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Ostertag, Muenchberg: les années fastes

Remontée dans le temps jusqu’en 1996

Dégustation à l’aveugle passionnante, pour un groupe d’une douzaine d’amateurs. Vous avez lu le titre de cet article, mais nous, pauvres dégustateurs privés de l’étiquette, nous ne savions rien. Rien de rien.

Voici la première carafe. Bien sûr, ce sont donc les tâtonnements habituels. Je vous épargne certains parmi mes commentaires, j’ai déjà assez de mal à les gérer moi-même…

Mais ce premier vin a en tous cas beaucoup de choses à raconter: il y a du caillou, une touche de sucre résiduel, de la finesse, de la complexité aromatique (tilleul, miel) et ce je ne sais quoi qui évoque le volcan. 16/20. Millésime 2005. Démarrage en trombe donc. Le deuxième vin évoque avant tout l’automne: les feuilles mortes et le champignon. Vin évolué, avec des notes lactiques, sec, salin. Il porte son âge avec charme, mais me paraît un peu monotone. 15/20. Millésime 1996.

Le troisième est un vin patiné, avec du miel et de la cire, intense, délicat, avec une touche d’alcool et une légère oxydation (comme un sherry fruité), des épices également. 15/20. Millésime 1999. Le quatrième vin est important parce que celui-ci va me permettre de mettre un nom sur le cépage: autant les trois premiers ont été cachottiers, autant celui-ci crie: riesling ! Le citron confit joue le premier rôle. Vin puissant, encore un peu massif, léger tannin, touche de sucre, de la jeunesse. Un classique. 16/20. Millésime 2000.

Bon, à partir d’ici, on commence à se dire que l’on tient le bon bout: riesling, Alsace, avec des vins d’un certain âge, voire d’un âge certain. Voici la cinquième carafe: jus de citron parfumé, abricot voire pêche. Par contre, la bouche part vers une minéralité un peu austère. Progressivement la verticalité, l’élégance, la pureté, la longueur. Un vin spirituel. 16,5/20. Millésime 2003. Sixième carafe: attention, jeu de mots facile. Autant le précédent était spirituel, autant celui-ci me paraît …spiritueux ! Je m’explique: une aromatique en forme de Cointreau ou de Grand Marnier. Le nez légèrement écrasé, solaire voire sudiste. Comme un moelleux qui aurait mangé ses sucres. C’est riche et gras, mais manque d’énergie. 14,5/20. Millésime 2004.

Carafe sept. Ici on touche au sublime. Total respect. Le fruit laisse la place à une expression intense de la géologie: formidable colonne vertébrale acide, longueur impressionnante. Du souffle, de l’énergie, de la densité. On pourrait se rapprocher d’un riesling que l’on trouve plus facilement outre-Rhin. Sommes-nous bien en Alsace ? 17,5/20. Millésime 2008. Voici déjà une huitième carafe qui révèle un nez presque pâtissier, avec de l’orange et de la cannelle, du miel, de la fumée. Vin que l’on pourrait qualifier de baroque. Puissance maîtrisée, belle fraîcheur. Est-ce bien du riesling ? Pinot gris ou complantation ? 16,5/20. Millésime 2009

Changement d’étiquette

Retour vers le riesling alsacien avec ce neuvième vin: agrumes, épices, orange et clou de girofle, bouche harmonieuse avec de jolis amers, fraîcheur énergique. Vin sec et plutôt délicat, belle réussite qui tranche avec le vin précédent en termes de style. 16,5/20. Millésime 2010.

Des noms de vignerons et de Domaines fusent. Parmi les Deiss et les Zind-Humbrecht, on entend l’un ou l’autre Ostertag. Quel vin “colle” avec quel vigneron ? Des avis en pagaille. Dixième carafe: j’adore (tout le monde ne partage pas mon enthousiasme). Citron intense, floral. Bouche jeune, serrée, salivante, longue. Equilibre parfait. Un vin dominateur comme un mâle alpha. 17/20. Millésime 2014

Encore un petit effort de concentration: voici le onzième vin. Archétype d’un grand nez de riesling, bouche jeune, massive, fraîche, plus solaire que le vin précédent. Finale un peu en retrait. 16/20. Millésime 2015.

Et enfin, voici le douzième: citron vert épicé, bouche encore fermée, comme repliée sur elle-même. Nous évaluerons son potentiel plus que le vin tel qu’il se présente aujourd’hui. Quelqu’un dit: brut de terroir. Joli résumé tout en concision. La verticalité est impressionnante. 17/20. Millésime 2019.

Nouvelle livrée

Voici la révélation, avec un grand sourire sur le visage de l’organisateur: nous avons goûté 12 millésimes de la même cuvée. A l’exception du dernier, tous ces vins ont été élaborés par André Ostertag. Son fils Arthur prend maintenant la relève. Est-ce j’ai pensé qu’il pourrait s’agir d’une verticale ? Non, douze fois non. Sur base du deuxième et du troisième vin, je voyageais du côté de la Loire. Le huitième m’a emmené vers le pinot gris et le septième aurait pu être allemand (Pfalz). Quel leçon sur l’importance du millésime !

Le Grand Cru Muenchberg, entre les mains d’un expert, est capable de distiller des expressions extrêmement diverses, en fonction de l’ensoleillement, du volume pluviométrique, de la date des vendanges, de subtiles décisions de l’homme pour guider, orienter le résultat final.

Nous avons goûté les vins du plus ancien vers le plus récent, avec une exception déroutante pour commencer.

En relisant mes notes, je me dis que mes commentaires relatifs aux millésimes 2003 et 2004 sont étranges: à priori, j’aurais inversé l’un et l’autre. Mais non, 2003 se révèle bien plus intéressant que prévu. J’ai d’ailleurs eu en son temps une expérience similaire avec l’Altenberg de Bergbieten de Mochel.

Un grand merci à la générosité de l’organisateur. He made my day !

L’esprit du vin circule inlassablement et se répand en flux circulaire, coule de haut en bas, du ciel vers la terre, de la lumière à l’ombre, de la vigne à la cave, va de jus en vin, de cuve en bouteille, d’ici à ailleurs, d’orient en occident, au bout des mers, de l’autre côté des nuits, là où les saisons se confondent, au cœur de villes sans arbres, au cœur des hommes déracinés, entre mur et poussière.
Il est le caillou du rire, le renouveau du soleil, l’ivre livre, le verre libre, le rêve retrouvé.
Il est le vin, le chant de l’univers.
Site Internet du Domaine.

En savoir plus ? https://viamo.fr/vignerons/domaine-ostertag/

Anthocyane ne commercialise pas les vins de ce Domaine.

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