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Domaine Combier et autres pépites rhodaniennes

Combier, quelle bonne surprise ! Le millésime 2021 dans la vallée du Rhône est jugé moyen par la presse spécialisée. Oui, il y a des vins très légers, un peu dilués, j’en ai goûtés et ne vous les proposerai pas.
Mais voilà que je goûte en décembre quatre vins du millésime 2021 du Domaine Laurent Combier: quel équilibre ! Quel charme ! Impossible de ne pas sourire en dégustant la cuvée L, le Crozes-Hermitage classique et les deux cuvées Cap Nord. Le célèbre Clos des Grives a toujours un an de retard, élevage oblige: c’est donc le très bon millésime 2020 qui est de la fête.

Ces cinq vins (et cinq autres vins rhodaniens) ont été redégustés ce mercredi 18 janvier par un panel de sept fines gâchettes: qu’ils soient remerciés pour la pertinence et la précision de leurs commentaires ! Ces commentaires sont “bruts de décoffrage”: j’ai pris note au vol, sans avoir l’ambition de faire de jolies phrases. Il y a des contradictions parce qu’il y a des avis différents. Eh oui …

La Janasse Côtes du Rhône (blanc) 2021

Fraîcheur, presque comme un pinot blanc allemand. Il y a une certaine longueur, très peu d’amers, pas d’alcool, du pamplemousse, floral, frais, pointe minérale, note végétale, violette, pointe saline, vivacité. Très bon rapport qualité/prix.

Note moyenne du groupe: 14,50. Ma note: 14,50. Faible variance entres les notes.

Les Bosquets CdR-Villages Séguret 2021

Nez épicé, violette, délicat, ouvert. Bouche intense, avec tannins et alcool, chaleureux mais pas brûlant, servi très frais, nez supérieur à bouche ? Il y a de la matière certainement par rapport au millésime, une pointe de rusticité, amertume dans la finale, austère, herbacé, encre, manque de gourmandise, manque de rondeur.

Note moyenne du groupe: 13,70. Ma note: 15,00.

Les Bosquets Gigondas Réserve 2020

Nez agréablement chaud, pur et puissant, un peu chocolaté. Bouche dense, intense, avec un beau grain, tannins bien fondus, persistance fruitée, gourmand, plus Rhône sud que le Séguret qui précède, dominé par le grenache, type Châteauneuf-du-Pape, infanticide, beau jus. Bien géré, équilibre, un peu de fraîcheur, poivre. Style opposé à celui du Séguret: quel est le rôle de l’effet-millésime ?

Note moyenne du groupe: 15,10. Ma note: 15,50. Faible variance entres les notes.

Saladin VdF Haut-Brissan 2019

Nez de rose, la finesse des grenaches espagnols, précision et tannicité énergisante, finesse et floralité, petite sucrosité, dentelle, diffus, manque de densité, fraise, confiture, douceur.

Note moyenne du groupe: 15,40. Ma note: 15,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage cuvée L 2021

Syrah embaume le nez, variétal, croquant, énergique, laurier, délicat, fruit précis comme un excellent Beaujolais, facteur glouglou, type Marcel Lapierre, archétype de la syrah. Pointe d’amertume végétale.

Note moyenne du groupe: 14,40. Ma note: 14,50. Forte variance entre les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage 2021

Nez moins expansif, élégant. Bouche dense et équilibrée, finale nette et tranchante, croquant sur une acidité top, vin ciselé. Haute couture, se goûte déjà très bien. Potentiel.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50. Faible variance entres les notes.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Cap Nord 2021

Nez minéral, graphite, cendres, caillou. Bouche avec une allonge phénoménale, qualité des tannins, longueur, encore fermé, infanticide, noblesse et potentiel de garde, le floral arrive progressivement, puis le cassis. Moins friand, brut de vigne, vin salin, cérébral, évoque les mencia de Bierzo, sans concession, vin qui pousse le dégustateur à réfléchir. Polarisant/clivant.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 17,00.

Laurent Combier St-Joseph Cap Nord 2021

Nez légèrement animal (réduction), minéralité de type “caillou pourri”, syrah froide. Bouche plus fruitée et plus puissante que Cap Nord Crozes-Hermitage, la puissance rend la délicatesse moins perceptible, tannins plus marqués, vin plus accessible que Cap Nord Crozes-Hermitage, type Cornas. NB: vin carafé pendant 3 heures.

Note moyenne du groupe: 15,50. Ma note: 16,00.

Laurent Combier Crozes-Hermitage Le Clos des Grives 2020

Fruit opulent et joyeux, bouche irrésistible, vive et pleine, pas compliquée, sexy et équilibrée. Boisé intelligent. Vin plaisant, sensuel, charnel. Expressif, généreux, un peu trop de tout, joliment sudiste. Grand potentiel de garde.

Note moyenne du groupe: 16,30. Ma note: 16,00.

Duclaux Côte Rôtie La Germine 2017

Nez épicé, fin, spéculoos, intensité. Bouche dense sans puissance, grand vin classique, moins plaisant que le Clos des Grives, droiture, moins opulent, strict, pourrait rappeler les Cornas de Clape.

Note moyenne du groupe: 16,10. Ma note: 16,50.

Conclusion

Nous avons eu la possibilité de comparer et de mettre en évidence des styles très différents. Celui apprécie une certaine opulence, de la rondeur et du charme devrait prêter attention au Gigondas Réserve et au Clos des Grives. Celui qui préfère la droiture, la précision, la verticalité devrait tenter le Cap Nord Crozes-Hermitage et La Germine.

Le Crozes-Hermitage 2021 est un modèle pour l’appellation et pour le millésime. Excellent rapport qualité-prix.

Tous les vins ci-dessus sont disponibles dans le magasin. Commandes à me transmettre au plus tard le mardi 24 janvier. Mise à disposition des vins en février.

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Rioja: la querelle des Anciens et des Modernes

La Rioja abrite d’une part des Domaines qui perpétuent la tradition des longs élevages en barriques de 225 litres (bois américain usagé) et d’autre part des Domaines qui se donnent pour objectif de dépoussiérer le Rioja d’antan en privilégiant un élevage plus court, en barriques de 225 litres (bois français souvent neuf). C’est une querelle des Anciens et des Modernes, comparable à celle qui a divisé en son temps les vignerons de Barolo. Essayons de caractériser les deux camps.

Les vins “Anciens” arrivent tard sur le marché, présentent une couleur peu dense et déjà évoluée, une aromatique à laquelle nos nez contemporains ne sont pas forcément habitués et des tannins fondus. Lorsque ces vins sont commercialisés, ils sont prêts à boire. Ils évoluent peu dans votre cave et se conservent très longtemps. Les termes “reserva” et “gran reserva” figurent régulièrement sur les étiquettes. Les élevages se font toujours dans la barrique bordelaise. Risquons une comparaison osée: on pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type tawny/colheita.

Les vins “Modernes” arrivent tôt sur le marché, présentent une couleur dense et peu évoluée, une aromatique plus classique et des tannins solides. Lorsque ces vins sont commercialisés, il se peut que quelques années en cave soient requises pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Ils évoluent dans votre cave et sont susceptibles d’être conservés très longtemps. Le terme “gran reserva” n’est quasiment pas utilisé, le terme “reserva” est parfois utilisé, mais avec une certaine discrétion. La barrique bordelaise est courante mais certains vins sont élevés en inox, en cuve béton, en grands tonneaux, en amphores, etc.. On pourrait rapprocher leur élevage de celui des Porto de type ruby/vintage.

Avant de créer une éventuelle confusion: non, les vins de la Rioja ne ressemblent pas aux vins de Porto ! Les vins de Rioja sont parfaitement secs et ils ne sont pas mutés à l’alcool. Ma comparaison a pour unique objectif de comparer l’élevage des vins: les Anciens élaborent des vins “oxygénés” (micro-oxygénation grâce au long passage en barriques), les Modernes des vins “réducteurs” (peu ou pas de micro-oxygénation).

Il se peut que l’amateur préfère nettement l’un des deux styles à l’autre. Utile donc de savoir quel Domaine incarne les “Anciens” et quel autre Domaine représente les “Modernes”.

C’était l’objectif d’une dégustation à l’aveugle, présentée il y a quelques jours à un groupe d’une douzaine d’amateurs. Ci-dessous un compte-rendu subjectif de cette dégustation. Bien sûr, la pratique a montré que la théorie simplifie à l’excès: certains vins se font une joie de nous perturber en présentant des caractéristiques modernes et des caractéristiques anciennes.

Artevino (Orben) Salbide 2020

Ce vin a été présenté en tant que mise en bouche: 100% tempranillo, peu élevé, de style moderne. Il s’agit de l’entrée de gamme du Domaine Orben. Ce Rioja me semble typique de ce que la région à offrir de meilleur, considérant le prix: € 10,50. Le fruit est franc, pur et direct. La bouche est légèrement chaleureuse, sur la cerise bien mûre. Finale rafraîchissante, bons petits tannins. Tempranillo 100%. € 10,50.

Lopez de Heredia Viña Cubillo Crianza 2014

Voici déjà l’un des Domaines-phares, dans le style traditionnel. Ce vin est vendu comme “crianza”, c’est-à-dire que le passage en barriques devrait être court. Pourtant, ce 2014 est le millésime actuellement commercialisé ! En réalité, passage en barriques pendant trois ans. Le vendre comme “crianza” est donc une décision politique du Domaine.

La robe est légèrement évoluée. Le nez s’annonce par un boisé légèrement sucré “à l’américaine”. La bouche est plus stricte que le nez, construite sur une belle fraîcheur. Bonne longueur. Un air de famille avec les cuvées plus prestigieuses proposées par le même Domaine. Tempranillo 65%, grenache 25%, graciano et mazuelo. € 17,50.

Valenciso Cemento 2018

Un vin qui fait exception à l’élevage sous bois: ce Cemento passe uniquement par la cuve-béton. Si c’était moi, je pense que je changerais l’étiquette: elle dit clairement “béton”, ce qui est à la fois transparent par rapport au type d’élevage pratiqué et maladroit: avons-nous vraiment envie d’étiquettes qui imitent la couleur et la texture du ciment ? Voici donc un Domaine moderne. Nez assez discret, plus fruité qu’épicé, qui s’ouvre progressivement. On ne perçoit aucun élevage (…le béton ne marque pas aromatiquement…). Les tannins sont d’une qualité particulière qui m’évoque certains vins passés par l’amphore (terre cuite). Chaleureux mais appétissant ! Tempranillo 100%. € 17,50.

Bodegas Faustino Faustino I Gran Reserva 2010

Ah, si cette étiquette n’est pas franchement “vintage”, alors aucune étiquette ne l’est ! Le portrait, le filet métallique, le verre sablé, la police de caractères, … Tout semble communiquer un style ancien. Le nez est intense, marqué par le bois américain. La bouche est fort jeune, moins évoluée que son millésime. C’est fondu, soyeux et assez concentré. Une petite touche d’alcool (ce n’est pourtant que 13,5%).

