est spécialisée dans la culture de la vigne. Que recevez-vous pour le pic-nic ? Des bulles rosées élaborées avec le cépage corvina ! Nous sommes au Domaine Stefano Accordini qui, outre la production d’une large gamme de Valpolicella, gère un agriturismo de cinq chambres tout-à-fait charmant. Nous avons prévu une visite au Domaine et la dégustation consécutive pour mercredi à midi.

Nous sommes sur les hauteurs de Vérone, pas bien loin du lac de Garde, dans un pays de collines et de terrasses, couvert de vignes, à 500 mètres d’altitude.

Speri, les traditions en Valpolicella

Aujourd’hui lundi 06 mai on commence chez Viticoltori Speri, un Domaine très traditionnel qui se concentre sur une gamme de cinq vins rouges … e basta. Le rendez-vous est fixé dans la vallée (village de Pedemonte). Après la visite des caves, pleines à ras bord de tonneaux de toutes contenances (du foudre en bois de Slavonie de 4.000 litres jusqu’à la barrique bordelaise de 225 litres), on déguste dans l’ordre tel que conseillé par la jeune femme qui nous a guidés avec compétence et sympathie. Le Valpolicella Classico 2023 est très parfumé, aguicheur, facile à boire et assez différent du millésime précédent qui présentait un profil plus sérieux. Ce 2023 est très polyvalent: l’absence de tannins permet de le servir également frais et de le substituer alors à un vin blanc.

Le Valpolicella Ripasso 2021 est un vin plus concentré grâce à une deuxième fermentation, laquelle a lieu en faisant passer le vin sur les peaux des raisins ayant servi à élaborer Amarone. Ces peaux contiennent encore du jus sucré, de la couleur et de l’extrait sec. D’une certaine façon, on retire de l’Amarone ce qui serait top much pour le transmettre au Ripasso qui bénéficie ainsi d’un supplément d’âme. C’est assurément bon, mais ce n’est, à mes yeux, pas spectaculaire. À noter néanmoins une caractéristique qui traverse toute la gamme: le vin est construit sur la fraîcheur et la finesse. Le style Ripasso est maîtrisé avec élégance (j’en connais d’autres qui font dans l’ostentation démonstrative et qui finissent par incarner une certaine vulgarité).

Aucun bois neuf: les tonneaux sont achetés en deuxième main

Voici le Valpolicella Sant’Urbano 2020: ce vin peut revendiquer le titre de « petit Amarone » puisqu’il bénéficie pour partie de l’appassimento, technique qui consiste à sécher le raisin après vendange sur des claies et à attendre que l’eau contenue dans les grains s’évapore, en concentrant ainsi les sucres. Ce vin bénéficie aussi de son terroir d’altitude, vignetto Sant’Urbano: 280 jusque 350 mètres. Ce terroir est argilo-calcaire, sur un substrat d’origine volcanique. Cela me semble très supérieur au Ripasso : le gain en profondeur et en précision est clairement perceptible. Formidable rapport QP !

Nous y voici: nous goûtons l’Amarone della Valpolicella, au sommet de la gamme, en millésime 2019.

D’abord, un fun fact: si vous tombez sur une très très vieille bouteille, c’est un faux ! Le style Amarone n’a pris son envol qu’après la deuxième guerre mondiale. Comme quoi toutes les traditions ne sont pas séculaires.

Ce 2019 se goûte très bien dès maintenant: on peut le mettre en cave pour trente ou quarante années, mais rien n’empêche sa dégustation en vin jeune: la finesse et la qualité des tannins sont à couper le souffle, à mille lieues des Amarone « modernes » qui misent avant tout sur la puissance, le fruité exubérant et la densité des tannins. Chez Speri, on vise 15% d’alcool, alors que beaucoup de Domaines en sont à 16%, voire 16,50% !

quelques flacons très anciens

La définition même de l’Amarone implique l’utilisation de 100% de raisins séchés sur claies (le processus dure jusqu’en janvier) et un élevage d’au moins 24 mois. C’est un vin exceptionnel pour les moments exceptionnels. Le 2019 de Speri est une démonstration probante du style de la maison. De mon point de vue, supérieur à 2018 qui est pourtant remarquable.

Le moment venu -et en fonction des décisions prises par l’importateur-, je me dois de faire goûter ces perles !

La dégustation avant de passer au Recioto

On s’arrête ici ? Ah que non, car voici venir l’Amarone della Valpolicella en millésime 2012. Style fort différent du 2019: celui-ci est plus rond, plus confortable que le 2019. Ce style se traduit également par un léger déficit d’énergie, par une finale moins précise, par une moindre tension: avantage 2019 !

Et puis, le dessert: le Recioto della Valpolicella Classico 2021. C’est ce vin rouge doux qui est à l’origine de l’invention de l’Amarone (sec) vers 1950. Un tonneau de Recioto longtemps abandonné dans un coin sombre tout au fond d’une cave, un vigneron qui se dit que le vin a perdu tout intérêt et qu’il faudra s’en débarrasser. Pour en avoir le cœur net, il goûte …et tombe de sa chaise: le vin est devenu amer (le contraire de sucré). En italien, le vin est donc amaro et voilà que naît l’Amarone ! Il ne faudra que quelques années pour conquérir le monde entier.

Mais revenons-en à notre Recioto: le style est celui du Porto Vintage, mais sans l’alcool de celui-ci. Là où le Portugais titre 20%, le Recioto Speri se contente de 13,5%. Il n’y a évidemment pas de mutage à l’alcool. Beaucoup de sucre résiduel (+/- 120 grammes par litre) mais beaucoup moins que les Domaines qui choisissent le maximalisme: toujours plus de sucre (parfois plus de 200 grammes par litre) finit en pas assez d’acidité pour équilibrer la douceur. Le risque ? Des Recioto plutôt lourds et collants… Vivement le style Speri.

Anthocyane vend en ce moment le Valpolicella Classico 2022 et le Valpolicella Sant’Urbano 2020. L’Amarone Monte Sant’Urbano 2018 est disponible sur commande.

Tous les formats, tous les millésimes
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Deiss et Kientzler: une journée en Alsace

En Alsace certes, mais à Bruxelles – premier acte

D’abord un regard en profondeur sur le 1er cru (officieux) Gruenspiel du Domaine Marcel Deiss. En blanc, nous goûtons 2015, 2016, 2018, 2022. Les deux premiers vins ont été vinifiés par le père (Jean-Michel), les deux vins les plus récents sont de la main du fils (Mathieu). Il ne manque que le Saint-Esprit: d’une certaine façon, il planait au-dessus de nos têtes pendant la dégustation…

On commence par une mise en bouche: La Vigne en Rose du Domaine du Rêveur (qui est la création de Mathieu Deiss et de son épouse, grâce aux vignes maternelles): issu d’une complantation avec 85% de gewürztraminer et 15% de riesling, il présente un nez assez complexe: fruits jaunes, menthe, puis agrumes, puis …rose. La bouche est intense, avec un profil presque sec, une concentration moyenne, de la suavité et une finale très légèrement tannique. Ce dernier mot mérite notre attention, nous y reviendrons.

