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Le voyage en Espagne

Cette carte est extraite de la huitième édition de l’Atlas mondial du Vin (Hugh Johnson & Jancis Robinson)

Les commentaires ci-dessous ont été publiés et transmis par e-mail en 2019, en préparation à la dégustation du 26 octobre. Les revoici, légèrement remis en forme. Il s’agissait donc de parcourir l’Espagne en une série d’étapes alléchantes…

Quelques mois plus tard, cet œnotourisme virtuel prend un sens très particulier, pandémie et déconfiture obligent.

Première partie du voyage

Franchissons les Pyrénées pour rejoindre notre première étape, en Catalogne : l’appellation Montsant au sud-ouest de Tarragone. Cette appellation à la notoriété récente s’étend tout autour du prestigieux Priorat. Le Domaine Joan d’Anguera y élabore des vins d’une très belle personnalité à partir de vieux grenaches et de vieux carignans.

Ici, l’époque des vins très puissants et fortement boisés est révolue : je me souviens d’une cuvée de ce Domaine, « El Bugader », à base de syrah, certes très savoureuse, mais un peu « too much ».

Aujourd’hui, la cuvée « El Bugader » n’existe plus. Rupture de style en 2008. Place à la pureté et à la finesse qui caractérisent tant Altaroses que Planella. Deux vins néanmoins très différents, le premier 100% grenache, le second 90% carignan, épicé avec une pincée de syrah. La comparaison est fascinante : couleur légère, texture en dentelle, succulence aérienne et élégance pour Altaroses ; couleur sombre, structure tannique mûre, densité et aromatique plutôt sauvage pour Planella (vignes plantées en 1983).

La signature des vignerons, les frères Joan et Josep Anguera ? La persistance en bouche assurément : vins vraiment longs !

Le Domaine a été fondé en 1820 et est toujours resté dans la famille. Biodynamie certifiée Demeter depuis 2012. Levures indigènes. Les vins sont élevés dans le bois pendant 12 mois, sans marquage aromatique (pas de bois neuf). Vendanges manuelles, vins non-filtrés. Une propriété qui a réussi sa mutation !

Deuxième étape …nous prenons le bateau, cap sur le sud-est, vers les Baléares et plus précisément Mallorca, la plus grande île. Ce serait mentir de prétendre que le passé viticole est ici fastueux. D’ailleurs, les cartes géographiques du vignoble espagnol oublient souvent de représenter les Baléares. De plus, une île c’est étymologiquement « isolé », ce qui ne facilite pas l’accès aux vins qui y sont élaborés.

Pourtant, cela fourmille de talent pour mettre en évidence un climat, une géologie et des cépages locaux. Hugh Johnson, dans l’édition 2020 de son guide, indique que les vins de Mallorca sont en progrès constant, en citant 6 Domaines.

Le Domaine Mesquida Mora est l’héritier d’une propriété qui fait du vin depuis une soixantaine d’années et c’est à présent la 4ème génération, incarnée par Bàrbara Mesquida-Mora, qui est aux commandes.

L’appellation Pla i Llevant pourrait être revendiquée, mais non, Sincronia Negre est un simple Vi de la Terra qui ne s’encombre ainsi pas de respecter des exigences administratives sans doute jugées désuètes.

Sincronia Negre est un rouge dont la couleur évoque le pinot noir, à la bouche délicate, fine et salivante. Assemblage complexe de cépages majorquins (callet, gorgollasa), français (merlot, syrah, cabernet sauvignon) et hispanique (monastrell, que l’on connait mieux sous le nom « mourvèdre », assez commun dans le sud de la France).

Voilà un excellent exemple d’un style que personne n’associera spontanément à l’Espagne. L’expression d’une forte personnalité, d’une vigneronne qui est passée par un terrible conflit familial qui l’a laissée désemparée et sans le sou. Pour mieux rebondir en proposant aujourd’hui une très belle gamme de vins en biodynamie.

Franchement, si je me laissais aller, je vous proposerais bien les 5 vins que j’ai eu l’occasion de goûter…

Troisième étape, le bateau s’impose à nouveau pour rejoindre le continent, du côté de Valence cette fois. Le Domaine Celler del Roure incarne avec brio une démarche originale et volontariste dans une région vouée jusqu’alors à la production de vin en vrac. Pourtant, les auteurs latins du IIème siècle disaient le plus grand bien des vins de Sagonte (un peu au nord de Valence) et leur notoriété a traversé tout le Moyen-Âge.

