
Un anniversaire un peu particulier, fêté quelques heures après les nouvelles mesures annoncées par Rudi Vervoort. Cela faisait déjà un bon moment que nous avions compris que notre weekend du côté de Paliseul (où Maxime a installé sa Table) était une illusion, noyée dans le gel hydroalcoolique. Nous étions donc fins prêts pour un scénario alternatif et casanier.
D’un tire-bouchon assuré, le Gevrey-Chambertin En Dérée vieille vigne 2002 de Denis Mortet fut libéré de son flacon, tel le génie qui jaillit de la lampe… Pouf-pouf. Je m’égare.
Je me souviens, avec une pointe de nostalgie, de mes achats chez Bénévins, caviste schaerbeekois de la rue de Jérusalem. C’était au début du présent siècle, le millésime dudit Gevrey se chargeant aimablement de confirmer mes dires. Denis Mortet était alors une star, le vigneron en qui s’incarnait une nouvelle Bourgogne, faite de vins plus colorés, plus extraits et plus marqués par le fût neuf. Une réaction face à une certaine tradition bourguignonne qui pouvait parfois confondre légèreté et maigreur, voire attribuer au sacro-saint terroir toute sortes d’imprécisions, à la vigne comme à la cave.
Du vin a coulé sous les ponts depuis lors. Paix à l’âme, réputée torturée, de Denis Mortet.
En Dérée est un climat d’un peu moins de trois hectares, situé à l’extrême nord de la commune de Gevrey, là où celle-ci est contigüe à la commune de Brochon. Quelques parcelles de Brochon ont d’ailleurs droit à l’appellation Gevrey-Chambertin, le reste passant, je crois, en Côte-de-Nuits-Villages.

Et donc ? C’est vraiment très bon: grand fruité, grande fraîcheur (la première gorgée est franchement acide), profondeur des saveurs. C’est jeune, comme si l’évolution avait à peine commencé. Le boisé est fondu, l’alcool (13%) ne déséquilibre pas le vin. Beaucoup de plaisir. L’accord fonctionne vraiment bien sur la biche. On finit la bouteille sans le moindre effort…
Mais il y a un “mais”. A l’aveugle, je suis persuadé que j’aurais confondu ce Bourgogne avec une Côte-Rôtie ou, en tous cas, avec une syrah du Rhône Nord. C’est exactement la même erreur que celle que j’ai commise en 2005 en goûtant un Marsannay Longeroies 1998 de ce même Denis Mortet. Est-ce grave, docteur ? Disons que cela permet d’alimenter la conversation et la réflexion. J’ai passé un excellent moment avec ce vin dont l’origine géographique et ampélographique m’échappe.