Gruenspiel, terroir et complantation

Amphithéâtre exposé sud, surplombant les grands crus de Ribeauvillé, ce terroir se situe sur la commune de Bergheim. Je laisse le vigneron exprimer la géologie: nature hétérogène du sol superficiel constitué de dépôts torrentiels gréseux, granitiques parfois gneissiques, posés sur une matrice profonde de marnes lacustres du Keuper. Le vignoble est complanté en riesling, gewürztraminer et pinot. Pas d’information fiable quant aux proportions respectives. J’ignore de quel pinot il s’agit.

Gruenspiel 2015

Vinification classique par Jean-Michel, millésime riche et solaire. Le nez est plutôt lourd, avec des agrumes et de la pâtisserie. Le vin est construit en rondeur. La présence du riesling est loin d’être évidente, mais la famille Deiss insiste depuis longtemps sur le rôle mineur joué par les cépages: tout ici tourne autour du terroir, le cépage étant un simple accessoire (j’exagère à peine). Il y a du sucre, je me sens dans l’univers des vins moelleux. La finale est légèrement collante. Mais (et c’est l’un des enseignements de cette dégustation), le vin ne cesse d’évoluer dans les verres, il s’affine progressivement, joue sur le fondu de sa structure et quitte sa gangue sucrée. Si nous l’avions goûté vite fait, mal fait, nous l’aurions méjugé. Rappel de circonstance: évaluer un vin artisanal en quelques instants relève de la sottise. Goûter, regoûter après 15 minutes, après 2 heures, après 24 heures. Eh oui, il faut y mettre une bonne dose d’huile de coude !

Alcool: 14%

NB: jetez un coup d’œil à la photo: on peut y lire discrètement « Le jeu des verts« , une traduction presque littérale de Gruenspiel. On y reviendra. On y lit également « Cru d’Alsace », une façon légale de faire passer le message: Gruenspiel est un premier cru et n’attend qu’une confirmation officielle pour le faire savoir.

Gruenspiel 2016

Vinification classique par Jean-Michel, millésime plus frais. La robe est moins dense que celle du 2015, le nez est léger, pierreux, une pointe de citron apparaît. Le profil est une antithèse du 2015: la bouche est fine, racée, intense, scintillante. Verticalité, minéralité, énergie. La finale est magnifique, très peu marquée par le sucre, nette et presque tranchante. C’est un grand vin qui, lui aussi, évolue dans le verre jusqu’à se présenter comme un 100% riesling (qu’il n’est pourtant pas). Ce qui me frappe lorsque l’on compare 2015 et 2016, c’est le fort impact du …millésime. On a le sentiment que le terroir accueille les caractéristiques de chaque millésime et les restitue pendant la dégustation. Difficile alors de percevoir les caractéristiques du terroir lui-même.

Gruenspiel 2018

Vinification géorgienne par Mathieu. Géorgienne, parce que le vin est légèrement macéré (contact entre peaux et jus): 10% du volume total de vin, pendant 6 jours. On sent une approche prudente, pas-à-pas. Néanmoins, l’impact de cette macération limitée est très visible: la couleur dans le verre est franchement orangée. Le nez est intense et minéral, avec du zeste d’orange. En bouche …

attention, ceci est un moment-clé

Donc, en bouche, je suis frappé par la présence d’un peu de sucre résiduel et d’une note oxydative. Finale tannique. Le profil est plus proche du 2015 que du 2016. Où sommes-nous ? En Alsace ? Euh…Nous sommes sur le Gruenspiel et nulle part ailleurs: les cépages ne comptent pas, la région Alsace ne compte pas.

On remarquera la cure de jouvence dont bénéficie l’étiquette. Le « jeu des verts » se situe à présent juste au-dessous de Gruenspiel.

Gruenspiel 2022

Mathieu va jusqu’au bout de ses idées: 100% du volume est macéré, pendant plusieurs mois. Vin nature, sans soufre ajouté. Le vigneron suggère d’ouvrir la bouteille la veille (ce que nous n’avons pas fait, mais qui le fera ?). Couleur de clairet, rose foncé ou rouge clair, au choix du dégustateur. Mais en tous cas la couleur orange est absente. Le nez m’évoque la cerise (influence sournoise de la robe ?), puis la rose. Un petit air guilleret et sympathique. La bouche est tendue sur son acidité. Le vin est sec, fin et aérien. Il n’y a aucune déviation aromatique. On est plus proche du profil du 2016 que de celui du 2015. Je trouve le vin agréable et j’ose (sous le regard ébahi et courroucé du Saint-Esprit) me risquer à une comparaison avec un grolleau de la Loire. Bon, je reconnais une part de provocation dans ce commentaire, mais le vin me paraît assez simple, trop simple. Le problème est-il dans la bouteille ou faut-il plutôt le chercher dans le nez, la bouche et le cerveau du dégustateur ?

Je me suis progressivement construit un dictionnaire et une approche qui fonctionne de façon satisfaisante avec les vins classiques. Mais ce Gruenspiel 2022 est tout sauf un vin classique ! Ma grille d’analyse repose sur cinq axes: équilibre, complexité, intensité, persistance, spécificité. J’ai l’impression de me confronter à un vin qui refuse d’entrer dans ce cadre. Et qui m’oblige donc à réfléchir autrement, quitte à arriver aux mêmes conclusions, qui sait ? En fait, ce vin ne veut pas de moi: en marketing, on dira que je ne fais pas partie de sa cible. Trop vieux.

A la réflexion, je ne me sens pas capable de définir ce qui ferait la spécificité du terroir Gruenspiel, au travers de quatre vins très différents les uns des autres. Mais autant le 2016 est lisible, autant le 2022 est illisible: le 2016 est écrit en français du vingtième siècle et le 2022 en hongrois (ou en bulgare ou en japonais, selon votre bon plaisir): je ne pratique malheureusement pas ces langues exotiques. Je souhaite converser mais il y a de la friture sur la ligne. J’écoute la voix du Saint-Esprit mais je n’entends pas son message.

NB: la métamorphose esthétique est arrivée à son terme: Gruenspiel a disparu, le « jeu des verts » prend toute la place. Cela colle sans doute mieux à l’univers des vins nature, c’est une communication dépoussiérée, plus jeune. Mais, ô paradoxe, Jean-Michel Deiss se bat avec énergie et détermination pour imposer le Gruenspiel comme un lieu d’exception et on finit par le supprimer de l’étiquette au profit d’une traduction sans charme et sans mémoire.

La contre-étiquette indique un taux d’alcool de 14,5% et affiche le texte suivant: « Vin de macération sur terroir de marne. Vin sec, sans soufre ajouté et sans filtration ».

Gruenspiel 2017 (rouge de pinot noir)

Ce n’est pas fini ! On fait du rouge sur le Gruenspiel. La question de la macération ne se pose évidemment pas, puisque tous les vins rouges passent par cette étape pour extraire la couleur, les tannins, etc…

A ma relative surprise, c’est un vin classique, j’oserais dire bourguignon, avec un nez légèrement sauvage et une bouche mûre, tendue, avec pas mal de matière. Vin juteux se terminant par une finale pleine de bons tannins. L’alcool joue son rôle à l’arrière-plan, l’élevage itou.

