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Bordeaux 2021 : un millésime qui ne ment pas

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Flashback : retour aux années ’70 et antérieures

Telle est l’impression que m’a laissée ma dégustation d’une cinquantaine de grands crus de Bordeaux la semaine dernière. Plus de minceur que de rondeur, plus d’amertume tannique que de chair, bref le millésime 2021 est manifestement le vilain petit canard de la dernière décennie.

Depuis 2013, une succession de millésimes cléments, voire chauds à caniculaires avaient laissé croire à un vignoble bordelais virant californien. Que nenni ! Les vignes ont connu une succession de coups durs : gel, mildiou, été frais et peu ensoleillé furent au rendez-vous.  En mars, le soleil très présent a fait éclore les premiers bourgeons plus tôt que prévu, hélas devait survenir ensuite un épisode de gel historique, le thermomètre chutant brutalement les nuits des 7 et 8 avril sur l’ensemble du Bordelais, avec une première perte de récolte à prévoir. Laquelle se vit aggravée par de nouvelles gelées au mois de mai. Bacchus n’était pas Bordelais cette année-là : des précipitations abondantes fin juin et en juillet favorisèrent quant à elles des attaques de mildiou.

Si, au contraire des années 70 et antérieures évoquées, il n’y a pas de réelle verdeur dans les vins, les tannins sont néanmoins souvent fermes, voire renforcés par une acidité bien présente. Cette absence de verdeur, les domaines la doivent d’une part au progrès technologique, d’autre part à un cycle végétatif particulièrement long. Il a commencé avec un débourrement dès début avril pour se poursuivre jusqu’à une maturité autorisant des vendanges étalées jusqu’à la mi-octobre : merci l’été indien, qui a offert un ensoleillement partiellement salvateur. Octobre aurait été le mois le plus ensoleillé depuis 1991, dixit certains vignerons. Cette météo inattendue a partiellement contrebalancé les retards de maturité des baies causés par ces printemps et été relativement froids et peu ensoleillés.

Toutefois l’hétérogénéité est de mise dans ce millésime où les meilleurs vinificateurs ont misé sur une extraction douce, quitte à ajouter du vin de presse pour éviter un creux en milieu de bouche. Et ne se raconte-t-il pas dans les travées que la chaptalisation a ici et là repris du service pour la première fois depuis 2013 ?

Au final, retenez ceci si vous souhaitez acheter des Bordeaux 2021 : les rouges sont plus frais mais aussi clairement plus légers que dans les millésimes précédents ; l’acidité élevée donne un nerf peu courant ici aux blancs, tout comme aux rares liquoreux qui ont survécu aux mortels épisodes de gel.

Mes coups de cœur dans le désordre :

  • Fieuzal pour son équilibre
  • Haut-Bailly avec son inattendue densité
  • Pavie-Macquin pour son expression de terroir calcaire
  • Clinet et sa texture veloutée
  • L’Evangile, svelte et salin
  • Larcis Ducasse à la vibrante matière
  • Domaine de Chevalier (blanc), agrumes et herbe fraîche

Bernard Arnould

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