Tempranillo 100%. € 20,00 (disponible dans les magasins de Delhaize Le Lion).

Abel Mendoza Malvasia 2021 (vin blanc)

Le moment choisi pour faire une pause et déguster un blanc. Les blancs sont très minoritaires en Rioja. Le cépage le plus courant est la viura (macabeu en dans le sud de la France et en Catalogne). Par pur goût pour la contradiction, j’ai donc proposé un vin élaboré avec la malvasia. Le vin m’a surpris par sa complexité: le nez commence sur ce qui pourrait du verdejo voire du sauvignon. La bouche est grasse, comme une impression de chardonnay bâtonné. La fin de bouche est marquée par une petite tannicité dont l’origine m’est inconnue: tannins du bois, macération des raisins ? Malvasia 100%. € 30,50.

Artuke Finca de Los Locos 2020

Voici un Domaine familial qui porte haut le style moderne et même ce que l’on pourrait qualifier de “style rebelle”: beaucoup de couleur, nez poivré et minéral, boisé imperceptible. Quelque chose qui me fait penser aux parfums orientaux. La bouche regorge de fruit frais, elle est concentrée et assez tannique. Boisé discret tout en élégance. Tempranillo majoritaire, avec du graciano et de la viura (cépage blanc). € 25,50.

Remirez de Ganuza Fincas de Ganuza Reserva 2016

Couleur peu évoluée. Nez très précis et intense, beau fruit, impact limité du bois, élégance. En bouche, c’est un jus noble, une sorte de fluidité qui signe un élevage de grande qualité. Rien n’accroche. Quel équilibre ! Mais la finale tannique plaide pour quelques années de garde. Le boire aujourd’hui est un infanticide. Tempranillo 88%, avec du graciano et du mazuelo (c’est le nom local du carignan). 14,5% bien géré ! € 40,00.

La Rioja Alta Viña Ardanza Reserva 2015

Couleur évoluée: nous sommes bien chez une Maison qui pratique le style traditionnel depuis plus d’un siècle. Pointe d’acidité volatile, arômes de boîte à cigares, vin baroque. La bouche est puissante, sensuelle, dirais-je charnelle, avec une longue persistance. Malgré la puissance, il y a de la place pour la délicatesse ! Tempranillo 78%, grenache. NB: le vin se goûtait encore mieux 24 heures après la dégustation. € 35,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2010

Ici je crains de mettre quelques dégustateurs en zone d’inconfort: le nez est typique du style traditionnel, avec un boisé réconfortant et beaucoup de cerise. La bouche est construite sur l’acidité, ce qui lui confère une austérité cérébrale. Ce n’est pas un joyeux, mais c’est d’une grande noblesse de caractère. La verticalité domine les sensations solaires. Vin extrême, à appréhender avec un esprit ouvert et curieux. Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. € 40,00.

La Rioja Alta Viña Arana Gran Reserva 2014

Attention, vin d’exception. Style traditionnel transcendé par un nez d’une formidable pureté. Beaucoup de fruit (cerise). En fait, c’est le “meilleur de deux mondes”: difficile de classer ce vin à gauche ou à droite parce qu’il est au-dessus. Quelle intensité ! Quelle persistance ! On est dans un univers proche de celui des grands Bordeaux d’avant 2000. Ma meilleure note de la soirée (17,5/20). Tempranillo 94%, mazuelo. € 40,00.

Lopez de Heredia Viña Tondonia Reserva 2005

La couleur est évoluée, mais pas plus que celle du millésime 2010. Boîte à cigares et cerise. Le vin est dense, frais et vertical, mais avec plus de chair que le 2010, ce qui le rend plus affable, avec plus de souplesse. Mieux vaut commencer par celui-ci avant de se frotter au 2010 ! Tempranillo 70%, grenache 20%, mazuelo, graciano. Indisponible.

Que retenir ?

D’abord et avant tout: belle promenade variée, sans déception. Les vins sont peu ou pas marqués par l’alcool: profil plus atlantique que méditerranéen. On reconnaît sans peine les deux styles pratiqués dans la région. Mais le plus grand vin (Viña Arana) se moque des catégories ! Le boisé américain des vins traditionnels peut décontenancer, voire déplaire. Et pourtant ces vins peuvent offrir des bouches très harmonieuses, avec une texture soyeuse et douce. Ce sont des vins apaisés. Les vins modernes m’ont semblé ne pas tomber dans le piège du “goût international”: ils ont de la personnalité, de l’énergie et de la nuance !

Ma conclusion: il n’y a pas de querelle entre les Anciens et les Modernes, je suis ravi que les deux styles coexistent, en harmonie. Cela rend la région particulièrement intéressante !

Quelques bouteilles ? La plupart de ces vins peuvent être achetés via Anthocyane (sous réserve de stock chez leurs importateurs respectifs). Faites-moi part de vos envies et autres souhaits !

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Meilleurs Vœux : un pinot noir belge à € 1.800

A l’occasion d’une intéressante dégustation de vins belges et parce que nous avions discuté du prix élevé de certains vins rouges, l’organisateur nous a transmis un extrait de la nouvelle édition du Guide des vins belges. C’est édifiant: il y a donc un Domaine belge qui commercialise un pinot noir au prix de € 1.800. Pour ce prix, vous recevez (je cite) une très belle bouteille lourde avec un bouchon recouvert de cire. Mieux, on vous offre également un coffret en bois.

De mon point de vue, l’auteur de ce vin a parfaitement le droit de le vendre au prix qui lui chante. A sa place, je me demanderais déjà quelle augmentation appliquer au prochain millésime. Par contre, je trouve maladroit que le Guide des vins belges gaspille une page pour mettre en évidence ce type de calembredaine: quant à moi, je ne propagerai pas le nom de ce Domaine pour éviter de lui faire une publicité sans objet.

Dans le meilleur des cas, cette histoire est une blague: le vin n’existe pas, c’est un produit imaginaire né dans le cerveau fertile d’un humoriste viticole. Je crains néanmoins que ce machin -à qui le Guide n’accorde qu’une note médiocre- n’existe vraiment…

Alors, pourquoi ne pas pousser le bouchon plus loin ? Au point où nous en sommes, pourquoi se refuser d’en rire ? Quoi que nous réserve le millésime 2023, il nous faut garder le sourire et une certaine distance avec les malheurs qui frappent notre planète fatiguée.

Concrètement, je me lance dans la mise sur le marché d’une gamme de vins dont l’immense potentiel ne vous échappera pas. J’ai confié les relations publiques à un bureau très chic qui m’a fourni le brillant communiqué de presse ci-dessous. Je vous souhaite une merveilleuse année 2023 et une agréable lecture !

Passionné par le marketing le plus outrancier et avec l’ambition de démontrer que tout est possible en notre époque farceuse, Philippe Fernand (c’est un pseudonyme, il tient à conserver l’anonymat) vous propose sa courte gamme de vins d’exception: Château Pataphysique I et Château Pataphysique II.

Château Pataphysique I

13 ceps ont été plantés, par une nuit de pleine lune, dans une terre volée pour moitié sur Musigny et pour moitié sur Lafite-Rothschild. Ces terres rares ont été longuement dynamisées dans un récipient en cuivre organique. Tant qu’à faire, les ceps ont été directement plantés dans ce dynamiseur. Celui-ci est déplacé d’heure en heure pour suivre le cours de l’astre solaire au plus près. Un haut-parleur diffuse en permanence un enregistrement peu connu de La Flûte Enchantée. Des incantations secrètes sont prononcées avec ferveur pour convaincre chaque cep de donner le meilleur fruit. Comme Philippe Fernand ne connaît rien à la taille, il ne taille pas. La fermentation des jus a été réalisée directement dans la bouteille en cristal qui contiendra le vin fini, après un élevage dont la durée sera déterminée par le nombre de grognements poussés par une grenouille malade, capturée sur la Côte Blonde. Les bouteilles sont closes par un bouchon en liège précieux, provenant d’un chêne tricentenaire.
Dégustation: il s’agit sans doute d’un rosé. Arômes délicats et subtils. Une touche de folie. Bouche transparente d’un grain extrêmement fin. Complexe à force de ne pas être complexe. Rien ne rappelle la vulgarité des vins classiques: une toute nouvelle façon de sublimer le jus de la treille.

Note: 97,25/100. Prix: faire offre à partir de € 10.013. Coffret en ébène et ivoire offert.

Château Pataphysique II

L’assemblage est un art que Philippe Fernand maîtrise comme personne: après avoir acheté une série de vins particulièrement chers et prétentieux, comme les grands nez de la parfumerie, il se plonge dans leurs arômes et commence à tout mélanger. Le résultat est profondément mystique et spirituel. Le millésime de Château Pataphysique II est calculé avec précision via une règle de trois aléatoire. Les bouteilles sont immergées dans le canal Albert lors d’une cérémonie très jolie à laquelle participe toute la jet-set limbourliégeoise. 13 mois plus tard, des plongeurs nus se chargent de récupérer les précieux flacons. Philippe Fernand pourvoit alors chaque bouteille d’une étiquette en parchemin, signée de sa main. Une couche de cire (volée chez Emmanuel Houillon) fait office de cerise sur le Château.
Dégustation: couleur pour laquelle le vocabulaire manque de mots: c’est entre cramoisi, vermillon et laiton pâle. On ressent immédiatement une grande diversité de terroirs et la contribution de chacun de ceux-ci à l’infinie longueur de ce vin unique. Une petite touche vaseuse rappelle le canal. La finale est un peu abrupte, à l’instar de la chute d’Albert le 17 février 1934.

Note: 99,99/100. Prix: l’art n’a pas de prix. Philippe Fernand flotte très au-dessus des questions matérielles. Un don conséquent à la Fondation PhF est néanmoins fortement apprécié.

Chatto Patafisik IV

Dernière minute: on nous annonce la mise sur le marché imminente d’une nouvelle cuvée dont le nom élégant communique avec force le positionnement spécifique. Patafisik IV a été créé dans un laboratoire ultra-secret construit en un point géo-miraculeux où les vents soufflent comme nulle part ailleurs. Imaginez un paysage paradisiaque où les forces cosmiques se rejoignent pour boire un dernier verre avant… Excusez-moi, je m’égare. Où les forces cosmiques se rejoignent et se conjuguent en un vortex énergétique volcanique méso-climatique inouï. Il ne nous est pas possible de révéler les secrets de fabrication, mais sachez que Patafisik IV sera proposé uniquement en jéroboam. Le flacon vide pèse à peu près 13 kilos pour plaire à une clientèle internationale aisée. L’étiquette est réalisée en or 24 carats, l’or ayant été volé chez un joaillier de la Place Vendôme. Il semblerait que le vin contienne une petite quantité de l’ADN de Philippe Fernand, ce qui confère une valeur unique à ce nectar. Comment l’ADN a été introduit est laissé à l’imagination des acheteurs. En tous cas, il s’agit incontestablement d’un effet-terroir exceptionnel.