Dans le village de Moixent, à mi-chemin entre Valence et Alicante, se niche la propriété de Pablo Calatayud, personnage-clé du nouveau vin espagnol. Il a consacré beaucoup d’énergie à ressusciter des cépages oubliés, comme le mando et le verdil. Il est aussi un pionnier de l’élevage des vins en amphores de terre cuite.

Vu la forme réelle de ces récipients, on devrait d’ailleurs plutôt les qualifier de « jarres », mais la littérature œnologique a rapidement imposé le terme « amphore ». La terre cuite est une alternative au bois : ces deux matériaux présentent une légère porosité qui laisse passer un peu d’air de l’extérieur vers l’intérieur, tout en empêchant le liquide de prendre le chemin inverse. La barrique en bois -surtout quand ce bois est neuf- est susceptible de transmettre au vin une aromatique fumée, vanillée, évoquant le café et le chocolat, alors que la terre cuite a la réputation d’être neutre.

L’aventure du Celler del Roure commence vers 1995. Sans passé familial dans le vin, Pablo Calatayud, son diplôme d’œnologue en poche, achète des terres en altitude pour y planter des cépages français et des cépages locaux. Avec le hasard comme meilleur allié, il rachète une ancienne bodega dans les caves de laquelle il découvre, à sa grande surprise, une centaine de jarres en terre cuite, enterrées, en très bon état malgré leur âge vénérable (elles ont sans doute été fabriquées au XVIème siècle). Comme quoi, entre la modernité de l’élevage en amphores et le lointain passé vinicole de cette région, il n’y a manifestement qu’un pas à franchir.

Je vous propose une cuvée politiquement incorrecte, quelque part entre rouge, rosé et blanc. Les Prunes est un vin de raisins noirs (cépage : 100% mando), vinifiés comme pour faire un vin blanc (pressurage direct), d’une robe délicatement rosée. Le vigneron insiste sur le fait qu’il s’agit d’un blanc de mando, comme le confirme l’étiquette. En dégustation, j’ai beaucoup apprécié l’aromatique florale et la matière soyeuse. Attention à ne pas confondre cet étrange oiseau avec un rosé « pour barbecue ».

Fermentation et élevage en vieilles amphores. Vin bio.

Pour la quatrième étape, nous poursuivons notre promenade vers l’ouest, en direction de Ciudad Real. Vous allez vous imaginer que je ne m’intéresse qu’aux régions sans réputation …parce que, en effet, La Mancha est plus célèbre pour avoir abrité l’idéalisme d’un certain Don Quixote que pour ses jus de raisins fermentés.

On ne s’attend donc vraiment pas à trouver ici un projet de l’ampleur de Bodegas y Viñedos Verum. Combinant une tradition viticole remontant au XVIIIème siècle, 8.000 m² de caves creusées dans le calcaire (appelé ici tosca ; dans la Loire, c’est le tuffeau), une distillerie et …un orchestre symphonique, ce Domaine étonnant propose entre autres une gamme appelée Ulterior dont l’objectif est clair: réfléchir concrètement à l’avenir du vignoble, en période de profond bouleversement climatique.

Il y a 30 ans, le vignoble allemand était tout sourire quand un millésime sur trois était bien mûr : aujourd’hui, ce même vignoble allemand se bat avec la surmaturité qui guette au coin de chaque nouveau millésime (2018 !).

Une prestigieuse propriété alsacienne commercialise à présent un Vin de France 100% …syrah.

Chez Verum, la réflexion sur le bouleversement climatique se traduit par exemple par la cuvée Parcela N°17 en 100% graciano. Ce cépage est en général utilisé dans les assemblages dominés par le tempranillo (Rioja), pour leur donner un peu de peps supplémentaire, une petite touche de fraîcheur croquante.

Ce vin de pur graciano se signale en particulier par un nez magnifique et par une bouche précise, en quelque sorte « nordiste », qualificatif que l’on associe difficilement au centre de l’Espagne ! Voici peut-être une piste pour produire des vins de bonne buvabilité lorsque le mercure s’affole.

A noter que l’élevage se fait pour l’essentiel en amphores, enfin en jarres de terre cuite de grande contenance (5.000 litres).