Cela me plaît beaucoup ! C’est ma médaille d’argent, après le blanc 2016. Mais j’ignore sur quelle base faire le lien avec le terroir Gruenspiel.

Bilan: j’ai passé un excellent moment (malgré le courroux du Saint-Esprit) et le sujet mérite assurément de s’y intéresser de près. Je reconnais volontiers manquer d’expérience pour évaluer les vins blancs de macération à leur juste valeur. Mais je ne peux cacher une profonde perplexité: pourquoi cette radicalité qui consiste à faire table rase du passé et de l’histoire ? Pourquoi glorifier Gruenspiel (au détriment de la région Alsace et des cépages) avant de le supprimer de l’étiquette: Gruenspiel, le grand perdant de la communication moderne ?

En Alsace certes, mais à Bruxelles – deuxième acte

En soirée, dégustation à l’aveugle qui commence par nous balader en terrain inconnu: l’un de nous risque silvaner, l’autre muscat. On note des amertumes non négligeables. Ensuite, une paire de vins nous déconcerte: cela pourrait être du pinot gris, mais qui fait aussi sec ? Ostertag ? Trimbach ? Et voici une paire largement aussi étonnante: il y a l’aromatique du gewürztraminer, mais pas la structure à laquelle on s’attend: en particulier le premier vin (nous saurons plus tard que c’est un 2016) est d’une grande finesse et d’une aromatique noble.

C’est compliqué. Les visages sont livides, les respirations haletantes. Certains d’entre nous font silence. C’est compliqué. Heureusement, le septième vin éclaire notre lanterne: c’est du riesling ! Au vu de tout ce qui précède, nous sommes bien en Alsace (après les 6 premiers vins, je n’aurais pas mis ma main au feu). A partir d’ici, le feu d’artifice est déclenché: les notes très élevées vont pleuvoir sur les rieslings secs qui s’enchaînent. J’évoque le Rheingau et les vins de Georg Breuer (c’est un compliment).

Et puis, la vérité nous fend les oreilles: tous les vins proviennent du même domaine: André Kientzler à Ribeauvillé. De mon point de vue, Kirchberg 2017 et Geisberg 2016 se partagent la médaille d’or. Une mention spéciale pour l’Osterberg (gewürztraminer) 2016.

Nous concluons avec François-Alphonse 2008, une cuvée rarement produite qui assemble, je crois, des raisins qui proviennent de différents grands crus. C’est un 2008, mais il paraît notablement plus âgé, avec ses notes terreuses, champignons, ail, humus, … Note oxydative également. C’est le vieux vin qui finit par rapprocher un grand Sancerre, un grand Chablis et un grand riesling. Mon 17/20 est sans goute généreux d’un point de vue analytique, mais c’était si bon !

Demain matin, cap sur l’Italie pour d’autres aventures !

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dégustation

prochaine dégustation: samedi 25 mai

Le programme est en cours d’élaboration, voici déjà un preview :

Il y aura, saison oblige, deux rosés, l’un corse et l’autre provençal, respectivement Domaine Sant’Armettu et Clos de l’Ours. Des rosés consistants qui ne sont pas destinés au barbecue en bord de piscine. Ils accompagneront par contre avec brio la cuisine de l’été. Ils ont pas mal de points en commun, seule une dégustation comparative permet de faire son choix. NB: Miraflors 2023 sera disponible à partir du samedi 25 mai.

En blanc sec, un focus sur la Bourgogne par l’intermédiaire de Chablis avec le Domaine Pommier (nouveau chez Anthocyane) et du Mâconnais avec le Domaine Nicolas Maillet: tant le Bourgogne-Aligoté que le Mâcon-Verzé valent le détour (voire le voyage). On commencera la dégustation par le Gentil du Domaine Meyer-Fonné (Alsace), assemblage de pinot blanc, de riesling et de muscat.

En rouge, ce sera surtout italo-espagnol, avec deux belles paires de …vins. On sera dans la Valtellina, tout près de la frontière suisse pour le le nouveau millésime de Botonero et pour la cuvée Vesper du Convento San Lorenzo (nouveau chez Anthocyane), un nebbiolo traditionnel. En Espagne, ce sera catalan (Altaroses 2021 du Domaine Joan d’Anguera, vin d’une exceptionnelle finesse) et riojan (Sela 2021 du Domaine Roda, vin puissant et équilibré).

Plus d’information ici: dégustation du 25 mai.

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blanc offre

Madame chardonnay et ses trois copines

Pourquoi Madame chardonnay ? Parce que chardonnay c’est féminin, comme la millésime, la cépage et la syrah.

Comme un regard de biais, comme une intimité entre sœurs et cousines, comme une façon de créer du lien (c’est très à la mode) entre vins qui ne se seraient jamais décidés à entamer la conversation si je ne les avais pas gentiment poussés à le faire. Comment faire dialoguer le Mâconnais et le Chablisien ? Comment convaincre le Palatinat de bavarder avec le Massif Central ? Plus fort encore, comment convaincre Madame chardonnay de consentir à partager sa bouteille avec des copines, elle qui préfère depuis toujours la solitude hautaine et mono-cépagesque (sauf qu’en Champagne, la chardonnay fait plutôt dans le plan à trois, mais soit je m’égare).

Donc, cette introduction étant écrite, il s’agit de vous proposer un colis « chardonnay » en 6 bouteilles toutes issues du millésime 2022, pour apprécier la diversité des expressions et le charme de belles découvertes. Prix: € 130.

Et que trouve-t-on dans la boîte ?

Il y a donc un Chablis de belle facture, la Croix-aux-Moines du Domaine Isabelle et Denis Pommier, une nouveauté chez Anthocyane. Vignes de 50 ans sur calcaire argileux, 70% inox et 30% fûts. Boisé perceptible et bien proportionné. De la minéralité pour un vin salivant et droit.

En Mâconnais, c’est Nicolas Maillet qui se présente à nous, avec un somptueux Mâcon-Verzé Le Chemin Blanc: sans aucun doute, ce 2022 est exceptionnel (la presse spécialisée l’encense), avec son nez de fleurs et d’abricot et une bouche concentrée qui réussit (on se demande comment) à combiner rondeur et verticalité. Et quelle longueur ! 0% de bois. Âge moyen des parcelles: 87 ans. Récolté le 31 août, mis en bouteilles le 10 juillet. Le vigneron a la modestie d’annoncer une garde de 3 à 4 ans, mais il me paraît évident que ce vin dispose de toutes les qualités requises pour conserver son apogée jusqu’en 2030.

Tant qu’à faire, profitons-en pour inviter une copine de Madame chardonnay à rejoindre le colis, à savoir le Bourgogne-Aligoté de ce même Nicolas Maillet: assemblage du fruit de deux vignes, l’une à Verzé (ceps de 80 ans), l’autre à Igé (jeunes vignes). L’acidité naturelle du cépage est présente, mais elle participe en douceur à l’équilibre d’un vin joliment gras. Comme toujours chez Maillet, 0% de bois.