Dégustation: nous n’avons pas goûté, mais sur base de l’information reçue, il semble certain que l’on a affaire ici au plus grand vin jamais produit. Multicolore, fluorescent, radioactif. C’est un assemblage de 173 cépages, chaque cépage ayant été fermenté puis élevé dans une poubelle en matière plastique à Haute Valeur Environnementale.

Note: 110/100. Prix: dérisoire par comparaison à l’expérience extraterrestre procurée par ce breuvage. Bien sûr, soyez conscients qu’il faut rembourser les investissements colossaux qui ont été consentis: laboratoire secret, campagne de publicité, lobbying au Parlement Européen, corruption des journalistes de la presse spécialisée, formation approfondie d’un service après-vente destiné à gérer les déceptions, acquisition des poubelles, sucre pour la chaptalisation, rémunération des voleurs d’or, etc…

Meilleurs Vœux !

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Horaires spéciaux

Je vous accueille mercredi 21 et vendredi 23 décembre, entre 10 et 18 heures. Toujours une bonne idée de me contacter avant passage pour vérifier si ce que vous souhaitez est bien en stock.

Si vous souhaitez un conseil, c’est le moment idéal !

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Champagne: la sélection de la RVF

On a beau dire. Cela fait plaisir de lire la sélection des 21 beaux champagnes à prix accessibles réalisée par la Revue du Vin de France, numéro de décembre que je viens de recevoir.

Fleury tout en haut du classement. Drappier très bien classé.

Cliquer sur le lien ci-dessus “RVF Champagne” pour avoir accès à l’article. Ou télécharger l’article de la RVF en cliquant sur le bouton ci-dessus.

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A la vida s’han de tenir somnis, i s’hi ha de creure

Traduction depuis le catalan: Dans la vie, il faut avoir des rêves et y croire. C’est la devise du Mas d’En Gil, Domaine-phare en Priorat.

Allez, on commence avec un peu de nostalgie. Il y a 20 ans, voire un peu plus, je découvrais avec stupéfaction les vins issus du Priorat, petite région catalane isolée, battue par les vents et dominée géologiquement par un schiste local appelé llicorella. Une dégustation en mars 2001 me donnait l’occasion de partager les millésimes 1996, 1997 et 1998 de Cims de Porrera. Des vins extrêmement puissants, concentrés, portés par le souffle du Priorat mais aussi par un boisé qui ne se cachait pas. Les notes attribuées à ces trois vins furent dithyrambiques, respectivement 17,9 17,3 et 17,8.

Les choses ont bien changé depuis. Enfin, le Priorat a changé et mon goût a changé. Les vins qui tentent de s’imposer en jouant des coudes à coup d’extraction, de boisé, d’alcool, non merci. Cette performance me paraît vaine. C’est une course vers toujours plus qui ne débouche sur pas grand-chose parce que demain, un autre vin sera encore plus extrait, encore plus boisé et encore plus en riche en alcool.

Vall del Bellmunt

L’équilibre parfait. Voilà qui est plus difficile à atteindre, plus subtil et sans doute plus subjectif. L’équilibre parfait est par nature très fragile: le funambule en sait quelque chose. C’est le reflet d’un instant magique. Les mots ne suffisent pas. Parfois, une petite larme s’invite et le temps s’arrête. L’agitation et le vacarme s’estompent, on perd légèrement le nord. Cela n’arrive pas souvent.

Mais cela m’est incontestablement arrivé pendant une dégustation des vins du Mas d’En Gil début octobre. A commencer par deux blancs atypiques: Bellmunt 2021 et Coma Alta 2017: les deux vins sont construits sur la verticalité et un usage anecdotique de la puissance alcoolique. Bellmunt pousse sur du buntsandstein et Coma Alta sur du calcaire. Non, pas de schiste ici. Le style des vins pourrait évoquer Le Roc des Anges de Marjorie Gallet (je connais la polémique, mais c’est une autre histoire). Cela commence donc fort avec deux blancs qui rompent complètement avec la tradition locale. La minéralité de Coma Alta est magnifique et rare dans un vin élaboré avec 100% de grenache blanc.

Voici venu le temps de la gamme des vins rouges. Bellmunt 2018 (grenache 65%, carignan 30%, cabernet sauvignon), vignes de 25 ans sur llicorella est irrésistible. Oui, cela pèse 14,5% d’alcool; oui, c’est élevé sous bois pendant 10 mois (contenants de 1.500 litres et de 3.000 litres). Et pourtant, c’est frais et très peu marqué par l’élevage. Succulent, structuré, superbe.

Marta Rovira

On passe ensuite à Coma Vella 2016, qui pourrait être le premier cru du Domaine: grenache 70%, carignan 20%, syrah, sur llicorella. Elevage sous bois (1.500 litres et 225 litres), avec 20% de neuf. Deux ans d’élevage en bouteilles. Vignes d’âge variable entre 25 et 60 ans. Il est probable que la syrah finisse par disparaître de l’assemblage, le processus est en cours pour se concentrer exclusivement sur le duo grenache/carignan. Ce vin m’a ébouriffé, ému, étonné. Fruit et minéralité. Passionnant de le déguster en compagnie de Marta Rovira (la vigneronne) et d’Olivier Fonteyne, sommelier belge, mari de Marta. La conversation se déroule dans un mélange inédit de langues, entre néerlandais et catalan, entre français et anglais.

On finit par Clos Fontà 2016, qui pourrait être le grand cru du Domaine. Grenache et carignan. Vignes d’âge variable entre 45 et 85 ans, sur llicorella. Elevage en barriques de 225 litres (30% bois neuf). On pourrait craindre la grande cuvée qui cumule toutes les ambitions de faire encore et encore plus. Remember Cims de Porrera. Eh bien non. Le boisé ne joue aromatiquement aucun rôle. Le liquide est d’une grande fluidité, d’un naturel confondant. C’est très concentré et pourtant très élégant. Quelle qualité de tannins ! Ô toi lecteur qui connaît un peu mes goûts, on arrive au paradis, le paradis où l’intensité rejoint la délicatesse. le paradis où le lieu transcende les cépages. L’équilibre parfait, le funambule.

PS: 15% d’alcool pour Coma Vella comme pour Clos Fontà. Je ne retire rien à mes commentaires mettant en exergue élégance et délicatesse.

Coma Vella 2016 est en dégustation le samedi 03 décembre.

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Le Clos Galerne, le chenin et la spilite

Parfois les choses peuvent être simples; du moins elles se laissent simplifier. Chenin sur sol noir, chenin sur sol blanc. Noir ou blanc. Schiste ou calcaire. En Anjou noir, c’est le schiste. Plus on se dirige vers l’est, plus c’est le calcaire (Vouvray, Montlouis).

La famille Bourez, au pied du moulin brûlé

Le schiste plaide pour un rapide exercice de vulgarisation que les experts en géologie me pardonneront: il y a toutes sortes de variantes et autant de termes pour les désigner: ardoise, slate (en anglais), schiefer (en allemand). Le gneiss en Muscadet est en quelque sorte le stade ultime du schiste. Le schiste, c’est par exemple la Moselle allemande et le Priorat espagnol.

L’Anjou noir a historiquement basé sa réputation sur un trio magique: chenin, schiste et botrytis. Traduction: Coteaux du Layon, Bonnezeaux, Quarts de Chaume. Des vins moelleux, voire liquoreux. Mais, au XXIème siècle, la douceur se vend mal, très mal. Loi fondamentale de l’économie: lorsque le vin se vend mal, la valeur du vignoble chute. Paradoxe: cette situation attire de jeunes vignerons ambitieux, à la recherche d’hectares mis sur le marché à un tarif abordable. Changement de paradigme. Acheter du vignoble destiné de tous temps à produire des vins moelleux et décider de le convertir en un vignoble pour élaborer des vins secs. Couper le cordon ombilical avec le passé doux. Assumer et chercher un nouveau chemin pour le chenin angevin.

Cette aventure-là est jalonnée de pièges: expliquer le changement de paradigme et surtout convaincre experts, journalistes, importateurs, restaurants et cavistes; vivre avec une météo capricieuse qui peut réduire à presque rien les efforts de toute une année. Quand on vient de commencer et que la banque n’attend pas, un mental d’acier s’impose. Deux années de gel successives et c’est la catastrophe.

Je tire mon chapeau à Cédric Bourez, monsieur Clos Galerne. Œnologue dans un domaine provençal, il souhaite devenir vigneron. Calculette à la main, il arpente l’Hexagone et se dit que l’Anjou noir est la destination que l’épaisseur de son portefeuille rend plus ou moins raisonnable. Coup d’oeil précis pour mettre la main sur des parcelles principalement situées dans le hameau de Pierre Bise, village de Beaulieu-sur-Layon, à quelques kilomètres au sud d’Angers. Pierre Bise, lieu exceptionnel. Flore méditerranéenne, vent pour rafraîchir et ventiler, sous-sol très particulier: schiste, mais aussi spilite, roche d’origine volcanique. La minéralité du schiste et la minéralité du volcan. Le vent du nord-ouest est appelé …Galerne. Combinaison gagnante, dans l’ordre ou le désordre.

La plupart des parcelles du Clos Galerne se nourrissent de spilite. Exception notable: une parcelle en Savennières (mais c’est une autre histoire). Chenin sur spilite et cabernets sur spilite. Un tel matériau mérite les mains de l’artiste: Cédric Bourez se charge des petits rendements, d’une vinification et d’un élevage sous bois bien dosé (peu de bois neuf) et d’une fermentation malolactique complète. La conversion en bio est engagée.

L’entrée de gamme, Balade en chenin, permet d’apprivoiser le style du Domaine. S’attaquer à Exspecto et à Moulin Brûlé sans gants …à vos risques et périls ! Ce sont deux chenins secs de grande puissance, traversés par un souffle intense et dominateur. Exspecto trace en verticalité, Moulin Brûlé équilibre rondeur et fraîcheur.

Exspecto 2020 (100% chenin), Moulin Brûlé 2020 (100% chenin) et Anjou Noir issu de la vendange 2019 (cabernet franc 80%, cabernet sauvignon) sont en dégustation le samedi 03 décembre 2022.

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Du terroir à l’homme en passant par le climat

Une verticale Ostertag : Grand Cru Muenchberg 1996-2019

Article rédigé par Bernard Arnould, client chez Anthocyane et journaliste-vin depuis 1992.

Alsace superbe, Alsace décevante… Alsace si diverse, Alsace si contradictoire. Bref, Alsace si passionnante., surtout pour qui s’intéresse aux vins exprimant avec clarté leur lieu de naissance, à savoir leur terroir. Lequel se définit de triple façon : le lieu-avec ses sols et sous-sols, son exposition, son altitude, son horizon -, le climat de l’année et le vigneron avec ses multiples décisions. Cette verticale illustre bien leur interdépendance.