Le Domaine donne un conseil pour ce qui concerne l’accord avec les plats qui se distingue franchement de ce à quoi nous sommes habitués (j’assume la responsabilité de la traduction):

« essayez d’éviter les artichauts, les asperges et tout plat à la saveur citrique marquée; dégustez ce vin avec un sandwich au jambon ou au saumon fumé. Peu importe qu’il s’agisse de poisson ou de viande, son acidité et sa structure feront un accord délicieux. »

La cinquième étape est courte, plein nord, en direction de Madrid. Nous arrivons à Torre de Barreda, un Domaine dont je goûte les vins depuis bien longtemps.

En vérifiant, je me suis même rendu compte avoir découvert ces vins avec le millésime 2001 … ça ne me rajeunit décidément pas. A l’époque, cela coûtait € 8 la bouteille et, bonne nouvelle, le tarif actuel est à peu près comparable. Ici, on fait pour l’essentiel du vin de cépage : tempranillo, cabernet sauvignon, syrah… avec 3 vignobles en altitude (en moyenne, 750 mètres !) pour une superficie totale de 160 hectares.

Plus de la moitié de cette superficie est plantée d’un cépage blanc dont personne n’entend jamais parler, malgré le fait qu’il soit sans doute le cépage le plus planté dans le monde : l’airén. Les vins élaborés avec l’airén sont peu exportés et une bonne partie du vin est distillé (un peu comme l’ugni à Cognac).

Jancis Robinson, dans son ouvrage consacré aux cépages dans le monde, conclut textuellement qu’il lui est difficile de voir pourquoi quelqu’un aurait envie de planter ce cépage en dehors de l’Espagne…

Comme toujours, ces généralisations simplifient outrageusement la réalité. La cuvée Amigos est 100% airén et vous déciderez en la goûtant si le cépage mérite tant de déshonneur. Quant à moi, c’est non à l’airén-bashing !

Quant au tempranillo, c’est l’archétype du bon vin de tous les jours. J’appelle ça un « 3s » : savoureux, simple et sympathique. Dans un style généreux, riche, rustique et ensoleillé.

Il y a beaucoup de moments dans une vie où les circonstances se prêtent mieux à un tempranillo de Torre de Barreda qu’à la dégustation, limite cérébrale, d’un cru plus prestigieux.

En parlant avec Juan de la Barreda il y a quelques semaines, il m’a annoncé qu’il commercialisait à présent un nouveau vin de cépage, à savoir un graciano. Bon, il s’agit de très jeunes vignes (plantées en 2015) et ce vin n’est pas encore importé en Belgique, mais je suis déjà impatient de goûter ! Mise à jour mai 2020: ce vin est à présent disponible en Belgique .

Deuxième partie du voyage

Résumé de la première partie: un amateur curieux franchit les Pyrénées, fait halte en Catalogne où il s’esbaudit devant la beauté sauvage des vins de Joan d’Anguera, fait ensuite son intéressant via une étape aussi nautique que baléare durant laquelle il se pâme devant le Sincronia Negre de Mesquida Mora, se tape au retour le Levant, illuminé par un ‘blanc de noirs’ du Celler del Roure, se prend enfin pour Don Quixote en s’agitant dans La Mancha, chez Verum puis chez Torre de Barreda, oubliant d’ailleurs de signaler au lecteur que les vignes qui produisent l’Amigos airén sont ‘franches de pied’, plantées en 1953 dans un sol sablonneux que le méchant phylloxera déteste.

Olé. Passons à la deuxième partie.

La sixième étape nous mène à Rozas de Puerto Real, à l’ouest de Madrid, dans la Sierra de Gredos, haut lieu du nouveau grenache. Autant jouer cartes sur table, quand on prononce le mot « grenache » en ma présence, j’aperçois déjà un liquide pâlot, nettement alcooleux, à l’équilibre super-solaire. Il y a plus sexy…

C’est alors d’autant plus agréable d’être surpris par une expression du grenache vraiment différente : parfumée, pure, minérale. Oui, il y a de la maturité et 14,5% d’alcool (ce n’est pas un péché !), mais toutes les composantes se fondent ici en un jus original et ensorcelant.

Voici donc la Bruja de Rozas, la Sorcière de Rozas, un vin élaboré par le Comando G, avec « G » comme dans grenache.

