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Plaidoyer pour l’assemblage

Voici un article « in extenso » publié ce jour par David Cobbold sur le blog « Les 5 du vin« . L’illustration ci-dessus provient également de cet article. Le titre de l’article a été modifié par mes soins.

Une opinion rafraîchissante et qui pose de bonnes questions !

Je constate depuis quelques temps une tendance assez sensible, particulièrement chez certains producteurs de vins hauts-de-gamme, à la multiplication de petites cuvées souvent dites « parcellaires » qui fragmentent leur production en produisant une série qui s’étend de plus en plus. J’ai aussi parfois l’impression que cette quête de l’individualité singulière de chaque parcelle, cuve ou barrique relève d’une recherche d’une certaine idée de « pureté » qui serait quasi-métaphysique. L’idée qui guide les producteurs dans cette démarche est que chaque parcelle, voire chaque cépage, produirait un vin au caractère différent et qui mérite d’être présenté à part. Si le constat est, dans le fond, indiscutable (et on pourrait probablement aller plus loin et faire des micro-cuvées avec chaque pied de vigne car chaque individu est différent), je me demande si une telle approche est une si bonne idée. 

Deux raisons motivent ma perplexité et doute devant cette approche : l’une est commerciale, l’autre est organoleptique.

Sur le plan des ventes et de la communication, plus une gamme est large, plus cela devient compliqué de l’expliquer à sa clientèle. Les documents, les discours et les dégustations s’allongent, et les ruptures de stock deviennent plus difficiles à gérer, sans parler de toute la logistique de la production. Il est vrai aussi qu’une gamme large avec plein de noms permet de donner certaines exclusivités par type de clientèle, mais alors on perd aussi l’essentiel du message qui est, pour le consommateur, de pouvoir comparer les nuances entre ces cuvées censées être si intéressantes et différentes.

Mais ma principale objection est gustative. Les vins ainsi fragmentés en de multiples petites cuvées ne sont pas meilleurs, bien au contraire ! Cela relève du syndrome du « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Plusieurs expériences, plus ou moins récentes, nourrissent mon opinion. Une des plus récentes s’est produite cet été, lors de deux journées passées dans le vignoble de Cahors avec Marie-Louise Banyols et Florent Leclercq. La plupart des producteurs visités (ils étaient 6) ont multiplié le nombre de leurs cuvées, généralement avec un accent parcellaire. Même si certaines de ces cuvées nous semblaient réussies, dans beaucoup de cas nous leur avons préféré les vins d’assemblage.

Autre région : la Bourgogne. Il y a quelques années, je dégustais des vins de Chablis dans le chai de Michel Laroche, avec celui qui était alors le propriétaire de la maison éponyme. Après avoir essayé une série issue de parcelles des grands crus, il me disait être convaincu de pouvoir faire un meilleur vin en les assemblant, mais que le marché aurait du mal à accepter cela. Avec une pipette, nous avons donc opéré un essai qui fut, pour nous deux, concluant. Le caractère « crayeux » de Blanchots a allégé la force un peu brute du Clos, puis les autres parcelles apportaient leur lot de fruit, de rondeur, etc.

Il y a deux semaines, j’ai conduit une dégustation « découverte » pour un client avec des vins de différents pays et cépages. La série des vins rouges, tous très bons, comportait un Chianti Classico, un Zinfandel de Sonoma, un Cabernet Sauvignon de Napa et un SGM (Syrah, Grenache, Mourvèdre) de Barossa. Comme il restait un verre ou deux dans chaque bouteille après la dégustation, j’ai tout assemblé pour avoir moins de flacons à emporter et j’ai dégusté le résultat le soir-même. Ce vin, issu de trois continents et de six cépages était un des meilleurs vins rouges que j’ai dégustés cette année ! L’acidité du Sangiovese a apporté son allégresse à la densité fruité du Zinfandel, comme aux tannins serrés du Cabernet, puis le fruité souple et raffiné du vin de Barossa à rajouté une patine soyeuse à l’ensemble.

Un autre souvenir concerne le vin rosé. Au moment où les Provençaux faisaient tout un battage protectionniste pour imposer l’interdiction d’assembler vins rouges et vins blancs pour faire du rosé (alors que les deux couleurs de raisins peuvent très bien se côtoyer dans le pressoir), j’ai tenu une classe sur les vins rosés pour un des mes groupes d’étudiants. A côté de bons rosés de différentes régions, dont un Bandol de Pibarnon, j’ai inséré un joker, servi à l’aveugle. J’avais assemblé ce vin dans ma cuisine le jour-même, à partir de différents vins, rouges et blancs, mais en faisant attention à l’équilibre de l’assemblage. Les élèves l’ont élu meilleur rosé de la soirée !

Je sais que cela va choquer les puristes, mais je pratique souvent des assemblages « sauvages » entre des flacons d’échantillons que je reçois, après les avoir dégustés et afin de réduire le gaspillage, et parfois aussi d’obtenir des vins agréables à boire dans des bouteilles pleines en limitant l’oxydation. Comme pour faire une bonne sauce, je réserve évidemment ce traitement aux sujets sans défauts et, si possible, ayant des caractères complémentaires. Très souvent le vin qui en résulte est meilleur que les ingrédients y ayant contribué. 

Je ne suis pas en train de dire qu’il faut tout assembler et faire un vin unique pour tout le monde. Cela serait contre plein de principes fondamentaux : l’individualité du goût, la variabilité du goût dans le temps et l’espace, et la joie de la diversité. Mais simplement qu’il faut bien réfléchir avant de subdiviser à l’infini sa production dans de multiples cuvées. La somme est parfois bien plus intéressante que le simple cumul mathématique des ingrédients.

Une réponse sur « Plaidoyer pour l’assemblage »

ou comment se cacher derrière le terme d’assemblage pour flinguer le concept de terroir d’origine! c’est hélas récurrent chez David, défenseur de l’approche libertaire des vins du New World ,qui de plus ne recule pas devant un propos ad hominem en parlant de ‘puristes’ à défaut d’arguments plus convaincants que ‘c’est meilleur »(terme utilisé trois fois) ou plus intéressant:

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