Le Grand Cru Muenchberg

Grand Cru Muenchberg

Situé à Nothalten dans le Bas Rhin, ce lieu est magique : » « la partie terrestre y rééquilibre magnifiquement la partie céleste », comme me l’avait dit un jour André Ostertag.  Côté céleste, il s’agit d’une enclave nichée dans un vallon en retrait de la route du vin et du village.  Ses pentes ondulent dans une sorte de cirque abrité des pluies et des vents d’ouest par le “mont des Hongrois” (Ungersberg), une butte de grès vosgien atteignant 910 m. Installé de part et d’autre de ce vallon orienté au sud, le Muenchberg retient la chaleur sur ses pentes et bénéficie sur ses 17,70 ha d’un microclimat unique. Côté terrestre, le sol et le sous-sol sont formés de sédiments vieux de 250 millions d’années.

Ces terrains caillouteux et sableux où affleure régulièrement le grès rose sont constitués de poudingues avec dépôts vulcano-détritiques, parfois riches en tufs et cendres volcaniques. Il s’agit donc d’un sol pauvre où le drainage est excellent et le réchauffement rapide. Le riesling est le cépage de prédilection du Muenchberg. Celui-ci doit son nom aux moines cisterciens de l’abbaye de Baumgarten, toute proche, qui y cultivaient la vigne dès le 12è siècle.

L’impact du climat de l’année

La diversité des conditions climatiques d’une année ne manque pas d’influer sur les profils des vins. Cette verticale en témoigne par l’opposition de style entre par exemple les vins de millésimes plus frais tels 1996, 1999, 2004, 2008, 2010, 2014 d’une part, de millésimes plus chauds, voire caniculaires tels 2009, 2015, 2019 d’autre part. Les seconds offrent plus de volume, une plénitude solaire alors que les premiers sont plus élancés, d’une fraîcheur très énergique, tout en race et noblesse de Grand Cru.

2003 lui est marqué par une étroitesse que l’on n’attendrait pas d’une année très chaude, sauf que trop c’est trop : chaleur et précipitations quasi inexistantes ont provoqué du stress hydrique et des blocages de maturité, avec au final une matière à la minéralité un peu austère, voire asséchante. Autre cas, le millésime 2010 au climat chaotique : voilà bien une année tardive, avec dans les raisins une acidité malique élevée. Conséquence il a fallu vendanger à très haut potentiel alcool pour obtenir la maturité phénolique. Les vignerons peu ambitieux, qui travaillent mal dans les vignes et/ou ont vendangé trop tôt, proposent des vins au brutal tranchant acide. Aussi 90% des producteurs, « victimes du tabou alsacien contre la fermentation malolactique » comme le formulait André ont-ils choisi de désacidifier leurs vins.  Par contre les meilleurs vignerons ont réussi sur les grands terroirs à équilibrer des sucres importants liés au haut degré potentiel requis pour une maturité des pépins grâce à la solide acidité de la matière 2010. Son Muenchberg 2010 dégusté 12 ans plus tard se goûte harmonieux, élégant, délicat, avec de jolis amers minéraux.

Le fil rouge de la dégustation

André Ostertag et son fils, Arthur

Cela posé, le terroir du Muenchberg avec ses sols cristallins est tellement fort qu’il impose au-delà des différents profils une trame reconnaissable d’un millésime à l’autre : verticalité, vibration de la matière, fraîcheur qui passe par une minéralité saline. Ainsi en est-il face au caractère opulent du 2009, un riesling dont l’équilibre inhabituel  e 14°6 et 2,7 g. de sucre se fait moins par une tension acide que par les amers  salins de la minéralité : « la partie terrestre a rééquilibré la partie céleste ».

A l’opposé, le 2008 reflète bien les caractéristiques d’un millésime difficile, sauvé à partir de la mi-septembre par le beau temps. Les vignerons peu ambitieux ont vendangé trop tôt en sous maturité. Les meilleurs ont attendu et ont réussi des vins équilibrés, de belle fraîcheur. Le Muenchberg dégusté ici possède une incroyable énergie 14 ans plus tard : comme l’a écrit un participant, » le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide »,  de l’éclat, de l’énergie et une longue persistance minérale.

Les deux derniers millésimes

…dégustés dans cette verticale, certes plus jeunes n’en furent pas moins éblouissants :

2015 : chaleur, sécheresse, voire canicule en début juillet, et donc le stress hydrique auraient pu durcir les vins. Fort heureusement les pluies de la mi-août ont permis une reprise de la maturation des raisins. Au final ce 2015 présente une acidité malique plus basse que 2008, 2010 ou 2014. La matière offre une plénitude solaire en bouche avec une chair pulpeuse. Pourtant l’équilibre impressionne grâce à une fraîcheur liée à la fois à la concentration en acide tartrique et à une trame minérale saline qui se prolonge en finale sur de fins amers minéraux.

2019 : un scénario climatique comparable au précédent avec un temps sec et très chaud d’une part, des pluies salutaires au mois d’août. Un bébé encore, avec un énorme potentiel, encore brut de terroir d’une certaine façon. La bouche est riche et veloutée,  d’une grande intensité,  profonde et tendue par une impressionnante minéralité qui verticalise la richesse. La finale est très persistante sur des notes minérales salines et fumées.

Bernard Arnould

Anthocyane ne commercialise pas les vins du Domaine Ostertag. Anthocyane prête volontiers sa plume à celui/celle qui voudrait partager sa passion pour le monde du vin.

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domaine

Knab sur volcan

Thomas et Regina Rinker ont repris le Domaine Knab à Endingen en 1994. Ils ont patiemment œuvré pour transformer cette acquisition en une véritable success story et devenir l’un des meilleurs domaines du Kaiserstuhl, encore plus si l’on prend en compte l’excellent rapport qualité-prix de toute la gamme. Johannes, le fils de Thomas et Regina, est à bord depuis plusieurs années et, grâce à son apport, les vins ont encore gagné en finesse.

Le Kaiserstuhl est un lieu magique: un grand volcan éteint, comme posé dans la plaine du Rhin, à quelques kilomètres de la frontière française. Un paradis pour les pinots: rouge, blanc et gris. Paradis qui est également la région la plus chaude d’Allemagne (peu de riesling ici, ce cépage n’appréciant pas ce méso-climat: il ne “fonctionne” dans le Kaiserstuhl que sur des parcelles orientées au nord).

Colmar n’est qu’à quelques kilomètres…

Les imposantes terrasses du Kaiserstuhl constituent un biotope exceptionnel pour la faune et la flore, pour la vigne en particulier. Mais le lieu est aussi un défi lancé au vigneron: celui qui manquerait d’attention se retrouverait rapidement avec des raisins très/trop chargés en sucre sur les bras et, en conséquence, avec des vins très/trop chargés en alcool. Choisir le jour idéal pour vendanger est un art que les Rinker maîtrisent à la perfection. Les vins conjuguent l’intensité volcanique avec une fraîcheur désaltérante.

Le Domaine Knab, c’est 21 hectares de vignes, à peu près exclusivement plantées en cépages bourguignons: pinot noir, pinot blanc, pinot gris, chardonnay et auxerrois. Le Domaine n’est pas certifié bio, mais ses pratiques s’approchent très fort de ce qui exigé pour bénéficier du logo bien connu. Sans surprise, rendements faibles et vendanges manuelles.

J’ai découvert les vins avec le millésime 2017 et les propose depuis lors, chaque fois que c’est possible. Je suis conscient du potentiel relativement limité des vins allemands pour une clientèle francophone, mais je m’obstine. D’autant plus pour le Domaine Knab, vu que les équilibres de leurs vins ne sont pas si éloignés des équilibres français. Bénéfice collatéral: les prix sont vraiment intéressants. Tentez le coup !

Je ne suis évidemment pas le seul à être impressionné: le guide Eichelmann 2022 accorde 4 étoiles au Domaine (sur un maximum de 5). Idem pour le guide Gault-Millau du même millésime.

Trois vins du Domaine Knab sont en dégustation le samedi 19 novembre 2022. Les voici:

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Allemagne – riesling – cinq vignerons

Une dégustation que j’ai eu le plaisir de proposer aux membres éminents du “groupe du mercredi”, lequel s’est réuni, avec une pointe de surréalisme, lors de ce premier …vendredi du mois de novembre.

Un thème qui me tient à cœur: sortir des sentiers battus franco-français et explorer comment s’expriment d’autres cultures du vin. C’est particulièrement délicat lorsque l’on quitte l’univers latin pour rejoindre les rives du Rhin et de ses affluents, la germanité étant souvent perçue comme particulièrement complexe et résolument différente. Une sorte de zone d’inconfort du dégustateur francophone.

Or, les vingt dernières années marquent l’émergence progressive de vins allemands qui reprennent à leur compte le “modèle bourguignon” à quatre niveaux: vin régional, vin de village, premier cru, grand cru. Le modèle allemand traditionnel basé sur la richesse en sucres des raisins perd du terrain, année après année, en tous cas pour ce qui concerne les vins secs ou d’esprit sec.

Les vins secs sont dits “trocken” (ce mot figure toujours sur l’étiquette: pratique !): ils peuvent contenir jusqu’à 9 grammes/litre de sucre résiduel (à la condition de présenter une acidité élevée). Autrement dit, les vins allemands “trocken” ne sont pas si compliqués à comprendre pour un amateur habitué aux vins français. Et ça, c’est une bonne nouvelle !

Pour mettre en pratique, j’ai choisi cinq vignerons très réputés, chacun représentant sa région: Knipser pour le Palatinat (Pfalz), Dönnhoff pour la Nahe, Wittmann pour le Rheinhessen, Georg Breuer pour le Rheingau et Peter Lauer pour la Moselle.

Les vins sont servis par paire, une paire par vigneron.

Précision: la double majuscule GG sur une étiquette -ou gravée dans le verre de la bouteille- signifie Grosses Gewächs, c’est-à-dire grand cru: raisins provenant d’une parcelle précisément délimitée qui a démontré sur le long terme sa capacité à produire des vins complexes, originaux et susceptibles de s’améliorer en bouteille, après une garde de plusieurs années.

GG s’applique exclusivement à des vins “trocken”. Elle est attribuée par une association privée: VDP. En savoir plus ? C’est ici.

*****

Mise en bouche: Eva Fricke (Rheingau), Rheingau 2016

On commence par une mise en bouche, destinée à permettre l’identification du thème: à l’aveugle, mes excellents compagnons ont vite reconnu le cépage riesling et l’origine allemande. Bien joué !

Nez citronné intense, très pur: c’est en effet un riesling typique. Peu de complexité. Bouche franchement fruitée, dominée par une grande fraîcheur. Vin jeune, ne présentant pas de notes d’évolution. Equilibre magistral et jolie persistance. Il y a sans doute un petit peu de sucre résiduel, qui arrondit sans sucrer. Très réussi pour un vin simple ! Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,6/20.

Cette jeune vigneronne était déjà très au point lors de la vinification du millésime 2016. Depuis, elle est passée au stade “culte”. De plus en plus difficile de mettre la main sur quelques flacons.

