Je rends visite à Lilian Bauchet (château des Bachelards à Fleurie), Xavier de Boissieu (château de Lavernette à Leynes), Eric Janin (Clos du Tremblay – Moulin-à-Vent), Paul-Henri Thillardon (à Chénas) et un “petit nouveau”: Michel Guignier (à Vauxrenard).
Michel Guignier exploite 7 hectares de vignes en bio et en biodynamie: Beaujolais-Villages, Fleurie, Moulin-à-Vent…et quelques “vins de France”, hors appellation.
Je suis en Beaujolais du mardi 10 au vendredi 13 septembre. Chaque soir pendant le voyage, je publie mes impressions ci-dessous.
mardi 18h00
Je suis arrivé à Mâcon. Un peu fatigué par mes 700 kilomètres. Les choses amusantes commencent demain matin, avec une visite au Clos du Tremblay.
mercredi 18h30
La journée commence par une promenade jusqu’au moulin. Le moulin. Celui qui donne son nom à l’appellation “Moulin-à-Vent”. En 1936, les vignerons du coin ont choisi de se référer à ce symbole ailé plutôt qu’au nom de leur commune: Romanèche-Thorins. De plus, le vignoble déborde sur la commune voisine, La Chapelle-de-Guinchay. Je n’ose imaginer les étiquettes Romanèche-Thorins-La-Chapelle-de-Guinchay…
Eric Janin m’accueille le balai à la main. Quelques instants plus tard, c’est le verre à la main que nous entamons la dégustation du Beaujolais-Villages Les Jumeaux 2012. Ce nouveau millésime est clairement différente du précédent. Autant 2011 était riche et coloré, autant 2012 affiche une couleur de pinot noir et une structure qui incite à le goûter dès cet automne.
Il n’y a ni Clos du Tremblay 2012, ni Greneriers 2012. Donc, une seule cuvée de Moulin-à-Vent qui rassemble tous les raisins récoltés. Le vin a été élevé en foudres et passe à présent deux jours en cuves avant la mise en bouteilles qui aura lieu demain après-midi. Voilà une belle opportunité d’assister à cette mise et de ramener en Belgique les toutes premières bouteilles de Moulin-à-Vent 2012 ! L’échantillon tiré de la cuve est tout simplement délicieux. Frais, minéral, facile à boire. 2012, année mineure sans doute, mais le plaisir est là !
Le Beaujolais-Villages blanc Les Jumeaux 2012 est aromatiquement très intéressant: de l’abricot, des notes fumées, un peu de cire. Un boisé très bien intégré -à mon sens, mieux que sur 2011-.
Promenade à Juliénas, entre la nouvelle église (néo-quelque chose) et l’ancienne église, transformée depuis quelques dizaines d’années en caveau de dégustation.
Ensuite, cap sur le lieu-dit Faudon, à Vauxrenard. Paysage très boisé. Nous sommes un peu à l’ouest de Juliénas et de Chiroubles. J’ai rendez-vous avec Michel Guignier. Accueil par le chien et par le cheval ardennais qui est le principal adjoint de Michel dans la vigne.
Michel a pris des décisions radicales: passage en bio au début du nouveau millénaire, puis rapidement biodynamie. Dès 2004, des essais pour se passer de tout intrant. En 2007, ça y est, toutes les cuvées sont en ‘pur jus‘: du raisin et rien que du raisin.
Nous goûtons La Bonne Pioche 2012 (Beaujolais-Villages), puis un formidable Granite 2011 (Beaujolais-Villages déclaré en Vin de France). Au Bon Grès 2011 (Fleurie) et La Petite Oseille 2011 (Moulin-à-Vent) finissent de me convaincre qu’on est ici très loin du vin nature stéréotypé. Le Fleurie est construit sur une tannicité friande, le Moulin-à-Vent se révèle puissant et ample.
Michel me fait encore goûter son Moncailleux 2005 qu’il a remis récemment en vente.
Ces vins ne plairont sans doute pas à tout le monde. Mais ils susciteront à coup sûr des coups de cœur et de passionnantes discussions.
La météo est capricieuse: ce matin, près de 20° et un beau rayon de soleil…maintenant 14°, pas beaucoup de lumière et un tout petit crachin.
Allez, je rentre. A demain.
jeudi 18h45
Arrivée aux Bachelards et surprise un panneau, tout beau, tout nouveau indique la propriété. Je suis accueilli par Sophie, l’épouse de Lilian. Petit vent du nord bien frais. Charlie, le chien de la maison, guette avec un mélange de perplexité et d’intérêt quatre poussins à peine nés. Des poussins en septembre…le dérèglement climatique ?
Lilian range sa brouette et nous prenons la direction du chai. On attaque avec le Moulin-à-Vent que Lilian qualifie d’exotique. Aucun soufre ajouté, même pas à la mise en bouteilles. Nature, quoi. Aujourd’hui, il me paraît un peu plus “nature” que Moulin. Mais la finale est belle et me donne à penser qu’il faut simplement lui donner un peu temps. Beaucoup de couleur. Le Fleurie 2012 Clos des Bachelards est tout aussi “0 soufre ajouté”: l’aromatique est très agréable et les tannins sont fins. J’aime beaucoup, dans un style moins extrait que 2011. Bons petits tannins. Rendements minuscules, inférieurs à 10 hectolitres par hectare.