En Allemagne, précisément dans le Palatinat (Pfalz), le chardonnay n’est officiellement autorisé que depuis les années ’90 du siècle précédent. Officieusement, il se chuchote que des vignerons curieux ont court-circuité la loi depuis longtemps en « confondant » des ceps de chardonnay avec des ceps de pinot blanc. Aujourd’hui, l’Allemagne est un grand pays de chardonnay. Voici d’abord la version 100% chardonnay avec ce Chardonnay Royale du Domaine von Winning qui démontre avec talent que l’on peut produire en Allemagne des vins de style bourguignon à un prix qui a mystérieusement disparu quelque part entre Dijon et Mercurey. Fermentation et élevage sous bois. De la poire, des épices et un boisé élégant.

Mais il y a également la version « copine », c’est-à-dire un assemblage de 70% de chardonnay avec 30% de pinot blanc dans ce bien nommé Chardonnay & Weißburgunder du Domaine Rings. Le modèle ici est également à chercher en Bourgogne: nez entre agrumes et fin boisé, bouche classique, prix très attractif. Elevage en fûts de 500 litres (75%) et en cuve inox (25%). Comme le von Winning ci-dessus, le vin est parfaitement sec.

Enfin voici notre troisième copine, puisque 30% de tressallier complètent 70% de chardonnay dans la cuvée Aurence du Domaine des Bérioles, en appellation Saint-Pourçain (versant nord du Massif Central). Ceux et celles qui ont participé à la dégustation du 1er juillet connaissent déjà ce vin issu d’un terroir calcaire. Elevage sans bois, léger en alcool (12,5%). Vin bio. Le nez est citronné, la bouche dense, salivante et précise.

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offre

Lombardie et Piémont, le nouveau nebbiolo

Je ne résiste pas au plaisir de mettre en évidence le nouveau nebbiolo. C’est vrai, c’est un cépage plutôt exigeant, pour lequel on a pris l’habitude de recommander une longue garde en cave avant tout retrait du bouchon.

Mais le temps n’attend pas, il court de plus en plus vite, il s’appelle janvier et un clin d’œil plus tard il s’appelle avril. Le temps s’amuse, il se rit de moi et me susurre qu’encaver le vin qui a besoin de vingt ans pour être à point, c’est prendre un pari risqué sur mon espérance de vie.

Et donc contre-attaque fulgurante de l’auteur de ces lignes: oui, il y a un nouveau nebbiolo qui se déguste aussi dans sa jeunesse. Je vous propose de le vérifier grâce au colis nebbiolo en 6 bouteilles (€ 145).

Composition du colis: deux bouteilles de Botonero 2023 (millésime très réussi), deux cuvées en Valtellina lombarde en provenance du nouveau Domaine Convento San Lorenzo, une bouteille de Perbacco 2020 (tant que l’importateur en a, je continuerai à me servir goulûment dans son stock … c’est trop bon !) et une bouteille d’un Barolo, vrai de vrai, dans l’excellent millésime 2016.

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Les 11 communes du Barolo

La Bourgogne du vin influence les décideurs, dans le monde entier. Voyez l’Allemagne qui se dote d’une pyramide en quatre étages: vin régional (Gutswein), vin de village (Ortswein), 1er cru (Erstes Gewächs) et grand cru (Grosses Gewächs): cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Peut-on être plus bourguignon ?

Et en Italie ? Eh bien, Barolo propose depuis un bon moment …170 mentions géographiques supplémentaires (MGA), à savoir ce que les amateurs qualifient de crus. Il y a de quoi s’y perdre. Alors, nouveauté depuis le millésime 2017, Barolo a créé …11 nouvelles MGA’s. Cela peut paraître absurde d’en rajouter, mais la démarche se fonde, une fois de plus, sur le modèle bourguignon. En effet, il ne s’agit pas de 11 nouveaux crus, mais des 11 communes (en tout ou en partie) qui composent l’appellation.

Cela ressemble à ceci:

Progressivement, les vignerons vont mettre en avant les caractéristiques de leur (partie de) commune, de façon à définir ce qui différencie les unes des autres. On aura le style La Morra et le style Monforte. On comparera et on s’amusera !

Pour certaines de ces communes, je ne suis pas vraiment optimiste parce qu’elles sont fort petites et manquent d’un vigneron-locomotive qui tirerait ses collègues vers la haute qualité: Diano d’Alba, Roddi et Cherasco ont un difficile combat à mener. Grinzane Cavour peut heureusement compter sur La Spinetta et Verduno peut assurément compter sur Fratelli Alessandria.

Vous trouverez encore des Barolos (Baroli ?) sans mention de commune et sans mention de cru. Soit le vigneron ne souhaite pas afficher la commune d’origine (il n’y a aucune obligation de la mentionner), soit il assemble des raisins qui proviennent de plusieurs communes (on ne peut mentionner qu’une seule commune).

Le Barolo, c’est forcément du nebbiolo. Il y a plein de nebbiolos (nebbioli ?) dans le magasin.

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dégustation offre

Islas Canarias

Le volcan, le vent et l’océan, découverte en 6 bouteilles

Les Canaries ? Sept îles principales, aussi volcaniques les unes que les autres, d’une superficie totale de 7.500 km², en plein océan Atlantique, à la latitude du sud marocain.

Le tourisme de masse a un talent certain pour produire des vins de masse en quantité suffisante pour arroser les palais peu exigeants. Donc prudence et discernement ! Heureusement, ces îles sont aussi le berceau de vins à fort tempérament, de vins à la personnalité marquée par le lieu où ils naissent. Comptez également sur la présence de cépages archi-locaux et sur une volonté des meilleurs vignerons de traduire avec précision la spécificité d’un climat et d’un (sous)-sol: en somme, l’expression d’un terroir particulier.

Il y a 9 appellations d’origine contrôlée (dont 5 pour la seule île de Tenerife), mais leur notoriété est inversement proportionnelle à la complexité de leur petit nom: par exemple, que pensez-vous de Ycoden-Daute-Isora ? ou de Tacoronte-Acentejo ? Bon, inutile de s’appesantir sur ces termes peu usités, retenons plutôt le nom de quelques Domaines qui font du bon, du très bon et du meilleur: Suertes del Marqués, Envinate, Puro Rofe, El Grifo, Bimbache, Borja Pérez et Viñatigo.

Allons droit au but: cet article a l’ambition de vous proposer un colis de 6 blancs secs des Canaries, tous issus du millésime 2022. Le colis est proposé à € 190. Chaque colis se compose de:

  • Viñatigo, Tenerife, Gual 2022
  • Viñatigo, Tenerife, Vijariego Blanco 2022
  • Viñatigo, Tenerife, Ensamblaje 2022
  • Viñatigo, Tenerife, Ancestrales 2022
  • Puro Rofe, Lanzarote, Rofe 2022
  • Bimbache, El Hierro, Bimbache Blanco 2022

L’honnêteté m’oblige à reconnaître que ces vins ne plairont sans doute pas à tout le monde. Mais les amateurs d’expériences fortes et originales vont s’en donner à cœur joie ! Et quel thème amusant pour organiser avec quelques amis curieux une dégustation mémorable ! Vous voyagerez entre salinité et notes oxydatives, entre coquille d’huître et notes fumées, avec toute la gamme des sensations caillouteuses.