Le palais est étalonné. Nous voici à présent équipés pour entamer avec détermination une ascension du Mont Germania par la face nord. Dix étapes, cinq paires de vins.

1. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2016

Nez plus discret que celui de la mise en bouche. Un peu de citron et quelques épices. Introverti mais intéressant. Progressivement vient le caillou. En bouche, minéralité un peu terreuse, plutôt austère. Zeste de citron vert. Belle longueur. Vin cérébral, avec du potentiel de garde. Racé, mais pas pour toutes les bouches. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 15,1/20.

2. Knipser (Pfalz), GG Steinbuckel 2017

Nez plus ouvert, agrumes, un peu de floral. Assez joyeux, avec quelques morceaux de soleil dedans. Bouche superbement équilibrée ! Ce vin conjugue plaisir et cérébralité. La minéralité est en retrait par rapport au millésime 2016. Classique. La version plus affable de ce cru. Ma note: 16/20, note moyenne du groupe: 16,1/20.

3. Dönnhoff (Nahe), Tonschiefer 2013

Nez bien ouvert, typique du cépage. Citron épicé. Très léger pétrole. Bouche confortable, d’accès facile, comme une version apaisée de la mise en bouche. Bonbon violette. Pas très long. A boire dans les deux ans. Ma note: 15/20, note moyenne du groupe: 15,9/20.

4. Dönnhoff (Nahe), GG Hermannshöhle 2013

Surprenant: le premier nez m’amène chez Guffens-Heynen (chardonnay bourguignon)! Des notes de cognac. Puis vient le citron confit. L’ananas. La poire qui évoque le …chenin. Un peu de miel également. Le terroir domine le cépage. Difficile de reconnaître le cépage. Grande complexité. Bouche puissante, volumineuse et salivante: ce n’est pas de l’alcool, c’est de la matière (extrait sec). Pas pour qui recherche un vin aérien et délicat. Vin prêt à boire, pour les dix ans qui viennent. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 15,4/20.

5. Wittmann (Rheinhessen), GG Aulerde 2011

Nez sur l’orange et la mandarine. Arrière-plan en forme de poire. En bouche, formidable colonne acide ! Belle verticalité, la structure domine l’aromatique. Puis vient l’abricot et l’amande. Notes d’évolution. Un profil tel que l’on peut s’y attendre. Ma note: 16,5/20, note moyenne du groupe: 16,3/20.

6. Wittmann (Rheinhessen), GG Morstein 2011

Couleur intense, presque dorée. Nez de poire Williams, avec une note oxydative. Quelque chose de sudiste. Un nez pour accompagner un dessert. Ici encore, le terroir invisibilise le cépage. La bouche est parfaitement sèche (ce qui surprend), salivante, pomme et poire, la note oxydative finit par disparaître ! Vin évolué, très original. Beaucoup de personnalité. Ma note: 17,5/20, note moyenne du groupe: 16,4/20.

7. Georg Breuer (Rheingau), Berg Rottland 2016

Nez fermé, puis vient un citron vert salé très dominateur. Une touche de romarin. Bouche qui communique tant le cépage que le terroir. Formidable tension acide. Grande longueur. Aucune concession. Difficile pour tout qui n’est pas amoureux de l’acidité. Finale très nette, tranchante et saline. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,2/20.

8. Georg Breuer (Rheingau), Nonnenberg 2017

Nez intensément caillouteux; le citron se cache en coulisses. Ce vin pourrait être volcanique (ce n’est géologiquement pas le cas). Nez impérieux, dominateur et sans concessions. Bouche monstrueuse, parce que tous les éléments y sont présents au maximum ! Pamplemousse d’anthologie. Finale exceptionnelle, avec tension et salinité. Infanticide, potentiel considérable. Attendre au moins cinq ans. Peut-on faire meilleur que Berg Rottland, oui, c’est Nonnenberg ! Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 16,5/20.

9. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2014

Nez qui combine la pierre (silex) et le citron, avec des notes fumées et miellées. Progressivement, toute la gamme des fruits: abricot, poire, ananas, agrumes, etc… Enfin, la cire. Quelle complexité ! Bien sûr, il y a un peu de sucre en bouche, mais l’équilibre est parfait grâce à une acidité très élevée. Vin cristallin qui finit absolument sec. Ma note: 17/20, note moyenne du groupe: 16,9/20.

10. Peter Lauer (Mosel), Neuenberg 2015

Un petit soleil atténue légèrement l’emprise caillouteuse. En bouche, le sucre est plus présent que sur le 2014. Néanmoins, la finale reste parfaitement sèche. Beaucoup de tension. La fameuse intensité légère qui signe les meilleurs vins de Moselle. Le plaisir à l’attaque et la droiture dans la finale. Très grand vin. Ma note: 18/20, note moyenne du groupe: 17,1/20.

*****

Ce que je retiens ? Les grands rieslings allemands ont une personnalité profonde, marquée par le terroir. Le cépage joue son rôle soit à l’avant-plan, soit à l’arrière-plan. Certains vins camouflent le cépage derrière un terroir dominateur. Celui qui craindrait de goûter dix fois la même chose est rassuré: les expressions sont pour le moins variées et diverses.

La colonne vertébrale acide est l’élément qui structure la plupart des vins. Ce n’est certes pas une surprise, mais un rappel utile: pour les vins secs, les acidités peuvent monter jusqu’à 8 voire 9 grammes/litre. Quelques grammes de sucre résiduel se chargent d’arrondir les angles de façon à proposer un équilibre du type: assez peu d’alcool (12% ou 13%), beaucoup d’acidité, un peu de sucre. Les finales sont sèches. Autrement dit, le sucre, lorsqu’il est perceptible, marque l’attaque du vin, pas sa finale. Cela facilite les accords gastronomiques.

Pour l’anecdote, les six derniers vins servis se retrouvent aux six premières places du classement. Il n’y avait pourtant aucune volonté de crescendo. L’ordre de présentation des paires était aléatoire. Disons que l’enthousiasme est venu progressivement.

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Anthocyane, 10 ans déjà !

Anthocyane, 10 ans déjà: une dégustation, c’est bien mais deux dégustations, c’est encore mieux !

Dégustations le samedi 19 novembre et le samedi 03 décembre, entre 10 et 18 heures. A chaque fois, une quinzaine de vins sur le bar, sélectionnés avec passion et discernement.

Les vins présentés le 03 décembre sont 100% différents de ceux présentés le 19 novembre: rien n’empêche de venir goûter deux fois !

Tous les vins commandés au plus tard le mardi 06 décembre seront mis à disposition avant les fêtes de fin d’année.

Pour vos cadeaux Champagne: sachet individuel (en papier kraft, avec cordelette) offert.

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Un parfum de nature: le Glou Guide n°5

Glou. Les vins dits naturels existent quoi que je puisse en penser. Ils sont partout, multipliant à l’infini les étiquettes rigolotes et les jeux de mots plus ou moins foireux. Je sais, il s’agit de briser le carcan suranné et le formalisme amidonné qui entravent les vins dits traditionnels. Démarche sympathique. Au diable les vins qui se prennent au sérieux ! Au diable les conventions sociales qui nous imposent le sempiternel Bourgogne blanc avec le poisson de la même couleur et le Bordeaux rouge avec la viande de la même couleur itou.
Faisons souffler un vent de liberté et donnons la parole à l’enfant, pur et innocent, qui se cache au plus profond de notre intimité !

J’ai acheté le Glou Guide n°5. € 18. Parution en août 2022 aux Editions Cambourakis. La couverture annonce 200 nouveaux vins naturels exquis à 20 euros maxi.

Remarque liminaire: en réalité, la sélection comporte exactement 20 vins dont le prix est supérieur à 20 euros et une bonne trentaine de vins tarifés -en France- à € 19 ou à € 20. Les vins à € 14 ou moins représentent le quart de la sélection. Certes je pinaille, mais enfin autant que le slogan qui orne le bouquin corresponde à ce qu’il y a dedans. La mention en grands caractères 200 vins naturels démocratiques n’arrange rien. Et laissez la démocratie tranquille, elle a déjà assez de soucis comme ça.

Les vins sont classés par prix croissant, sans mention ni d’une région d’origine, ni d’une éventuelle appellation, ni d’un cépage. L’âge des vignes est sans importance, la géologie à peine effleurée. Le millésime ? Cela n’intéresse que les vieux conservateurs en cravate qui se la pètent en pérorant par-dessus leurs verres en cristal.

Les accords mets-vin “nous font plutôt bâiller” (c’est une citation). Désolé, mais ils ne me font pas du tout bâiller, même si je reconnais très volontiers qu’on écrit beaucoup de bêtises sur ce sujet et que l’exercice est fort périlleux: le meilleur accord est parfois celui qui naît du hasard ou de cette petite touche de cannelle dans le plat dont personne n’avait soupçonné l’importance.

Je signale en toute transparence qu’une série de listes en fin d’ouvrage permet la recherche par région ou par cépage. Mais ce n’est pas vraiment pratique.

J’en viens à la cause de mon ire: voici la définition du pictogramme hardcore (sic). Je cite intégralement: “papilles peu expérimentées, prenez garde, ce vin naturel ne fait pas la révérence, il ne cherchera pas à vous séduire par les moyens habituels; c’est un rugueux, il gazouille et grogne dans le verre, il a peut-être même ce petit côté ‘sale’ qui plaît étrangement aux plus averti.es d’entre nous.”

Quel poème ! Tout y passe: si vous n’aimez pas ça, c’est parce que vous manquez d’expérience. Et si vous préférez votre vin propre, c’est que vous ne faites pas partie de la secte qui définit le Bien et le Mal. Par un étrange retournement, le vin sale est donc en fait supérieur au vin propre. Voilà, c’est dit: le vigneron maladroit est exonéré de la prise en compte de toute évaluation qui oserait lui recommander de faire attention à ce qui se passe dans son chai. Tu fais sale, parce que tu es inexpérimenté ou mal (in)formé ? Ce n’est pas grave, nous te bénissons quand même et nous chanterons les louanges de ton pinard détraqué.
Un jour prochain, le vinaigre sera élevé au statut de grand cru et le grand cru sera dégradé au rang de banalité proprette, issue du défunt 20ième siècle chimico-chimique.

Heureusement, il y a de formidables vins qui sont élaborés d’une façon telle qu’ils peuvent assurément se revendiquer “naturels”. Les vignerons qui les créent trouvent cela normal, ils le signalent à peine. Ils utilisent très peu d’intrants et limitent le dosage du soufre à l’indispensable. Leurs vins sont propres. Chez eux, le grognement dans le verre ne sort pas de la gueule d’un yéti mal lavé, mais de l’intensité et de l’équilibre des saveurs, de l’énergie et de la tension révélatrices d’un terroir. Ces vignerons-là sont absents du Glou Guide. Et c’est fort dommage.