L’Herbe folle (vin de France) est un assemblage de diverses parcelles et de trois millésimes: un peu de ’10, une pincée de ’12 et beaucoup de ’11. Original et créatif. Le Fleurie 2011 Clos des Bachelards (2ème mise) met en évidence les différences majeures entre deux millésimes successifs: 2011 plus riche, plus puissant, plus extrait que 2012. Disons que, dans un monde idéal, boire les 2012 permet d’attendre les 2011.
Après un millésime 2012 compliqué, Lilian est mitigé par rapport à la future vendange 2013. Rien n’est encore joué mais, ici comme ailleurs, la vigne a pris du retard au printemps. Avec pour conséquence des maturités un peu hétérogènes.
Je retourne chez Eric Janin pour assister “live” à la mise en bouteilles du Moulin-à-Vent 2012. Cadence de 1.400 bouteilles à l’heure. 5 personnes au travail pour assurer l’alimentation de la machine en bouteilles vides et en bouchons, ranger les bouteilles pleines, bouchées et capsulées, remplir les chariots métalliques et ranger le tout sur palette.

Je suis donc le premier client à emmener quelques bouteilles de ce vin: ça s’est joué à peu, parce qu’un autre importateur passe à 15 heures !
En route pour Chénas, lieu-dit Les Brureaux, pour rencontrer Paul-Henri et Charles Thillardon. En quelques mois, la propriété a bien changé: on n’a clairement pas chômé. On commence par un petit café sous la charpente de la nouvelle maison. Un autre vigneron partage la conversation: il est arrivé avec son tracteur pour aider Paul-Henri à faire de la place devant la maison, en prévision de la future vendange. Je gare ma voiture ailleurs…
Promenade en bas de l’impressionnant coteau de Chassignol, juste derrière les bâtiments. Orientation est et nord-est. Le premier millésime issu de cette parcelle a été mis en bouteilles mi-juin.
Dans le chai, les frères ont fait de la place. Nous goûtons la gamme 2012. Le Chiroubles d’abord. Parcelle de très jeunes vignes, raisins vinifiés en macération carbonique. Il y en a …250 bouteilles (un fût). Un peu atypique, mais plus que sympathique.
On passe à la gamme des quatre terroirs de Chénas. Autant le dire tout de suite, c’est magnifique ! Que ceux qui affirment que le millésime 2012 est faiblard dans la région viennent goûter chez Paul-Henri. Cela leur fera une bonne leçon en refus de généralisation abusive.
Les Carrières, Les Boccards, Les Blémonts et Chassignol sont des vins sérieux. Autant Paul-Henri est sympathique dans la vie de tous les jours, autant ses vins ne sont pas là pour rigoler. Sur Chassignol, malgré le fait que les vignes ne soient en bio que depuis moins de deux ans, on touche même au très très grand vin. De la quintessence de Chénas: le terroir l’emporte par KO sur le cépage.
Je me souviens d’avoir utilisé des expressions comme “une main de fer dans un gant de velours” (Les Blémonts).
Voilà une encore belle journée ! A demain !
samedi 11h00
Vendredi matin, je fais mes bagages. Avant de rendre visite à Xavier de Boissieu (château de Lavernette), je prends la direction du village de Loché, dans l’extrême sud du Mâconnais. C’est ici, à l’ombre de l’église (clocher octogonal du douzième siècle) que sont installés Céline et Laurent Tripoz.
Après les hésitations d’usage (“rendre visite à un vigneron sans avoir pris rendez-vous…mon dieu…cela ne se fait pas“) et sous l’influence de la sonorité caractéristique d’une mise en bouteilles, je me décide à entrer dans la propriété. Accueil très sympathique. Je laisse une carte de visite et choisis six cuvées, à goûter à Bruxelles. Laurent m’offre un magnum de Crémant millésimé.
J’arrive au château de Lavernette sous un chouette rayon de soleil. Nouveau “coup de bol”: la cuvée de Beaujolais-Leynes 2012 vient d’être mise en bouteilles. Nous nous installons sur la terrasse pour goûter d’abord une seconde mise du Beaujolais Blanc “les Vignes de la Roche” 2011 et le Pouilly-Fuissé “Maison du Villard” 2011. Je suis encore et toujours sous le charme. C’est vif, dense, cristallin et énergique. La biodynamie ?
En rouge, le Beaujolais-Villages 2012 est fruité et épicé. Le Beaujolais-Leynes 2012 y rajoute une bonne couche de concentration et de longueur. Seul souci: il y en a horriblement peu…
Toute la gamme se distingue par l’absolue précision du travail: de beaux raisins certainement, des vinifications “haute couture” assurément.
A 12h30, je prends la voiture pour regagner Bruxelles. A dire vrai, le trajet de retour n’a pas été simple: je me suis beaucoup arrêté sur les aires d’autoroute pour ne pas succomber à la fatigue au volant. La soirée a été calme…
D’autres photographies prises pendant le voyage en Beaujolais.