Les ceps sont francs de pied, vu l’absence du phylloxéra: la bestiole n’a jamais atteint l’archipel. La peur du volcan ?

J’ai eu le plaisir de goûter en deux fois, d’abord en mars 2023, puis en mars 2024. En 2023, j’avais conclu pour synthétiser mes notes: quelle série extraordinaire ! En 2024, j’ai noté: en route pour l’extrême ! Donc, oui, je suis enthousiaste !

Si vous souhaitez compléter la dégustation avec un septième voire un huitième vin volcanique, je peux vous proposer d’autres vins de chez Viñatigo, en millésime 2020 ou 2021. Ou pourquoi ne rajouteriez-vous pas un pirate dans la dégustation, en provenance des Açores (Portugal) ou de Santorin (Grèce) ?

Voyons en détail ce que je propose:

Viñatigo, Tenerife, Gual 2022

Il commence fruité et finit rocailleux. En 2023, il m’avait semblé gras, fumé, légèrement oxydatif, comme un pinot gris très sec, avec une finale nette et une longueur saline. En 2024, j’ai également noté la profondeur du nez, la verticalité du profil.

Il s’écrit que le cépage gual serait un synonyme du boal que l’on connaît à Madère. Mais je refuse de mettre ma main au feu ! 13,0%

Viñatigo, Tenerife, Vijariego Blanco 2022

Nez dont la minéralité se développe progressivement dans le verre. Grande délicatesse, salinité, précision et longueur; à l’aveugle, on peut penser à un riesling ou à un assyrtiko de Santorin.

Le cépage vijariego est originaire d’Andalousie mais est présent aux Canaries depuis le 16ième siècle. A Lanzarote, on le nomme diego. 13,0%

Juan Jesus Mendez, Viñatigo

Viñatigo, Tenerife, Ensamblaje 2022

Fruité de pêche et d’abricot, beaucoup de gras et de la fumée. Très concentré, avec une finale d’une exceptionnelle qualité. Combinaison réussie de rondeur et de fraîcheur. Cet assemblage se compose des cépages gual, listán blanco, malvasia, marmajuelo, vijariego. Certaines parcelles sont au niveau de la mer, d’autres à une altitude de +/- 1.000 mètres. 13,0%

Viñatigo, Tenerife, Ancestrales 2022

Vu que l’on retire l’échelle, il est impératif de se tenir au pinceau ! Autrement dit, un vin qui ne peut laisser personne indifférent. Tannicité et grande longueur, macération des peaux pendant 5 mois (couleur légèrement vin orange), des notes végétales. Finale en forme de rocher, avec de la cendre. Ce vin élaboré à l’ancienne est un 100% gual. 12,5%

Puro Rofe, Lanzarote, Rofe 2022

Nous changeons de producteur et d’île. Et cela nous entraîne vers un profil encore plus extrême: le volcanissime ! Caillou et citron. Bouche intense et dominatrice, finale très sèche, grande persistance. Assemblage de diégo, listán blanco et malvasia volcànica. Levures indigènes. Ni collé, ni filtré. 12,5%. Parker: 92/100.

Bimbache, El Hierro, Bimbache Blanco 2022

Hop, on passe du nord-est de l’archipel au sud-ouest de celui-ci. C’est du caillou mouillé (NB: quand je me laisse aller j’écris plutôt caillou pourri, mais ça n’est pas politiquement correct). Bouche explosive, avec une forte acidité. On se rapproche du territoire du vin nature, faiblement sulfité, terriblement salin, à cheval sur la frontière entre génie et bizarrerie: que chacun se fasse son opinion ! Pour Parker, c’est 93+.

Assemblage de baboso blanco, gual, listán blanco, pedro ximenez, verijadiego. 13,0%

vigne à Lanzarote
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Bordeaux 2021 : un millésime qui ne ment pas

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Flashback : retour aux années ’70 et antérieures

Telle est l’impression que m’a laissée ma dégustation d’une cinquantaine de grands crus de Bordeaux la semaine dernière. Plus de minceur que de rondeur, plus d’amertume tannique que de chair, bref le millésime 2021 est manifestement le vilain petit canard de la dernière décennie.

Depuis 2013, une succession de millésimes cléments, voire chauds à caniculaires avaient laissé croire à un vignoble bordelais virant californien. Que nenni ! Les vignes ont connu une succession de coups durs : gel, mildiou, été frais et peu ensoleillé furent au rendez-vous.  En mars, le soleil très présent a fait éclore les premiers bourgeons plus tôt que prévu, hélas devait survenir ensuite un épisode de gel historique, le thermomètre chutant brutalement les nuits des 7 et 8 avril sur l’ensemble du Bordelais, avec une première perte de récolte à prévoir. Laquelle se vit aggravée par de nouvelles gelées au mois de mai. Bacchus n’était pas Bordelais cette année-là : des précipitations abondantes fin juin et en juillet favorisèrent quant à elles des attaques de mildiou.

Si, au contraire des années 70 et antérieures évoquées, il n’y a pas de réelle verdeur dans les vins, les tannins sont néanmoins souvent fermes, voire renforcés par une acidité bien présente. Cette absence de verdeur, les domaines la doivent d’une part au progrès technologique, d’autre part à un cycle végétatif particulièrement long. Il a commencé avec un débourrement dès début avril pour se poursuivre jusqu’à une maturité autorisant des vendanges étalées jusqu’à la mi-octobre : merci l’été indien, qui a offert un ensoleillement partiellement salvateur. Octobre aurait été le mois le plus ensoleillé depuis 1991, dixit certains vignerons. Cette météo inattendue a partiellement contrebalancé les retards de maturité des baies causés par ces printemps et été relativement froids et peu ensoleillés.

Toutefois l’hétérogénéité est de mise dans ce millésime où les meilleurs vinificateurs ont misé sur une extraction douce, quitte à ajouter du vin de presse pour éviter un creux en milieu de bouche. Et ne se raconte-t-il pas dans les travées que la chaptalisation a ici et là repris du service pour la première fois depuis 2013 ?

Au final, retenez ceci si vous souhaitez acheter des Bordeaux 2021 : les rouges sont plus frais mais aussi clairement plus légers que dans les millésimes précédents ; l’acidité élevée donne un nerf peu courant ici aux blancs, tout comme aux rares liquoreux qui ont survécu aux mortels épisodes de gel.

Mes coups de cœur dans le désordre :

  • Fieuzal pour son équilibre
  • Haut-Bailly avec son inattendue densité
  • Pavie-Macquin pour son expression de terroir calcaire
  • Clinet et sa texture veloutée
  • L’Evangile, svelte et salin
  • Larcis Ducasse à la vibrante matière
  • Domaine de Chevalier (blanc), agrumes et herbe fraîche

Bernard Arnould

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dégustation

dégustation du 09 mars: compte-rendu

Hier samedi dégustation de 14 vins autour du bar. Beaucoup de monde l’après-midi : mon dos, mes pieds et ma voix ont légèrement trinqué ! La soirée a été calme…

Des commentaires positifs en pagaille ce qui fait toujours plaisir, le public était manifestement content d’être là ! A ma grande satisfaction parce que la sélection était sans concession. Autrement dit, je privilégie ce qui me semble particulièrement intéressant sans chercher forcément à plaire à tous. Après deux blancs que j’ai qualifié de « gentils » (ce n’est pas péjoratif, c’est descriptif), les quatre blancs suivants étaient disons …exigeants. Des vins à forte personnalité qui racontent des histoires intenses, sophistiquées et multi-facettes. Quatre vins qui résument bien le pourquoi de ma passion et mon envie de la partager !