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Ostertag, Muenchberg: les années fastes

Remontée dans le temps jusqu’en 1996

Dégustation à l’aveugle passionnante, pour un groupe d’une douzaine d’amateurs. Vous avez lu le titre de cet article, mais nous, pauvres dégustateurs privés de l’étiquette, nous ne savions rien. Rien de rien.

Voici la première carafe. Bien sûr, ce sont donc les tâtonnements habituels. Je vous épargne certains parmi mes commentaires, j’ai déjà assez de mal à les gérer moi-même…

Mais ce premier vin a en tous cas beaucoup de choses à raconter: il y a du caillou, une touche de sucre résiduel, de la finesse, de la complexité aromatique (tilleul, miel) et ce je ne sais quoi qui évoque le volcan. 16/20. Millésime 2005. Démarrage en trombe donc. Le deuxième vin évoque avant tout l’automne: les feuilles mortes et le champignon. Vin évolué, avec des notes lactiques, sec, salin. Il porte son âge avec charme, mais me paraît un peu monotone. 15/20. Millésime 1996.

Le troisième est un vin patiné, avec du miel et de la cire, intense, délicat, avec une touche d’alcool et une légère oxydation (comme un sherry fruité), des épices également. 15/20. Millésime 1999. Le quatrième vin est important parce que celui-ci va me permettre de mettre un nom sur le cépage: autant les trois premiers ont été cachottiers, autant celui-ci crie: riesling ! Le citron confit joue le premier rôle. Vin puissant, encore un peu massif, léger tannin, touche de sucre, de la jeunesse. Un classique. 16/20. Millésime 2000.

Bon, à partir d’ici, on commence à se dire que l’on tient le bon bout: riesling, Alsace, avec des vins d’un certain âge, voire d’un âge certain. Voici la cinquième carafe: jus de citron parfumé, abricot voire pêche. Par contre, la bouche part vers une minéralité un peu austère. Progressivement la verticalité, l’élégance, la pureté, la longueur. Un vin spirituel. 16,5/20. Millésime 2003. Sixième carafe: attention, jeu de mots facile. Autant le précédent était spirituel, autant celui-ci me paraît …spiritueux ! Je m’explique: une aromatique en forme de Cointreau ou de Grand Marnier. Le nez légèrement écrasé, solaire voire sudiste. Comme un moelleux qui aurait mangé ses sucres. C’est riche et gras, mais manque d’énergie. 14,5/20. Millésime 2004.

Carafe sept. Ici on touche au sublime. Total respect. Le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide, longueur impressionnante. Du souffle, de l’énergie, de la densité. On pourrait se rapprocher d’un riesling que l’on trouve plus facilement outre-Rhin. Sommes-nous bien en Alsace ? 17,5/20. Millésime 2008. Voici déjà une huitième carafe qui révèle un nez presque pâtissier, avec de l’orange et de la cannelle, du miel, de la fumée. Vin que l’on pourrait qualifier de baroque. Puissance maîtrisée, belle fraîcheur. Est-ce bien du riesling ? Pinot gris ou complantation ? 16,5/20. Millésime 2009

Changement d’étiquette

Retour vers le riesling alsacien avec ce neuvième vin: agrumes, épices, orange et clou de girofle, bouche harmonieuse avec de jolis amers, fraîcheur énergique. Vin sec et plutôt délicat, belle réussite qui tranche avec le vin précédent en termes de style. 16,5/20. Millésime 2010.

Des noms de vignerons et de Domaines fusent. Parmi les Deiss et les Zind-Humbrecht, on entend l’un ou l’autre Ostertag. Quel vin “colle” avec quel vigneron ? Des avis en pagaille. Dixième carafe: j’adore (tout le monde ne partage pas mon enthousiasme). Citron intense, floral. Bouche jeune, serrée, salivante, longue. Equilibre parfait. Un vin dominateur comme un mâle alpha. 17/20. Millésime 2014

Encore un petit effort de concentration: voici le onzième vin. Archétype d’un grand nez de riesling, bouche jeune, massive, fraîche, plus solaire que le vin précédent. Finale un peu en retrait. 16/20. Millésime 2015.

Et enfin, voici le douzième: citron vert épicé, bouche encore fermée, comme repliée sur elle-même. Nous évaluerons son potentiel plus que le vin tel qu’il se présente aujourd’hui. Quelqu’un dit: brut de terroir. Joli résumé tout en concision. La verticalité est impressionnante. 17/20. Millésime 2019.

Nouvelle livrée

Voici la révélation, avec un grand sourire sur le visage de l’organisateur: nous avons goûté 12 millésimes de la même cuvée. A l’exception du dernier, tous ces vins ont été élaborés par André Ostertag. Son fils Arthur prend maintenant la relève. Est-ce j’ai pensé qu’il pourrait s’agir d’une verticale ? Non, douze fois non. Sur base du deuxième et du troisième vin, je voyageais du côté de la Loire. Le huitième m’a emmené vers le pinot gris et le septième aurait pu être allemand (Pfalz). Quel leçon sur l’importance du millésime !

Le Grand Cru Muenchberg, entre les mains d’un expert, est capable de distiller des expressions extrêmement diverses, en fonction de l’ensoleillement, du volume pluviométrique, de la date des vendanges, de subtiles décisions de l’homme pour guider, orienter le résultat final.

Nous avons goûté les vins du plus ancien vers le plus récent, avec une exception déroutante pour commencer.

En relisant mes notes, je me dis que mes commentaires relatifs aux millésimes 2003 et 2004 sont étranges: à priori, j’aurais inversé l’un et l’autre. Mais non, 2003 se révèle bien plus intéressant que prévu. J’ai d’ailleurs eu en son temps une expérience similaire avec l’Altenberg de Bergbieten de Mochel.

Un grand merci à la générosité de l’organisateur. He made my day !

L’esprit du vin circule inlassablement et se répand en flux circulaire, coule de haut en bas, du ciel vers la terre, de la lumière à l’ombre, de la vigne à la cave, va de jus en vin, de cuve en bouteille, d’ici à ailleurs, d’orient en occident, au bout des mers, de l’autre côté des nuits, là où les saisons se confondent, au cœur de villes sans arbres, au cœur des hommes déracinés, entre mur et poussière.
Il est le caillou du rire, le renouveau du soleil, l’ivre livre, le verre libre, le rêve retrouvé.
Il est le vin, le chant de l’univers.
Site Internet du Domaine.

En savoir plus ? https://viamo.fr/vignerons/domaine-ostertag/

Anthocyane ne commercialise pas les vins de ce Domaine.

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Champagne !

Anthocyane n’a plus proposé le moindre Champagne depuis 2016. L’un d’entre vous m’a rappelé récemment que la période des fêtes de fin d’année est pourtant fort propice aux bulles champenoises. Et que je ferais bien d’y remettre le nez. Et que le plus vite serait le mieux. Et que je devrais arrêter de dire “oui, mais…”. Et que c’est le 10ème anniversaire d’Anthocyane !

Donc, sous cette amicale pression, j’ai agi: huit Champagnes viennent enrichir la gamme.

Cette sélection se veut une ode à la diversité: des Champagnes de l’ouest (Vallée de la Marne), du sud (Côte des Bar) et du centre (Côte des Blancs); des blancs et un rosé; des vins à dominante de pinot, d’autres à dominante de chardonnay; de l’Extra-Brut (donc peu dosé) et du dosage zéro (donc pas dosé du tout).

En rouge, les vignobles; en orange, les villages où l’on peut élaborer le Champagne.

J’ai privilégié les Champagnes « de vigneron », avec une personnalité marquée et une capacité à traduire le millésime dont ils sont issus. Respect pour les grandes marques dont le but est de proposer, année après année, le même goût (“zéro surprise”), mais ce n’est pas le terrain de jeux d’Anthocyane.

Pour vos cadeaux: sachet individuel (en papier kraft brun) offert.

Les huit Champagnes sont ici !

Tant qu’à écrire sur le et la Champagne, voici quelques définitions qui peuvent faciliter la lecture d’une étiquette:

Grand Cru

L’étiquette d’un Champagne peut porter la mention “Grand Cru” ou la mention “Premier Cru”. Bon à savoir, le système champenois attribue ces deux mentions à un village dans son ensemble. C’est commode, en particulier pour calculer le prix du kilo de raisins, mais ce n’est pas très précis: jusqu’à preuve du contraire, toutes les parcelles situées sur le territoire du village de Puligny-Montrachet ne se valent pas. Les Champenois rétorqueront que le système bordelais est encore moins précis (et ils ont plutôt raison, mais c’est un autre sujet).

Voici les 17 villages classés « Grand Cru » :

Tours-sur-Marne , Verzenay , Verzy , Ambonnay , Aÿ , Bouzy , Louvois , Beaumont-sur-Vesle , Mailly-Champagne , Puisieulx , Sillery (dans La Montagne de Reims)

Avize , Chouilly , Cramant , Le Mesnil-sur-Oger , Oger , Oiry (dans la Côtes des Blancs).

Il y a par ailleurs une bonne quarantaine de villages classés “Premiers Crus”.

Deux fermentations alcooliques successives

Le Champagne commence sa vie comme un vin tranquille: une première fermentation alcoolique des sucres naturellement présents dans les raisins. Cela se passe dans une cuve-inox ou dans un contenant-bois. Au moment opportun, le vigneron va embouteiller le vin tranquille en y rajoutant une liqueur de tirage: sucres de canne sous forme liquide et levures. Ainsi commence la deuxième fermentation alcoolique, dans la bouteille. Cette deuxième fermentation est appelée prise de mousse.

Dégorgement

Le dégorgement consiste à expulser du flacon les levures mortes (appelées “lies”) et autres turbidités. Ces levures, avant leur décès, se sont chargées de la prise de mousse: transformer le sucre de canne en alcool et en CO². Ce CO², c’est la bulle qui signe le Champagne !

Pour dégorger, on procède en général par congélation. On en profite pour rajouter la liqueur de dosage.

Une fois ces opérations exécutées, le Champagne commence sa vie d’adulte. La date de dégorgement vous indique quand cette manœuvre technique a eu lieu. Qui apprécient les vins récemment dégorgés et qui leur préfèrent des vins évolués, il n’y a pas de règle absolue. NB: néanmoins, si vous tombez sur une bouteille dégorgée il y a 10 ans voire plus, le contenu du flacon pourrait décevoir. Le Champagne n’est pas éternel.

Certaines grandes marques de Champagne sont réticentes à indiquer la date de dégorgement sur leurs étiquettes parce que celle-ci pourrait être confondue avec une date de péremption. Considérant que l’essentiel du volume de ces grandes marques est commercialisé par la grande distribution, je peux comprendre leur prudence.

J’imagine déjà la scène: le client ramène sa bouteille dans son supermarché préféré parce qu’elle serait …périmée.

