Samedi, c’est soirée de gala. On se permet le beau menu cinq services avec l’accompagnement-vins exclusivement allemand. Sur le maquereau (au demeurant d’une rare qualité), c’est tout de suite mirobolant avec le riesling premier cru Mölsheim 2017 du Domaine Battenfeld Spanier (Rheinhessen): du comme ça, j’en veux bien tous les soirs ! Quelle tension !
maquereau
Sur le feuilleté de pommes de terre avec morille et asperge, on voyage jusqu’en Baden chez le producteur le plus renommé du coin, à savoir le Domaine Bernhard Huber: Malterdinger 2016, assemblage de chardonnay et de pinot blanc. Ici, le modèle est chablisien tendance premier cru. Ni boisé, ni beurre ni même noisette, c’est du cistercien monacal !
feuilleté
Voici la langoustine et ris de veau. Plat plus que remarquable, au même niveau que les deux premiers (et ce n’est pas peu dire). Et un riesling de style très différent du premier: grand cru Jesuitengarten 2015 (année chaude) du Domaine Reichsrat von Buhl (Pfalz). Si le vin précédent évoquait Chablis, ici je pense à… Meursault ! Vin aussi sensuel que le Battenfeld Spanier était cérébral.
Avec le gibier « Maibock », le rouge fait son entrée sous la forme d’une syrah du Württemberg: Syrah SE 2015 du Domaine Graf von Neipperg. Eh oui, il y a donc de la syrah en Allemagne. Le vin me semble en fait plus bordelais que Rhodanien. Pas si surprenant quand on sait que Graf von Neipperg est aussi propriétaire à …Bordeaux: Canon-la-Gaffelière, La Mondotte et d’Aiguilhe, c’est Neipperg ! Bon, ce vin-ci est certes d’une concentration impressionnante, mais il répond moins bien à mes goûts personnels. Et comme je ne dispose que de ceux-là…
Sur le dessert, composition assez sophistiquée de chocolat et de fraise, un vin moelleux bien entendu. C’est le Domaine Frey (Pfalz) qui s’y colle, avec un beerenauslese 2019 issu d’un assemblage improbable de pinot noir et de cabernet sauvignon. Vin surprenant en diable auquel il manque un petit peu de légèreté aérienne pour être superbe. En chiffres, cela donne 6,4% d’alcool, 168 grammes de sucre résiduel et …13 grammes d’acidité pour équilibrer ce sucre majeur.
dessert
Le meilleur pour la fin: la visite de la cave du restaurant, formidable caverne d’Ali Baba, en la compagnie du maître des lieux, Andreas Scherle. La conversation du coq à l’âne au gré des bouteilles que nous « découvrons », les anecdotes, l’échange entre passionnés, Knoll, La Rioja Alta, Klaus Peter Keller, etc…
J’ai eu un peu de mal à m’endormir…
Restaurant Zur Weinsteige, 70184 Stuttgart. Avec le TGV, ce n’est pas si loin…
Cher Monsieur, que lis-je dans ce titre ? Ne serait-ce point exagéré, voire excessif ? Est-ce bien raisonnable ? Plaidez-vous coupable ?
C’est-à-dire, Votre Honneur, que, comment dire, ça s’est passé à l’insu de notre plein gré. C’était un piège et nous sommes tombés dedans, par la faute de notre naïveté. Gambadant par le plus grand hasard dans la belle ville de Saint-Trond, nous avons été comme qui dirait sauvagement happés par un estaminet local. Lequel estaminet s’est avéré extrêmement bien achalandé en victuailles savoureuses et en boissons propres à susciter une douce ivresse. Faisant alors fi d’une modération qui, de temps à autre, commence d’ailleurs à me les briser menu, nous fûmes les victimes, à peine consentantes, d’un dîner-dégustation sobrement titré 4*4, puisque chaque plat s’est avéré accompagné par non moins de 4 vins. En n’oubliant pas l’apéro, le compte est bon: 4 services, 17 vins.
Nous étions donc ce lundi soir chez Paul, Andrea et Aurélie au Gastrobar 3 Sense, à 3803 Wilderen.