Plus précisément, le premier gentil s’appelle Touraine Sauvignon des Corbillières (3108) : aromatique, harmonieux, direct ; apéritif qui ne déplaira à personne ; fonctionnera fort bien avec les asperges qui pointent déjà leur nez printanier. Le deuxième gentil s’appelle Win Win (3209) et se prénomme riesling en provenance du Palatinat (Pfalz en langue locale) : aromatique, légèrement arrondi par un passage en bois, parfaitement sec ; c’est le riesling idéal pour ceux/celles qui se méfient du tranchant et de la forte vivacité de bien des rieslings allemands.

La personnalité d’Argile des Ardoisières (3222) s’exprime tout en délicatesse mais avec la vitalité du torrent. Cela fait sens considérant que les vignes sont plantées dans les coteaux pentus de la Savoie. Le Domaine des Ardoisières fait partie de l’élite savoyarde depuis plus de 10 ans.

Grand saut géographique vers le nord-ouest de l’Espagne, avec Cies Rias Baixas (3201), un vin de Galice vraiment étonnant : nez minéral et iodé (les vignes voient l’océan Atlantique), la bouche d’abord stricte et caillouteuse prend progressivement du gras et du fruit ; sans conteste un grand vin du cépage albariño.

Toujours l’Espagne avec Alegre Valgañon Rioja (3025) en bouteille transparente qui souligne sa belle couleur dorée. Vin sec, de style traditionnel, avec une pointe tannique en finale ; un bel exemple du bouillonnement stylistique qui agite la région depuis quelques années ; une comparaison audacieuse ? Eh bien cherchons du côté des vins blancs du célèbre domaine Lopez de Heredia (Viña Gravonia).

Enfin Derthona Vietti (3226), un italien de haute volée qui mérite son surnom en forme de clin d’œil : le Barolo blanc. N’hésitez pas à lire la belle histoire d’un cépage disparu et ressuscité sur le site d’Anthocyane.

On entame les rouges par un rosé foncé ou rouge clair, selon le bon plaisir du dégustateur : Teres Fatalone (3227) conjugue la richesse d’un vin des Pouilles avec une délicieuse fraîcheur ; on est très loin des primitivo lourds et fatigants ; vin gastronomique et polymorphe : il se sentira bien en compagnie d’une large série de plats.

Un pinot noir allemand et énergique Adeneuer Ahr (3210) dont le style peut évoquer certains bourguignons du côté d’Irancy, la finesse des tannins en plus. Bien sûr peu de couleur comme il sied à un pinot noir extrait avec doigté.

Je suis parfois perplexe face à la richesse en alcool des rouges du Rhône Sud ; d’où la très belle surprise La Janasse Terre d’Argile (3143), un assemblage de grenache, syrah, mourvèdre et carignan. Ce dernier cépage apporte de la fraîcheur bienvenue et donne de l’esprit à ce vin au caractère réconfortant.

Ensuite, direction Piémont pour découvrir le cépage barbera de chez Vietti Trevigne (3225) dans un profil énergique et frais, différent de celui (plus en rondeur) des vins de Rinaldi, habitués de mes dégustations. J’ai entendu quelques « oh ! » et « ah ! » qui en disent long.

Retour en France chez « le classique des classiques » en Crozes-Hermitage : Combier (3188) égal à lui-même, presqu’un archétype de la syrah aromatique et charmante, délicieuse combinaison de notes fumées, d’une vivacité qui réveille le palais et de tannins d’excellente facture.

En Espagne, je propose un autre classique : Mas d’en Gil Bellmunt (3196), magnifique Priorat grenache et carignan qui offre la typicité de cette célèbre appellation, mais aussi -et surtout- un profil construit sur la finesse (alors que bien des Priorat privilégient une extrême puissance qui me paraît inopportune).

On finit par un duo jurassien : d’abord Pignier Trousseau (3223) que j’ai le plaisir de proposer pour la première fois ; certains pouvaient craindre un effet de séquence négatif après le Priorat, mais il n’en fût rien : l’exceptionnelle finesse du fruit de ce rouge de couleur assez claire. C’est savoureux, frais, précis, floral et d’une grande élégance.

Pour finir en beauté, on enchaîne sur un autre Pignier Cellier des Chartreux (3224), 100% chardonnay élevé sous voile pendant trois ans ; style comparable à celui du Vin Jaune, en moins extrême. Ici encore, c’est la finesse qui emporte la marché, c’est bien plus qu’un vin de type oxydatif ! Très difficile de goûter autre chose après ce monument. J’espère vous donner envie ! En tous cas, je suis fier de la sélection et très heureux d’être en mesure de proposer de tels vins !

Pour des raisons logistiques, je prends les commandes jusqu’à ce mardi 12 mars inclus: dégustation de 14 vins

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La contre-étiquette

Beaucoup de vignerons européens ont la fâcheuse habitude d’utiliser la contre-étiquette pour, au choix, communiquer:

  • des accords bizarres entre leur vin et des mets variés (plus il y en a, mieux c’est)
  • des calembredaines au lyrisme grossier, en citant de préférence le terroir et la tradition
  • des éléments plus ou moins rigolos, pour confirmer qu’on se situe bien dans l’idéologie « nature »
  • des logos dont la plupart ne signifient pas grand’chose si ce n’est la croyance qu’ils font vendre lorsqu’on n’a pas de (grande) médaille d’or à afficher
  • nada/nothing/niets si ce n’est ce qui est obligatoire.

Je suis tombé récemment sur une bouteille australienne (Domaine Cullen en Australie occidentale) qui s’y prend autrement:

  • le millésime, le nom du vignoble, la position de la parcelle dans ce vignoble, le village et l’appellation: 2021 Mangan East Block Wilyabrup Margaret River
  • un texte explicatif: Cullen Wines respectfully acknowledges the Wadandi people, past and present, traditional custodians of the land on which this wine was grown. Cullen Wines is a naturally powered carbon positive and certified biodynamic Estate in Wilyabrup, Margaret River. 2021 marks 50 years of sustainable winegrowing at Cullen Wines. Hand harvested grapes from the best blocks of the Mangan Vineyard were naturally fermented, basket pressed and then matured in 40% new oak for 7 months. The resulting blend is 59% malbec and 41% petit verdot and displays the unique fruit driven terroir of the site.
  • Suivent encore la contenance: 750 ml contains approximately 8 standard drinks (un verre = 9,375 cl), le numéro du lot, les coordonnées complètes de l’importateur, le taux d’alcool, la présence de sulfites, le logo européen de l’agriculture biologique suivi par le numéro du certificat, le code-barres et les coordonnées complètes du Domaine.