Liqueur de dosage (synonyme: liqueur d’expédition)

Il s’agit de rajouter un liquide sucré au Champagne au moment du dégorgement. La quantité de sucre détermine le type du Champagne: Extra-Brut, Brut, Sec, etc… Pour le plaisir de faire compliqué, un Champagne Sec est un vin assez doux (entre 17 et 32 grammes de sucre par litre). On élaborait au XVIIIe et au XIXe siècle des Champagnes vraiment doux, avec plus de 50 grammes de sucre/litre.

Les Champagnes “zéro dosage” ne rajoutent pas de liqueur de dosage. C’est une tendance contemporaine qui fait sens lorsque le vin est capable de supporter cette absence de dosage. Beaucoup de Champagnes gagnent à bénéficier d’un léger dosage. Il ne s’agit en aucun cas d’en faire des vins doucereux, mais d’arrondir quelques angles.

Le dégorgement tardif consiste à élever le vin longtemps sur ses lies. Les champagnes du type “dégorgement tardif” sont très prisés des amateurs et par conséquent très chers. Ou serait-ce l’inverse ? Vaste débat…

Placomusophilie

Celui qui collectionne les capsules de Champagne est un placomusophile. Je crains de faire partie de cette confrérie un peu bizarre…

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Le caprice des deux

“Mais, Philippe, quel thème original et pertinent et joli et appétissant pour ta dégustation de septembre ! Comment résister à l’appel de ton caprice des deux ?”

Merci, merci, c’est trop d’honneur. Ce sont juste quelques bouteilles de vin, proposées par paires: deux fois le même vigneron ou deux fois le même village ou deux fois le même cépage. On ira du sud de la Bourgogne jusqu’au nord de l’Italie, en passant par une vallée d’Autriche, par le Jura, le Beaujolais et le Rhône. Sept étapes. Syrah, riesling, barbera, gamay, nebbiolo, chardonnay, aligoté et un intriguant assemblage …inédit !

La dégustation a lieu le samedi 24 septembre, entre 10 et 18 heures, à l’adresse habituelle. S’il fait beau, la terrasse sera prête à vous accueillir.

Vos commandes doivent me parvenir, de préférence via le magasin, au plus tard le mardi 27 septembre. Les vins seront mis à votre disposition pendant la première quinzaine d’octobre.

Nicolas Maillet: deux vins du millésime 2020

L’aligoté a longtemps été vilipendé: trop acide, trop fluet, un cépage qui gagnerait à être amélioré par une larme de crème de cassis. Les choses ont bien changé. La Bourgogne compte aujourd’hui une appellation entièrement dédiée à ce cépage (Bouzeron, en Côte chalonnaise). Plusieurs vignerons de la Côte d’Or proposent différents aligotés, parfois parcellaires (exemple: Sylvain Pataille à Marsannay). Ce cépage connait un renouveau assez spectaculaire.

Rendez-vous avec Nicolas Maillet, un vigneron qui a décidé de se passer de bois pour ses vins blancs. En Bourgogne, voilà une décision aussi rare que courageuse. C’est une façon de remettre en cause les habitudes et les évidences qui conduit à élaborer des vins au profil marqué: tension, verticalité et minéralité, sans l’arrondissement apporté par le fût.

Autriche: deux rieslings du Kamptal

650 mètres. Voilà la distance qui sépare le Domaine Hiedler du Domaine Jurtschitsch. Une promenade de 9 minutes pour passer d’un riesling 2021 Langenlois à …un autre riesling 2021 Langenlois. Ces deux vins sont élaborés avec des raisins provenant de diverses parcelles, toutes situées dans le village de Langenlois. Ce village constitue le cœur de la région nommée Kamptal (“vallée du Kamp”): le Kamp est un affluent du Danube dans lequel il se jette en amont de Vienne. Le Kamptal est devenu célèbre grâce à Willi Bründlmayer, vigneron iconique (…ça y est, j’emploie du vocabulaire pour Instagram…) et spécialiste tant du riesling que du grüner veltliner.

Une comparaison fascinante entre citron, pamplemousse, pêche et abricot.

Pignier: deux Côtes du Jura “ouillés”

Pour éviter tout éventuel malentendu: ces deux vins sont profondément jurassiens, mais pas de style oxydatif: il s’agit de vinifications classiques, à la bourguignonne. Les vins sont décrits par le qualificatif “ouillé” (le vinificateur protège le vin de l’action de l’oxygène pendant son élevage). Donc, ni curry, ni noix.

Par coïncidence, j’ai ouvert très récemment une bouteille de la cuvée “A la Percenette” en millésime 2012 (NB: cette cuvée a cessé d’exister avec le millésime 2018: les raisins font aujourd’hui partie de La Reculée). Eh bien, ce 2012 était en pleine forme ! Et il était encore franchement meilleur 24 heures après avoir été ouvert.

La cuvée GPS est habituellement un assemblage de trois cépages. Cette fois, un quatrième cépage participe à la fête: du trousseau, vinifié en blanc. Ce vin est 100% sans sulfites ajoutés, ce qui le qualifie pour faire partie de la catégorie des vins dit nature. En dégustation, il est impossible de se rendre compte de cette caractéristique …et c’est très bien comme ça !

Deux Crus du Beaujolais: Fleurie face à Morgon

Lorsqu’on quitte le village de Fleurie par le sud, on arrive rapidement sur le territoire du Morgon (directement ou via Chiroubles): cinq kilomètres pour passer du Clos de la Roilette au Domaine Marcel Lapierre. Les crus du Beaujolais, c’est gamay, gamay et encore gamay. Voici pourtant deux expressions très différentes de ce cépage: structure et densité à La Roilette, fruit et sensualité chez Lapierre. La comparaison est franche puisqu’il s’agit du même millésime.

Prevostini: deux nebbiolo des Alpes

La Valtellina: paysage alpin et enchanteur, entre le lac de Côme et la frontière suisse. C’est la Lombardie d’altitude, la deuxième patrie du cépage nebbiolo. Je vous propose de comparer la cuvée d’entrée de gamme Botonero (assemblages de diverses parcelles) avec un cru, à savoir le cru Grumello.

Comme nous sommes en terrain peu connu, précisons le vocabulaire: Grumello est donc un lieu-dit, comme le cru Inferno et le cru Sassella. Plusieurs vignerons proposent des vins issus de ces différents crus. Par contre, Garof est le nom de la cuvée proposée uniquement par le vigneron Mamete Prevostini, élaborée avec des raisins en provenance du cru Grumello.

Mamete Prevostini: la nouvelle cave de vinification et d’élevage

Beaucoup d’attention est portée aux aspects environnementaux: la nouvelle cave de vinification (construite en 2014) est certifiée en tant que bâtiment extrêmement peu consommateur d’énergie. Les raisins vendangés arrivent par le haut, la vinification se fait au premier étage et l’élevage au rez-de-chaussée: aucun pompage, tout se passe par gravitation.

Piémont: deux barbera sensuelles

On voyage entre appellations, de Barbera del Monferrato jusqu’en Barbera d’Alba. Balade en Piémont, sans passer par la case Turin.

Le meilleur trajet ? Via Asti et Alba. Nous sommes gâtés.

D’une certaine façon, le cépage barbera pourrait jouer le rôle de l’antithèse du cépage nebbiolo. Place ici à la volupté, à la sensualité et au réconfort. Attention, on ne tombe pas dans la décadence rococo, ni dans la débauche alcoolique ! A côté d’un fruit rond, joufflu, charnu, savoureux, nos amis vignerons ont conservé une acidité rafraîchissante et tonique qui assure l’équilibre de ces deux vins.

Matthieu Barret: deux expressions du millésime 2020

Nous comparons l’étonnant Côtes du Rhône No Wine’s Land au prestigieux Cornas. Ce No Wine’s Land porte bien son nom puisqu’il provient d’une parcelle en appellation Côtes du Rhône, coincée entre Cornas et St-Joseph. Ni Cornas, ni St-Joseph, cette parcelle est d’autant plus spéciale que sa géologie est inhabituelle: calcaire et non granitique, comme c’est l’habitude à peu près partout en Rhône nord.

le village de Cornas

Matthieu fait partie d’un petit groupe de vignerons qui ont dépoussiéré l’appellation Cornas. La version de Matthieu est beaucoup plus fruitée, susceptible d’être appréciée assez jeune et dénuée de toute forme de rusticité. C’est un Cornas souriant et enjôleur ! Cette bonne humeur communicative ne remet en cause ni sa capacité à vieillir avec grâce, ni l’intensité de sa matière.

Conclusion subjective: ce caprice des deux me semble de nature à réjouir l’amateur. Je l’ai en tous cas conçu comme cela.

La plupart d’entre nous aiment comparer. On compare -consciemment ou inconsciemment-, avec un vin goûté autrefois. Avec le souvenir idéalisé d’un vin d’autrefois. Avec notre mémoire qui s’amuse comme une folle à nous faire croire qu’elle est fidèle.

Venez comparer, échanger, partager.

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Le caprice des cieux

Le singe asiatique et la variole du frelon, le variant mexicain de la Corona, les cybervirus et les cyberbactéries, le tunnel Trône sur une seule bande de circulation, la fonte de mon portefeuille et celle des glaces, Éden Hazard sur sa banquise madrilène, l’inflation qui nous les gonfle, la grêle et la fournaise, Donald qui trompe ses concitoyens, Mussolinette qui s’agite de Venise à Palerme, les algues bleues, les gilets jaunes, les Gilles de Binche, l’essence interdite à Bruxelles, les sauterelles, les réseaux sociaux, la centrale électrique de Zapo et celle de Tihange, Francis Lalanne, la cocaïne anversoise et le gaz moutarde qui me montent au nez, le gazouillis du gazoduc, le gazon brûlé, le Rhin qui ne coule plus malgré son étymologie, la facture de la canicule, les armes à feu de forêt, le Bordeaux à € 1,99 chez Aldi.

Pour la semaine prochaine, je vois dans ma boule de cristal … une féroce attaque de méchants Martiens ! Alléluia, c’est l’Apocalypse, le caprice des cieux nous tombe sur la tête, c’est la fin du monde en direct et en trois dimensions, rien que pour nous, nous les pitoyables humains du 21ième et dernier siècle. Amen.

Remède: boire du bon vin. Maintenant.

PS: dégustation d’une quinzaine de vins, le samedi 24 septembre, entre 10 et 18 heures. Le programme est en phase de finalisation, il peut être consulté ICI.

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Semaine 33: actualités

Bonjour !

