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Un parfum de nature: le Glou Guide n°5

Glou. Les vins dits naturels existent quoi que je puisse en penser. Ils sont partout, multipliant à l’infini les étiquettes rigolotes et les jeux de mots plus ou moins foireux. Je sais, il s’agit de briser le carcan suranné et le formalisme amidonné qui entravent les vins dits traditionnels. Démarche sympathique. Au diable les vins qui se prennent au sérieux ! Au diable les conventions sociales qui nous imposent le sempiternel Bourgogne blanc avec le poisson de la même couleur et le Bordeaux rouge avec la viande de la même couleur itou.
Faisons souffler un vent de liberté et donnons la parole à l’enfant, pur et innocent, qui se cache au plus profond de notre intimité !

J’ai acheté le Glou Guide n°5. € 18. Parution en août 2022 aux Editions Cambourakis. La couverture annonce 200 nouveaux vins naturels exquis à 20 euros maxi.

Remarque liminaire: en réalité, la sélection comporte exactement 20 vins dont le prix est supérieur à 20 euros et une bonne trentaine de vins tarifés -en France- à € 19 ou à € 20. Les vins à € 14 ou moins représentent le quart de la sélection. Certes je pinaille, mais enfin autant que le slogan qui orne le bouquin corresponde à ce qu’il y a dedans. La mention en grands caractères 200 vins naturels démocratiques n’arrange rien. Et laissez la démocratie tranquille, elle a déjà assez de soucis comme ça.

Les vins sont classés par prix croissant, sans mention ni d’une région d’origine, ni d’une éventuelle appellation, ni d’un cépage. L’âge des vignes est sans importance, la géologie à peine effleurée. Le millésime ? Cela n’intéresse que les vieux conservateurs en cravate qui se la pètent en pérorant par-dessus leurs verres en cristal.

Les accords mets-vin “nous font plutôt bâiller” (c’est une citation). Désolé, mais ils ne me font pas du tout bâiller, même si je reconnais très volontiers qu’on écrit beaucoup de bêtises sur ce sujet et que l’exercice est fort périlleux: le meilleur accord est parfois celui qui naît du hasard ou de cette petite touche de cannelle dans le plat dont personne n’avait soupçonné l’importance.

Je signale en toute transparence qu’une série de listes en fin d’ouvrage permet la recherche par région ou par cépage. Mais ce n’est pas vraiment pratique.

J’en viens à la cause de mon ire: voici la définition du pictogramme hardcore (sic). Je cite intégralement: “papilles peu expérimentées, prenez garde, ce vin naturel ne fait pas la révérence, il ne cherchera pas à vous séduire par les moyens habituels; c’est un rugueux, il gazouille et grogne dans le verre, il a peut-être même ce petit côté ‘sale’ qui plaît étrangement aux plus averti.es d’entre nous.”

Quel poème ! Tout y passe: si vous n’aimez pas ça, c’est parce que vous manquez d’expérience. Et si vous préférez votre vin propre, c’est que vous ne faites pas partie de la secte qui définit le Bien et le Mal. Par un étrange retournement, le vin sale est donc en fait supérieur au vin propre. Voilà, c’est dit: le vigneron maladroit est exonéré de la prise en compte de toute évaluation qui oserait lui recommander de faire attention à ce qui se passe dans son chai. Tu fais sale, parce que tu es inexpérimenté ou mal (in)formé ? Ce n’est pas grave, nous te bénissons quand même et nous chanterons les louanges de ton pinard détraqué.
Un jour prochain, le vinaigre sera élevé au statut de grand cru et le grand cru sera dégradé au rang de banalité proprette, issue du défunt 20ième siècle chimico-chimique.

Heureusement, il y a de formidables vins qui sont élaborés d’une façon telle qu’ils peuvent assurément se revendiquer “naturels”. Les vignerons qui les créent trouvent cela normal, ils le signalent à peine. Ils utilisent très peu d’intrants et limitent le dosage du soufre à l’indispensable. Leurs vins sont propres. Chez eux, le grognement dans le verre ne sort pas de la gueule d’un yéti mal lavé, mais de l’intensité et de l’équilibre des saveurs, de l’énergie et de la tension révélatrices d’un terroir. Ces vignerons-là sont absents du Glou Guide. Et c’est fort dommage.

Une réponse sur « Un parfum de nature: le Glou Guide n°5 »

et pif, et paf sur le “glou…lot”
j’aime ton ire sur le sujet, cher Philippe
bernard arnould

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