On me rétorqua qu’il manque des éléments importants, que les étiquettes californiennes sont encore plus explicites, que la plupart des consommateurs s’en fichent et que les caractères sont si petits que des lunettes de lecture n’y suffisent pas. Certes -répondis-je avec le sourire- mais je me sens néanmoins mieux traité par cette prose kangourou que par le talent surnaturel de certains vins européens qui assurent qu’ils s’associent divinement à la viande blanche, aux entrées, à la viande rouge et aux fromages (et à la galette des rois ???).

Bref, la contre-étiquette est un lieu qui mérite d’être exploité avec pertinence et précision. En particulier, elle permet de contextualiser et de raconter une histoire !

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Union Grands Crus: le millésime 2021 à Bordeaux

Belle opportunité ce mardi de goûter une longue série de Bordeaux dans le genre grands crus classés. Organisation performante qui permet de choisir entre la formule bruyante/agitée (chaque Domaine derrière sa petite table, ça se bouscule) et la formule au calme (on reçoit quelques centilitres du vin souhaité, on s’installe dans un fauteuil et on goûte sans être perturbé). Devinez où l’on pouvait m’apercevoir…

Il y a bien entendu bien plus de vins à goûter que ce que le rédacteur de ce billet est capable de déguster, tout en restant raisonnablement sobre. Je crache tout, mais malgré tout, au fur et à mesure…

Tant qu’à faire, j’ai sélectionné les appellations que j’avais déjà sélectionnées l’année passée, à savoir Pessac Léognan et Margaux. En laissant de la place pour quelques improvisations.

Pessac Léognan

Conclusion: dans le contexte d’un millésime difficile, les vins sont frais, assez fermés, avec des nez pas très expressifs. Mais il y a de gros écarts entre les meilleurs et les moins réussis (du moins à ce stade).

Je commence par Fieuzal: fruité, peu tannique et peu boisé, frais et peu alcoolisé (en perception). C’est très agréable mais un peu facile. Néanmoins, l’équilibre est excellent et les différents éléments du vin s’harmonisent avec brio. Le vinificateur a fait pour le mieux avec la matière mise à sa disposition. ++

Malartic La Gravière est certes plus dense que Fieuzal, plus riche et sans doute plus chargé en alcool, mais je lui trouve un peu moins d’énergie et un certain déficit de finesse. +

Smith Haut Lafitte présente un joli nez, avec un léger floral. Cela commence bien mais malheureusement la bouche déçoit: vin angulaire, tannins secs, beaucoup d’austérité sans plaisir, finale assez courte. +/-

Larrivet Haut Brion est construit autour d’une belle colonne vertébrale (acidité élevée), il est énergique et paraît encore très jeune. Les tannins sont plus fins que dans Smith HL. +

Haut-Bailly est dense, frais, salivant et long. Il est profond, équilibré, avec de bons tannins sans aucune sécheresse. Le meilleur jusqu’à présent. Pour un 2021, c’est très réussi. +++

Domaine de Chevalier affiche un profil très particulier: plus aromatique que les précédents, bien fruité, il pourrait se faire passer pour un Bourgogne ! C’est un vin élégant avec une charge tannique assez imposante, ce qui invite à lui donner du temps. +

Et pour finir cette promenade dans l’appellation: Pape-Clément. Nez plus minéral que fruité. Beaucoup de jus et d’énergie. Beaux tannins d’un juste dosage par rapport à la matière. Fin et puissant. +++

Margaux

Conclusion: les vins m’ont semblé plus puissants que ceux de Pessac Léognan, mais moins fins. Cela manque de chair et de plaisir. Il faut attendre que les vins se fassent plus aimables. Mais je n’affirme pas qu’ils seront un jour franchement meilleurs. Millésime manifestement difficile.

Desmirail constitue une assez bonne entrée en matière. Nez fruité, avec un boisé perceptible. Le vin est assez puissant, sauvage, pas encore en place. Quelques tannins légèrement secs. Il y a de la matière et de la vie. +

Dauzac présente un joli nez, fruité et souriant. En bouche, c’est nettement moins souriant: plus de puissance que de finesse, tannins surreprésentés, pointe de rusticité. +/-

Kirwan surprend par son nez subtil dans lequel s’invite l’encens. Equilibre de haut vol, dense et énergique, excellents tannins, finale salivante et tranchante. ++

Rauzan Gassies paraît timide, comme s’il n’osait pas se présenter au dégustateur. La bouche est simple, avec des tannins peu élégants. +/-

Lascombes est mystérieux: le nez est très fruité et très pur. En bouche, le vin paraît très jeune, sans harmonie avec quelques tannins rêches. Malgré tout, il m’intrigue et me donne envie de lui donner du crédit. ?

Prieuré Lichine présente un nez « sombre », sur le fruit noir et une certaine minéralité. Mais, en bouche, c’est puissant au détriment de la finesse. C’est impressionnant et extraverti avec un corollaire: la superficialité. La rusticité n’est pas loin. +/-

Le Tertre se dévoile via un nez un peu chaud. L’équilibre est très bon: il n’y a rien qui dépasse, c’est poli avec de bons tannins, le fruit est savoureux. Mais cela reste simple. +

Giscours a été goûté deux fois. C’est un vin très dense, avec du terroir et de la personnalité. A ce stade, c’est néanmoins fermé, voire austère. Très cabernet, avec une pointe d’amertume. ++

Je papillonne …

A partir d’ici, je me plonge dans les autres appellations, sans objectif précis: si une bouteille me tape dans l’œil, je goûte.

Talbot (St-Julien): le nez est peu causant. En bouche, il y a de la matière, un joli velouté jusqu’à un petit soupçon de chaleur (NB: attention à l’effet de séquence après l’austère Giscours). Comme s’il y a plus de merlot dans l’assemblage. Il lui manque l’étincelle du génie. +

Grand Puy Ducasse (Pauillac). Etonnant, je retrouve ici pour la première fois un parfum que j’associe à …Pessac Léognan: le jambon fumé. Fort différent de tous les autres vins goûtés précédemment. Atypique du millésime et de la région. Je pense plutôt à un vin du sud, espagnol. Certes différent, mais avant tout savoureux. J’ai envie d’un verre (mais je m’abstiens). ++

Gazin (Pomerol) est un vin puissant mais pas très précis. Déception, je n’y trouve ni finesse, ni élégance. Bof. +/-

Lynch Bages (Pauillac). Nez sur les fruits noirs, enivrant (euh…cela fait bientôt deux heures que je déguste), parfum oriental. Vin plus riche que le millésime, avec une suavité soyeuse qui ne verse pas dans la mollesse. Excellents tannins. +++

Bonus: Sauternes

Le millésime 2021 a été catastrophique pour les liquoreux. Conséquence: les domaines font goûter des millésimes plus anciens. Et cela se révèle très intéressant !