Comando G est une aventure bien dans l’air du temps : un duo de jeunes œnologues (Daniel Landi et Fernando Garcia), amis depuis l’école secondaire, qui s’associent pour repérer de vieilles vignes de grenache, en altitude, dans des endroits aussi pentus qu’inexpugnables, et en faire des vins étonnants, en suivant les principes de la biodynamie.

Bien sûr, il est assez facile d’affirmer « vieilles vignes » et « altitude » …La Bruja de Rozas, ce sont des vignes de 80 ans à 950 mètres d’altitude et des vignes de 50 ans à 850 mètres d’altitude. On n’est pas là pour rigoler.

Terroir de granit, vendanges entières (on n’érafle pas), levures indigènes, peu de soufre et élevage en foudres et barriques non-neufs.

Je cède un instant le clavier à Madame Jancis Robinson. La faconde est sienne, la traduction est mienne :

« …j’ai été enchantée par Comando G, La Bruja de Rozas 2016, lorsque j’en ai goûté un verre lors d’un repas chez Brat à Londres, préparé par l’équipe du merveilleux restaurant de fruits de mer Elkano situé juste en dehors de Saint-Sébastien, au Pays Basque espagnol.

Il a un fruit tellement séduisant – juteux mais éthéré, doux mais à la manière d’un pinot noir plutôt que d’une manière écœurante – et également une très fine texture sableuse qui semble communiquer avec le sable granitique sur lequel sont cultivées ces anciennes vignes de grenache ».

Cap au nord pour une septième étape culturelle, puisque la route passe par Avila et n’est guère éloignée de Salamanca (une possible lectrice de cette prose se souviendra peut-être du voyage que nous y fîmes ensemble, il y a bien longtemps). Arrivée à Villabuena del Puente, entre Zamora et Valladolid, aux bodegas Vetus.

Nous sommes dans une région emblématique du vin espagnol : ça sent le Toro ! Appellation qui pourrait incarner à elle seule tous les excès des années ’90 : ici, on cherchait la puissance, la superpuissance. On voulait des vins énormes, impressionnants, colossaux. On voulait faire plus fort que partout ailleurs. Plus de couleur, plus de degré, plus de tannins. Encore plus, jusqu’à l’écœurement.

Je suis (presque) sûr que certains vignerons en sont revenus, mais dois reconnaître que je continue à fuir la dégustation des vins de cette appellation.

Bon, et alors ? De fait, Toro est voisine de l’appellation Rueda. Autant Toro ne fait que du vin rouge, autant Rueda, c’est 100% blanc. Avec un rôle prépondérant joué par un cépage local, le verdejo.

Les vins élaborés avec ce cépage se rapprochent beaucoup de ceux élaborés avec le sauvignon. En général, celui qui apprécie l’un, apprécie l’autre.

Flor de Vetus est une excellente introduction à ce cépage, tout en aromatique et en fraîcheur acidulée. L’élevage est effectué uniquement dans l’acier inoxydable. Belles notes d’agrumes, d’herbe fraîche et de groseilles.

Les vignes sont plantées en altitude (+/- 850 mètres). La maturation s’y fait plus lentement et les vendanges ont lieu plusieurs semaines après celles des vignes de moindre altitude.

Une curiosité …ou serait-ce une innovation appelée à connaître le succès ? Sur l’étiquette de Flor de Vetus, un petit papillon bleu, très pâle, du moins à la température ambiante. Placez le flacon au réfrigérateur et les ailes du papillon se parent d’un bleu plus soutenu, dès que la température atteint les 8°, c’est-à-dire celle qui garantit une dégustation optimale.

En route à présent vers la Galice, tout au nord-ouest de l’Espagne, une région dont les paysages côtiers évoquent plutôt l’Irlande ou la Norvège. Le fjord porte ici le nom de ria. Une huitième étape atlantique. La pluviosité n’a rien à voir avec celle des rivages méditerranéens, idem pour la température moyenne annuelle. Comptez jusqu’à 1.500 mm de pluie (par an et par m²) alors que Madrid reçoit moins de 500 mm ! Disons que c’est idéal pour un tourisme différent…

Forjas del Salnes est un petit Domaine, particulièrement discret, en appellation Rias Baixas, presqu’au bord de l’océan. Ne cherchez pas le site Internet : à ma connaissance, il n’existe pas.

