Chablis possède une telle notoriété que le nord de la Bourgogne est assimilé à vin blanc et à chardonnay. Ce n’est pas faux, loin de là.
Néanmoins, un village peuplé d’irréductibles vignerons résiste encore et toujours à l’envahisseur “chardonnay” : j’ai nommé Irancy. Ici, c’est pinot noir et noir pinot.
Avec malgré tout une touche locale qui nous ramène aux irréductibles vignerons ci-dessus: le cépage césar.
César, les Gaulois, Goscinny, …
Pouf-pouf.
Le cépage césar, c’est un peu de brutalité dans un monde de douceur. Autrement dit, un cépage qui produirait des vins un poil rustiques, structurés et colorés. En petite quantité dans un assemblage, le complément idéal pour le pinot noir. Je dis “produirait” au conditionnel, parce que l’appellation Irancy ne tolère que 10% de césar. A ma connaissance, pas de cuvées 100% césar, même pas en Vin de France.
D’ailleurs, comme pinot noir et césar sont souvent plantés ensemble sur une même parcelle, impossible d’isoler le jus de césar du jus de pinot (cherchez bien, il y a peut-être une contre-pétrie amusante).
Flash-back, c’est la mi-mars 2014. Mars…les Ides de Mars…l’assassinat de César par Brutus.
Re-pouf-pouf.
Donc, mi-mars, j’arrive à Irancy, par la route qui vient de Chitry, laquelle aborde l’amphithéâtre par le haut: le village se niche tout au fond de cet amphithéâtre, en forme de fer à cheval, ouvert au sud-ouest.
En simplifiant un petit peu, le village, c’est la rue Soufflot, le long de laquelle s’alignent les maisons vigneronnes. La maison de la famille Colinot ne fait pas exception.
J’ai rendez-vous avec Stéphanie Colinot, en charge des vinifications depuis déjà quelques années. Le lieu n’a pas changé depuis une visite précédente, en 2007 ou 2008: une sorte de bric-à-brac plutôt charmant où quelques cuves, une installation d’étiquetage, du stock en bouteilles et une longue table s’amoncellent gaiement.
Les bouteilles de dégustation m’attendent: il y a de quoi travailler, avec une horizontale des cuvées parcellaires du millésime 2011. En fonction du lieu-dit, la proportion de césar dans l’assemblage varie de 3% à plus ou moins 10%. Tous les vins sont élevés en cuve: pas de fûts !
Les Cailles 2011 est un vin plutôt léger (la légèreté, c’est un constat, pas une critique !), agréablement fruité. Palotte 2011 et Les Mazelots 2011 sont plus intenses et plus longs.
Très Vieilles Vignes 2011 et Côte de Moutier 2011 sont mes préférés: belle concentration, qualité des tannins.
On termine sur une cuvée exceptionnelle, dans le double sens du terme: il s’agit d’une exception, puisque Les Mazelots “fûts de chêne” est la seule cuvée du Domaine à passer dans le bois et que c’est un millésime 2010 (élevage plus long). Bouteille d’exception: équilibre, fondu harmonieux, suavité savoureuse.

Je me souviens d’une époque, pas si lointaine, où les tannins des vins d’Irancy pouvaient être marqués par une amertume peu engageante. Aujourd’hui, l’extraction des tannins est beaucoup plus précise. Ce sont de vrais vins “nordistes”, délicats, un peu stricts, très nets, avec un taux d’alcool maîtrisé. Ils peuvent s’apprécier dès maintenant et pendant les 5 prochaines années.
A vérifier ce vendredi 25 et samedi 26 avril. Ces vins peuvent être commandés via le magasin en-ligne.