En passant, deux vins qui m’ont charmé, étonné, ébouriffé.
D’abord une Etoile jurassienne du Domaine de Montbourgeau, Savagnin, en millésime 2008. Bouteille achetée au Domaine en avril 2013 (€ 15). Enorme intensité, complexité de haut vol, équilibre parfait.
Il y a bien sûr un prérequis: apprécier le style oxydatif. Moi qui craignais que le vin puisse se révéler un peu brutal…Mazette, c’est tout le contraire: c’est un savagnin délicat et joliment apaisé. Décidément, un domaine remarquable avec lequel je ne partage que de très bons souvenirs: voir par exemple cet article.
Ensuite un Vin de France Le Grand Tertre (Domaine de la Ramaye), en millésime 2011. Origine: Gaillac (Sud-Ouest). Cépages: prunelard et braucol. Bouteille offerte par le Domaine en février 2013. Je me souviens très bien de ma visite au Domaine (j’y avais consacré cet article).
Le floral d’une belle syrah (ou, pour la couleur locale, d’une belle négrette), tannins joliment fondus sans le moindre soupçon de sécheresse, alcool certes présent mais se contentant d’apporter de la douceur à l’équilibre du vin. Intensité des saveurs fruitées.
Merci à Madame Nicole Deriaux et à Monsieur Michel Issaly ! Deux vins qui ne bénéficient pas de la notoriété d’une appellation prestigieuse et qui offrent pourtant des plaisirs d’un grand raffinement !
On quitte la ville de Gaillac par le nord-ouest. Il ne faut pas rater la petite route à droite, à côté de l’église de Ste-Cécile d’Avès. Quelques centaines de mètres en chemin creux. M’y voici.
Ce qui ne l’empêche pas de partager avec moi l’histoire de sa famille et les difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on n’est pas soi-même issu du monde du vin, ce qui était le cas de son père. La propriété est familiale du côté maternel, depuis le XIXe siècle.
Le caveau est un lieu étonnant, de pierre et de bois, un peu poussiéreux, touffu, hétéroclite, pas trop éclairé, plein de vieux flacons, d’objets patinés et de souvenirs. Surtout ne rien changer ! L’âme du lieu n’y résisterait pas.
Chaque vin est une aventure en soi, marqué par le sceau de la forte personnalité du vigneron: qui décide de réduire fortement la taille de son domaine pour pouvoir consacrer tout le temps nécessaires aux vignes les plus précieuses ?
Michel Issaly
Nous goûtons…
Le Cavaillès-Bas 2011 (80% mauzac, 20% loin de l’œil) ne ressemble qu’à lui-même. Rendements ridiculement faibles, vendanges manuelles en surmaturité, vin très peu soufré. Vin blanc sec avec beaucoup de personnalité. Une complexité qui se révèle progressivement. Caractère bien trempé, concentration des extraits secs dans le vin…et concentration requise chez le dégustateur. Le vin est déroutant, protéiforme et imprévisible.
Parenthèse relative à la symbolique des étiquettes: un serpentin dessinant le terroir vivant, la vie éternelle et l’empreinte de l’homme sur son environnement. En tous cas, le résultat est graphiquement très réussi !
Pech de la Tillette 2011, est un assemblage de cépages rouges (dont merlot et syrah). Il s’agit du vin le plus ‘direct’ de la gamme. Une porte vers un monde à part.
La Combe d’Avès 2008 est un magnifique rouge, très élégant, assemblage à parts égales de braucol et de duras. La texture est soyeuse, la bouche épicée. Pas l’ombre de l’ombre d’une trace de rusticité.
Dans la tradition de Gaillac, il y a le vin de voile. Tradition mise à mal en ce siècle où tout doit aller vite. Un vin de voile (le plus connu est sans doute le Vin Jaune du Jura) a besoin d’un élevage très long pour développer ses arômes surprenants et tellement intenses. Protégé par un voile de levures, le vin s’oxyde très lentement. Le temps passe, le vinificateur attend. A la longue, il peut même ‘oublier’ son vin dans un coin sombre de la cave.
D’où ce Vin de l’Oubli 2000 (100% mauzac), élevé une dizaine d’années sous bois. C’est très riche, très long et très sec. Subtil aussi, épicé, comparable en cela au Château Chalon.
Remarque: les vins de Michel Issaly sont très peu soufrés et embouteillés avec du gaz carbonique pour les protéger de l’oxydation. Conséquence: léger perlant quand on débouche le flacon et aromatique réduite. Ce n’est pas un défaut ! Ces vins doivent impérativement être aérés avant dégustation: donc, carafe, carafe et encore carafe.
Pour la bonne bouche, citation d’une contre-étiquette: “Vous avez le droit de ne pas aimer ce vin. Car il est à l’opposé des vins technologiques qui sont vinifiés pour plaire à tout le monde.” Ces vins sont en effet polarisants: on aime (beaucoup) ou on n’aime pas (du tout). Mais une chose est certaine, l’indifférence n’est pas de mise !
En salle, c’est Charlotte, la fille de Guillaume Salvan, chef étoilé à La Falaise (j’y reviendrai un de ces jours); en cuisine, c’est Julien Bourdariès.
La carte des vins est à pleurer de joie. L’assiette est haute en couleurs, vachement goûtue, terroiresque en diable, originale de l’entrée au dessert (ah le baba…).
C’est bien simple, nous y avons dîné un jeudi et nous sommes retourné le samedi ! Qu’est ce que vous attendez ?
…un détail, La Vigne en Foule, c’est en plein centre de Gaillac (Tarn). Juste un millier de petits kilomètres à partir de l’Atomium.
L’idée mériterait d’être réinterprétée partout dans le vignoble: cinq associés, trois vignerons, un distillateur et un chef. Bien sûr, tous les vins de Bernard Plageoles, de Michel Issaly et de Patrice Lescaret (Causse Marines) sont donc disponibles. Bien sûr les alcools exceptionnels de Laurent Cazottes sont donc disponibles (ah, le baba à la goutte de mauzac rose…). Mais pas que. Plein d’autres vins très bien choisis, du Sud-Ouest, de France, d’Italie, d’Espagne et d’ailleurs. Une vraie cave d’Ali-Baba à la goutte de mauzac rose…pouf-pouf.
Je scribouillais donc, avant d’être grossièrement interrompu par moi-même (*), au sujet d’un restaurant qui fait aussi caviste et où chaque assiette respire l’intérêt des associés pour les beaux accords. Service au diapason.
Le site Internet semble malheureusement HS.
La Vigne en Foule – 80 Place de la Libération – 81600 Gaillac – Tél +33 5 63 41 79 08.
(*) Pierre Desproges (1939-1988): étonnant, non ?
quelques alcools de chez Laurent Cazottes
daube de boeuf, carottes et gnocchis: mmmh !
hop, un flacon de chez Michel Issaly !
OK, le sourire est un peu forcé…et pourtant, quelle belle soirée !
est-ce que cela ne donne pas envie ?
magnifique andouillette, entre croquant et moelleux
donc, baba à la goutte de mauzac rose
une infidélité à Gaillac, avec ce superbe Cahors 2002