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Le vigneron, Rodri Méndez, est réputé tant pour ses rouges que pour ses blancs. Vin blanc = cépage albariño. Variante orthographique : alvarinho, au Portugal, à un bon jet de javelot de Nafi (quand elle n’a pas mal au coude).

D’aucuns se plaisent à faire un peu d’étymologie en rappelant que « alba » veut dire blanc et que « riño » fait penser au Rhin. Vous me voyez venir …un blanc du Rhin ? C’est du riesling évidemment ! Sauf que l’ampélographe n’est pas d’accord : la génétique ne trouve aucun point commun entre la star rhénane et cet albariño ibérique.

La cuvée Leirana est donc un 100% albariño dont le profil n’a rien à voir avec celui de la plupart des blancs espagnols : la fraîcheur joue un rôle clé, c’est tonique et citronné, intense et équilibré. J’ai ouvert il y a quelques jours une bouteille du millésime 2015 qui confirme -et de quelle façon- un potentiel pour quelques années de cave.

En rouge, voici Bastion de la Luna, un assemblage de 3 cépages locaux : caiño, espadeiro et loureiro. Loureiro ? Un cépage blanc, non ? Oui, sauf que la version tinto existe -en très petites quantités-, suite à une mutation dont la Nature a le secret.

Ce Bastion de la Luna vous est proposé dans un millésime un peu reposé, 2014. C’est un vrai Rouge de l’Atlantique, au degré alcoolique modéré, frais et salin, long et précis.

Au risque de me tromper, il ne plaira sans doute pas à tous/toutes. On se situe si loin du rouge espagnol « habituel » qu’il peut déconcerter. Tentons d’oublier dans quel pays il est né et évaluons-le pour lui-même. On peut bien sûr ne pas l’aimer, mais il me semble difficile de nier sa forte personnalité.

La neuvième étape est longue, plein est, jusqu’aux marches de la Navarre et du Pays Basque, vers une région qui incarne le vin espagnol : la Rioja. La Rioja, c’est une sorte de Bordelais ibérique. Dès le XIXème siècle, les vignerons d’ici ont été chercher leur inspiration là-bas.

Lorsque le phylloxéra se mit à ravager le vignoble bordelais dès 1866, la Rioja se retrouva en première ligne pour fournir les vins que Bordeaux ne produisait plus. Les négociants bordelais achetèrent même des propriétés en Espagne, amenant leur « know-how » avec eux.

Lorsque, 25 ans plus tard, la Rioja fut elle-même confrontée au puceron ravageur, la solution (greffage des cépages européens sur pied de vigne américain) avait déjà été découverte et pouvait y être immédiatement implémentée.

Le moment est bien choisi parce que le Régulateur de La Rioja (une sorte d’INAO, au niveau régional) a entériné en 2019 une série de mesures destinées à clarifier ce qui doit l’être. D’abord, on confirme l’existence de 3 zones : la Rioja Alta, la Rioja Alavesa et la Rioja Oriental. Cette dernière s’appelait antérieurement « Baja », ce qui a semblé péjoratif. Qu’en pense le Bas-Rhin ?

Ensuite, on met les villages de l’appellation mieux en évidence : à partir du millésime 2017, 144 villages peuvent se prévaloir de l’appellation vino de pueblo.

Enfin, 84 viñedo singular sont créés pour mettre en évidence les meilleurs lieux-dits. Ces vignobles uniques représentent ensemble 0,2% de la surface totale. On voit bien que la Bourgogne a servi de modèle.

Malheureusement, je lis que beaucoup de vignerons sont dubitatifs, parce que le modèle serait à la fois trop compliqué et trop administratif. A suivre !

J’aurais pu sélectionner un Rioja de grande réputation (avec le prix qui accompagne la notoriété), mais j’ai préféré vous proposer un vin plus modeste, sans prétention particulière, mais présentant, outre un bel équilibre frais, un rapport qualité/prix remarquable. Ce n’est pas un vin pour alimenter un débat entre amateurs, c’est fait pour être bu, avec le sourire et avec les plats de la cuisine de tous les jours. C’est Salbide.

Vieilles vignes (45 ans), en altitude, dans la Rioja Alavesa. 100% tempranillo. Élevage de 5 mois en barriques ayant contenu précédemment des vins blancs. Cerise, poivre et épices.

Et c’est ainsi que se termine ce long voyage au cœur de la diversité espagnole. Salud !

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