Nous avons demandé et obtenu un crachoir. Cela peut paraître incongru, voire peu compatible avec la notion de dîner-dégustation, mais goûter 17 fois de suite impose des mesures fortes, sous peine de ne plus distinguer un Beaujolais nouveau d’un Madiran pur tannat. Pour paraphraser le jargon administratif fédéral, il est fortement recommandé de faire preuve de bon sens.
L’apéro et les deux premiers accords
Apéro: Corpinnat Gramona Brut Impérial Gran Reserva 2014 (Catalogne). D’aucuns seraient tentés d’affubler ce vin du titre guère flatteur de Cava. Que non, puisqu’il s’agit ici de privilégier des raisins de haute maturité et un long élevage sur lattes (48 mois). Corpinnat, c’est en quelque sorte ce que Cava devrait être. Le style du vin est riche, crémeux et légèrement fermentaire. La bulle est élégante, douce et fondante. Belle longueur. C’est classique et plutôt consensuel. Dosage: 8 grammes. Alcool: 12%. Biodynamie. Assemblage classique: chardonnay, xarel.lo, parellada et macabeu. Il me manque néanmoins la tension minérale et le “punch”. Servir bien frais. C’était accompagné d’un petit gaspacho à l’huile de chorizo et d’une bouchée pommes de terre, anguille fumée, pomme verte.
1er service: albariño 2019 (Galice), en 4 interprétations presque’aussi magistrales l’une que l’autre. Leirana, du Domaine Forjas del Salnès, confirme qu’il est une entrée de gamme d’un très haut niveau: le nez peut sembler un peu discret, mais la bouche est d’une remarquable fraîcheur, d’une énergique tonicité. Pazo de Señorans a pour lui la notoriété et un nez explosif. La bouche m’a semblé par contre un peu en retrait: au milieu des franches acidités de ses trois concurrents, celui-ci paraît moins “éveillé”. Disons qu’il veut être copain avec tout le monde et que cela peut nuire à l’expression d’une personnalité bien à lui.
Cies est un riesling du Palatinat. Meuh non, c’est une cuvée 100% albariño de Forjas del Salnès, mais le tranchant et l’aromatique évoquent irrésistiblement la tension teutonique. Minéral, sans la petite touche exotique (ananas) caractéristique du cépage. Extrême et donc sans doute susceptible de dérouter. L’antithèse du blanc méditerranéen, un vrai vin atlantique. Quand on a appris à apprécier Leirana, il est temps de s’attaquer à Cies. Ne tentez pas le chemin inverse; enfin, vous faites comme il vous plaît. On finit avec Finca Genoveva, le haut-de-gamme de Forjas del Salnès, sous la forme d’un échantillon non-filtré, avant mise en bouteilles. C’est difficile à évaluer, mais deux qualités semblent évidentes: la concentration et la fraîcheur. Vigne pré-phylloxérique, âgée de +/- 160 ans. Production limitée à 1.800 bouteilles.
Votre serviteur, quelques albariño et toute la concentration dont je suis capable…
Le plat: gravad lax, betterave, raifort. Le gras du poisson coupé net par l’acidité des albariño: beau plat, bel accord !
Bilan: +++
Leirana 2019 (€ 16,50) participe à la dégustation du samedi 22 août. Il peut être commandé dans le magasin dès à présent. Cies 2019 (€ 19) est disponible sur demande, commande à recevoir au plus tard le mardi 25 août.
2ème service: La Vizcaina, Bierzo, mencia 2017 (Castille, aux frontières de la Galice). Une opportunité de goûter en parallèle 4 vins issus de la même appellation, élaborés avec le même cépage, issus du même millésime et vinifiés par le même vigneron, le redoutable Raùl Perez. Un pas plus loin encore: le vigneron traite les 4 récoltes de la même façon: vendange entière, vinification en foudres, élevage d’un an en barriques. Seule différence: la parcelle, pardi ! L’approche est très inspirée par la Bourgogne: le lieu-dit, sa géologie et son orientation. Une ode à la subtilité. Allons-y.