Les nouveaux millésimes de chez Pellé (Menetou-Salon) sont arrivés. J’ai apprécié Morogues 2021 (sauvignon 100%, alcool: 13%, bio), un blanc sec au nez plaisant et aromatique, à la bouche équilibrée et directe, à la finale nette et sèche. Ce vin tire le meilleur d’un millésime un peu compliqué. Un cran au-dessus, c’est Vignes de Ratier 2020 (sauvignon 100%, alcool: 14%, bio), une sélection parcellaire qui conjugue la richesse solaire du millésime avec des notes fumées et minérales. Attention, l’importateur me fait savoir que le stock disponible est limité. Et il n’y aura pas beaucoup de 2021 non plus.

foudre dans la cave du Domaine Pellé

En mars, j’ai proposé à la dégustation Le Clos Galerne, cuvée L’Anjou Noir (cabernet franc 100%, alcool: 13,5%), avec un tel succès que le stock de l’importateur n’a pas pu suivre. Bonne nouvelle, cet Anjou-Villages rouge est à nouveau disponible. Il s’agit toujours bien du vin proposé au printemps: officiellement non-millésimé mais issu à 100% de la vendange 2019. De ce même Domaine, voici une Balade en chenin en millésime 2020, nouveau dans l’assortiment. C’est une excellente introduction à la gamme du vigneron, sans la profondeur du Savennières: oublions un instant que ce Savennières existe …et régalons-nous de la Balade, avec un excellent rapport QP !

dans la Revue du Vin de France (avril 2021)

Clos de la Roilette 2021: retour dans la gamme après une impasse sur deux millésimes consécutifs de ce très intense Beaujolais, en appellation Fleurie, là où Fleurie rejoint Moulin-à-Vent (NB: les Fleurie de l’ouest, ceux qui regardent vers Chiroubles, sont en général plus fruités et moins concentrés). Nez affable qui invite avec le sourire pour une première gorgée. Bouche sérieuse, riche, marquée par les fruits noirs, avec de très bons tannins. Le terme “gouleyant” n’a pas été inventé pour cette Roilette, qui a de l’ambition et un réel potentiel de garde.

les crus du Beaujolais: Fleurie = 7; Moulin-à-Vent = 10; Chiroubles = 5.

Voilà un vin que j’attendais avec impatience, vu le succès rencontré par les millésimes 2019 et 2020: le Mâcon-Vergisson 2021 du Domaine Guerrin. Il s’agit bien de la cuvée qui s’intitulait “Les Rochers”: cette mention disparaît pour le nouveau millésime. On peut supposer que quelqu’un a dû se plaindre du mots “rochers”, trop proche du mot “roche”: or, ici, à Solutré et à Vergisson, la Roche est sacrée ! Le vin est toujours délicieux, avec un profil plus frais que celui du millésime précédent, météo oblige. Un vin dont je me demande vraiment à qui il pourrait déplaire. Une bouteille que l’on tire-bouchonne sans prise de tête et que l’on partage avec l’amateur et avec le profane !

la Roche de Vergisson

Un détour par l’Autriche et plus précisément par le Kamptal, un affluent du Danube qui s’y jette en amont de Vienne. Chaque dégustation semble le confirmer: 2021 est un excellent millésime en Autriche. Ce riesling Urgestein le démontre avec force ! Je vous ai régulièrement proposé l’un ou l’autre vin du Domaine Hiedler, mais ce vin-ci m’a littéralement soufflé ! Intense fraîcheur, juste maturité du fruit, style énergique, moins opulent que par le passé (peut-être l’influence de Dietmar et Ludwig III, qui prennent progressivement la succession de leur papa).

le vignoble du Kamptal (Autriche)

Ces vins -et bien d’autres- sont à présent disponibles dans les nouveautés du magasin.

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Ce vin est une histoire !

Août. C’est la période creuse. On cuit doucement, en attendant une averse qui tarde à venir. On se demande ce que donnera le millésime 2022. Le moment idéal pour réfléchir et pour modifier ce qui mériterait de l’être.

J’ai commencé par mettre de l’ordre dans mon (petit) stock physique et dans le fichier Excel qui, avec un certain brio, gère depuis 2012 tout ce qui se chiffre : les commandes-clients, les commandes-fournisseurs, la longue liste de tous les vins présentés à votre gourmandise, la facturation, l’évolution du stock, la préparation des dégustations, etc…

C’est un peu artisanal et pas aux normes de notre monde rempli à ras bord de toutes sortes d’applications en ligne. Avec mansuétude, on pourrait résumer en affirmant que cela fonctionne de façon semi-automatique et que c’est fiable. Il y aurait certainement moyen de consacrer moins de temps à l’administration et d’améliorer ma productivité, à condition d’investir, en sous et en formation informatique du patron. Cela implique une vision sur quelques années, pour donner l’opportunité d’un retour sur investissement positif. Bof.

J’ai créé Anthocyane tout seul, avec beaucoup de prudence, sans investissement et avec une ambition qui s’est avérée difficile à atteindre. Bon, c’est le piège éternel de se fixer un objectif élevé, à ne pas le rencontrer et, en conséquence logique, à être déçu. Et, sans surprise, la déception n’est pas une bonne source d’enthousiasme.

Mes plus anciens lecteurs se souviendront peut-être d’une décision radicale, communiquée en juin 2015 : je mettais un terme aux activités d’Anthocyane. Immédiatement et sans nuances. Le couperet de la guillotine. J’ai fermé le magasin en ligne et cessé de rédiger sur le blog.

Je ferai court sur les conséquences. Disons simplement que le vide intersidéral s’est alors abattu sur moi. Badaboum.

Petit-à-petit, je me suis rendu compte que j’avais encore envie de partager mes découvertes et d’échanger avec clients et fournisseurs. Alors un p’tit e-mail par ci et une p’tite dégustation par là. De fil en aiguille, je recommence à écrire quelques bafouilles, je vends quelques flacons et je réouvre le magasin, sans vraiment avoir réfléchi à ce que je faisais.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je suis bien obligé de constater aujourd’hui qu’Anthocyane est un projet économiquement bancal. La quantité de travail ne correspond pas à une quantité proportionnelle de sous. Mos dos vieillit et il encaisse mal le transport de A vers B, de B vers C, de C vers D de cartons de 7 kilos (rajoutez encore 1 ou 2 kilos quand le vigneron se persuade qu’une bouteille lourde mettra son vin mieux en valeur). Le vin lyophilisé n’est pas d’actualité, l’impact de la logistique est incontournable.

Alors l’ombre du retour de ma décision de juin 2015 pointe le bout de son nez (j’ignore si une ombre possède un nez, mais vous voyez ce que je veux dire).

Quoique. Il y a peut-être une alternative.

J’arrête de me focaliser sur une hypothétique rentabilité économique. Ce que je fais est para-artistique, ce qui veut dire que cela doit d’abord me plaire à moi. Je vous balance ma subjectivité et ma différence …parce que vous aimez ça !

Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter de propager le bullshit, mais, dans votre infinie bienveillance, vous me pardonnez les rares écrits où mon enthousiasme fleurte avec le hard selling. Au moins, vous avez la garantie que c’est mon opinion telle qu’elle existe, ici et maintenant et pas un consensus mou entre Parker, Bettane et le rédacteur hipster d’un magazine feelgood. Je suis subjectif et compte bien le rester.

Nous assumons ensemble qu’il peut m’arriver de dérailler, mais c’est du déraillement bien local, de saison et en circuit court (ne pas confondre circuit court et court-circuit). Tout ce qui est local est bien, tout ce qui vient de loin est mauvais et vive la féodalité qui nous attend au tournant. Comme Pierre Dac et/ou Francis Blanche, je préfère le vin d’ici à l’au-delà. Mais enfin, oui, je bois du Madère et du vin arménien. Et, entre nous, il m’est même arrivé récemment de consommer, sans scrupules ni vergogne, un malbec argentin qui s’était pourtant farci tant la jungle amazonienne que l’océan Atlantique avant atterrissage sur la table du dîner.

J’avoue…

J’avoue, le magasin en ligne n’est pas parfait. En y consacrant le temps requis, je crois que nous pourrions ensemble lui trouver au moins 5 bonnes grosses faiblesses. Mais cela fonctionne ! En faire une Rolls est possible, à condition d’y mettre le paquet. Du haut de l’expérience accumulée depuis bientôt 10 ans, j’affirme que quasi tout le monde voudrait bien la Rolls mais que personne ne serait vraiment désireux de la payer à son prix. Donc, une VW (neuve) devra faire l’affaire.

J’avoue, Berchem-Ste-Agathe est légèrement excentrée (comment, un euphémisme ?). La plaisanterie des autorités communales qui consiste à empêcher le brave automobiliste d’utiliser une sortie d’autoroute tout ce qu’il y a de fonctionnelle fait office de sacrée cerise sur mon gâteau. Mais je ne vais pas déménager ! Pour tenir compte de la géographie, je continuerai à livrer vos commandes en personne, en fonction de ce qui est raisonnable. Et vous passerez de temps à autre par chez moi pour emmener vos précieux flacons. Non, il n’y a donc pas de règle claire, nette et précise. Mais je suis de très bonne volonté. Par contre, si vous souhaitez une livraison de 6 bouteilles de rosé à Perpète-lez-oies, c’est non. Surprenant ?

J’avoue, je suis victime d’une addiction au vin allemand, malgré le (à cause du ?) caractère gothique des étiquettes et l’existence de lois et de règlements privés qui, en se chevauchant allègrement les uns les autres, créent un bric-à-brac chaotique dans lequel l’amateur ne retrouve pas ses jeunes. Tout cela est heureusement sans grande importance. Tonton Philippe est là pour expliquer (autant que ce que j’ai appris serve à quelque chose). Ce qui compte, c’est la qualité fascinante des pinots noirs et des rieslings d’Outre-Rhin.

Cela me rappelle le fruité intense d’agrumes, l’acidité mûre, la légèreté spatiale (pour éviter de recourir au sempiternel « aérienne »), la sucrosité délicate et la longueur étincelante de ce Krettnacher Euchariusberg riesling Kabinett alte reben 2020 élaboré par Hofgut Falkenstein en Sarre, à quelques kilomètres du Grand-Duché et donc pas si loin de Bruxelles. Est-ce assez local ? En tous cas, c’est splendide !

J’avoue, je ne suis pas très riche en vins vendus sous la barre des 10 euros. Et ce n’est pas l’inflation galopante qui va y changer quoi que ce soit ! Franchement, je considère que les supermarchés sont imbattables quand il s’agit de vendre un produit souvent honnête, passe-partout, banal et dépourvu de personnalité. Une boisson plutôt anonyme qui peut faire l’affaire dans bien des circonstances. Des vins qui ne déplaisent pas, mais qui ne laissent pas de trace. Chacun son métier : je propose qui vins qui plaisent (très) beaucoup à Joseph et qui désarçonnent Marie. Ou l’inverse. Je prends des risques, en calculant peu. Il y a de l’intuition et du feeling. Je vends de belles histoires, de beaux futurs souvenirs. C’est para-artistique.

Donc, pas de dégustation pendant ce mois d’août.

Mais je suis à Bruxelles et peut donc vous recevoir facilement, du lundi au samedi. Prenez le temps de feuilleter le magasin (euh …peut-on feuilleter un magasin ?), posez-moi des questions (j’aime y répondre), partagez avec moi vos idées (j’écoute volontiers) et soutenez le petit commerce -local- par l’échange de mes chouettes bouteilles contre vos sympathiques euros.

Philippe