Vendredi 30 novembre. La journée commence avec une bonne frayeur: ma voiture fait un bruit de vieux moulin à café désarticulé. Après quelques centaines de mètres à 30 kms/heure, je me décide à m’arrêter et à faire le tour du susmentionné véhicule. Mouais, les pneus m’ont l’air ‘nickel’. Est ce-que je me déciderais à ouvrir le capot ? Ou alors…couché au bord de la route entre Mouzillon et Gorges, je tâtonne sous le châssis. Soudain, quelque chose résiste, je tire, ça lâche: deux beaux spécimens de sarments qui, coincés je ne sais exactement où, étaient manifestement responsables de mes angoisses mécanico-matinales. J’interprète l’incident comme un signe de Bacchus: ma mission en terres nantaises consiste à libérer la vigne de la mécanisation…Pouf-pouf.

J’arrive au mythique Domaine Brégeon à 10 heures où je suis reçu par le nouveau propriétaire, Fred Lailler. Il est papa de deux petites filles depuis hier ! FELICITATIONS !
Changement de décor par rapport aux visites d’hier: Fred travaille seul sur un peu moins de 8 hectares de vignes. Pas de site Internet, pas de temps à consacrer au marketing. Le domaine n’est pas en bio, mais la réflexion est entamée. Nous sommes installés dans la cuverie, au milieu d’un sympathique capharnaüm. Mieux vaut être chaudement habillé.
Fred a racheté le Domaine à son propriétaire historique, André-Michel Brégeon qui lui donne encore un solide coup de main pour gérer la ‘paperasse’ et recevoir les clients.
Le Gros-Plant qui ouvre la dégustation est un concentré de saveurs océanes, salines et iodées: de la coquille d’huître plein les narines. Un vin d’amateurs, à réserver à l’accompagnement des meilleurs coquillages.
Place aux Muscadets 2011, 2010 et 2004. Ce dernier a bénéficié d’un élevage sur lies de 89 mois: il paraît que cela constitue une sorte de record, mais Fred et André-Michel (qui nous a rejoints) s’en fichent un peu. Les circonstances ont voulu que le vin passe un long moment en cuves, ainsi-soit-il. Tous les vins sont tendus, sans concessions. Celui qui recherche l’opulence et le gras devrait passer son chemin.
Nous goûtons encore un 1995. La bouteille est couleuse (bouchon trop petit), mais le vin est toujours en forme. Oui, les bons Muscadets vieillissent très bien !
Place aux cuves de 2012, dont l’une a fait sa malo-lactique: cela assouplit considérablement le vin, trop peut-être. A revoir lorsque l’assemblage avec les autres cuves aura été réalisé.

Ici comme chez les collègues, la vendange 2012 promet beaucoup. Mais la météo a fait des siennes et les rendements ont été terriblement bas. Bref, il y aura peu de bouteilles à vendre. Disons que pour respecter un équilibre économique raisonnable, il serait plus que bienvenu que 2013 soit un millésime ‘normal’…
Il fait à peine moins froid lorsque je quitte Fred pour aller me balader quelques minutes à Clisson. Je repars avec l’impression d’avoir partagé un moment vrai, intense, sans fioritures. A l’image des vins.