Las Gundiñas est en orientation ouest. C’est le vin qui devrait être le plus accessible dans sa jeunesse. Je repère du cacao et de la cerise, une structure tannique assez ferme, une pointe d’amertume qui ne sera peut-être pas appréciée par tous. Ensuite, voici La Poulosa, en orientation sud. Il me paraît franchement plus accessible que le précédent. Nez terreux et métallique. La bouche est juteuse, plus aimable, avec des tannins plus discrets. Pas tout-à-fait mon goût personnel, mais assez séduisant. El Rapolao est en orientation nord et ouest. Très majoritairement mencia, mais également d’autres cépages locaux: tintorera, souson, bastardo, le tout en complantation. C’est un monument à prendre avec quelques pincettes. Vin complexe, sérieux, très intense, avec ce que l’on pourrait qualifier de “végétal noble”. Sincèrement, ce n’est pas pour tout le monde. Si votre goût vous porte vers la rondeur joyeuse, vous pourriez être décontenancé. Vin de garde, à ouvrir dans 5 ans ou plus. La théorie affirme que la mencia évoque une combinaison entre pinot noir et syrah, mais je persiste à y trouver du cabernet franc. Enfin, La Vitoriana est une parcelle en orientation nord. Les plus vieilles vignes. C’est lactique, un peu animal, avec de la cerise, de l’encre, de l’encens, …Structure tannique exceptionnelle, comme si l’on mordait dans la Grande Muraille de Chine. Gros potentiel. Infanticide patenté. Doit absolument être caché au fond de la cave pour n’en ressortir que dans 10 ans.
Le plat: risotto, espadon, asperge verte. Excellent poisson, assaisonnement un peu fade. L’accord est une tentative courageuse, mais je crains que les vins n’ont même pas remarqué la présence du plat.
Bilan: +++
El Rapolao2017 (€ 24) peut être commandé dans le magasin dès à présent. Les trois autres cuvées sont disponibles sur demande, commande à recevoir au plus tard le mardi 25 août. Le prix des 4 vins est identique.
La deuxième partie s’attachera, ô surprise, aux 3ème et 4ème services. On y abordera Priorat et Rioja, par la face sud.
Albariza: le sol très blanc (majoritairement calcaire), caractéristique de la région de Jerez
Le sherry traîne une image aussi poussiéreuse qu’imprécise : c’est sec ou c’est doux ? Cela se sert avant le repas, pendant ou après ? C’est pour le verre …ou pour la sauce ? On peut garder une bouteille ouverte ? Si oui, pendant combien de temps ? C’est espagnol ou c’est anglais ?
L’ignorance mène au désamour et, selon la loi de l’offre et de la demande, le désamour fait baisser le prix. Un prix trop bas est une malédiction: « si ce n’est pas cher, c’est que ce n’est pas bon ». Et le cercle vicieux ne s’arrête plus de tourner…
Heureusement, quelques Andalous audacieux secouent sérieusement ce vin et lui rendent ses lettres de noblesse. Equipo Navazos, Luis & Willy Perez, La Callejuela et quelques autres proposent de nouvelles pistes : vins millésimés, accent mis sur le travail à la vigne, mise en avant des meilleures parcelles, absence de solera, absence de fortificacion, etc…
L’étiquette ci-dessus est celle d’un sherry de type « manzanilla », millésimé 2014, élaboré par La Callejuela à partir de raisins en provenance de la parcelle éponyme : c’est d’une grande finesse et d’un très bel équilibre, malgré 16% d’alcool et une acidité analytiquement faible. C’est complexe, persistant et m’a offert un bel accord, en délicatesse, avec un gruyère réserve 12 mois.
Pour en apprendre plus sur le sujet, on peut par exemple consulter Sherry Notes (en anglais) et Jerez-Sherry-Xérès (en anglais).
Je vous propose un moment autour d’une table pour partager quelques sherries et quelques histoires, en les accompagnant des mets idoines: cela se passe le samedi 28 mars 2020, à partir de 12 heures, chez moi.
C’est complet. Néanmoins, ne pas hésiter à me faire part d’un éventuel intérêt, je compte organiser une deuxième séance.
Mise à jour du 21 mars: la séance n’aura pas lieu, virus, confinement et distanciation sociale obligent. Mais ce n’est que partie remise.