Guiraud 2016: nez sur les agrumes, scintillant, très séduisant. Touche de sauge et de menthe. Nuance pâtissière. Bouche très bien équilibrée, avec peu de sucre perçu. Vin aérien, subtil, sans boisé excessif, alcool mesuré: vin spirituel, pas spiritueux. +++

Lafaurie Peyraguet 2017: fort effet de séquence avec Guiraud. Ce nez-ci est imprécis. Cette bouche est fort sucrée, avec une pointe d’alcool. La richesse finit sur une impression de lourdeur. +/-

Sigalas Rabaud 2016: Nez envoûtant, sur les agrumes fins. Bouche intense, gastronomique, serrée et tendue, pas trop sucrée. Le profil est proche de celui de Guiraud. ++

Quelque chose à rajouter ?

Les notes ci-dessus sont « brutes », sans la moindre correction politiquement correcte. Je n’ai consulté aucun guide, aucune revue. Il s’agit d’un instant particulier, avec une séquence particulière de vins. Et, bien entendu, mes évaluations en racontent plus sur mes goûts que sur la qualité intrinsèque des vins dégustés.

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dégustation ce samedi 09 mars

Programme complet: les vins en dégustation. Pignier, Vietti et autres pépites.

Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 12 mars.

Jetez aussi un coup d’œil à la sélection andalouse.

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Oscars 2023

Le moment est venu de jeter un coup d’œil derrière moi et de procéder à la désignation des Oscars 2023: 105 vins ont été dégustés, en 8 dégustations (dont une spéciale « Rhône » autour de la table, en janvier); 40 vins en bio et biodynamie (ce nombre est sous-évalué parce que certains vignerons ne communiquent pas sur ce sujet via l’étiquette de leurs bouteilles).

Quelques chiffres…

Comme dans toute bonne cérémonie qui se respecte, on commence par les statistiques. Un peu chiant, certes mais pas dénué d’intérêt. Jugez plutôt:

Sur le bar, 45% de français, 18% d’espagnols, 13% d’allemands et 11% d’italiens. Quelques autrichiens, portugais, grecs, chypriotes et libanais pour compléter ce regard paneuropéen.

Une bonne moitié de vins rouges et un peu plus de 40% de vins blancs secs. Plus 2 rosés et 2 bulles pour faire joli.

Etonnante victoire du grenache lorsque l’on regarde les vins par le biais du cépage. Syrah et gamay complètent le podium.

40 cépages différents, dont les découvertes xynisteri (Chypre), schiava (nord-est de l’Italie), tressallier (sources de la Loire) et godello (nord-ouest de l’Espagne).

NB: si un vin est un assemblage avec une forte dominante d’un cépage, il est assimilé à un monocépage. Restent 14 vins d’assemblage pour lesquels il m’est impossible de déterminer un cépage franchement dominant.

Forcément beaucoup de vins issus du millésime 2022; néanmoins le total 2020+2021 est supérieur à 2022. Quelques vins « avec de la bouteille » (en remontant jusqu’en 2016).

Particulièrement mises dans la lumière les régions suivantes: Rhône, Loire, Catalogne, Corse, Baden, Vénétie, Galice, Roussillon et Beaujolais.

Tambours et trompettes

J’ai repris la liste des vins dégustés, j’ai relu mes notes et j’ai interrogé mes souvenirs. J’ai hésité. Mais trancher il me faut.

Monte sur la troisième marche du podium, médaille de bronze, avec les félicitations du Grand Jury (c’est-à-dire moi), représentant la Corse: Rosumarinu rouge du Domaine Sant’Armettu, appellation Sartène, millésime 2022: bravo ! Grand charme sudiste, finesse, aromatique raffinée, délicatesse des tannins, aucun soupçon alcooleux. S’inscrit dans une gamme irréprochable (Mino, Myrtus, Rosumarinu en blanc, etc…).

Grimpe sur la deuxième marche, médaille d’argent, prix spécial accordé au meilleur blanc sec, prix spécial accordé à un jeune Domaine pour son quatrième millésime, représentant la Loire: Ronceray du Clos Galerne, en appellation Anjou, millésime 2021: bravo ! Bravo ! Un millésime peu ensoleillé en conjonction avec un terroir d’exception capable d’engendrer de très hautes maturités. D’ailleurs le Quart-de-Chaume Grand Cru du même Domaine, sur le même terroir, mérite les mêmes éloges. Je prends les paris: un jour les vins du Clos Galerne seront totalement hors de prix.

Bondit sur la première marche, médaille d’or, prix spécial pour l’originalité du vin, hommage rendu au dynamisme ébouriffant de son appellation d’origine, représentant …La Rioja: Labastida du Domaine Jose Gil, en appellation Rioja, millésime 2021: bravo ! Bravo ! BRAVO ! Une découverte qui m’a laissé pantois: le soyeux d’un grand pinot noir, floral, épicé et fumé. Longueur interminable. Style personnel. Un concurrent pour ce vin ? Oui, San Vicente de la Sonsierra 2021, un autre vin du Domaine Jose Gil (celui-ci n’a pas été dégusté, parce qu’il a bien fallu choisir et renoncer).

Aurais-je pu en choisir d’autres ? Evidemment. Ce podium est un instantané subjectif, un condensé de souvenirs et d’instants précieux: le verre se remplit d’une petite quantité de liquide et, soudain, le nez se parfume, les papilles claquent de joie, une légère humidité voile les yeux, l’intuition crie que c’est vraiment très très bon et les mots manquent.

Bien sûr, j’ai également proposé des vins sur le tarif d’Anthocyane sans qu’ils ne soient dégustés. Parmi eux, je retiens quelques moments d’exception: Riecine di Riecine 2019 (toscan magique et émouvant), Castro Candaz A Boca do Demo 2019 (encore plus fin que Finca El Curvado), Amontillado Poley solera 35 años Toro Albala (oxydatif de grande classe, non-muté), Clos des Grives Combier 2020 (ce fruit !), Steinhalde*** pinot gris Knab 2021 (le plus beau pinot gris sec que je connaisse, volcanique et profond), La Croix Boissée 2019 Bernard Baudry (donner encore un peu de temps en cave pour qu’il donne tout ce qu’il porte en lui), Mas Rousseau 2020 Pas de l’Escalette (vieux ceps de carignan blanc), …

Les sœurs Tessari qui gèrent ensemble le Domaine Suavia (Vénétie)

Et pour clore ce retour sur 2023, un prix spécial pour l’ensemble de son oeuvre, attribué à un Domaine que je suis depuis le millésime 2010: Suavia en Vénétie. Les vins ont toujours été bons, mais ils sont de plus en plus impressionnants: Monte Carbonare 2020 et 2021, Massifitti 2020, Soave Classico 2021 sont tous au top dans leurs catégories de prix respectives.

Cela ne s’appelle pas « Carbonare » par hasard…

Ajoutons que j’ai eu le privilège de goûter “I LUOGHI” (ce qui signifie: les lieux), trois vins issus de petites parcelles de garganega, vinifiées séparément. Tous les paramètres sont identiques SAUF …le terroir. Fittà, Castellaro et Tremenalto sont pourtant très différents l’un de l’autre. Comparaison passionnante, nuances subtiles ! Noi di Suavia siamo felici di portarti in questo viaggio. Ce n’est -à ma connaissance- pas commercialisé en Belgique en 2023. Mais, qui sait, en 2024, quelques bouteilles …

Merci pour votre soutien et …